Un des plus grands poètes paysans. Plus qu'à lire à dévorer, à déguster
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LA CIGARETTE
Aujourd’hui le temps est épouvantable :
Il pleut et mon cœur s’embête à pleurer.
J’ai pris, d’un paquet traînant sur ma table,
Une cigarette au fin bout doré ;
Et j’ai cru te voir en toilette claire
Avec tous tes ors passés à tes doigts,
Traînant par la vie, élégante et fière
Sous les yeux charmés du monde et de moi.
Ah ! la bonne cigarette
Que j’ai fumée…
Pourtant mon cœur la regrette,
O bien-aimée !
Ah ! la bonne cigarette
Que j’ai fumée…
Pourtant mon cœur la regrette,
O bien-aimée !
J’ai pris une braise au milieu des cendres
Et je me suis mis alors à fumer
En m’entortillant dans les bleus méandres
De ma cigarette au goût parfumé ;
Et j’ai cru sentir passer sur mes lèvres
Un baiser pareil aux baisers brûlants
De ta bouche en feu, par les nuits de fièvres
Où je m’entortille entre tes bras blancs.
J’ai jeté ce soir parmi la chaussée
Cigarette morte au feu du tantôt ;
Un petit voyou qui l’a ramassée
Part en resuçant son maigre mégot ;
Et, devant cela, maintenant je pense
Que ton corps n’est pas à moi tout entier,
Que ta chair connaît d’autres jouissances
Et que je te prends comme un mégottier.
Anecdote sur l'enfance de Gaston Couté , rapportée par Maurice Duhamel :
-- Le professeur " Monsieur Couté n'a pas encore appris sa leçon de géographie ! "
-- Couté " ......
-- Le prof " M Couté a sans doute fait des vers ? "
-- Couté " ......
-- Le prof " Si M Couté avoue qu'il a fait des vers , il ne sera pas puni . "
-- Couté " J'ai fait des vers . "
-- " Ah ! Ah ! Vous avez fait des vers ! Voulez-vous aller les chercher , ces vers , que nous les lisions ensemble . "
Couté sort et revient avec un poème que le prof lit à haute voix . Il en critique la mièvrerie et la vulgarité . Il y trouve du pathos , des coupes défectueuses ..... le poème que Couté s'était contenté de recopier était simplement .... de Victor Hugo .
Je suis parti sans savoir où
Comme une graine qu'un vent fou
Enlève et transporte :
A la ville où je suis allé
J'ai langui comme un brin de blé
Dans la friche morte.
Je ne crois plus, dans mon âpre misère,
A tous les dieux en qui j'avais placé ma foi,
Révolution ! déesse au cœur sincère,
Justicière au bras fort, je ne crois plus qu'en toi !
Gaston Couté. Les mangeurs d'terre.