Okilélé, publié en 1993 à l'école des loisirs, est le douzième album de
Claude Ponti dédié à la jeunesse. Cet ouvrage raconte le voyage d'un petit personnage rêveur, rejeté par sa famille pour sa différence.
«Quand il est né,
Okilélé n'était pas beau. Ses parents, ses frères, sa soeur dirent: "Oh! Qu'il est laid"». C'est ainsi que commence l'histoire du petit
Okilélé, persuadé que cette expression est son nom, tant il l'entend souvent.
En grandissant,
Okilélé pris rapidement conscience de sa différence et tenta de modifier son physique, mais rien n'y fit, il était différent, tant sur le plan physique que sur le plan moral. En effet, ses activités préférées étaient de "parlophoner" et de prendre des bains de café au lait. A cause de sa différence, l'enfant devint souffre-douleur de sa famille et n'eut d'autres choix que de se cacher sous l'évier, ou il se creusa une véritable petite maison. Dans sa tanière, il répara Martin Réveil, qui devint son meilleur ami, il apprit à lire, et il parlophonait avec les étoiles. Mais un jour,
Okilélé sortit de sous l'évier, et énerva sa famille si fort que son père décida de l'emmurer dans sa cachette.
Okilélé décida alors de partir à l'aventure et de trouver la personne dont les étoiles lui avaient révélé qu'elle avait besoin de lui. Au cours de son voyage, Okilélé fit de nombreuses rencontres et affronta des épreuves. Il rencontra la cafteuse, petite radio ailée qui peut tout expliquer et Gradusse, éléphant privé de la parole depuis qu'il avait eu le dernier mot. Il croisa le chemin de la Boît-Taréponz, une télévision sur pattes qui pouvait répondre à toutes les questions. Il rencontra ensuite un vieillard très vieux et très sage qui lui donna de bon conseils, un monstre horrible sur lequel il éternua son rhume noir, et Pofise Forêt, une vieille sorcière déguisée en vieille femme qui lui fit effectuer des taches toutes plus absurdes les unes que les autres afin de l'user jusqu'aux os. Enfin, Okilélé rencontra les arbres, dont il apprit le langage en devenant lui-même un arbre. Ces derniers lui révélèrent que la personne qui avait besoin de lui se trouvait sur une autre planète. Pour la trouver, Okilélé planta une montagne qui traversa le ciel et l'espace. Et finalement, l'enfant rencontra un soleil endormi, que lui seul pouvait réveiller. Okilélé guérit le soleil, et pour le remercier, celui-ci lui donna un petit morceau de lui-même. Pour Okilélé, il était désormais tant de rentrer chez lui, et lorsqu'il arriva, il ne retrouva qu'une ruine traversée par un ruisseau de larmes. Sa famille lui apprit alors que depuis son départ, tout était allé de travers. Mais en rentrant, Okilélé put arranger les choses, et enfin trouver sa place au sein des siens.
Avec
Okilélé,
Claude Ponti nous livre un conte sur la différence et sur la difficulté de s'adapter lorsque l'on n'est pas comme les autres.
Okilélé est différent de sa famille et c'est pourquoi tous le trouvent horrible à voir. Pourtant, à nos yeux, le petit personnage n'est pas laid. Au contraire, avec sa petite trompe et son sourire, le personnage nous apparait plus charmant que ses frères et soeurs. Seule sa différence le fait apparaitre comme laid. Et à force d'entendre ce jugement,
Okilélé finit par se définir lui-même comme un être repoussant. Pourtant, l'enfant tente tant bien que mal de communiquer avec sa famille. Littéralement, il tente de de se lier avec eux à l'aide de cordes. Mais rien n'y fait, sa différence ne lui fait rencontrer que le rejet, jusqu'au jour où ses parents décident de se débarrasser définitivement de lui en l'enfermant sous l'évier. Pour tenter de se construire lui-même l'enfant va alors devoir quitter son foyer et se confronter au monde extérieur. Là, il va rencontrer d'autres personnages qui lui permettront de faire preuve d'ingéniosité et d'affirmer son identité. Finalement,
Okilélé accomplit sa quête et lorsqu'il rentre chez lui, sa différence est devenue une force qui lui permet de combler les lacunes de sa famille et d'arranger les choses.
Dire que Ponti nous "conte" l'histoire d'
Okilélé n'est pas un hasard. Il s'agit effectivement d'un conte que nous livre ici Ponti, conte qui fait référence à tant d'autres. La première histoire qui nous vient ici à l'esprit est celle du vilain petit canard, qui au sortir de son oeuf est rejeté par sa différence, tout comme
Okilélé. Mais ce n'est pas le seul conte auquel fait référence l'ouvrage. Ainsi, le rejet du héros par une famille cruelle est un topos du conte de fée (comme dans Cendrillon, par exemple). de la même façon, ce personnage laid qui vit sous la terre nous fait penser à Riquet à la houppe, etc. L'un des aspects qui rappelle également beaucoup le conte, est sont intemporalité qui lui confère une certaine universalité. En effet, le rapport au temps est tout à fait particulier dans
Okilélé. Ainsi, si le monde d'
Okilélé connait la modernité avec des appareils tels que la télévision et la radio, le monde extérieur semble ne semble porter aucune trace de cette modernité. de la même façon, le rapport à l'espace est particulier dans l'oeuvre. Les images se suivent dans une certaine continuité, c'est flagrant lorsque
Okilélé suit le fil (référence à la mythologie et au fil d'Ariane?) après avoir rencontré le vieux sage. Mais parfois, l'histoire fait un arrêt sur image comme lorsque l'enfant décide de devenir un arbre.
L'ouvrage est donc un conte permettant à tous de réfléchir sur la différence et sur le respect de l'altérité comme force et non comme défaut. Cela dit, il s'agit également d'une oeuvre poétique et drôle, qui joue sans cesse avec les codes et les détails. Dans les textes, par exemple,
Claude Ponti joue avec le langage et invente des mots. Ainsi, le nom du personnage,
Okilélé, vient de l'exclamation de sa famille "Oh! Qu'il est laid!". L'enfant aime à "parlophoner, association des mots "parler" et "téléphoner". Lorsque le petit garçon se fait hurler dessus par ses parents, il ne peut que s'exclamer "Pitrouille!", assemblage des mots "pitié" et "trouille". La "Boît-Taréponz" est une orthographe originale pour les mots "boite à réponse". Les très belles images colorées, foisonnantes de détails, sont aussi un jeu: un jeu de piste, d'abord, comme nous l'avons vu plus haut, qui nous permet de suivre le fil de l'histoire dans sa disposition scénique. Mais on peut également jouer à remarquer les détails absurdes et amusants, comme la poupée qui se cache les yeux à la première page, les grands titres du journal du père d'
Okilélé ("Aujourd'hui est arrivé ce matin"), les fleurs de la maison qui semblent toujours de mauvaise humeur, le petit personnage de Martin Réveil qui court avec nous le long des pages de cette histoire au niveau de la pagination, donc hors des cadres normaux de l'image, etc…
Okilélé est donc un album poétique et amusant qui, s'il s'adresse d'abord aux plus jeunes, aura également le pouvoir d'émerveiller les plus grands.