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EAN : 9782738111173
220 pages
Odile Jacob (25/05/2002)
3.21/5   7 notes
Résumé :

Nouvelle édition poche (1° édition : 1994). Que se passe-t-il dans le cerveau de l’artiste lorsque celui-ci se crée ? Quels mécanismes régissent l’activité cérébrale au moment de la contemplation d’un tableau D’où vient cette étrange et si puissante émotion, le plaisir esthétique. Peut-on l’expliquer ? Longtemps la création artistique est demeurée un myst&... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Professeur au Collège de France, Jean Pierre Changeux, explore ici le domaine des neurosciences de l'art.
Il tend à démontrer comment et pourquoi la contemplation ou création d'une oeuvre d'art est profondément liée au cerveau et à l'activité cérébrale.
C'est particulièrement "savant", j'avoue que je n'ai pas tout pigé, du reste je ne l'ai hélas pas terminé.
Se trouveront ici sans doute des esprits plus scientifiques que le mien qui viendront pallier cette minable critique.
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Citations et extraits (7) Voir plus Ajouter une citation
Le tableau, « synthèse de “mèmes” »

[suite de "L’évolution des « mèmes » culturels"]

Le tableau est un « même » d’une extrême complexité ou plutôt une synthèse complexe de « mèmes », dont la transmission et la propagation s’effectuent, par le truchement du cerveau du peintre, d’une toile à l’autre dans l’œuvre du peintre et de l’œuvre d’un peintre à celle d’un autre. Le travail de l’historien est souvent de classer par ordre chronologique les tableaux dans l’œuvre d’un artiste et de définir des écoles, des filiations d’une école à l’autre. Il peut le faire, si les documents manquent, par la recherche d’éléments variables au sein d’une masse importante d’invariants qui caractérisent le style du peintre ou de la collectivité d’artistes à laquelle il appartient. Il essaie de reconstituer une évolution qui, en définitive, n’est possible que parce que le peintre, en même temps qu’il invente, emprunte à lui-même, et surtout aux autres, schémas, figures et formes qui deviennent autant d’unités de réplication, de « mèmes », qui se perpétuent au fil de l’histoire.

La Lamentation en est une illustration particulièrement frappante parmi d’autres (figure 3). Selon Kenneth Clark, l’origine de l’iconographie chrétienne de la Mise au Tombeau doit être recherchée dans l’art gréco-romain, avec la représentation de la mort du héros : en particulier dans une scène sculptée du Musée du Capitole (Rome) où le héros mort est emporté par ses compagnons hors du champ de bataille. Donatello, à la Renaissance, avec le relief intitulé Le Christ mort et les anges (Londres, Victoria et Albert Museum) introduit une tension nouvelle avec le redressement du torse du Christ et l’exaltation de sa beauté, incorporant, sans problème, la mythologie gréco-romaine à la mythologie chrétienne. Indépendamment de ce mouvement, dans l’art gothique du Nord apparaît la Pietà, où le corps du Christ mort repose sur les genoux de sa mère éplorée, entourée de Jean et de Madeleine, et dont l’expression la plus exemplaire est, comme le souligne Kenneth Clark, la Pietà de Villeneuve-lès-Avignon. Dans la gravure du Parmesan, source possible d’inspiration de Bellange, ces deux composantes antique et chrétienne s’interpénètrent ou, pour employer un terme de génétique, se recombinent. L’ambiance nocturne, l’éclairage par un porteur de cierge rappellent la Pietà du Rosso (Museum of Fine Arts) ou certains dessins du Primatice, comme la Mascarade de Persépolis (Musée du Louvre). Mais le climat change et se rapproche de celui des tableaux de Hans von Aachen ou de Spranger (en particulier son Christ ressuscité triomphant de la mort (épitaphe à Nikolaus Müller) de la Galerie Narodni, à Prague). Les fonds s’obscurcissent, l’éclairage des corps devient violent. Deux dessins de Hans von Aachen sur le thème de la mort du Christ illustrent les rapports de la Lamentation avec l’École de Prague : même souci de mise en relief du modelé du corps du Christ par l’éclairage rasant, analogies dans la disposition des ombres et lumières et dans la composition d’ensemble. Cependant, Bellange concentre l’intérêt sur le corps du Christ et sur les visages de la Vierge et du donateur, désormais vus à mi-corps. Il introduit de plus une note fantastique, voire inquiétante, par des flashes de lumière di sotto in su sur les visages et sur les mains des personnages sortis d’une nuit sans ombre. Cette composition et son clair-obscur doivent avoir été bien accueillis en terre lorraine puisque, dix à vingt ans plus tard, Georges de La Tour produit un Saint Sébastien soigné par Irène, dit à la lanterne, qui s’en inspire directement : même attitude des personnages principaux, même éclairage directif… avec, toutefois, la flèche dans la cuisse gauche, le regard attendri d’Irène qui signalent le changement d’identité des protagonistes. L’univers conceptuel du tableau évolue toutefois en profondeur : plusieurs figures superflues, dont celle du donateur, invraisemblablement mêlé à cette scène du passé, disparaissent ; un authentique pathétique se lit désormais dans la composition. L’expressionisme de la Lamentation cède à la douleur retenue et à la compassion de Saint Sébastien. Mais l’élément mystérieux hérité de Bellange persiste et tranche avec le naturalisme provocateur des toiles du Caravage que le citoyen de Lunéville a eu peu de chances de rencontrer et dont l’influence, si elle a existé, pourrait être secondaire à celle de l’École de Prague.

Une évolution similaire peut être tracée pour la Madeleine en extase, attribuée à Bellange ou à son entourage (figure 4), avec toutefois la persistance plus tardive du thème gréco-romain (la mort de Cléopâtre). Cet exemple, pris parmi beaucoup d’autres, illustre à la fois la remarquable stabilité de « mèmes » de forme « prégnants », au fort pouvoir émotionnel, et leur évolution par combinaison entre eux et avec des « mèmes » de sens sujets à des évolutions parallèles. Il devient possible de suivre l’adaptation des « mèmes » de forme et de sens issus du monde antique au contexte culturel de la Renaissance, puis de la Contre-Réforme. Le tableau se trouve donc être sujet à une évolution « longitudinale » de « mèmes » de forme et à un entrecroisement (intrication) « vertical » de multiples « mèmes » de sens que l’artiste fait converger, avec le savoir-faire qui caractérise son génie.
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L’évolution des « mèmes » culturels

La dynamique évolutive des objets culturels n’affecte pas directement le patrimoine génétique comme l’évolution des espèces. Elle présente, néanmoins, d’importantes analogies formelles avec celle-ci bien qu’elle se situe au niveau des interactions entre individus du groupe social. Les entités culturelles susceptibles d’être transmises et propagées de manière épigénétique de cerveau à cerveau dans les populations humaines – appelées « mèmes » (de mimesis) par Dawkins, « culturgènes » par Lumsden et Wilson, « représentations publiques » par Sperber ou « objets culturels » par Cavalli-Sforza – ont été comparées à des virus ! « Quand vous implantez un “même” fertile dans mon esprit, écrit Dawkins, vous parasitez littéralement mon cerveau, le tournant en un véhicule de propagation du “même” à la manière d’un virus parasitant le mécanisme génétique de la cellule hôte. » Cette épidémiologie des représentations mentales ne se fonde certes pas sur des mécanismes élémentaires identiques à ceux de l’infection virale : les « objets » propagés sont des représentations neurales mais celles-ci possèdent, comme celui-là, une stabilité. Leur longévité s’explique par le stockage dans la mémoire à long terme et, surtout, dans le cas du tableau, par la « mise en mémoire culturelle » dans des médiums ou matériaux, plus stables et plus divers que ceux du cerveau de l’homme.
Cette stabilité se fonde également sur la fidélité du mécanisme de transmission du « même » lors du processus de communication intercérébral. Comme un gène, mais à un niveau d’organisation très différent, le « même » devient unité de réplication transmise d’une génération à l’autre (comme les mots ou croyances religieuses) ou propagée d’individu à individu d’une même génération (comme les innovations technologiques ou les idées scientifiques…). Comme un gène, il est sujet à évolution par erreurs de copie, et recombinaison « au hasard ». Aux mécanismes de genèse des « mèmes », objets mentaux privés, s’ajoutent, lorsqu’ils deviennent représentations publiques, de nouveaux mécanismes de sélection. Pour Cavalli-Sforza et Fellman, la sélection d’objets culturels s’effectue en deux étapes : l’une, permissive, d’information, donne accès au compartiment de travail de la mémoire à court terme des receveurs, l’autre, active, d’adoption, d’incorporation à long terme dans le cerveau de chaque individu du groupe social et dans le patrimoine culturel extracérébral de la collectivité concernée. Une probabilité d’acceptance (Cavalli-Sforza & Fellman) ou de « survie culturelle pour elle-même » (Dawkins) peut alors être définie de manière quantitative sur la base de critères dont l’identification devient la pierre de touche du modèle darwinien. Aux contraintes déjà plusieurs fois mentionnées d’attente expectative et de nouveauté relative du stockage dans la mémoire à long terme, s’ajoutent celles de la communication entre individus dans le groupe social.

La théorie de l’information considère la communication comme transmission de messages qui inclut les étapes d’encodage, de propagation de signaux et de décodage. Dans ces conditions, les éléments transmis ne ressemblent que très approximativement aux pensées des locuteurs. Le modèle prend difficilement en compte le cas des mythes et celui des œuvres d’art qui, par leur surcodage, communiquent plus que leur sens premier. D’où la nécessité de faire appel à un modèle qui se situe au niveau d’organisation de la raison (modèle référentiel) dans lequel le contexte joue un rôle fondamental ; en particulier parce qu’il apporte un ensemble d’hypothèses sur le monde qui affectent l’interprétation des représentations transmises et définit, en quelque sorte, la « compétence » du destinataire.
Pour H.P. Grice, les communications humaines font intervenir la reconnaissance des intentions mais également font naître de nouvelles hypothèses dans la tête de l’interlocuteur. D. Sperber et D. Wilson ont développé ce point en introduisant la notion de pertinence (relevance en anglais) d’une information comme indice de l’effet multiplicatif résultant de sa combinaison avec une information ancienne. En d’autres termes, plus une information possède de pouvoir générateur d’hypothèses, plus elle a de pertinence. Comme d’autres anthropologues, Sperber répugne à utiliser le schéma darwinien dans son « épidémiologie des représentations mentales ». Il me paraît cependant légitime de considérer sa notion de pertinence comme critère de sélection potentiel d’une représentation culturelle. La sélection se fonderait, en quelque sorte, sur le potentiel d’« enrichissement » cognitif de l’information communiquée.

On est encore loin de pouvoir suggérer un modèle neural de la sélection par pertinence mais une telle entreprise paraît plausible dans la suite des travaux réalisés sur les intentions. On peut imaginer qu’un objet mental entrant dans le compartiment à court terme de la mémoire sera d’autant plus pertinent qu’il aura de possibilités de se combiner à d’autres préreprésentations – ou intentions – présentes dans ce compartiment, de s’intégrer à un ensemble sémantique latent en l’ouvrant à la mobilisation de nouvelles combinaisons de neurones, de susciter une attente…

Le tableau est un type particulier de représentation publique qui se distingue des représentations factuelles, qui portent sur la vie de tous les jours, ainsi que des croyances et des hypothèses scientifiques. Son évolution diffère de celle des « mèmes » scientifiques sur plusieurs points. La production des concepts par la science montre, au fil de l’histoire, un degré d’efficacité croissant à résoudre des problèmes, en d’autres termes, conduit au progrès cumulatif de la connaissance. Elle se démarque également de l’évolution des êtres vivants, qui montre, au cours des temps géologiques, une complexification croissante d’organisation, particulièrement spectaculaire dans le cas du cerveau. L’évolution de l’art (comme celle des croyances) ne se caractérise pas par un progrès, même si, au fil de l’histoire (à la différence des croyances), elle incorpore les données de la science et des technologies ou s’y réfère. Avec le recul des siècles, la métaphore de Vasari paraît de plus en plus inacceptable. Peut-on parler de progrès de Raphaël au Caravage ou de Nicolo dell’Abate à Nicolas Poussin ? Le tableau évolue par renouvellement adaptatif des formes, figures et thèmes, sans que l’on puisse définir un authentique progrès.
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A tous les niveaux, il y a intrication de la structure et de la fonction. Le psychologique devient indisociable du neural. De plus, l'interdépendance de ces niveaux d'organisation, tant du bas vers le haut, que du hat vers le bas, "ouvre" le cérébral au social, comme il l'enracine dans le physicochimique. La transition d'un niveau d'organisation à l'autre trouve sa solution dans les multiples processus d'évolution imbriqués es uns dans les autres, dans l'espace comme dans le temps.
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L'épigénèse "ouvre" le développement morphologique du cerveau à l'environnement physique, social et culturel au cours d'une période post-natale dont la prolongation chez l'Homme, est unique dans le monde animal. Elle participe à la mise en place d'empreintes indélébiles dans le cerveau de l'enfant : l'acquisition de la langue maternelle, puis de l'écriture, la fixation de croyances qui auront tant d'impact dans les conduites adultes, l'acceptation de normes morales, en un mot, le développement de l'habitus, comme le définit Bourdieu. Dans ce contexte, l'éducation prend une dimension considérable.

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La connaissance étoffe, renouvelle, diversifie l'émotion ressentie. La compréhension du tableau participe à la jouissance de sa contemplation.
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Vidéo de Jean-Pierre Changeux
Colloque de rentrée 2015 : Lumière, lumières Conférence du jeudi 15 octobre 2015 : La lumière au siècle des Lumières et aujourd'hui, de la biologie de la vision à une nouvelle conception du monde, de Newton à Henri Grégoire et aux Droits de l'Homme
Intervenant(s) : Jean-Pierre Changeux, Collège de France
Retrouvez la présentation et les vidéos du colloque : https://www.college-de-france.fr/site/colloque-2015
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