AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Laurent Beccaria (Collaborateur)
EAN : 9782262018931
331 pages
Perrin (23/05/2002)
4.46/5   93 notes
Résumé :

Un destin : De Buchenwald au putsch d'Alger en passant par la grande passion indochinoise, Hélie de Saint Marc a vécu la plupart des tumultes et des contradictions de notre histoire contemporaine.

Un homme : on a dit de lui qu'il portait sa vie dans son regard. Courageux et méditatif, tolérant et révolté, il déroute les analyses d'une seule pièce.

Une volonté : a soixante-quatorze ans, Hélie de Saint Marc a décidé de raconte... >Voir plus
Que lire après Mémoires. Les champs de braisesVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (7) Voir plus Ajouter une critique


Mort d'Hélie de Saint Marc, homme de refus et de réconciliation
HomeCULTURECulture
Par Etienne de Montety
Publié le 26/08/2013 à 10:52

L'ancien officier s'est éteint ce matin à l'âge de 91 ans à La Garde-Adhémar, dans la Drôme. Il était devenu plus qu'un écrivain à succès, une référence morale et historique.

Hélie de Saint Marc, qui vient de mourir, connut un destin exceptionnel. Ne serait-ce que parce qu'au cours de sa longue vie il fut successivement l'homme de l'humiliation, de l'engagement, de la proscription avant d'être finalement réhabilité.

Humiliation: au printemps 1940, un adolescent assiste à Bordeaux à l'arrivée de l'armée française en déroute. Peu après, il entre dans la Résistance, décide de gagner l'Espagne, avant d'être arrêté dans les Pyrénées et déporté en Allemagne, au redoutable camp de travail de Langenstein.

Engagement: en 1945, un rescapé mal à l'aise dans la France de la Libération délaisse le statut que peut lui conférer son passé incontestable de résistant déporté, pour endosser la défroque mal taillée d'officier de la Légion étrangère. Avec l'armée française, il plonge dans une guerre incertaine en Indochine.

Proscription: en avril 1961, le commandant en second du 1er REP choisit la sédition pour protester contre la politique algérienne du général De Gaulle. Après l'échec du putsch, il connaît la prison.

Réhabilitation: longtemps, Hélie de Saint Marc reste silencieux, muré dans ses souffrances, acceptant son manteau de paria. Jusqu'à ce que l'amitié quasi paternelle qu'il porte à son neveu, l'éditeur Laurent Beccaria, le pousse à accepter de témoigner.


En 1989, Hélie Denoix de Saint Marc témoigne dans l'émission Apostrophes en 1989, après la sortie de sa biographie.

L'ancien officier, sorti de prison en 1966, qui vit paisiblement à Lyon, en pratiquant avec bonheur l'art d'être grand-père, devient en quelques livres l'icône d'un pays en mal de références.

Un mélange de tradition et de liberté

Hélie Denoix de Saint Marc incarnait la grandeur et la servitude de la vie militaire. de tout, il tirait des leçons de vie. Il relatait des faits d'armes oubliés, décrivait des héros inconnus. Il avait fait du Letton qui lui avait sauvé la vie à Langenstein, de son frère d'armes l'adjudant Bonnin mort en Indochine, du lieutenant Yves Schoen, son beau-frère, de Jacques Morin, son camarade de la Légion, des seigneurs et des héros à l'égal d'un Lyautey, d'un Bournazel, d'un Brazza. Au fil de souvenirs élégamment ciselés, il dessinait une autre histoire de France, plus humaine, plus compréhensible que celle des manuels scolaires.

Écouter ou lire Saint Marc, c'était voir passer, par la grâce de sa voix étonnamment expressive et de sa plume sensible et claire, une existence riche et intense.

Né en 1922, Hélie Denoix de Saint Marc était un fruit de la société bordelaise de l'avant-guerre, et de l'éducation jésuite. Il avait été élevé dans un mélange de tradition et de liberté (n'est-ce pas le directeur de son collège qui l'avait poussé à entrer dans le réseau Jade-Amicol?). de sa vie dans les camps, de son expérience de l'inhumanité, de ses séjours en Indochine, puis en Algérie, il faisait le récit sobre et émouvant, jusqu'aux larmes. Et de son geste de rébellion, il parlait toujours avec retenue, mezza voce, comme s'il était encore hanté par les conséquences de celui-ci.

Ses milliers de lecteurs, ses admirateurs, tous ceux qui se pressaient à ses conférences, aimaient en lui ceci: par son histoire se retrouvaient et se réconciliaient plusieurs France: celle de la Résistance, celle de la démocratie chrétienne et celle de l'Algérie française. Aux diverses phases de son existence, Saint Marc avait su donner une unité, en martelant: «Il n'y a pas d'actes isolés. Tout se tient.» C'était un être profond qui cherchait davantage à comprendre qu'à condamner. D'une conversation avec lui, on tirait toujours quelque chose sur soi-même, sur ses passions, ses tentations ou ses errements.

Cortège d'horreur, d'héroïsme et de dilemmes

La grande leçon qu'administrait Saint Marc, c'était que le destin d'un homme - et plus largement celui d'un pays - ne se limite pas à une joute entre un Bien et un Mal, un vainqueur et un vaincu. Il avait comme personne connu et subi la guerre, avec son cortège d'horreur, d'héroïsme et de dilemmes: en Indochine, que faire des partisans auxquels l'armée française avait promis assistance, maintenant qu'elle pliait bagage? En Algérie, que dire à ses hommes en opération, alors que le gouvernement avait choisi de négocier avec le FLN?

Son parcours chaotique, abîmé, toujours en quête de sens, n'avait en rien altéré sa personnalité complexe et attachante qui faisait de lui un homme de bonne compagnie et lui valait des fidélités en provenance des horizons les plus divers.



L'une d'elles, parmi les plus inattendues (et, au fond, des plus bouleversantes), s'était nouée il y a une dizaine d'années avec l'écrivain et journaliste allemand August von Kageneck. Cet ancien officier de la Wehrmacht avait demandé à s'entretenir avec son homologue français. Leur conversation, parsemée d'aveux et de miséricorde, devint un livre, Notre histoire (2002). Kageneck était mort peu de temps après, comme si avoir reçu le salut (et pour ainsi dire l'absolution) d'un fraternel adversaire l'avait apaisé pour l'éternité. Sa photo en uniforme de lieutenant de panzers était dans le bureau de Saint Marc, à côté de celle de sa mère, qu'il vénérait.

Rien d'un ancien combattant

D'autres admirations pouvaient s'exprimer dans le secret. Ce fut le cas dès son procès, où le commandant de Saint Marc suscita la curiosité des observateurs en se démarquant du profil convenu du «réprouvé». Des intellectuels comme Jean Daniel, Jean d'Ormesson, Régine Deforges, Gilles Perrault, un écrivain comme François Nourissier lui témoignèrent leur estime. Se souvient-on que ses Mémoires, Les Champs de braises, furent couronnés en 1996 par le Femina essai, prix décerné par un jury de romancières a priori peu sensibles au charme noir des traîneurs de sabre?

En novembre 2011, Hélie de Saint Marc fut fait grand-croix de la Légion d'honneur par le président de la République. Dans la cour des Invalides, par une matinée glaciale, le vieil homme recru d'épreuves et cerné par la maladie reçut cette récompense debout, des mains de Nicolas Sarkozy. Justice lui était faite. Commentant cette cérémonie, il disait d'une voix où perçait une modestie un brin persifleuse: «La Légion d'honneur, on me l'a donnée, on me l'a reprise, on me l'a rendue…»



À ces hommages s'ajoutèrent au fil des ans les nombreux signes de bienveillance de l'institution militaire (notamment grâce à une nouvelle génération d'officiers libérée des cas de conscience qui entravaient leurs aînés), qui furent comme un baume au coeur de cet homme qui prenait tout avec une apparente distance, dissimulant sa sensibilité derrière l'humour et la politesse.

Histoire authentique ou apocryphe, il se raconte qu'un jour l'ex-commandant de Saint Marc avait été accosté par une admiratrice qui lui avait glissé: «Je suis fière d'habiter la France, ce pays qui permet à un ancien putschiste de présider le Conseil d'État.» La bonne dame confondait Hélie avec son neveu Renaud (aujourd'hui membre du Conseil constitutionnel). Cette anecdote recèle quelque vérité. La France contemporaine l'avait pleinement adopté, ayant compris que cet homme lui ressemblait, avec ses engagements heureux ou tragiques, ses zones d'ombre, ses chagrins et ses silences.

Hélie de Saint Marc n'avait rien d'un «ancien combattant». S'il avait insolemment placardé à la porte de son bureau le mandat d'arrêt délivré contre lui en mai 1961, il parlait de ceux qui avaient été ses adversaires avec mansuétude. Quand un article lui était consacré dans Le Figaro, il ne manquait jamais de demander à son auteur, avec ironie: «Avez-vous eu une réaction des gaullistes?» Son épouse, Manette, et leurs quatre filles s'attachaient à lui faire mener une vie tournée vers l'avenir. Il n'était pas du genre à raconter ses guerres, s'enquérant plutôt de la vie de ses amis, les pressant de questions sur le monde moderne, ses problèmes, ses défis. Ce vieux soldat bardé d'expériences comme d'autres le sont de diplômes n'avait jamais renoncé à scruter son époque pour la rendre un tant soit peu plus intelligible.

Énigme insondable

L'existence humaine restait pour lui une énigme insondable. À Buchenwald, Saint Marc avait laissé la foi de son enfance. L'éclatement de tout ce qui avait été le socle de son éducation l'avait laissé groggy. Une vie de plus de quatre-vingt-dix ans n'avait pas suffi pour reconstituer entièrement un capital de joie et d'espérance. C'était un être profondément inquiet, qui confessait que sa foi se résumait à une minute de certitude pour cinquante-neuf de doute. le mal, la souffrance, le handicap d'un enfant, ces mystères douloureux le laissaient sans voix.

Attendant la fin, il confiait récemment avec un détachement de vieux sage: «La semaine dernière, la mort est encore passée tout près de moi. Je l'ai tout de suite reconnue: nous nous sommes si souvent rencontrés.»

Lien : http://www.lefigaro.fr/cultu..
Commenter  J’apprécie          120
Il y a chez Helie de St Marc quelque chose qui ressemble à une âme de samourai , très plein d'humanité , de sérénité et même de paix chez ce vieux guerrier , quel courage ...
Commenter  J’apprécie          132
Cet ouvrage autobiographique met sur la table l'histoire d'un homme qui s'est battu pour ses valeurs. Officier dans l'armée française celui ci a connu la seconde guerre mondiale, la guerre du Vietnam et celle d'Algérie.

Ce témoignage poignant et bouleversant prend au corps en raison de son honnêteté désarmante. C'est avec des yeux d'homme, de camarade et de père qu'Hélie de Saint Marc nous parle de son vécu.

J'ai été Happée par cette lecture (moi qui ne lis jamais de roman autobiographique) qui témoigne d'un passé historique que l'on a tendance à oublier ou bien à survoler dans nos cahiers d'histoire. J'ai découvert que je ne connaissais que trop peu la guerre du Vietnam et celle d'Algérie pour la simple raison que tout ceci n'a pas eu lieu en France.
Je ne prendrais ici aucun parti, d'ailleurs l'auteur ne nous demande absolument pas de le faire et précise qu'il délivre juste une réflexion de ses actes et de ce qu'il a vécu.

Mais cet ouvrage m'a révélé à quel point il est important d'écouter(de lire) notre passé pour pouvoir en ressortir un futur meilleur.
Commenter  J’apprécie          40
Un très beau livre, avec des passages d'une intense émotion. La déportation, l'Indochine, l'Algérie, tout cela est dépeint avec beaucoup d'humanité, de sensibilité et d'intelligence.
La seule déception porte sur la période du putsch d'Alger, dans lequel l'auteur s'est engagé, engagement où il pensait que devait l'entrainer son honneur, et dont il a ensuite assumé les conséquences avec courage. Mais, curieusement, les pages du livres consacrée à cette période, finalement peu nombreuses malgré l'importance cruciale que l'évènement a eu pour sa vie, n'ont pas la densité du reste du livre, ni la même puissance de transmission au lecteur de ce qu'il a vécu, et ne manifestent pas non plus ce talent d'écriture fascinant que l'on trouve dans la plus grande partie du livre. Qu'en déduire ?
Commenter  J’apprécie          40

Un beau texte pour un homme qui a traversé son siècle.

Hélie Denoix de Saint Marc est né en 1922. Il a 87 ans.
A 74 ans, il nous livrait ses mémoires au titre évocateurs: Les champs de braise.

Hélie Denox de Saint Marc a traversé son siècle en homme d'action: résistant, déporté, officier de Légion et parachutiste en Indochine et en Algérie, putschiste en 1961, prisonnier... A 74 ans, il nous livre un texte absent de passion, une somme de réflexions d'un homme d'action assagi par l'âge.

Elie Denoix de Saint Marc donne du sens à l'action, à la pensée, à la morale et aux mots. On ne peut qu'être touché par ce beau texte.

Etant passionné par l'histoire de cette période, je peux dire que ce texte m'a emmené dans l'intimité de ces hommes: soldats, sous-officiers et officiers qui furent "sur la brêche" durant plus de 20 ans. Autres temps...

A lire et à relire régulièrement tant pour sa dimension historique qu'humaine.
Lien : http://www.bir-hacheim.com/m..
Commenter  J’apprécie          80

Citations et extraits (17) Voir plus Ajouter une citation
Un acte aussi banal que celui d'accueillir une boîte aux lettres clandestine n'avait rien de glorieux en soi. Un réseau demandait peu de chose à ses correspondants : cacher trois levées par mois au fond d'un tiroir, prêter de temps en temps un bout de garage... Mais une fois découvert, ce presque rien prenait une autre dimension, celle de l'héroïsme. Les anonymes pouvaient être arrêtés, torturés et déportés. A l'épreuve de la douleur, le résistant se transfigurait et se révélait à lui-même.
Commenter  J’apprécie          50
Je vis chaque jour qui commence comme le dernier jour. La perspective de la fin ne rétrécit pas l'existence. Tant de choses passent comme le vent, la vanité de nos efforts paraît telle qu'il ne faut jamais s'arrêter de bâtir, de travailler, de souffrir, d'espérer, d'aimer.
Commenter  J’apprécie          50
[citation d'introduction de l''ouvrage Mémoires Les Champs de Braise]
Je ne suis pas abattu, je n'ai pas perdu courage.
La vie est en nous et non dans tout ce qui nous entoure
Etre un homme et le demeurer toujours,
Quelles que soient les circonstances,
Ne pas faiblir, ne pas tomber,
Voilà le véritable sens de la vie.
Fedor Dostoïevski, Lettres de Sibérie.
Commenter  J’apprécie          30
lorsque j' étais jeune , Dieu était pour moi une réponse . Avec les épreuves
et l' age , il est devenu une question .
Commenter  J’apprécie          110
Quoi que l'on pense du bien-fondé de l'indépendance unilatérale de l'Algérie, personne ne pourra jamais justifier la comédie tragique des mois précédant le putsch sur le plan de l'éthique élémentaire et de la responsabilité humaine. Pendant plusieurs mois , nous avons été les victimes d'un mensonge organisé, martelé , et, à mon sens , monstrueux.
Commenter  J’apprécie          30

Videos de Hélie de Saint Marc (2) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Hélie de Saint Marc
Vidéo de Hélie de Saint Marc
Dans la catégorie : -1949Voir plus
>Histoire du Vietnam>Histoire du Viet-nam>-1949 (59)
autres livres classés : guerre d'algérieVoir plus
Les plus populaires : Littérature française Voir plus


Lecteurs (203) Voir plus



Quiz Voir plus

Quelle guerre ?

Autant en emporte le vent, de Margaret Mitchell

la guerre hispano américaine
la guerre d'indépendance américaine
la guerre de sécession
la guerre des pâtissiers

12 questions
3168 lecteurs ont répondu
Thèmes : guerre , histoire militaire , histoireCréer un quiz sur ce livre

{* *} .._..