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Auschwitz et après tome 3 sur 3
EAN : 9782707304032
213 pages
Editions de Minuit (01/03/1971)
4.75/5   114 notes
Résumé :

Et toi, comment as-tu fait ? pourrait être le titre de ce troisième volume de Auschwitz et après. Comment as-tu fait en revenant ? Comment ont-ils fait, les rescapés des camps, pour se remettre à vivre, pour reprendre la vie dans ses plis ? C'est la question qu'on se pose, qu'on n'ose pas leur poser. Avec beaucoup d'autres questions. Car si l'on peut comprendre comment tant de déportés sont morts là-bas, on ne compr... >Voir plus
Que lire après Auschwitz et après, tome 3 : Mesure de nos joursVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (18) Voir plus Ajouter une critique
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C'est le 1er livre que je lis sur l'après...
La question ne se pose pas. On s'imagine qu'une fois sortis des camps, les survivants ont forcément été heureux, libres... Et pourtant, après cette lecture, on se dit qu'ils ont laissé leur vie là-bas, malgré cette survivance.
Charlotte Delbo sait mettre les mots sur les sentiments, et a pu retranscrire un petit peu du ressenti de ces revenants. Un petit peu car je pense qu'il y a tant de non-dits, de non-possibilité de raconter...
Ces 3 livres Auschwitz et après est un témoignage poignant et indissociable des uns des autres.
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Une vingtaine d'années après la fin de la guerre, Charlotte Delbo raconte ce qu'a été sa vie depuis son retour de Birkenau et Ravensbrück. Elle donne aussi la parole à ses compagnons de déportation, des femmes en majorité.

Chacune a eu son parcours. Certaines se sont mariées, ont eu des enfants. D'autres ont travaillé.
L'une d'elles dont le mari gagne bien sa vie, ne sort presque plus de chez elle, même en été, pour ne plus jamais avoir froid.
Une autre, après un mariage désastreux qu'elle pensait ne pas mériter après Auschwitz, a quitté la France pour Porto-Rico.
Marie-Louise, elle, semble mener une vie heureuse, dans une maison confortable. Mais quand Charlotte lui rend visite, elle constate que le mari de Marie-Louise connaît tout de ce que sa femme a vécu et qu'il peut même lui souffler les noms ou les détails sur lesquels sa mémoire bute.
Françoise vit « en somnambule » depuis qu'elle a fait ses adieux à son mari, avant qu'il ne soit fusillé au Mont Valérien, avant qu'elle ne soit déportée. Ce qui est également l'histoire de Charlotte Delbo.
Il y a Ida, juive, arrêtée à l'âge de quatorze ans, qui n'a retrouvé ni son père ni sa mère à son retour, et qui fait de temps en temps des crises d'angoisse qui ne préviennent pas et l'obligent à faire des cures de repos.
Marceline, elle aussi, fait chaque année ce qu'elle appelle « son anniversaire de typhus » : fièvre qui l'empêche de sortir de chez elle.

Il y a l'histoire incroyable de Loulou : à son retour, il avait dix-neuf ans, il n'y avait plus personne. L'appartement familial était occupé, et plus rien ne subsistait. Il s'est rapidement retrouvé à la rue. Il a alors été hospitalisé en service psychiatrique, où il a été soigné avec attention. Si bien que guéri, et n'étant attendu par personne, il a obtenu l'autorisation d'y rester. Il a fallu vingt ans à ses anciens compagnons de camp pour le retrouver dans cet hôpital...

Il y a celles qui ont des cauchemars souvent, celle qui a perdu le sommeil à force de ne pas vouloir dormir pour ne plus faire de cauchemars, celle dont la mémoire lui refuse les souvenirs du camp.

Mais toutes parlent de ce dédoublement constant dans lequel elles vivent. En apparence, menant des existences « normales », mais hantées au fond. Ayant perdu le sens de la joie, la capacité à être heureuses. Avec le sentiment d'avancer dans une dimension que personne ne peut concevoir. Personne sauf celles qui ont connu Birkenau ou Ravensbruck.

« En répondant à la question de Jeanne, je mesurais tout ce qui me faisait proche d'elle et des autres camarades. Seule l'une d'elles pouvait se permettre une question aussi directe, seule obtenir que j'y réponde tout droit, sans trouver indiscrète la question (...)
C'est sans doute ce qu'elles veulent dire, mes camarades, quand elles disent qu'elles se trouvent bien entre elles. Entre nous, il n'y a pas d'effort à faire, il n'y a pas de contrainte, pas même celle de la politesse usuelle. Entre nous, nous sommes nous. »

Voilà : quand on a lu ce livre-là, on sait qu'aucune fiction sur le sujet n'est possible.

Les seules personnes qui pourraient parler des camps, de la déportation, de la Shoah, sont celles qui en sont revenues. Mais nos mots n'y suffisent pas. Dans ce livre, Charlotte Delbo et ses compagnes tentent de dire ce qui reste de leur existence, à leur retour. Elles cherchent les mots, les phrases, elles reviennent avec insistance sur ce qu'elles ressentent, mais elles constatent que rien ne peut exprimer ce qui n'a pas de mesure connue. Ce qui fait qu'elles ne redeviennent elles-mêmes qu'entre elles, celles qui ont survécu. La compréhension, elle est là, chacune sait de quoi la mémoire de l'autre est faite, il n'y a qu'elles qui savent et partagent, dans leurs corps, sur leur peau, dans leurs yeux, la blessure indescriptible de chaque souvenir.


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Après avoir lu Charlotte Delbo, je ne peux que m'incliner avec respect et humilité devant le courage et la persévérance de cette femme et ses congénères.

Après avoir lu Charlotte Delbo, mon coeur saigne pour ces millions d'hommes et de femmes qui, du système concentrationnaire, ne sont pas revenus.

Après avoir lu Charlotte Delbo, une question reste et s'ancre de façon térébrante dans mon esprit: Pourquoi? Pourquoi ce génocide? Pourquoi ces persécutions inhumaines? Pourquoi ce système froid et déshumanisé?

Après avoir lu Charlotte Delbo, je réalise l'incommensurable difficulté de recommencer à vivre une fois sorti de l'enfer nazi.

Après avoir lu Charlotte Delbo, je repense à cette inscription dans un block du camp de concentration du Struthof qui interpelle le visiteur et l'incite au silence, à lui qui entre ici dans la maison des morts.

Alors je me tais.
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« Je suis revenu d'entre les morts
et j'ai cru
que cela me donnait le droit
de parler aux autres
et quand je me suis retrouvée en face d'eux
je n'ai rien eu à leur dire
parce que
j'avais appris
là-bas
qu'on ne peut parler aux autres. »

« Je ne sais pas
Si vous pouvez faire encore
Quelque chose de moi
Si vous avez le courage d'essayer… »

Et voilà…je vais essayer Charlotte, une bien modeste contribution pour faire connaître une oeuvre que l'on aurait aimé ne jamais connaître.
Il y aura, dans mes nombreuses lectures, un avant et un après Charlotte Delbo, un avant et un après « Auschwitz et après » ; il y aura enfin, veuillez m'excuser pour cet étrange galimatias, la confirmation que l'écrit, quelle que soit sa forme (Delbo a également choisi le théâtre et la poésie pour s'exprimer), restera le vecteur le mieux adapté pour témoigner d'une expérience intérieure profonde et personnelle.

L'oeuvre est déclinée en trois partie et, sans dévaloriser les deux premières qui sont difficilement supportables, mais soulignent malgré tout que le pire peut aussi donner naissance à de magnifiques amitiés, à une solidarité époustouflante, à de vrais élans d'amour sans équivoque, ma préférence s'oriente pour la dernière intitulée « Mesure de nos jours », celle plus fictive ou la recherche d'un avenir se fera plurielle, hypothétique et douloureuse.

« Rentrer
c'était déjà demander l'impossible
c'était tout demander
oserait-on demander davantage ? »

Delbo fait parler des déportés – femmes et hommes, véritables ou fictionnels (Marie-Louise, Ida, Gaby, Poupette, Germaine, Denise, Françoise, Marcelline, Loulou, Jacques…), pour décrire des ressentis différents. Cette palette de témoignages, d'une banalité assourdissante et tellement commune possède un point commun, vous l'aurez sombrement deviné, mais possède surtout une humanité exceptionnelle dans la certitude que les « autres », ceux qui n'ont pas vécu l'atrocité, ceux qui n'en sont pas revenus ne pourront jamais comprendre, comprendre non pas ce qui est arrivé mais ce que l'horreur indicible a pu irrémédiablement casser au fonds de ces revenants.

La vie continue ? Oui et non. Oui car elle est plus forte que tout. Non pour de multiples raisons, pour ne pas oublier. Et comment, d'ailleurs, pourrait-on oublier ? Quand le présent nous démontre que tout peut recommencer…

« Quand la révolution viendra
je tirerais mon cerveau
de sa boîte crânienne
et je le secouerai sur la ville
et il en neigera
une neige de poussière
de sale poussière
couleur du temps présent
qui ternira l'écarlate des drapeaux

Et si elle tarde trop
je n'aurai même plus la force d'en faire tant. »
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"Mesure de nos jours" se démarque des deux premiers tomes d' "Auschwitz et après" par le fait que Charlotte Delbo n'est plus la seule narratrice, elle donne ici la parole à d'autres déporté(e)s pour tenter de répondre à la question que tout le monde se pose et n'ose leur demander : "Et toi, comment as-tu fait ?".
Comment ont-ils fait pour survivre là-bas alors que tant d'autres y sont morts ? Pourquoi eux et pas les autres ? Comment ont-ils fait pour reprendre leur vie ? Comment fait-on quand on est mort pour revenir parmi les vivants et redevenir vivant ?
Il y a dans ce livre autant de réponses que de témoignages, mais comme dans le précédent une vérité : ceux qui sont revenus ont vu de la Nature Humaine plus qu'ils n'en auraient jamais dû voir : "Il reste que je connais des êtres plus qu'il n'en faut connaître pour vivre à côté d'eux et qu'il y aura toujours entre eux et moi cette connaissance inutile.".
Chaque personne a vécu son retour d'une façon différente, il y en a qui ont retrouvé leur famille, d'autres pour qui il n'y avait plus personne, certains se sont mariés, ont eu des enfants, d'autres sont restés seuls, certains ont dû être suivi psychologiquement, mais femmes comme hommes aucun n'a pu se réadapter complètement.
Il y avait ceux qui en parlaient et ceux qui se taisaient, d'autres qui les écoutaient et ceux qui refusaient d'admettre que cela ait pu exister.
Presque toutes les personnes déportées qui sont revenues ont gardé contact entre elles, elles partagent un savoir et une connaissance qualifiée d'inutile qui leur permettent de se reconnaître où qu'elles soient et quel que soit le temps écoulé, derrière l'apparence elles se reconnaissent et elles savent : "Il semble que chacune de nous ait un visage - las, usé, figé - et par-dessous ce visage abîmé, un autre visage - éclairé, mobile, celui qui est dans notre mémoire - et, plaqué sur les deux autres, un masque passe-partout, celui qu'elle met pour sortir, pour aller dans la vie, pour aborder les gens, pour prendre part à ce qui se passe autour d'elle, un masque de politesse comme celui que s'ajustent les vendeuses en même temps qu'elles enfilent leur tenue de vendeuses. Sans doute n'y a-t-il que nous qui voyions la vérité de nos camarades, sans doute n'y a-t-il que nous qui voyions leur visage nu par en dessous.".
Tous les témoignages sont bouleversants et illustrent la difficulté de faire partie de ceux qui sont revenus, une forme de culpabilité : "Pourquoi moi et pas elle alors qu'elle était plus forte ?", et surtout l'impossibilité de repartir de zéro, de rebâtir une autre vie : "Refaire sa vie, quelle expression ... S'il y a une chose qu'on ne puisse refaire, une chose qu'on ne puisse recommencer, c'est bien sa vie.", et combien il fut difficile de poursuivre celle qui était restée en suspens pendant un, deux, trois ans voire peut-être plus.
Dans "Mesure de nos jours", il n'est plus question, ou alors par bribes de souvenirs, des conditions de déportation, ce récit s'intéresse à l'Humain, au ressenti le plus profond et à la façon qu'ont eu ceux qui ne l'ont pas vécue d'appréhender ceux qui en sont revenus, au paradoxe qu'il existe entre ceux qui ont gardé leur qualité d'être humain malgré la dureté de la guerre et ceux qui en ont été dépouillés dans les camps de la mort : "Vous direz qu'on peut tout enlever à un être humain, tout sauf sa mémoire. Vous ne savez pas. On lui enlève d'abord sa qualité d'être humain et c'est alors que sa mémoire le quitte. Sa mémoire s'en va par lambeaux, comme des lambeaux de peau brûlée. Qu'ainsi dépouillé il survive, c'est ce que vous ne comprenez pas. C'est ce que je ne sais pas vous expliquer. Enfin, pour les quelques uns qui ont survécu. On nomme miracle l'inexpliqué.".
Il ne faut pas attendre de ce récit des réponses aux questions que l'on se pose, c'est une tentative de réponse, la vision de Charlotte Delbo mais aussi celles d'autres personnes déportées comme elle.
Le titre fait à la fois référence au temps qui paraissait extrêmement long en déportation, de ces journées de travail qui n'en finissaient pas ponctuées de l'appel interminable du matin et du même le soir; mais également du temps qui s'est écoulé depuis leur retour, d'une journée qui n'a plus la même signification temporelle et du temps et des années qui passent qui ne s'écoulent plus de la même façon.
Il ne faut pas y voir une forme d'égoïsme, ces personnes sont revenues brisées physiquement et psychologiquement, elles font en quelque sorte semblant d'être comme tout le monde mais entre elles elles ne se mentent pas et ne se cachent pas, elles peuvent se permettre de se dire des choses qu'elles n'oseraient pas avec d'autres : "Seule l'une d'elles pouvait se permettre une question aussi directe, seule obtenir que j'y réponde tout droit, sans trouver indiscrète la question.".
Il existe de nombreux témoignages sur la déportation, l'oeuvre de Charlotte Delbo a le mérite de s'attacher également à raconter le retour et l'extrême difficulté de reprendre une vie et de se fondre à nouveau dans la masse.
Comme pour les deux précédents tomes, le style de Charlotte Delbo mêle réalité crue et poésie, donnant ainsi une beauté à ce récit pourtant cruel, barbare, en un mot horrible.

"Auschwitz et après" forme avec ses trois tomes un tout indissociable, un témoignage bouleversant et fort qui fait toucher au lecteur la vérité.
Ce récit, outre son caractère de témoignage sacré, a eu le mérite de me permettre de me rendre compte d'une chose : j'aurai beau lire tout ou presque ce qui existe sur ce sujet, jamais je n'arriverai à comprendre et à réaliser pleinement ce que la déportation a été et finalement, je crois que je n'ai pas envie de la connaître cette connaissance qualifiée par Charlotte Delbo d'inutile.
Par contre, j'ai toujours envie d'apprendre cette connaissance utile qui ressort de témoignages comme celui de Charlotte Delbo, c'est pourquoi je continuerai d'en lire et que je garderai précieusement à portée de main les trois tomes composant "Auschwitz et après".
Lien : http://lemondedemissg.blogsp..
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Citations et extraits (54) Voir plus Ajouter une citation
Elle faisait signe à la nouvelle arrivante qui courait, agitait les mains vers nous, sautait dans le train et apparaissait sur le seuil du compartiment où on l’accueillait en riant.
« Toujours la même. Toujours peur d’être en retard. Pourquoi as-tu peur de rater les trains ? Il y en a un que tu aurais dû manquer et celui-là tu ne l’as pas raté.
- Eh bien, cela m’a donné le plaisir de faire ta connaissance. Comment vas-tu ? »
Elle tendait sa joue.
« Elle n’a pas changé. Toujours tête en l’air. Vous vous rappelez le jour où elle a perdu ses chaussures ?
- Je n’avais pas perdu mes chaussures. On me les avait volées.
- C’est pareil. Tiens, assieds-toi. Ne reste pas plantée. Ici on peut s’assoir. N’empêche que si Carmen n’en avait pas volé tout de suite une autre paire chez les Gitanes...
- Vous avez volé des chaussures ? disait Jeanne avec reproche.
- Parce que, toi, tu n’as jamais volé ?
- Aux SS, quand c’était possible, oui – aux prisonnières, non.
- Toi, avec ta vertu, on se demande comment tu as fait pour revenir. Heureusement que nous étions là. Et qu’est-ce que tu voulais faire ? Aller à l’appel pieds nus, par moins vingt ? Nous voulions la ramener, nous, cette bécasse.
- Oui, pour me faire enrager.
- Les Gitanes nous volaient tout. Des godasses, elles en avaient plus d’une paire en trop. On voit que tu n’es pas passée par Birkenau, Jeanne.
- Si tu n’étais pas aussi étourdie, tu aurais veillé sur tes godasses. Moi, tout le temps que nous étions au block 26, je les ai mises sous ma tête, le soir, en guise d’oreiller.
- Ecoute, tu le sais que je perds tout. Tu ne vas pas me reprocher de m’être fait voler mes godasses chaque fois que nous nous revoyons ?
- Toi aussi, tu as de la chance que nous t’ayons ramenée. A force de tout perdre, tu te serais perdue aussi.
- Chacune de celles qui sont revenues a eu de la chance, disait Jeanne. La chance d’avoir les autres.
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Qu’il nous ait fallu une volonté surhumaine pour tenir et revenir, cela tout le monde le comprend. Mais la volonté qu’il nous a fallu au retour pour revivre, personne n’en a idée. Tout le temps que nous étions là-bas, nous étions tendues vers le but, un seul but : rentrer. Rentrer, nous ne voyions pas au-delà. Rentrer, après tout serait facile. Qu’étaient les difficultés de la vie auprès de ce que nous avions enduré et surmonté ? Et c’est bien là que nous nous trompions. Et c’est là que nous avons été prises au dépourvu. Tous les problèmes de la vie se posaient : travailler, se loger, faire sa place. Rentrer n’avait pas tout résolu. Il fallait s’y attaquer avec des forces diminuées, une santé altérée, une volonté entamée. Le courage qu’il nous a fallu à ce moment-là, personne ne s’en rend compte. Et puis, je crois qu’il y a, au fond de chacun, ce dépôt des idées reçues dans l'enfance, une espèce de croyance dans la justice immanente. Il y a plus ou moins au fond de chacun un livre à deux colonnes : le doit et l’avoir, qui doivent s’équilibrer. Le doit, c’est la somme des malheurs auxquels nul n’échappe, la somme pour une vie. L’avoir, la part de bonheur à laquelle chacun a droit, qui fait le contrepoids. Celui qui est rentré s’est dit qu’il avait eu toute sa part de malheur d’un coup. Et c’est là qu’il a été pris au dépourvu.
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Etre heureux, est-ce une question que nous nous posons, nous ? Je me répète pour m'en assurer qu'il y a vingt-cinq ans que nous sommes rentrés, sinon je ne le croirais pas. Je le sais comme on sait que la terre tourne, parce qu'on l'a appris. Il faut y penser pour le savoir.
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Ce poète qui nous avait promis des roses... (p.69)

Ce poète qui nous avait promis des roses
Il y aurait des roses
sur notre chemin
quand nous reviendrions
avait-il dit.
Des roses
le chemin était âpre et sec
quand nous sommes revenus
Le poète aurait menti ?
Non
Les poètes voient au-delà des choses
et celui-ci avait double-vue
si de roses
il n'y a pas eu
c'est que nous ne sommes pas revenus
et de plus
pourquoi des roses
nous n'avions pas tant d'exigence
c'est de l'amour qu'il nous aurait fallu
si nous étions revenus.
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Chacune de celles qui sont revenues a eu de la chance, disait Jeanne. La chance d'avoir les autres.
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Vidéo de Charlotte Delbo
Charlotte Delbo : Spectres, mes compagnons - Lettre à Louis Jouvet (France Culture / Théâtre et Cie). Texte présenté par Geneviève Brisac. Réalisation : Marguerite Gateau, avec des archives INA. En partenariat avec l’association “Les Amis de Charlotte Delbo”. http://www.charlottedelbo.org/. Conseillère littéraire : Céline Geoffroy. Enregistré au Festival d’Avignon le 18 Juillet 2013. Diffusion sur France Culture le 2 octobre 2016. Texte lu par Emmanuelle Riva. Photographie : Charlotte Delbo, via le site internet de “L'association des amis de Charlotte” • Crédits : @copyright Schwab. « Charlotte Delbo fut l’assistante de Louis Jouvet au Théâtre de l’Athénée avant d’entrer dans la Résistance. Elle est arrêtée avec son mari Georges Dudach le 2 mars 1942. Le 23 avril 1945, après vingt-sept mois de captivité dans les camps d’Auschwitz-Birkenau et de Ravensbrück, elle fut libérée par la Croix-Rouge et internée en Suède. Elle n’avait pas encore trente-deux ans. Des deux cent trente prisonnières de son convoi, elles n’étaient plus que quarante-neuf. Et Charlotte Delbo se préparait à consacrer le restant de ses jours à trouver les mots justes, à écrire des livres et des pièces de théâtre pour faire vivre la mémoire et les mots de ses amies assassinées, et de son mari fusillé. La première chose qu’elle fit, le 17 mai 1945, ce fut d’écrire une lettre. On peut imaginer dans quel état de faiblesse elle se trouvait. C’était une lettre à Louis Jouvet, qui disait : « Je reviens pour entendre votre voix. » Il y eut d’autres lettres, jusqu’à cette dernière qu’Emmanuelle Riva lira, une lettre non envoyée, non terminée, non reçue, interrompue par la mort de Louis Jouvet, en 1951. Une lettre comme un testament politique et littéraire, où le courage, la peur, le rêve et la pitié pèsent leur juste poids. » Geneviève Brisac Cette lecture de « Spectres, mes compagnons » est agrémentée d'extraits de la Radioscopie consacrée à Charlotte Delbo, produit par Jacques Chancel et diffusée le 2 avril 1974. Remerciements à Claude-Alice Peyrottes, présidente d'honneur de “L'association des amis de Charlotte”. Source : France Culture
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