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EAN : 9782867465321
143 pages
Liana Lévi (05/01/2010)
3.82/5   1048 notes
Résumé :
« Le paradis et l'enfer s'étaient enlacés dans le ventre de notre bateau. Le paradis promettait un tournant dans notre vie, un nouvel avenir, une nouvelle histoire. L'enfer, lui, étalait nos peurs : peur des pirates, peur de mourir de faim, peur de s'intoxiquer avec les biscottes imbibées d'huile à moteur, peur de manquer d'eau, peur de ne plus pouvoir se remettre debout, peur de devoir uriner dans ce pot rouge qui passait d'une main à l'autre, peur que cette tête d... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (214) Voir plus Ajouter une critique
3,82

sur 1048 notes
Ru (petit ruisseau). Un seul mot. Preuve limpide que point n'est besoin du racolage ordinaire d'un titre à rallonge pour raconter l'émigration clandestine et le déracinement géographique. Ici en effet, tout comme dans les aventures d'un certain fakir calamiteux, la subtilité du propos se trouve être inversement proportionnelle à la longueur du titre…

Ru, donc, est une sorte de recueil autobiographique, où Kim Thuy dévoile sa vie par fragments aléatoires, évoquant son enfance dorée dans le Sud-Vietnam, sa fuite du régime communiste en 1978 avec tant d'autres clandestins, ou son nouvel avenir au Québec, sa patrie d'adoption. Réflexions intimes, anecdotes ou brefs portraits recomposent dans le désordre la mosaïque émouvante d'une existence éparpillée dans ses souvenirs.

C'est un voyage dans le temps qui nous est proposé, décousu et presque léger car exprimé avec un détachement gracile, une ironie paisible et une sobre concision qui contrastent en permanence avec l'horreur incontournable qui sous-tend chaque évocation. Un paradoxe qui ne rend ces récits que plus rares et déroutants car, on le devine sans peine, le destin de Kim Thuy est moins un long fleuve tranquille qu'un ruisseau turbulent.


Lien : http://minimalyks.tumblr.com/
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Que voilà un excellent témoignage !
L'auteure sait nous maintenir en haleine avec son histoire personnelle qui la mènera de Saïgon au Québec en tant que réfugiée "boat-people". Les description des exactions des communistes vietcong sont toujours contrebalancées par une poésie de l'écriture. le récit, découpé en courts chapitres, ne sombre jamais dans le tragique et se lit comme autant de scénettes à méditer. On la suit, enfant, du Vietnam aux premiers jours de son arrivée au Canada en passant par un camp de regroupement en Malaisie. Toutes les horreurs vécues par cette enfant semblent laisser la place au meilleur que peut nous offrir la vie ! En ce sens, c'est une grande leçon de vie qui nous ai donnée par ce livre. A travers le tragique de son histoire et de celle des siens, Kim Thùy nous rappelle à chaque instant l'importance inhérente au moindre petit moment de vie. le récit n'est pas linéaire, et une partie de sa richesse vient des nombreuses allées et venues, au grès de ses souvenirs d'enfance entre son passé et sa vie actuelle.
Un livre d'une grande sagesse que je recommande vivement. .
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En introduction de ce court récit autobiographique, l'auteure Kim Thúy, nous indique : Ru signifie « petit ruisseau » et, au figuré « écoulement ». En vietnamien, ru signifie « berceuse », « bercer ».
J'ai aimé cette voix qui parle d'exil, de déracinement, d'arrachement. L'exil, c'est aussi une manière de renoncer sans oublier, de reconstruire après.
Les pages s'égrènent comme des fragments de vies, entre la vie d'avant et celle d'après. C'est comme un patchwork, une mosaïque qui s'édifie sous nos yeux, sous nos doigts. Entre les deux, il y a la mer, une embarcation qui tangue dans l'océan, ses occupants ne savent plus très bien ce qui sépare le jour de la nuit, la mer du ciel. Nous sommes à la fin des années 70 lorsque Kim Thúy et sa famille fuient comme tant d'autres le régime communiste du Vietnam, après le départ des soldats américains. Ils font partie des boat people. La terre promise et qui les accueillera sera le Canada.
Le souvenir est un désordre, un dédale, chaque page est un fragment qui se détache de l'existence de l'auteure pour venir se poser sur ces pages et sur nos lèvres. Son émotion est à peine perceptible, enfouie dans un voile de pudeur qu'elle desserre peu à peu avec une délicatesse infinie.
Comment poser l'ancre sur une terre inconnue ? Se souvenir d'où l'on vient pour déjà forger un futur improbable.
Sans doute faut-il la famille pour survivre à l'exil, des bras pour être bercé, comme dans le bruissement de l'eau d'un ru.
Il y a justement cette famille présente dans le livre, ceux qui sont partis, ceux qui sont restés, ceux qui ne sont plus là. Elle les invite un à un dans ce récit généreux, parfois de manière tragi-comique.
L'exil, c'est aussi le renoncement matériel, laisser derrière soi une maison, tous ces objets impossibles à emporter dans une seule valise. Alors il faut emporter autre chose, la beauté de la mémoire capable à chaque instant de faire ressurgir l'étonnement, l'émerveillement, la fragilité d'un mot, le bruissement d'un feuillage, le rouge profond d'une feuille d'érable, le parfum d'une pivoine à peine éclose, le goût d'un fruit. Il reste alors une manière de marcher jusqu'à ses rêves jusqu'à l'infini. Parfois un dernier attachement aux objets résiste, qui n'est peut-être pas que matériel, un éventail, un bol, derniers liens aux soucis terrestres.
Le don de rêver est un héritage magnifique, pourquoi ne le cultivons-nous pas plus fortement ? Il faudrait offrir à nos enfant des livres qui parlent d'exil et puis aussi en parler dans les écoles.
Ru est un livre actuel, ce livre m'a touché pour cela aussi, les embarcations des boat people au large de la Malaisie ont désormais été remplacées par des embarcations tout aussi fragiles qui traversent la Méditerranée, quittant la Libye pour échouer sur les plages italiennes ou grecques. C'est toujours la même chose, rien n'a changé, l'horreur de ce que la terre natale peut devenir brusquement, la folie humaine toujours, oblige sans doute à trouver la force un jour de partir, la peur au ventre.
Un ru, même s'il court son chemin imperturbable, peut devenir parfois un ruisseau turbulent.
Ce récit aime la vie.
Merci à toi Anne de m'avoir donné envie de découvrir ce très beau et sensible récit.
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Encore une harraga, une exilée, une déracinée, une brûleuse de route. Mais Kim est vietnamienne, et sa harraga à elle est celle des boat peoples obligés de fuir devant les bouleversements politiques, petite enfant qui ne comprenait pas grand chose à ce qui lui arrivait, petite fille de la famille d'un riche préfet d'origine chinoise qui fuit Saigon devenu communiste. "Mon père avait prévu, si notre famille était prise par des communistes ou des pirates, de nous endormir pour toujours, comme la Belle au bois dormant, avec des pilules de cyanure. Pendant longtemps, j'ai voulu lui demander pourquoi il n'avait pas pensé à nous donner le choix, pourquoi il nous aurait enlevé la possibilité de survivre." le ton est donné, style net, froid et pourtant empreint d'une infinie tendresse, une émouvante retenue qui donne à ces menus chapitres, des paragraphes, plutôt, une charge affective considérable. Les paragraphes se suivent dans le désordre, évoquant l'horreur des bateaux de tous les dangers, les camps de Malaisie, l'arrivée misérable dans un Canada gelé, l'intégration d'enfants qui ne parlaient du français que le peu qu'ils avaient cru apprendre de leurs institutrices. Pas une plainte pour ces vies qui se reconstruisent dans le plus grand dénuement, les boat peoples n'ont rien, n'emportent rien et, si d'aventure ils parviennent à cacher de minuscules diamants dans un bracelet en plastique dentaire, ils se le font voler. Les parents abandonnent leurs enfants à des inconnus en espérant qu'ils sauvent ainsi leur vie…

La vision de Kim Thùy est toujours morcelée, comme les souvenirs qu'elle garde des hommes qu'elle a aimés : un battement de cil de l'un, une mèche rebelle de l'autre, des leçons de certains, des silences de plusieurs. Par petites touches pointilliste, mosaïque de détails, se met en place la vie du Vietnam d'autrefois, ces grandes familles de dix-huit enfants, régies par une grand-mère étroitement corsetée experte en diamants, avec "l'oncle Deux" séducteur et irresponsable ou l'émouvante "tante Sept", simple d'esprit et fugueuse, qui ne sait pas pourquoi son ventre a gonflé, pourquoi elle a été endormie dans une clinique, ni que ce petit neveu est en fait son fils ; ou encore avec les impossibles et touchantes amours ancillaires d'une pauvre journalière et du jardinier.

Vietnam ravagé par la guerre et les bouleversements politiques, avec ces fillettes prostituées pour survivre, aperçues derrière une porte, ou comme ses petits cousins :" Ils m'ont décrit en ricanant comment ils avaient masturbés des hommes en échange d'un bol de soupe à deux mille dông. Ils ont dépeint sans retenue ni réserve ces gestes sexuels avec le naturel et la pureté de ceux qui considèrent que la prostitution est uniquement une affaire d'adultes et d'argent, qu'elle n'implique pas des enfants de six à sept ans comme eux, qui s'y adonnaient pour un repas à quinze cents. "Vietnam où vainqueur et vaincus connaissent la même misère, comme ces miliciens communistes qui stockent leurs poissons dans la cuvette des toilettes, objet incongru pour eux, qui ne peut donc servir que de garde manger.

Camps de réfugiés de Malaisie, cloaque puants et couverts de mouches, où des femmes tombent et se noient comme dans des sables mouvants.

Vietnam d'aujourd'hui enfin, avec ses odeurs, ses saveurs et ses formes retrouvées.

J'aimerai tout citer, parce que ce livre est une petite merveille, un premier roman (est-ce vraiment un roman) dépaysant, poignant, et poétique qu'il faut que je vous laisse découvrir, pour y puiser une magnifique leçon de courage et de dignité.

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Mélange de souvenirs évoqués par bribes éparpillées, narration au fil de l'eau - celle de ce ru qui, en vietnamien, est aussi une berceuse - ce premier roman publié en 2009 et écrit directement dans un français très fluide est l'autobiographie romancée de son auteure.

Elle y raconte l'enfance brisée, la vie “d'avant”, le Vietnam en guerre, les familles dévastées, l'oppression communiste, la tragédie des boat people, l'exil, la perte des repères connus et la construction d'une autre vie, à des milliers de kilomètres de la terre natale.

"Ru" est un récit tragique et poignant dont j'ai beaucoup aimé la retenue et la pudeur, la narration décousue - comme fut décousue la vie de tous ces immigrants bousculés par l'Histoire -, le courage et l'obstination à vivre, envers et contre tout, de ces personnes et de ces personnages persuadés que “la vie est un combat où la tristesse entraîne la défaite”.

Plus qu'un roman, "ru" est un livre de souvenirs bouleversant qui nous offre un témoignage de première main sur l'une des grandes tragédies du vingtième siècle, comme sur les blessures inguérissables du déracinement et de l'exil.

Une belle lecture.

[Challenge Multi-Défis 2020]
[Challenge Plumes féminines 2020]
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critiques presse (1)
Telerama
07 septembre 2011
Kim Thúy se souvient de ses vies multiples, dans un texte mosaïque qui refuse l'apitoiement et la haine, parle d'espoir et de renaissance, porté par l'énergie d'une survivante.
Lire la critique sur le site : Telerama
Citations et extraits (188) Voir plus Ajouter une citation
C’est seulement à ce moment-là que j’ai saisi l’amour de cette mère assise en face de moi dans la cale de notre bateau, tenant dans ses bras un bébé dont la tête était couverte de croûtes de gale puantes.
La petite ampoule suspendue au bout d’un fil retenu par un clou rouillé diffusant dans la cale une faible lumière, toujours la même.
Au fond de ce bateau, le jour ne se distinguait plus de la nuit.
La constance de cet éclairage nous protégeait de l’immensité de la mer et du ciel qui nous entouraient.
Les gens assis sur le pont nous racontaient qu’il n’y avait plus de ligne de démarcation entre le bleu du ciel et le bleu de la mer. On ne savait donc pas si on se dirigeait vers le ciel ou si on s’enfonçait dans les profondeurs de l’eau.
Le paradis et l’enfer s’étaient enlacés dans le ventre de notre bateau.
Le paradis promettait un tournant dans notre vie, un nouvel avenir, une nouvelle histoire.
L’enfer lui, étalait nos peurs : peur des pirates, peur de mourir de faim, peur de s’intoxiquer avec les biscottes imbibées d’huile à moteur, peur de manquer d’eau, peur de ne pouvoir se remettre de bout, peur de devoir uriner dans ce pot rouge qui passait d’une main à l’autre, peur que cette tête d’enfant ne soir contagieuse, peur de ne plus jamais fouler la terre ferme, peur de ne plus revoir le visage de ses parents assis quelque part dans la pénombre au milieu de ces deux cents personnes.
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On oublie souvent l’existence de toutes ces femmes qui ont porté le Vietnam sur leur dos pendant que leur mari et leurs fils portaient les armes sur les le leur. On les oublie parce que sous leur chapeau conique, elles ne regardaient pas le ciel. Elles attendaient seulement que le soleil tombe sur elles pour pouvoir s’évanouir plutôt que s’endormir. Si elles avaient pris le temps de laisser le sommeil venir à elles, elles se seraient imaginé leurs fils réduits en mille morceaux ou le corps de leur mari flottant sur une rivière telle une épave. Les esclaves d’Amérique savaient chanter leur peine dans les champs de coton. Ces femmes, elles, laissaient leur tristesse grandir dans les chambres de leur cœur. Elles s’alourdissaient tellement de toutes ces douleurs qu’elles ne pouvaient plus redresser leur échine arquée, ployée sous le poids de leur tristesse.

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Mes parents nous rappellent souvent, à mes frères et à moi, qu'ils n'auront pas d'argent à nous laisser en héritage, mais je crois qu'ils nous ont déjà légué la richesse de leur mémoire, qui nous permet de saisir la beauté d'une grappe de glycine, la fragilité d'un mot, la force de l'émerveillement. Plus encore, ils nous ont offert des pieds pour marcher jusqu'à nos rêves, jusqu'à l'infini.
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Mes parents nous rappellent souvent à mes frères et à moi, qu’ils n’auront pas d’argent à nous laisser en héritage, mais je crois qu’ils nous ont déjà légué la richesse de leur mémoire, qui nous permet de saisir la beauté d’une grappe de glycine, la fragilité d’un mot, la force de l’émerveillement.
Plus encore, ils nous ont offerts des pieds pour marcher jusqu’à nos rêves, jusqu’à l’infini.
C’est peut-être suffisant comme bagage pour continuer notre voyage par nous-mêmes. Sinon, nous encombrerions inutilement notre trajet avec des biens à transporter, à assurer, à entretenir.
Un dicton vietnamien dit : « Seuls ceux qui ont des cheveux longs ont peur, car personne ne peut tirer les cheveux de celui qui n’en a pas ».
Alors j’essaie le plus possible de n’acquérir que des choses qui ne dépassent pas les limites de mon corps
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Je n’ai pas crié ni pleuré quand on m’a annoncé que mon fils Henri était emprisonné dans son monde, quand on m’a confirmé qu’il est de ces enfants qui ne nous entendent pas, qui ne nous parlent pas, même s’ils ne sont ni sourds ni muets.
Il est aussi de ces enfants qu’il faut aimer de loin, sans les toucher, sans les embrasser, sans leur sourire parce que chacun de leurs sens serait violenté tour à tour par l’odeur de notre peau, par l’intensité de notre voix, par la texture de nos cheveux, par le bruit de notre cœur…..
……Il ne comprendra jamais pourquoi j’ai pleuré quand il m’a souri pour la première fois ……
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Videos de Kim Thúy (17) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Kim Thúy
Dans le cadre du Festival Lettres du Monde, Kim Thuy vous présente son ouvrage "m" aux éditions Liana Levi.
Retrouvez le livre : https://www.mollat.com/livres/2505439/kim-thuy-em
Note de musique : © mollat Sous-titres générés automatiquement en français par YouTube.
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