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Frank Lestringant (Éditeur scientifique)
EAN : 9782253085744
896 pages
Le Livre de Poche (23/08/2006)
3.98/5   158 notes
Résumé :
Né après Lamartine, Vigny et Hugo, Musset sera l'éternel cadet du romantisme, et Rolla le dira bientôt: "Je suis venu trop tard dans un monde trop vieux." Lorsqu'en 1829 - il a dix-neuf ans -, il fait paraître son premier recueil, les Contes d'Espagne et d'Italie, il ne cache rien de son insolence iconoclaste, et cette liberté d'allure, cette impudeur clairement affichée s'accompagnent d'une grâce juvénile qui fait tout pardonner. Pleine de promptitude et de nonchal... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (9) Voir plus Ajouter une critique
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Mon recueil des poésies d'Alfred de Musset regroupe les Premières poésies et Les poésies nouvelles de l'auteur, telles qu'elles furent publier en 1854, du vivant De Musset. On y retrouve des poèmes, certains de facture très classique comme des sonnets, et des sortes de mini-pièces de théâtre en vers.

Dans mon parcours de relecture des poètes du 19ème siècle, j'ai été enthousiasme par Les contemplations de Victor Hugo et très déçu par l'oeuvre poétique De Vigny. Alfred de Musset se situe entre les deux, mais restera quand même comme une déception.

Si l'on trouve sous la plume de l'auteur de nombreux poèmes chantant avec légèreté l'amour, les femmes ou l'amitié, cela ne représente pas la majorité des textes qui manquent souvent de subtilité et tombent dans la lourdeur.

Le romantisme vieillirait-il mal à mes yeux ?

Quelques extraits de poèmes que j'ai pris plaisir à lire.

"Avez-vous vu dans Barcelone,
Une Andalouse au sein bruni ?
Pâle comme un beau soir d'automne !
C'est ma maîtresse, ma lionne !"
(Premières poèsies/L'Andalouse)

"C'était dans la nuit brune,
Sur un clocher jauni,
La lune,
Comme un point sur un i."
(Premières poésies/Ballade à la lune)

"O ciel ! je vous revois, madame, -
De tous les amours de mon âme"
(Premières poésies/À Juana)

"Si je vous le disais pourtant, que je vous aime,
Qui sait, brune aux yeux bleus, ce que vous en diriez ?"
(Poésies nouvelles/À Ninon)

"Adieu ! Je crois qu'en cette vie
Je ne te reverrai jamais.
Dieu passe, il t'appelle et m'oublie ;"
(Poésies nouvelles/Adieu)
Lien : http://michelgiraud.fr/2021/..
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Déniché aussi dans la même boîte à livre de ma commune, tout comme Poésies d'A. De Lamartine, Poésies d'Alfred de Musset (Alfred de Musset est un poète et un dramaturge français de la période romantique, né le 11 décembre 1810 à Paris, où il est mort le 2 mai 1857) est encore plus vieux, il date de 1937, on y lit notamment "Ballade à la lune, le poète, L'espoir en Dieu et d'autres encore.
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Je connaissais pas la poésie De Musset avant. Je le connais surtout pour son théâtre, Lorenzaccio avant tout. Ce fut une très belle découverte. Il n'est pas dans la lignée de Voltaire ou Baudelaire mais je dirais plutôt dans celle de Ronsard dans sa vision (libre) de l'amour. Ses poèmes sont moins dramatiques que ses pièces de théâtre. Il ne donne pas l'image du poète torturé, qu'il désacralise d'ailleurs! Sa poésie est vraiment à découvrir (je vais en poster quelques uns pour vous en donner une petite idée!). Il mériterait d'être un peu plus connu pour ses vers.
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On n'aime ou on n'aime pas... ou entre les deux. Ce recueil contient des poèmes longs, des courts, une pièce de théâtre? sur des thèmes variés.
Je préfère laisser la parole à Musset lui même puisque le recueil commence par:
"AU lecteur des deux volumes de vers de l'auteur

Ce livre est toute ma jeunesse ;
Je l'ai fait sans presque y songer.
Il y paraît, je le confesse,
Et j'aurais pu le corriger.

Mais quand l'homme change sans cesse,
Au passé pourquoi rien changer ?
Va-t'en, pauvre oiseau passager ;
Que Dieu te mène à ton adresse !

Qui que tu sois, qui me liras,
Lis-en le plus que tu pourras,
Et ne me condamne qu'en somme.

Mes premiers vers sont d'un enfant,
Les seconds d'un adolescent,
Les derniers à peine d'un homme."
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J'ai sous le coude TOUTE la poésie d'Alfred de Musset. Impossible de tout lire, bien entendu. J'ai d'abord découvert la préface, dont l'auteur souligne que Musset est souvent jugé décevant par ses lecteurs et par les critiques. Il est vrai que ce dandy, doué mais "paresseux", n'a pas écrit que des chefs d'oeuvre. Pour ma part, je n'ai pas de préjugé concernant ce poète et je me rappelle encore quelques vers appris au temps du lycée. Eh bien, je trouve que Musset a écrit quelques très beaux poèmes. Notamment "Les Nuits" qui sont considérés, à juste titre, comme les plus célèbres. Mais j'apprécie aussi des poésies simples et courtes, dans le genre "Venise (la rouge)". Je me suis rendu compte qu'un nombre significatif de ses vers m'étaient familiers, alors même que j'ignorais qui en était l'auteur. Ceci dit, d'autres textes de Musset sont plus ardus et (à mon goût) beaucoup trop longs. Toutefois - à tout prendre - ils me semblent moins emm... que ceux de Lamartine, par exemple. En effet, il y a dans le style du poète une certaine légèreté, une fluidité, une élégance, que j'ai tendance à apprécier.
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Citations et extraits (69) Voir plus Ajouter une citation
La vie est un sommeil, l'amour en est le rêve.
Et vous aurez vécu, si vous avez aimé.
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Du temps que j'étais écolier, 
Je restais un soir à veiller 
Dans notre salle solitaire. 
Devant ma table vint s'asseoir 
Un pauvre enfant vêtu de noir, 
Qui me ressemblait comme un frère.

Son visage était triste et beau : 
À la lueur de mon flambeau, 
Dans mon livre ouvert il vint lire. 
Il pencha son front sur sa main, 
Et resta jusqu'au lendemain, 
Pensif, avec un doux sourire.

Comme j'allais avoir quinze ans 
Je marchais un jour, à pas lents, 
Dans un bois, sur une bruyère. 
Au pied d'un arbre vint s'asseoir 
Un jeune homme vêtu de noir, 
Qui me ressemblait comme un frère.

Je lui demandai mon chemin ; 
Il tenait un luth d'une main, 
De l'autre un bouquet d'églantine. 
Il me fit un salut d'ami, 
Et, se détournant à demi, 
Me montra du doigt la colline.

À l'âge où l'on croit à l'amour, 
J'étais seul dans ma chambre un jour, 
Pleurant ma première misère. 
Au coin de mon feu vint s'asseoir 
Un étranger vêtu de noir, 
Qui me ressemblait comme un frère.

Il était morne et soucieux ; 
D'une main il montrait les cieux, 
Et de l'autre il tenait un glaive. 
De ma peine il semblait souffrir, 
Mais il ne poussa qu'un soupir, 
Et s'évanouit comme un rêve.

À l'âge où l'on est libertin, 
Pour boire un toast en un festin, 
Un jour je soulevais mon verre. 
En face de moi vint s'asseoir 
Un convive vêtu de noir, 
Qui me ressemblait comme un frère.

Il secouait sous son manteau 
Un haillon de pourpre en lambeau, 
Sur sa tête un myrte stérile. 
Son bras maigre cherchait le mien, 
Et mon verre, en touchant le sien, 
Se brisa dans ma main débile.

Un an après, il était nuit ; 
J'étais à genoux près du lit 
Où venait de mourir mon père. 
Au chevet du lit vint s'asseoir 
Un orphelin vêtu de noir, 
Qui me ressemblait comme un frère.

Ses yeux étaient noyés de pleurs ; 
Comme les anges de douleurs, 
Il était couronné d'épine ; 
Son luth à terre était gisant, 
Sa pourpre de couleur de sang, 
Et son glaive dans sa poitrine.

Je m'en suis si bien souvenu, 
Que je l'ai toujours reconnu 
À tous les instants de ma vie. 
C'est une étrange vision, 
Et cependant, ange ou démon, 
J'ai vu partout cette ombre amie.

Lorsque plus tard, las de souffrir, 
Pour renaître ou pour en finir, 
J'ai voulu m'exiler de France ; 
Lorsqu'impatient de marcher, 
J'ai voulu partir, et chercher 
Les vestiges d'une espérance ;

À Pise, au pied de l'Apennin ; 
À Cologne, en face du Rhin ; 
À Nice, au penchant des vallées ; 
À Florence, au fond des palais ; 
À Brigues, dans les vieux chalets ; 
Au sein des Alpes désolées ;

À Gênes, sous les citronniers ; 
À Vevey, sous les verts pommiers ; 
Au Havre, devant l'Atlantique ; 
À Venise, à l'affreux Lido, 
Où vient sur l'herbe d'un tombeau 
Mourir la pâle Adriatique ;

Partout où, sous ces vastes cieux, 
J'ai lassé mon cœur et mes yeux, 
Saignant d'une éternelle plaie ; 
Partout où le boiteux Ennui, 
Traînant ma fatigue après lui, 
M'a promené sur une claie ;

Partout où, sans cesse altéré 
De la soif d'un monde ignoré, 
J'ai suivi l'ombre de mes songes ; 
Partout où, sans avoir vécu, 
J'ai revu ce que j'avais vu, 
La face humaine et ses mensonges ;

Partout où, le long des chemins, 
J'ai posé mon front dans mes mains, 
Et sangloté comme une femme ; 
Partout où j'ai, comme un mouton, 
Qui laisse sa laine au buisson, 
Senti se dénuder mon âme ;

Partout où j'ai voulu dormir, 
Partout où j'ai voulu mourir, 
Partout où j'ai touché la terre, 
Sur ma route est venu s'asseoir 
Un malheureux vêtu de noir, 
Qui me ressemblait comme un frère.

Qui donc es-tu, toi que dans cette vie 
Je vois toujours sur mon chemin ? 
Je ne puis croire, à ta mélancolie, 
Que tu sois mon mauvais Destin. 
Ton doux sourire a trop de patience, 
Tes larmes ont trop de pitié. 
En te voyant, j'aime la Providence. 
Ta douleur même est sœur de ma souffrance ; 
Elle ressemble à l'Amitié.

Qui donc es-tu ? — Tu n'es pas mon bon ange, 
Jamais tu ne viens m'avertir. 
Tu vois mes maux (c'est une chose étrange !) 
Et tu me regardes souffrir. 
Depuis vingt ans tu marches dans ma voie, 
Et je ne saurais t'appeler. 
Qui donc es-tu, si c'est Dieu qui t'envoie ? 
Tu me souris sans partager ma joie, 
Tu me plains sans me consoler !

Ce soir encor je t'ai vu m'apparaître. 
C'était par une triste nuit. 
L'aile des vents battait à ma fenêtre ; 
J'étais seul, courbé sur mon lit. 
J'y regardais une place chérie, 
Tiède encor d'un baiser brûlant ; 
Et je songeais comme la femme oublie, 
Et je sentais un lambeau de ma vie 
Qui se déchirait lentement.

Je rassemblais des lettres de la veille, 
Des cheveux, des débris d'amour.

Tout ce passé me criait à l'oreille 
Ses éternels serments d'un jour. 
Je contemplais ces reliques sacrées, 
Qui me faisaient trembler la main : 
Larmes du cœur par le cœur dévorées, 
Et que les yeux qui les avaient pleurées 
Ne reconnaîtront plus demain !

J'enveloppais dans un morceau de bure 
Ces ruines des jours heureux. 
Je me disais qu'ici-bas ce qui dure, 
C'est une mèche de cheveux. 
Comme un plongeur dans une mer profonde, 
Je me perdais dans tant d'oubli. 
De tous côtés j'y retournais la sonde, 
Et je pleurais, seul, loin des yeux du monde, 
Mon pauvre amour enseveli.

J'allais poser le sceau de cire noire 
Sur ce fragile et cher trésor. 
J'allais le rendre, et, n'y pouvant pas croire, 
En pleurant j'en doutais encor. 
Ah ! faible femme, orgueilleuse insensée, 
Malgré toi, tu t'en souviendras ! 
Pourquoi, grand Dieu ! mentir à sa pensée ? 
Pourquoi ces pleurs, cette gorge oppressée, 
Ces sanglots, si tu n'aimais pas ?

Oui, tu languis, tu souffres, et tu pleures ; 
Mais ta chimère est entre nous. 
Eh bien ! adieu ! Vous compterez les heures 
Qui me sépareront de vous. 
Partez, partez, et dans ce cœur de glace 
Emportez l'orgueil satisfait. 
Je sens encor le mien jeune et vivace, 
Et bien des maux pourront y trouver place 
Sur le mal que vous m'avez fait.

Partez, partez ! la Nature immortelle 
N'a pas tout voulu vous donner. 
Ah ! pauvre enfant, qui voulez être belle, 
Et ne savez pas pardonner ! 
Allez, allez, suivez la destinée ; 
Qui vous perd n'a pas tout perdu. 
Jetez au vent notre amour consumée ; — 
Eternel Dieu ! toi que j'ai tant aimée, 
Si tu pars, pourquoi m'aimes-tu ?

Mais tout à coup j'ai vu dans la nuit sombre 
Une forme glisser sans bruit. 
Sur mon rideau j'ai vu passer une ombre ; 
Elle vient s'asseoir sur mon lit. 
Qui donc es-tu, morne et pâle visage, 
Sombre portrait vêtu de noir ? 
Que me veux-tu, triste oiseau de passage ? 
Est-ce un vain rêve ? est-ce ma propre image 
Que j'aperçois dans ce miroir ?

Qui donc es-tu, spectre de ma jeunesse, 
Pèlerin que rien n'a lassé ? 
Dis-moi pourquoi je te trouve sans cesse 
Assis dans l'ombre où j'ai passé. 
Qui donc es-tu, visiteur solitaire, 
Hôte assidu de mes douleurs ? 
Qu'as-tu donc fait pour me suivre sur terre ? 
Qui donc es-tu, qui donc es-tu, mon frère, 
Qui n'apparais qu'au jour des pleurs ?
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Allégorie du Pélican

Quel que soit le souci que ta jeunesse endure,
Laisse-la s'élargir, cette sainte blessure
Que les noirs séraphins t'ont faite au fond du cœur :
Rien ne nous rend si grands qu'une grande douleur.
Mais, pour en être atteint, ne crois pas, ô poète,
Que ta voix ici-bas doive rester muette.
Les plus désespérés sont les chants les plus beaux,
Et j'en sais d'immortels qui sont de purs sanglots.

Lorsque le pélican, lassé d'un long voyage,
Dans les brouillards du soir retourne à ses roseaux,
Ses petits affamés courent sur le rivage
En le voyant au loin s'abattre sur les eaux.
Déjà, croyant saisir et partager leur proie,
Ils courent à leur père avec des cris de joie
En secouant leurs becs sur leurs goitres hideux.
Lui, gagnant à pas lents une roche élevée,
De son aile pendante abritant sa couvée,
Pêcheur mélancolique, il regarde les cieux.
Le sang coule à longs flots de sa poitrine ouverte ;
En vain il a des mers fouillé la profondeur ;
L'Océan était vide et la plage déserte ;
Pour toute nourriture il apporte son cœur.
Sombre et silencieux, étendu sur la pierre
Partageant à ses fils ses entrailles de père,
Dans son amour sublime il berce sa douleur,
Et, regardant couler sa sanglante mamelle,
Sur son festin de mort il s'affaisse et chancelle,
Ivre de volupté, de tendresse et d'horreur.
Mais parfois, au milieu du divin sacrifice,
Fatigué de mourir dans un trop long supplice,
Il craint que ses enfants ne le laissent vivant,
Alors il se soulève, ouvre son aile au vent,
Et, se frappant le cœur avec un cri sauvage,
Il pousse dans la nuit un si funèbre adieu,
Que les oiseaux des mers désertent le rivage,
Et que le voyageur attardé sur la plage,
Sentant passer la mort, se recommande à Dieu.

Poète, c'est ainsi que font les grands poètes.
Ils laissent s'égayer ceux qui vivent un temps ;
Mais les festins humains qu'ils servent à leurs fêtes
Ressemblent la plupart à ceux des pélicans.

Quand ils parlent ainsi d'espérances trompées,
De tristesse et d'oubli, d'amour et de malheur,
Ce n'est pas un concert à dilater le cœur.
Leurs déclamations sont comme des épées :
Elles tracent dans l'air un cercle éblouissant,
Mais il y pend toujours quelque goutte de sang .

(Extrait de La Nuit de mai).
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La nuit de mai

LA MUSE

Poète, prends ton luth et me donne un baiser ;
La fleur de l'églantier sent ses bourgeons éclore,
Le printemps naît ce soir ; les vents vont s'embraser ;
Et la bergeronnette, en attendant l'aurore,
Aux premiers buissons verts commence à se poser.
Poète, prends ton luth, et me donne un baiser.

LE POÈTE

Comme il fait noir dans la vallée !
J'ai cru qu'une forme voilée
Flottait là-bas sur la forêt.
Elle sortait de la prairie ;
Son pied rasait l'herbe fleurie ;
C'est une étrange rêverie ;
Elle s'efface et disparaît.

LA MUSE

Poète, prends ton luth ; la nuit, sur la pelouse,
Balance le zéphyr dans son voile odorant.
La rose, vierge encor, se referme jalouse
Sur le frelon nacré qu'elle enivre en mourant.
Écoute ! tout se tait ; songe à ta bien-aimée.
Ce soir, sous les tilleuls, à la sombre ramée
Le rayon du couchant laisse un adieu plus doux.
Ce soir, tout va fleurir : l'immortelle nature
Se remplit de parfums, d'amour et de murmure,
Comme le lit joyeux de deux jeunes époux.

LE POÈTE

Pourquoi mon coeur bat-il si vite ?
Qu'ai-je donc en moi qui s'agite
Dont je me sens épouvanté ?
Ne frappe-t-on pas à ma porte ?
Pourquoi ma lampe à demi morte
M'éblouit-elle de clarté ?
Dieu puissant ! tout mon corps frissonne.
Qui vient ? qui m'appelle ? - Personne.
Je suis seul ; c'est l'heure qui sonne ;
Ô solitude ! ô pauvreté !

LA MUSE

Poète, prends ton luth ; le vin de la jeunesse
Fermente cette nuit dans les veines de Dieu.
Mon sein est inquiet ; la volupté l'oppresse,
Et les vents altérés m'ont mis la lèvre en feu.
Ô paresseux enfant ! regarde, je suis belle.
Notre premier baiser, ne t'en souviens-tu pas,
Quand je te vis si pâle au toucher de mon aile,
Et que, les yeux en pleurs, tu tombas dans mes bras ?
Ah ! je t'ai consolé d'une amère souffrance !
Hélas ! bien jeune encor, tu te mourais d'amour.
Console-moi ce soir, je me meurs d'espérance ;
J'ai besoin de prier pour vivre jusqu'au jour.

LE POÈTE

Est-ce toi dont la voix m'appelle,
Ô ma pauvre Muse ! est-ce toi ?
Ô ma fleur ! ô mon immortelle !
Seul être pudique et fidèle
Où vive encor l'amour de moi !
Oui, te voilà, c'est toi, ma blonde,
C'est toi, ma maîtresse et ma soeur !
Et je sens, dans la nuit profonde,
De ta robe d'or qui m'inonde
Les rayons glisser dans mon coeur.

LA MUSE

Poète, prends ton luth ; c'est moi, ton immortelle,
Qui t'ai vu cette nuit triste et silencieux,
Et qui, comme un oiseau que sa couvée appelle,
Pour pleurer avec toi descends du haut des cieux.
Viens, tu souffres, ami. Quelque ennui solitaire
Te ronge, quelque chose a gémi dans ton coeur ;
Quelque amour t'est venu, comme on en voit sur terre,
Une ombre de plaisir, un semblant de bonheur.
Viens, chantons devant Dieu ; chantons dans tes pensées,
Dans tes plaisirs perdus, dans tes peines passées ;
Partons, dans un baiser, pour un monde inconnu,
Éveillons au hasard les échos de ta vie,
Parlons-nous de bonheur, de gloire et de folie,
Et que ce soit un rêve, et le premier venu.
Inventons quelque part des lieux où l'on oublie ;
Partons, nous sommes seuls, l'univers est à nous.
Voici la verte Écosse et la brune Italie,
Et la Grèce, ma mère, où le miel est si doux,
Argos, et Ptéléon, ville des hécatombes,
Et Messa la divine, agréable aux colombes,
Et le front chevelu du Pélion changeant ;
Et le bleu Titarèse, et le golfe d'argent
Qui montre dans ses eaux, où le cygne se mire,
La blanche Oloossone à la blanche Camyre.
Dis-moi, quel songe d'or nos chants vont-ils bercer ?
D'où vont venir les pleurs que nous allons verser ?
Ce matin, quand le jour a frappé ta paupière,
Quel séraphin pensif, courbé sur ton chevet,
Secouait des lilas dans sa robe légère,
Et te contait tout bas les amours qu'il rêvait ?
Chanterons-nous l'espoir, la tristesse ou la joie ?
Tremperons-nous de sang les bataillons d'acier ?
Suspendrons-nous l'amant sur l'échelle de soie ?
Jetterons-nous au vent l'écume du coursier ?
Dirons-nous quelle main, dans les lampes sans nombre
De la maison céleste, allume nuit et jour
L'huile sainte de vie et d'éternel amour ?
Crierons-nous à Tarquin : " Il est temps, voici l'ombre ! "
Descendrons-nous cueillir la perle au fond des mers ?
Mènerons-nous la chèvre aux ébéniers amers ?
Montrerons-nous le ciel à la Mélancolie ?
Suivrons-nous le chasseur sur les monts escarpés ?
La biche le regarde ; elle pleure et supplie ;
Sa bruyère l'attend ; ses faons sont nouveau-nés ;
Il se baisse, il l'égorge, il jette à la curée
Sur les chiens en sueur son coeur encor vivant.
Peindrons-nous une vierge à la joue empourprée,
S'en allant à la messe, un page la suivant,
Et d'un regard distrait, à côté de sa mère,
Sur sa lèvre entr'ouverte oubliant sa prière ?
Elle écoute en tremblant, dans l'écho du pilier,
Résonner l'éperon d'un hardi cavalier.
Dirons-nous aux héros des vieux temps de la France
De monter tout armés aux créneaux de leurs tours,
Et de ressusciter la naïve romance
Que leur gloire oubliée apprit aux troubadours ?
Vêtirons-nous de blanc une molle élégie ?
L'homme de Waterloo nous dira-t-il sa vie,
Et ce qu'il a fauché du troupeau des humains
Avant que l'envoyé de la nuit éternelle
Vînt sur son tertre vert l'abattre d'un coup d'aile,
Et sur son coeur de fer lui croiser les deux mains ?
Clouerons-nous au poteau d'une satire altière
Le nom sept fois vendu d'un pâle pamphlétaire,
Qui, poussé par la faim, du fond de son oubli,
S'en vient, tout grelottant d'envie et d'impuissance,
Sur le front du génie insulter l'espérance,
Et mordre le laurier que son souffle a sali ?
Prends ton luth ! prends ton luth ! je ne peux plus me taire ;
Mon aile me soulève au souffle du printemps.
Le vent va m'emporter ; je vais quitter la terre.
Une larme de toi ! Dieu m'écoute ; il est temps.

LE POÈTE

S'il ne te faut, ma soeur chérie,
Qu'un baiser d'une lèvre amie
Et qu'une larme de mes yeux,
Je te les donnerai sans peine ;
De nos amours qu'il te souvienne,
Si tu remontes dans les cieux.
Je ne chante ni l'espérance,
Ni la gloire, ni le bonheur,
Hélas ! pas même la souffrance.
La bouche garde le silence
Pour écouter parler le coeur.

LA MUSE

Crois-tu donc que je sois comme le vent d'automne,
Qui se nourrit de pleurs jusque sur un tombeau,
Et pour qui la douleur n'est qu'une goutte d'eau ?
Ô poète ! un baiser, c'est moi qui te le donne.
L'herbe que je voulais arracher de ce lieu,
C'est ton oisiveté ; ta douleur est à Dieu.
Quel que soit le souci que ta jeunesse endure,
Laisse-la s'élargir, cette sainte blessure
Que les noirs séraphins t'ont faite au fond du coeur :
Rien ne nous rend si grands qu'une grande douleur.
Mais, pour en être atteint, ne crois pas, ô poète,
Que ta voix ici-bas doive rester muette.
Les plus désespérés sont les chants les plus beaux,
Et j'en sais d'immortels qui sont de purs sanglots.
Lorsque le pélican, lassé d'un long voyage,
Dans les brouillards du soir retourne à ses roseaux,
Ses petits affamés courent sur le rivage
En le voyant au loin s'abattre sur les eaux.
Déjà, croyant saisir et partager leur proie,
Ils courent à leur père avec des cris de joie
En secouant leurs becs sur leurs goitres hideux.
Lui, gagnant à pas lents une roche élevée,
De son aile pendante abritant sa couvée,
Pêcheur mélancolique, il regarde les cieux.
Le sang coule à longs flots de sa poitrine ouverte ;
En vain il a des mers fouillé la profondeur ;
L'Océan était vide et la plage déserte ;
Pour toute nourriture il apporte son coeur.
Sombre et silencieux, étendu sur la pierre
Partageant à ses fils ses entrailles de père,
Dans son amour sublime il berce sa douleur,
Et, regardant couler sa sanglante mamelle,
Sur son festin de mort il s'affaisse et chancelle,
Ivre de volupté, de tendresse et d'horreur.
Mais parfois, au milieu du divin sacrifice,
Fatigué de mourir dans un trop long supplice,
Il craint que ses enfants ne le laissent vivant ;
Alors il se soulève, ouvre son aile au vent,
Et, se frappant le coeur avec un cri sauvage,
Il pousse dans la nuit un si funèbre adieu,
Que les oiseaux des mers désertent le rivage,
Et que le voyageur attardé sur la plage,
Sentant passer la mort, se recommande à Dieu.
Poète, c'est ainsi que font les grands poètes.
Ils laissent s'égayer ceux qui vivent un temps ;
Mais les festins humains qu'ils servent à leurs fêtes
Ressemblent la plupart à ceux des pélicans.
Quand ils parlent ainsi d'espérances trompées,
De tristesse et d'oubli, d'amour et de malheur,
Ce n'est pas un concert à dilater le coeur.
Leurs déclamations sont comme des épées :
Elles tracent dans l'air un cercle éblouissant,
Mais il y pend toujours quelque goutte de sang.

LE POÈTE

Ô Muse ! spectre insatiable,
Ne m'en demande pas si long.
L'homme n'écrit rien sur le sable
À l'heure où passe l'aquilon.
J'ai vu le temps où ma jeunesse
Sur mes lèvres était sans cesse
Prête à chanter comme un oiseau ;
Mais j'ai souffert un dur martyre,
Et le moins que j'en pourrais dire,
Si je l'essayais sur ma lyre,
La briserait comme un roseau.
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RAPPELLE-TOI

(Vergiss mein nicht)
(Paroles faites sur la musique de Mozart)

Rappelle-toi, quand l'Aurore craintive
Ouvre au Soleil son palais enchanté ;
Rappelle-toi, lorsque la nuit pensive
Passe en rêvant sous son voile argenté ;
A l'appel du plaisir lorsque ton sein palpite,
Aux doux songes du soir lorsque l'ombre t'invite,
Ecoute au fond des bois
Murmurer une voix :
Rappelle-toi.

Rappelle-toi, lorsque les destinées
M'auront de toi pour jamais séparé,
Quand le chagrin, l'exil et les années
Auront flétri ce coeur désespéré ;
Songe à mon triste amour, songe à l'adieu suprême !
L'absence ni le temps ne sont rien quand on aime.
Tant que mon coeur battra,
Toujours il te dira
Rappelle-toi.

Rappelle-toi, quand sous la froide terre
Mon coeur brisé pour toujours dormira ;
Rappelle-toi, quand la fleur solitaire
Sur mon tombeau doucement s'ouvrira.
Je ne te verrai plus ; mais mon âme immortelle
Reviendra près de toi comme une soeur fidèle.
Ecoute, dans la nuit,
Une voix qui gémit :
Rappelle-toi.
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Vidéo de Alfred de Musset
*RÉFÉRENCE BIBLIOGRAPHIQUE* : « La confession d'un enfant du siècle », _in_ _Oeuvres de Alfred de Musset,_ ornées de dessins de M. Bida, Paris, Charpentier, 1867, p. 432.
#AlfredDeMusset #LaConfessionDUnEnfantDuSiècle #LittératureFrançaise
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