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EAN : 9782070422913
176 pages
Gallimard (01/07/2010)
4.09/5   33 notes
Résumé :
Le narrateur de ce roman s'adresse à un homme au travail dans l'espace clos de son jardin. Un accident cardiaque frappe le jardinier. Dès lors, un flot traverse sa conscience. Images, sons, odeurs, souvenirs, réminiscences littéraires et musicales, sensations, visions se succèdent et s'entremêlent tandis qu'il s'éloigne, au fil du temps et des mots, des êtres qu'il a aimés.

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"Tu récoltes ce que tu as semé, tu commences par le rouge... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (11) Voir plus Ajouter une critique
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Lucien Suel est un poète, et ce livre est plus un long poème en prose qu'un roman. Avec les avantages et les inconvénients que cela peut avoir. Une langue qui coule, de belles images, une jolie balade dans la vie simple et champêtre d'un homme qui s'éteint doucement après avoir goûté des plaisirs simples et universels. Mais aussi un style avec lequel j'ai eu du mal à accrocher. le « tu » pour désigner le personnage m'a beaucoup embêtée, je me suis aperçue que c'est un procédé stylistique que je ne goûte pas du tout et qui m'empêche de rentrer dans le texte, de m'identifier. Je suis restée pendant près de la première moitié du livre un regard extérieur, une sorte d'entomologiste regardant les mouvements semble-t-il erratiques d'un insecte mille fois observé. Et puis cette ponctuation comme semée au hasard, souvent inexistence et parfois coupant un élan en son milieu.
J'ai bien failli abandonner ma lecture, mais vers la moitié ou les deux tiers, la langue et son flot ont fini par l'emporter. Je me suis laissée bercer, j'ai imaginé, j'ai vu les parallèles avec ma propre vie, la crise cardiaque trop précoce en moins je l'espère. Les instants anodins célébrés car ce sont eux qui donnent leur signification à une vie que l'on pourra dire à la fin « bien vécue ».
C'est un beau plus livre, qu'il faut lire assez vite, pour véritablement se laisser happer et en ressentir le mouvement. C'est un bon moment passé à l'air vif et matinal d'un bout de campagne, et que j'ai apprécié de lire pas loin d'un lopin de terre endormi qui est devenu ma propriété il y a quelques semaines et qu'il va me falloir bientôt remettre en production, à l'écoute du sol et au rythme des saisons. Ma place dans le mouvement du monde, dans le passage du temps, une goutte, un relais à transmettre, des moments qui en définitive ne comptent que pour moi mais cela ne les en rend pas moins précieux.
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Je crois que tous les jardiniers pourront s'identifier au personnage de ce récit, retrouveront les sensations qu'ils aiment. Les femmes de jardiniers, les enfants de jardiniers, reconnaitront aussi des gestes qui leurs sont familiers. le bêchage, les feux pour brûler les déchets, les soulagements de vessie sur le compost, tout y est. Dans ce jardin, on retrouve le contact de la nature, la rosée du matin, les toiles d'araignée dans la figure, la boue, le chant des oiseaux, le calme. On suit l'évolution de la vie, la terre retournée, les laitues qui poussent. On comprend qu'une graine contient de l'ADN, l'action du soleil sur la chlorophylle. On ne cherche pas à en savoir plus, mais on se sent en harmonie avec la nature.
Puis, soudain, une douleur dans la poitrine. Tous les souvenirs d'une vie se bousculent. L'enfance à la campagne, le premier amour, le premier concert de rock, la lecture, les enfants, les voyages, les disparus, le jardinage. Il n'y a pas de grandes réflexions sur la mort dans ce livre, juste une vie qui se déroule à toute vitesse.
Alors, bien sûr, on peut reprocher à Lucien Suel un excès de formalisme pour un tel sujet (sujet ô combien éculé, par ailleurs). L'emploi de la deuxième personne du singulier, les phrases aussi longues que les chapitres ressemblent à d'absurdes contraintes oulipiennes. Ces « trucs » ostensibles ont tendance à un peu trop étouffer le sentiment, à mon goût. C'est poétique, peut-être, en même temps on se dit qu'il en faut peu pour faire un style. Cependant les sensations sont bien là, en catalogue. Une vie particulière mais pas extraordinaire ; je crois que l'auteur a capté, ici et là, des sensations assez communes, ses souvenirs ont souvent trouvé des échos dans mes propres souvenirs. Un livre sans prétention mais aussi sans ambition.
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Le narrateur, omniscient, non incarné, s'adresse au héros du titre. le tutoiement est fluide : ce n'est pas un dialogue, c'est une adresse. le latin parlait de vocatif et rien n'est plus juste : la voix dresse le portrait du jardinier. Cet homme qui travaille la terre trace aussi des sillons d'encre sur les pages. « Toutes ces grosses boucles blanches qui se détachant sur le fond de la nuit étaient des feuilles de papier roulées en boules, les poèmes ratés que tu avais jetés dans la corbeille à papier, tu ne savais pas que ta corbeille à papier était le ciel d'ici. » (p. 14) La voix raconte le travail de titan du jardinier-démiurge dans son potager-cosmogonie. le labeur semble infini, sans cesse remis sur l'ouvrage patient des saisons. La voix lance un chant joli en hommage à l'entêtement aveugle des semences et à l'attente minutieuse du cultivateur. Mais soudain, le créateur laborieux s'effondre de toute sa hauteur sur son monde. Les hommes meurent-ils dans les choux ?

Une vie de souvenirs déferle, le point final tarde à venir et laisse la place au point-virgule. Il y a encore tant d'événements minuscules à dire avant que le jardinier ne meure ! « Tu penses parfois qu'il y aura une dernière tartine un dernier bifteck une dernière bière. » (p. 81) Il faut raconter les odeurs, les images, les émois, les milliers de sensations qui ont fait que cet homme a été, vraiment, cet homme. Jusqu'au bout, la sensibilité réclame ses droits et les terminaisons nerveuses n'en finissent pas de tressaillir, même si c'est par la seule mémoire. La voix se lance dans une tentative d'épuisement : elle dit cet homme ordinaire, depuis l'enfance, depuis l'indiscernable et l'inutile ; elle dit la succession des choses, les découvertes et les oublis. Au terme de ce passage en revue au seuil de la tombe, une dernière merveille retentit, déchirante : l'amour.

J'aime sentir que j'appartiens à une communauté de lecteur·ices. Ici, je la trouve au détour d'une page, quand la voix en appelle aux beautés de Joris-Karl Huysmans, si cher à mon coeur. Après le lapin mystique (que j'ai évidemment lu pour son titre), je poursuis ma découverte de l'oeuvre de Lucien Suel. Lire les grand·es auteur·ices contemporain·es de leur vivant, c'est la meilleure reconnaissance à leur offrir. Parce qu'outre-tombe, les lauriers fanent aussi. « Tu sais que personne ne viendra, tu vis tes derniers instants en ce jardin sur cette terre. » (p. 156)
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Naissance,vie, mort. Trilogie jardinière, triptyque universel, ballet incessant, éternel, s'entrecroisant inlassablement, entre deux brins de mauvaise herbe, sous une motte de terre, au nez d'une taupe égarée, derrière un coup de pelle, dans une envolée volatile, à l'ombre d'un châtaigner, parmi les souvenirs.

Enfance, adolescence « adultescence » se frôlent, s'entremêlent, au détour d'un potager, dans les cendres nécessaires, dans les souvenirs végétaux, espoirs terreux, déceptions fruitières, joies récoltées, cycle perpétuel tourbillon de gestes d'émotions de moments poésie du jardin pour dire la fin, le (re)commencement, la nature qui perd ses droits le jardinier qui les lui rend qui l'a si longtemps apprivoisée va bientôt la nourrir de sa chair propre, compost en prose humaine animale végétale la prochaine récolte aura un goût de lui de sa vie de ses bonheurs de son labeur.

Plantation jachère défrichage, alexandrins taillés à coups de bêche, de hache, de râteau, laitues oignons fraises riment ensemble, en choeur, strophes enracinées, métaphores d'herbier, les voyages s'enroulent autour des paysages, l'amour se conjugue à tous les lieux, les époques se délocalisent et les musiques s'entre-résonnent. « au bout du champ un piano droit est posé sur quatre briques au milieu du chemin »

Crucifixion au sol, au centre du jardin, au centre de ta vie, « tu rédiges les versets de la terre tu graves dans la glaise ton corps est ton dernier volume, les rides et les cicatrices les plis et les replis, les bosses et les creux racontent ton histoire et celle de tes frères »

Les fleurs de cerisier sont des boules de papier froissé, qui, comme le fruit, se teintent de rouge à l'approche de la définitive gravité.

Semence des mots, récolte de poèmes, tu sarcles à la main, la mort préfère sa faux. Tu es là, jusqu'à la fin tu es là, tu ne veux pas finir avec les épluchures, alors « tu avances dans le temps du rêve »

« tu n'es plus connecté au serveur de la réalité ici et maintenant, tu glisses dans un autre monde, dans les débris d'images projetées pulvérisées par ton cerveau en capilotade »
les éléments se font souvenir, le jardin déroule le scénario d'une vie, ou chaque graine, chaque parasite joue son propre rôle, dit son texte, et la douleur rappelle le souvenir à la terre.
Lien : http://www.listesratures.fr/
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Un excellent moment! de la même génération que Lucien Suel, j'ai pleinement goûté le travail du jardinier qu'il décrit minutieusement dans le premier chapitre. Puis, c'est la crise et étendu dans son jardin, le héros agonise et sa vie défile, entrecoupée de l'avancée de la mort. Une écriture particulière, écrite au "tu"; des blocs d'écriture avec peu de signes de ponctuation: presque pas de points, beaucoup moins de virgules qu'attendues...(un peu comme Olivier Adam, souvent) Contrairement à ce que je croyais, l'histoire n'a rien à voir avec les deux romans qui suivent: -La-patience-de-Mauricette et-Blanche-étincelle si je n'avais pas lu Mort d'un jardinier c'est qu'il est sorti au moment où j'entrais dans un coma-confusion :à partir du titre, j'ai écris dans ma tête un tout autre "roman" que je n'ai pas eu le talent d'écrire!!
Relecture en mai 2023, après une nouvelle rencontre avec Lucien, c'est le même enthousiasme d'autant que je jardine beaucoup! le texte est rythmé et j'en ai lu une partie à voix haute pour mieux apprécier!
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Citations et extraits (17) Voir plus Ajouter une citation
[…] les dizaines de milliers de pages que tu as absorbées tournent sans cesse dans les tiroirs et les étagères de ton cerveau, tu te souviens des noms des auteurs, des titres des livres et même du nom des éditeurs et des collections, tu reconnais les couvertures, les tranches colorées, tu distingues les différents éditeurs à la couleur de la couverture, au format du livre, tu repères de loin dans les cartons les logos de tes préférés, tu recopies des paragraphes entiers, tu apprends par cœur des poèmes et des citations, tu lis les biographies et la correspondance de tes favoris, tu cites des phrases et des vers, tu prêtes des livres, tu perds des livres, tu les rachètes, tu ne t’en lasses pas ; quand tu es dans le jardin, tu considères les saisons comme les chapitres d’un livre familier que tu relis régulièrement, chaque année tu écris de nouvelles pages dans la terre du jardin, tu rédiges des brouillons successifs, tu élagues, tu mets au propre, tu relis tu déchires, tu chiffonnes des boules de papier, tu jettes au fumier, tu recommences, l’écriture te nourrit, tu rédiges les versets de la terre, tu graves dans la glaise, ton corps est ton dernier volume, les rides et les cicatrices, les plis et replis, les bosses et les creux racontent ton histoire et celle de tes frères ; il pleut sur le livre abandonné près du fauteuil du jardin, les pages sont trempées, même le vent ne parvient pas à les tourner, l’encre noire coule dans les allées, le ruisseau d’encre grossit, devient une rivière, coule vers la Lys, coule vers l’Escaut, traverse le pays, rejoint la mer du Nord, l’encre glisse dans la mer, les lettres les mots les phrases sont emportés par la bourrasque, par l’érosion incessante, tu les suis des yeux le plus longtemps possible, tu retiens les plus beaux mots, laitue blonde de la passion, reine de mai, mâche ronde verte à cœur plein, tu retiens tous ces mots, tu les retiens par cœur, ton cœur se remplit de mots, il déborde il éclate, les mots se répandent dans ton corps tout entier, ils parcourent tes veines comme des alcaloïdes stupéfiants, ils se nichent dans ton estomac et tes intestins veloutés, ils se cachent au détour d’une articulation, entre tes vertèbres sacrées, ils rampent à l’intérieur de tes os dans la moelle jaune et grasse, ton sang charrie tous les mots de l’amour et de la violence, les pseudopodes de tes globules blancs se saisissent des mots les plus longs, en séparent les syllabes et les digèrent sans coup férir, mais un jour cependant, les choses changent, tu constates l’invasion de ton corps par les profanateurs de littérature, les slogans de la télévision comme de longs vers répugnants s’introduisent dans tes oreilles, rampent entre les osselets, circulent sous les méninges de ton système nerveux, ils s’accouplent tête-bêche à l’intérieur de ta tête, tu regardes l’éclosion dégoûtante des parasites, tu les vois migrer, ton corps devient le champ de bataille de la poésie, ta peau se soulève par endroits, révélant l’ardeur des combats engagés entre les mots du dedans et ceux du dehors, ta température s’élève brutalement, tu te sens impuissant, tu assistes en spectateur à la lutte finale, tu es terrorisé, tu sens venir la fin, tu crains à tout moment de voir apparaître au milieu de l’écran noir sous tes paupières fermées cette sentence ultime THE END, tu voudrais apporter des retouches au script mais toute retouche est interdite, tu ne maîtrises plus rien et de toute façon ton […]
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Tu sens qu'aujourd'hui est un bon jour pour semer, tu choisis dans la boîte en carton les sachets de graines en regrettant l'époque où ils étaient en papier kraft sans ce film plastifié, ces photos couleurs criardes et pire, parfois un second sachet métallisé gigogne à l'intérieur du premier, de plus en plus tu produis tes graines toi-même, il te suffit de laisser fleurir quelques plants de salades de carottes de poireaux de radis de navets, bientôt tu seras tout à fait autonome, tu n'auras plus à arpenter les allées des pseudo-magasins verts qui sont d'abord des entrepôts de produits chimiques et de gadgets
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tu tournes très lentement sur toi-même sous la cascade bienfaisante, petit à petit toujours en tournant, tu plies les jambes, tu t'accroupis jusqu'à ce que l'eau t'arrive aux épaules, puis tu te détends complètement jusqu'à t'asseoir sur le fond du bassin, à ce moment l'eau monte jusqu'à ton menton, pris d'une impulsion subite tu te laisses glisser, tu t'allonges sur le dos au fond de l'eau les yeux grands ouverts, tu vois la cascade descendre vers toi dans un nuage de bulles.
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… tu es submergé sous la masse de sensations, les souvenirs affluent de partout dans l’espace et dans le temps, certaines figures arrivent même de l’avenir, anges ou démons, tes possibilités de compassion s’épuisent rapidement, tu ne peux faire face à toutes ces faces qui demandent une attention une parole un regard, les larmes te montent aux yeux coulent le long de tes joues et tombent dans la terre…
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ta mémoire est percée comme un carton de tir à la carabine, tu baisses la tête pour éviter les cailloux qui volent vers toi, tu recules à toute vitesse, tu détales comme un lapin, tu sautes au-dessus d'un large fossé en projetant les bras devant toi, tu t'aplatis dans les graminées, tu éternues encore une fois, tu n'es pas une vache, ton estomac est simple, tu ne rumines pas, ton corps est trop petit pour qu'on installe à l'intérieur une panse ou rumen un bonnet un feuillet une caillette, tu veux devenir un oiseau un merle noir qui siffle mélodieusement à tout moment de la journée mais tu ne pourras jamais faire entrer ton gros cerveau dans une si petite tête, tu ne peux pas vivre sous la terre, tu ne veux pas vivre sous la terre, tu ne veux pas vivre sous la terre, tu ne veux pas devenir un gros ver blanc, une larve qui se nourrit d'épluchures pourries.
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