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EAN : 9782266131056
155 pages
Pocket (15/11/2002)
3.61/5   401 notes
Résumé :
Toutes les dictatures n'ont pas la même origine et bien des chemins mènent au "meilleur des mondes", mais le plus direct et le plus large est peut-être celui que nous parcourons aujourd'hui. Le cauchemar de l'organisation intégrale est déjà pour plus d'un milliard d'hommes une expérience quotidienne. Voilà qui préfigure peut-être, pense Aldous Huxley, l'avènement d'une dictature scientifique dont les sujets encadrés par une armée de policiers "pavloviens" en viendro... >Voir plus
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C'est après avoir lu, tout récemment, "Le meilleur des mondes", que je me suis rendu compte qu'Aldous Huxley était revenu sur son oeuvre plus de vingt ans après. J'étais à la fois très curieuse et très réticente vis-à-vis de cet essai. Curieuse parce qu'entre l'écriture de ces deux livres, il y a eu la Seconde Guerre mondiale, et j'imaginais bien comment les perceptions de l'auteur ont pu changer ou s'éclairer. Réticente parce que justement essai ne veut pas dire fiction, et que j'avais un peu peur que ce soit un peu trop "analytique" et sans doute quelque peu ennuyant.

Et analytique, ça l'est, autant que critique. Aldous Huxley nous expose ici une sorte de comparaison entre sa Fable prophétique, comme il appelle "Le meilleur des mondes", et la société actuelle et son devenir (celle de 1958, date à laquelle a été publié cet essai). Pour étayer ses points de vue, il ne manque pas d'arguments, derrière lesquels on peut se rendre compte de son travail de recherche bien documenté. Il revient essentiellement sur les mêmes points pour expliquer les différentes causes pouvant amener aux dictatures : surpopulation, manque de ressources, insécurité économique et politique, agitations sociales, progrès de la science et des technologies.

On ne peut pas dire qu'il soit en retard sur son temps, ayant prédit des événements qui ont eu lieu bien après l'écriture de cet essai ou en train ou sur le point de se produire d'ici peu... Évidemment, vu l'époque (1958), avec ce qui s'est passé peu avant (Seconde Guerre mondiale) et ce qui se passait sur le moment (Guerre froide), Huxley s'est appuyé sur ce qu'il a vécu et était en train de vivre. Souvent, il revient sur le nazisme et le stalinisme. Il a des idées bien arrêtées, certaines un peu désuètes pour aujourd'hui, d'autres avec lesquelles je n'ai pas tellement adhérées, mais il sait de quoi il parle et on ne peut le lui reprocher.

La lecture de cet essai s'est révélée bien plus facile que ce que je m'étais imaginé. L'auteur étaye ses points de vue et arguments fort simplement, sans trop de redondance même s'il revient souvent sur les mêmes points. Certains chapitres sont sans aucun doute plus intéressants que d'autres, notamment lorsqu'il compare son roman ou "1984" de George Orwell avec Hitler, ou encore lorsqu'il expose les différentes manières de manipuler (en masse ou individuellement).

J'ignore si j'ai tout bien compris mais je l'ai lu très rapidement. Ce n'est pas quelque chose que je lirai régulièrement, mais je n'ai aucun regret de l'avoir finalement lu et de m'être forcée à l'ouvrir (oui parce qu'après acquisition de ce livre, et allez savoir pourquoi, je n'en avais plus du tout envie).
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Si vous espériez une suite au «Meilleur des mondes», passez votre chemin, rien de ça ici ! Environ trente ans après avoir écrit son roman, Huxley revient dans un petit essai de 130 pages sur les mécanismes du totalitarisme de son livre, et donne son avis sur leurs applications dans le monde réel. Son constat était plutôt pessimiste. Il prévoit un contrôle des naissances plus strict pour éviter 1) la surpopulation et 2) la détérioration de notre condition physique et intellectuelle moyenne : Huxley ne voit pas d'un très bon oeil que les porteurs de «vices héréditaires graves» puissent survivre grâce à la médecine et les transmettre à leur descendance, et estime qu'un jour ou l'autre, les gouvernements devront mettre en place des mesures eugénistes.

Mais la plus grande partie du livre porte sur le danger de voir disparaître les démocraties. Tout d'abord à cause des grandes entreprises et des grosses institutions qui ne peuvent que réduire l'individu à une grossière caricature et à piétiner sa liberté. Et ensuite à cause des moyens de propagande de plus en plus perfectionnés : médias de masse, récupération des résultats de la science (notamment Pavlov).

Le ton est assez sombre, ce qui peut se concevoir puisqu'entre ses deux livres, l'auteur a connu les totalitarismes européens et une guerre mondiale. Les problèmes qu'il soulève n'ont pas beaucoup évolué depuis la publication du livre (1957). Les quelques solutions que l'auteur a proposé (amélioration de l'éducation, retour à des structures locales ou régionales) ne semblent toutefois pas avoir eu un grand succès.
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De même que plus tard, dans un genre bien différent, « le nom de la rose » aura son apostille, « le meilleur des mondes », aura son « retour »…vingt cinq ans après.
Le but de ce petit texte n'était pas de donner une suite au plus connu des romans d'Aldous Huxley, mais un prolongement.
Dans « le meilleur des mondes », Aldoux Huxley décrivait une évolution possible de l'organisation humaine, partie d'une utopie pour finalement accoucher d'une dictature… Ce petit essai tente de faire le point sur l'évolution de l'organisation humaine qui semble déjà s'accélérer en 1958 ; entre deux on aura connu Hitler et Staline.

On est effrayé à l'idée de ce que penserait Huxley s'il nous voyait nous débattre dans une société « managée » par le principe de précaution. Une société qui finit par convenir au plus grand nombre dans ce qu'elle a de sécurisant, voire d' infantilisant; " mère patrie"… Attention cependant a rester « dans les clous »…Ne pas fumer dans les lieux publics… ne pas faire rouler sa « bagnole » dans les villes… Faire contrôler ses seins, son colon, sa tension, sa glycémie… et tout ça pour notre plus grand bien …
Un ouvrage déroutant tant il présente très tôt l'évolution de nos démocraties vers un totalitarisme qui ne dirait pas son nom…

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Mr Huxley me fait un peu l'effet d'un fat, avec ce livre. Fort du succès de 1931 de son Meilleur des mondes, celui qui se sait appartenir depuis sa naissance à « l'élite intellectuelle britannique » se croit au surplus la légitimité d'un donneur de leçon au prétexte plus ou moins explicite que son roman sut prédire les événements de la Seconde Guerre mondiale. À partir de ce présupposé et de sa tacite confirmation sous forme d'éloges que l'auteur reçut de toutes parts, il s'estime pertinent à produire une explicitation de ses concepts appliqués à la réalité anticipée du futur – en quoi consiste le mobile de son essai Retour au meilleur des mondes.
Or, deux faits distincts et indiscutables invalident ce positionnement opportuniste.
le premier, c'est que le récit le meilleur des mondes n'avait rien prévu du tout. Tous les raccourcis flatteurs qu'on en a fait résument l'action du livre à un univers dictatorial, et comme on sait que le IIIe Reich fut une dictature, on prétend que Huxley l'avait deviné et que si on l'avait suffisamment écouté il aurait peut-être empêché la guerre. On devine d'ailleurs que lui-même attribue cet augure à sa haute qualité d'intellectuel, à sa logique implacable et d'un grand recul, ainsi qu'à son talent de généalogiste historique et scientifique, mais la seule chose qu'a dépeint Huxley conformément à la réalité des années 40, c'est ni plus ni moins le fait d'une dictature, pas même du nazisme ou du communisme ; or, un tel régime était alors loin d'être neuf, et l'auteur a seulement tâché d'y appliquer ce qui existait de moderne pour en donner une impression de vraisemblance – en quoi consiste ni plus ni moins l'oeuvre normale d'un écrivain d'anticipation. Mais comme Huxley fonde son génie sur une conformité minutieuse des faits advenus et du monde qu'il avait décrit, il se trouve forcé à grossir les traits, à provoquer les rapprochements, quitte à travestir l'histoire ou à la simplifier à l'excès – méthode certes fort en usage s'agissant de décrire le fonctionnement nazi moins de dix ans après son effondrement et avec toute la caricature plébiscitée alors, mais indigne d'un gentleman honnête et éduqué, objectif et soigneux. Il faut que tous les moyens de persuasion que l'auteur avait imaginés aient effectivement trouvé leur équivalent sous Hitler dans le cadre exigu d'une immoralité patente et assumée, dont : sélection génétique, organisation inhumaine, coercitions suggestives.
Or, on encourageait fort d'admettre que la planification du nazisme s'était accompagnée de chacun de ces paramètres : après un tel désastre et pour faciliter la réconciliation des peuples, on fit peser sur un système d'embrigadement déshumanisé et organisé par un très petit nombre la faute morale de plusieurs millions de morts. L'individu allemand n'avait dès lors presque plus rien à se reprocher, on pouvait s'adresser à lui comme à un innocent, à un homme abusé à son insu : il était heureusement dédouané de sa responsabilité particulière au détriment d'une manipulation d'un peuple, au pire n'était-il que coupable d'une « certaine faiblesse » qu'une poignée avait diaboliquement exacerbée. Huxley soutient cette thèse simpliste, et, c'est aussi en cela qu'il a la vue courte. Il oublie que l'adhésion des personnes est aussi indispensable que celle des masses pour conduire collectivement au combat idéologique, et il opère une dichotomie absurde et manichéenne entre foule sans volonté à l'animalité frénétique et individus éclairés et à la dignité supérieure. Hitler n'était pas tant machiavélique qu'on croit : il n'a pas tant incité les gens à vouloir quelque chose, mais il a surtout utilisé ce que voulaient les gens pour se porter au pouvoir avec sans doute bien plus de convictions qu'on ne lui en suppose. Il était un représentant avant tout, et en second lieu un guide pour des idées connexes. Quoi qu'on dise, la psychologie d'un homme, fût-ce d'un homme comme Hitler, ne s'accorde pas à lutter systématiquement contre une foule qu'on prétend gouverner : on s'espère des points communs avec elle, on ne s'adresse pas de bon gré à ceux qu'on méprise, tout au plus on insiste un peu plus qu'il n'est vrai sur des rapprochements artificiels.
C'est la faute théorique de Huxley de penser que le nazisme fut l'effet d'une propagande pure, d'une influence implacable, d'un conditionnement d'experts qui ne pouvait que réussir – faute récurrente, comme j'ai dit. Il y tient avec tant d'acharnement – parce qu'une fois de plus il en a besoin pour montrer comme il avait raison et asseoir ainsi sa position de conseiller devin – qu'il ne peut s'empêcher de recourir au genre de confusions qu'il dénonce quand il décrit les usages d'une propagande : il n'a pas de vue élevée sur les phénomènes dont il disserte, il est le représentant d'une morale très conventionnelle, surtout protestante et anti-communiste. Son utilisation excessive de citations d'autorité, avec études incomplètes, scientifiques douteux, acteurs de télévision, politiciens de tous bois dont ministre de l'armement hitlérien et même Hitler lui-même, lui semble un moyen louable pour parvenir au but valorisant qu'il s'est fixé, comme si le fait que tout le monde dise une chose était le signe que cette chose est vraie. le procédé agit, car il mêle des généralisations supposées et des analyses plus poussées, de sorte qu'on infère une méthode indubitable où il n'y a en réalité qu'un amas d'assertions juxtaposées. Il tient par exemple à ce qu'un homme soit avant tout un individu libre au nom de sa « diversité biologique », que la société soit ainsi un « crime contre l'individu », que la personne humaine ne soit « pas essentiellement grégaire », et je ne sais où il a trouvé à convaincre avec cet évangélisme sans argument qui lui fait même travestir certains propos de Spencer – dont il pastiche souvent le style comme le paragraphe introducteur de sa partie XI – pour le décrier. Il nous apprend péremptoirement que, fort de persuader les foules et d'en « appeler à leur inconscient », le nazisme au surplus « lavait le cerveau » des subalternes du régime par une forme d'hypnose, ce qui n'a presque rien à voir avec le système extrêmement élaboré et incitatif de management mis en place par le IIIe Reich. On s'étonne de découvrir que, selon Huxley, les intellectuels constituent une sorte d'assurance de bonne conduite pour toute société, comme si Hitler n'en avait pas lui-même admis une impressionnante quantité parmi son personnel et son administration. Au summum de son délire partial, Huxley raconte qu'évidemment « dans toutes les religions les plus évoluées du globe, la conversion et l'illumination sont affaires personnelles » et que « le royaume des cieux est dans l'esprit de chacun, non pas dans le vacuum collectif d'une foule » – je n'aurais pas dit ça, moi, mais alors pas du tout, d'autant que de telles énormités nécessitent des raisons, mais ici : point, il suffit d'énoncer la conclusion.
Ce qui m'agace tout particulièrement dans cette accumulation de données brutes et de déclarations louches, dans cette tonalité de savant sage qui dogmatise, dans cette hauteur si inconstante qu'on la trouve même mêlée à des raccourcis de bassesse, c'est cette fausse posture de surplomb, bardée de sens commun et de termes scientifiques spécifiques et superfétatoires à dessein d'impressionner le lecteur : c'est si évident de procédés de persuasion chargés d'induire une image que cela dessert même la thèse d'un anti-propagandiste cohérent. L'exemple le plus manifeste réside peut-être en cette contradiction insupportable à un homme d'esprit : Huxley propose de fonder la société à venir sur une morale fermement établie dont les principes seraient transmis par une éducation méthodique – j'y suis d'accord, quoique on s'approche forcément de nouveau d'une forme d'embrigadement de la jeunesse, seulement comme c'est Huxley qui le vante, il ne s'agit évidemment plus du tout d'instaurer des préjugés (même si manifestement l'auteur lui-même n'a nulle notion d'une morale sans préjugé). Et sans rien démontrer du tout, le voilà à désigner trois valeurs primordiales, les plus justes selon lui à établir le credo de son théorème, avec dans l'ordre : liberté, amour, intelligence ; or, d'où sort-il cela sinon du chapeau des conventions puritaines ? Passons encore là-dessus si l'on veut : quel remède cet intellectuel très recherché envisage-t-il pour favoriser en tout premier lieu la liberté ? « Par exemple, une organisation sociale, une limitation des naissances, une législation » : c'est connu, n'est-ce pas ? plus la société vous incite à une structure, de surcroît plus vous êtes tenu à vous empêcher d'avoir une progéniture, et encore plus les lois nombreuses vous contraignent, et plus vous êtes libre !
Non, ça ne va pas, comme si la forme et le succès tenaient lieu d'arguments. Ce que Huxley, et bien d'autres ainsi que lui, empruntent impunément à Spencer et dont ils se targuent comme leur matière d'expression et de déduction propre, c'est ce ton d'évidence et ce procédé d'exemples éclectiques : on croit alors que la simplicité des propositions de Spencer est tout ce qui le rendit convaincant, mais c'est à condition que chaque terme de ces énoncés soit incontestable, ce que n'ont pas compris la plupart de ses imitateurs. Il faut longtemps chercher des tournures sans exception avant de les rédiger, et c'est ce qui réclame un temps considérable et une réflexion ardue. Bertrand Russell, entre autres penseurs à ce que j'ai constaté, est aussi amateur de cette pseudo dialectique raisonnable plutôt que rationnelle et qui sembla de mode un certain temps : quant au lecteur, avant d'avoir donné son accord sur un jugement énoncé de façon trop brève, le voilà entraîné dans ses corollaires, et peu à peu il ne contrôle plus rien, est contraint d'admettre sans beaucoup de conviction faute d'arguments solides et puisqu'il ne peut arrêter les bonds excessifs d'une réflexion écrite – il sent qu'il ne se rattache qu'à des saillies de proverbes, il dit oui ou il dit non à mesure, mais n'importe : tout va trop vite et avec trop peu de preuves, il enregistre les informations d'une matière mal liée qui ne peut faire un ciment de son individu. Ce procédé est en revanche idéal pour de la littérature d'apprentis pédants : on accumule des notions faciles à répéter pour autant qu'on n'ait jamais à les justifier ; on remet ainsi de bonnes compositions rédigées de pensées colligées qu'on n'a pas besoin de savoir s'approprier.
J'aurais pourtant des scrupules à cacher que, dans sa préface, Huxley admet qu'il a « simplifié à l'excès » des concepts pour « former un tableau » plus accessible et éloquent : ceci dit, j'ignore quel besoin il en a eu, puisque son essai dure moins de 150 pages, ce qui ne saurait beaucoup porter atteinte à la patience d'un lecteur ordinaire. C'est peut-être plutôt un prétexte à ne pas approfondir ce qu'il ne savait pas démontrer. Il me semble que cet aveu résonne comme de la négligence ou de la condescendance du vulgarisateur : « J'ai fait pour un lecteur piteux, semble-t-il dire, c'est-à-dire vite et simple pour qu'il puisse bientôt retourner à ses occupations. » : voilà qui n'est pas à mon sens l'ambition digne d'un auteur exigeant.
Je me souviens à présent que j'avais écrit au début de cet article : « deux faits distincts » susceptibles de démentir Aldous Huxley comme visionnaire, n'est-ce pas ? Certes, je me le rappelle, et voici le second : c'est que parmi tout ce que l'auteur présage dans cet opus censé se réaliser avant la fin du siècle, rien ne s'est produit : les anxiolytiques ne sont pas le soma, la publicité contemporaine n'est pas l'hypnopédie, et les libertés individuelles n'ont pas décru en fonction de la volonté d'un gouvernement souverain et corrupteur ; la surpopulation n'a pas encore rencontré d'impasse rédhibitoire, les ressources naturelles ne sont pas arrivées au point de rupture, la médecine n'a pas provoqué l'insuffisance génétique de nos contemporains par défaut de sélection naturelle, et la structure sociale et politique des États n'a pas induit d'autorité une limitation drastique des libertés ; en somme, la théorie que Huxley propose d'une dictature généralisée et technologique ne s'est pas réalisée – il est même, je trouve, bien moins efficace à prédire que Ray Bradbury dans Fahrenheit 451. Certes, on ne peut lui décliner l'honneur d'avoir risqué un pari aussi audacieux, mais on peut sans mal, je crois, lui dénier le prestige de l'avoir remporté.
Lien : http://henrywar.canalblog.com
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Des années après la publication de son roman le meilleur des mondes (en 1932), Huxley, à travers un dense et court essai, revient sur son roman à la lumière des changements du monde survenus dans l'intervalle, dont le plus marquant : la Seconde Guerre mondiale. Entretemps aussi, un autre roman dystopique est paru, dont Huxley ne peut faire l'économie : 1984, d'Orwell.

Ainsi, l'auteur analyse à la fois l'évolution du monde depuis les années 1930 et fait des projections dont beaucoup, hélas, se sont vérifiées. Il pointe déjà les fléaux dont nous subissons aujourd'hui les effets : surnatalité, ressources qui se raréfient, contrôle mental des individus par les élites politiques et économiques, notamment à travers les drogues et le conditionnement psychique, etc. Autant d'éléments propres à générer ce que l'auteur appelle un « totalitarisme non violent ».

Huxley semble avoir eu un don de voyance lorsque, par exemple, il explique ceci, s'appuyant sur les travaux de Pavlov : « Il est devenu évident que le contrôle par répression des attitudes non conformes est moins efficace, au bout du compte, que le contrôle par renforcement des attitudes satisfaisantes au moyen de récompenses et que, dans l'ensemble, la terreur en tant que procédé de gouvernement rend moins bien que la manipulation non violente du milieu, des pensées et des sentiments de l'individu. » Plus loin : « Les sujets des tyrans à venir seront enrégimentés sans douleur par un corps d'ingénieurs sociaux hautement qualifiés. » Les GAFA ne seraient-ils pas ces « ingénieurs sociaux » ? Je pose la question…

Dans ce monde manipulation, le Panem et circenses – du pain et des jeux – romain est plus que jamais d'actualité : « L'art et la science de la manipulation en venant à être mieux connus, les dictateurs de l'avenir apprendront sans aucun doute à combiner ces procédés avec la distraction ininterrompue. »

Plus loin : « Les services de ventes politiques ne font appel qu'aux faiblesses de leurs électeurs, jamais à leur force latente. Ils se gardent bien d'éduquer les masses et de les mettre en mesure de se gouverner elles-mêmes, jugeant très suffisant de les manipuler et de les exploiter. » Sachant par ailleurs que : « Une vérité sans éclat peut être éclipsée par un mensonge passionnant. » Et que : « Dans sa forme actuelle, l'ordre social dépend, pour continuer d'exister, de l'acceptation, sans trop de questions embarrassantes, de la propagande mise en circulation par les autorités. » autant de réflexions qui collent parfaitement à notre XXIe siècle.


Citant un certain Erich Fromm, Huxley énonce une autre vérité : « Notre société occidentale contemporaine, malgré ses progrès matériels, intellectuels et sociaux, devient rapidement moins propre à assurer la santé mentale et tend à saper, dans chaque individu, la sécurité intérieure, le bonheur, la raison, la faculté d'aimer. »

Pour autant, Huxley avance quelques pistes pour sortir de cette fatalité. Sauf que Huxley a écrit son texte en 1957. Nous sommes en 2022 et, à moins d'un miracle, je ne vois pas comment nous allons éviter cette catastrophe qui pourrait avoir raison de l'humanité. Mais on m'a dit que c'était bien de croire aux miracles…


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Au point de vue biologique, l'homme est un animal modérément grégaire, non pas tout à fait social ; il ressemble plus au loup, par exemple, ou à l'éléphant, qu'à l'abeille ou à la fourmi. Dans leur forme originelle, ses sociétés n'ont rien de commun avec la ruche ou la fourmilière : ce sont de simples bandes. La civilisation est, entre autres choses, le processus par lequel les bandes primitives sont transformées en un équivalent, grossier et mécanique, des communautés organiques d'insectes sociaux. À l'heure présente, les pressions du surpeuplement et de l'évolution technique accélèrent ce mouvement. La termitière en est arrivée à représenter un idéal réalisable et même, aux yeux de certains, souhaitable. Inutile de dire qu'il ne deviendra jamais réalité. Un gouffre immense sépare l'insecte social du mammifère avec son gros cerveau, son instinct grégaire très mitigé et ce gouffre demeurerait, même si l'éléphant s'efforçait d'imiter la fourmi. Malgré tous leurs efforts, les hommes ne peuvent que créer une organisation et non pas un organisme social. En s'acharnant à réaliser ce dernier, ils parviendront tout juste à un despotisme totalitaire.
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Il y a cinquante ans, dans mon enfance, il semblait absolument évident que le mauvais vieux temps était passé, que la torture, les massacres, l'esclavage et la persécution des hérétiques avaient disparu à jamais. Pour des gens qui portaient haut-de-forme, se déplaçaient en train et prenaient un bain quotidien, de pareilles horreurs étaient simplement inconcevables. Nous vivions au vingtième siècle, que diable ! Quelques années plus tard, ces mêmes hommes qui se baignaient chaque jour et allaient à l'église en huit-reflets commettaient des atrocités d'une ampleur dont les Asiatiques et les Africains enténébrés n'eussent jamais rêvé. À la lumière de l'histoire récente, il serait stupide de croire que ce genre de choses ne peut pas se reproduire. Il le peut et sans doute il le fera.
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Au point de vue génétique, chaque être humain est unique et différent de tous les autres par bien des aspects. L'éventail des variations individuelles en marge des normes statistiques est étonnamment ouvert et n'oublions pas que ces fameuses normes ne peuvent servir qu'aux calculs des actuaires, jamais dans la vie réelle où l'homme moyen n'existe pas. Il n'y a que des individus distincts, chacun avec ses caractères particuliers innés, physiques et mentaux, qui essaient tous (ou qui sont tous contraints) de comprimer leur diversité biologique dans le moule d'une culture uniforme.
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Nos « maladies mentales toujours plus fréquentes » peuvent trouver leur expression dans les symptômes de névroses, très voyants et des plus pénibles. Mais, « gardons nous », écrit le docteur Fromm, « de définir l’hygiène mentale comme la prévention des symptômes. Ces derniers ne sont pas nos ennemis, mais nos amis là où ils sont, il y a un conflit et un conflit indique toujours que les forces de la vie qui luttent pour l’harmonie et le bonheur résistent encore. »
Les victimes vraiment sans espoir se trouvent parmi ceux qui semblent les plus normaux. « Pour beaucoup d’entre eux, c’est parce qu’ils sont si bien adaptés à notre mode d’existence, parce que la voix humaine a été réduite au silence si tôt dans leur vie, qu’ils ne se débattent même pas, ni ne souffrent et ne présentent pas de symptômes comme le font les névrosés ». Ils sont normaux non pas au sens que l’on pourrait appeler absolu du terme, mais seulement para rapport à une société profondément anormale et c’est la perfection de leur adaptation à celle-ci qui donne la mesure de leur déséquilibre mental. Ces millions d’anormalement normaux vivent sans histoires dans une société dont ils ne s’accommoderaient pas s’ils étaient pleinement humains et s’accrochent encore à « l’illusion de l’individualité », mais en fait, ils ont été dans une large mesure dépersonnalisés. Leur conformité évolue vers l’uniformité. Mais « l’uniformité est incompatible avec la liberté, de même qu’avec la santé mentale… L’homme n’est pas fait pour être un automate et si il en devient un, le fondement de son équilibre mental est détruit »
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Au cours de l'évolution, la nature s'est donné un mal extrême pour que chaque individu soit différent de tous les autres. Nous nous reproduisons en mettant les gènes du père en contact avec ceux de la mère et ces facteurs héréditaires peuvent donner des combinaisons en nombre pratiquement illimité. Physiquement et mentalement, chacun d'entre nous est un être unique. Toute civilisation qui, soit dans l'intérêt de l'efficacité, soit au nom de quelque dogme politique ou religieux, essaie de standardiser l'individu humain, commet un crime contre la nature biologique de l'homme.
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