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EAN : 9781632155467
120 pages
Image Comics (19/01/2016)
5/5   1 notes
Résumé :
Once the world's most famous chef, Gavin Cruikshank's been in a self-imposed exile for years. His little foodie television program has since evolved into STARVE, an arena sport that pits chef against chef for the pleasure of their super-rich patrons. It's a stain on a once-noble profession, and Chef Gavin is ready to go to war to stop it. Two things stand in his way: his arch rival Roman Algiers, and his adult daughter Angie, who probably just wants her dad back and... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Ce tome est le premier d'une série en 2 parties. Il comprend les épisodes 1 à 5, initialement parus en 2015, écrits par Brian Wood, dessinés et encrés par Danijel Žeželj, avec une mise en couleurs de Dave Stewart.

L'histoire se déroule dans un futur proche dans lequel les grosses entreprises écrivent leur propre loi et la qualité environnementale a continué à se dégrader, à commencer par l'extinction de certaines espèces. Gavin Cruikshank est un homme d'une cinquantaine d'années qui s'est retiré dans un ville d'Asie du sud-est pour fumer comme un pompier, picoler comme un trou et se mêler à la populace. Au temps de sa gloire, il fut le créateur d'une émission télévisuelle de cuisine titrée Starve (affamer / mourir de faim) ayant accumulé les meilleurs scores d'audience. Seulement, il doit encore 8 émissions au réseau médiatique propriétaire de l'émission. Il a donc la surprise de voir arriver un hélicoptère, avec à son bord Sheldon, responsable de la programmation qui doit le ramener aux États-Unis. L'heure du retour a sonné.

De retour sur le sol américain, Gavin Cruikshank découvre que sa femme Greer a réussi à s'approprier son argent et les droits sur l'émission. Il n'a donc d'autre choix que de participer à l'émission Starve, mais pas comme animateur (rôle tenu par Roman Algiers, un de ses anciens copains), comme candidat, et à se soumettre aux épreuves, pour parvenir jusqu'en finale, afin de tenir son engagement contractuel et de se remplumer. Sa fille Angie espère bien attirer l'attention et l'affection de son père qui a abandonné le domicile familial quand il s'est aperçu de son homosexualité. Premier défi télévisuel de la nouvelle saison de Starve : cuisiner du chien. Que le meilleur gagne !

Brian Wood n'est pas le premier scénariste venu puisqu'il a déjà à son actif des séries sur des thèmes variés comme la politique fiction DMZ, l'histoire des vikings Northlanders, ou encore un drame écologique d'anticipation dans The Massive. le lecteur est également immédiatement attiré par la couverture aux teintes chaudes et sombres conçues et aménagées par Dave Stewart, le metteur en couleurs attitré des séries de Mike Mignola, ainsi que par cette silhouette campée à gros traits avec son couteau entre les dents. Danijel Žeželj (né en Croatie, vivant aux États-Unis) est également un artiste sortant de l'ordinaire, ayant travaillé pour DC Comics, pour Vertigo, et publiant régulièrement des récits en France, comme Chaperon Rouge. Ces 2 auteurs relèvent le défi d'écrire un comics sur le thème de la cuisine.

Dès la première page, le lecteur est sous le charme hypnotique des dessins dont la pouvoir de séduction va croissant de page en page, contre lequel il est impossible de lutter. Dave Stewart habille les dessins de Danijel Žeželj avec une intelligence graphique exceptionnelle. Il n'utilise pas une approche naturaliste, il ne s'agit pas pour lui de colorer chaque surface détourée avec la couleur naturelle de ce qui est représenté. Il compose chaque page sur la base d'une couleur majoritaire, vert, ou jaune, ou orangé, ou brun, en fonction du lieu et de l'éclairage. Il met en avant un ou deux éléments par case avec une couleur différente, comme la couverture orangée du livre écrit par Cruikshank, le rouge de la chair du chien dépecé, le gris d'un thon, le néon d'une enseigne. Avant même de lire les dessins, le lecteur est déjà immergé dans l'ambiance lumineuse de la page, ce qui donne une forte identité graphique à chaque endroit.

Ensuite, le lecteur (re)découvre la puissance des dessins de Danijel Žeželj. Cet artiste donne l'impression de sculpter chaque forme, de faire sortir d'un matériau rigide des formes taillées dans la masse, arrachées à la matière. le lecteur éprouve l'impression de voir des marques de burin ou de ciseau, plutôt que des traits de contour encrés. Cette apparence confère une dimension primale et primordiale. Cet artiste ne se contente pas de décrire la réalité, il est en prise directe avec les forces sous-jacentes, la force de vie qui habite chaque forme. Les personnages sont habités par des passions, des émotions, des influx nerveux. Ils ne sont pas dessinés comme des épileptiques s'agitant dans tous les sens, mais ils sont vivants et en tension. Ils dégagent une présence incroyable qu'il s'agisse du personnage principal ou de tous les autres. Chaque personnage bénéficie d'une tenue spécifique en cohérence avec leur caractère et leur position sociale. En outre la tenue de cuisinier de Gavin Cruikshank est impeccable.

Alors que le lecteur ressent avec force l'évidence des dessins, il se rend également compte qu'ils présentent une bonne densité d'informations visuelles. La vision d'ouverture des façades de cette ville d'Asie du sud-est se situe à la frontière du figuratif et de l'abstrait, faisant ressortir les lignes structurelles de ces édifices. le deuxième épisode s'ouvre avec une vue du ciel de Manhattan, également dans une épure entre figuratif et abstrait, faisant ressortir les segments structurant pour une vision entre vue du ciel photographique et texture conceptuelle dantesque. de séquence en séquence, le lecteur est invité à admirer des lieux divers et variés comme un bouiboui animé aux consommateurs chaleureux, une suite d'hôtel à la décoration intérieure luxueuse, une cabine de jet privé confortable et exigüe, le hall monumental de la corporation du network possédant les droits de Starve, les rues nocturnes de Manhattan poisseuses, le plateau télévisuel surchauffé par l'éclairage éblouissant, et bien sûr plusieurs cuisines de restaurants.

Danijel Žeželj fait montre d'une grande compétence de metteur en scène. Il varie ses angles de prise de vue pendant les dialogues pour montrer ce que font les personnages, et l'environnement dans lequel ils évoluent. Il sait contraster les moments de spectacle, les foules se déplaçant pour l'enregistrement de l'émission Starve, avec les moments plus intimes dans l'appartement de Greer Cruikshank ou dans les bars. Il met en scène les moments d'action avec un enthousiasme certain pour la quatrième phase du défi (Kitchen Battle). Cerise sur le gâteau : cet artiste est très à l'aise pour représenter la nourriture et sa préparation. On mangerait aussi bien le steak que Cruikshank prépare pour Sheldon, que les sashimis de thon rouge pour la deuxième épreuve. le lecteur en a l'eau à la bouche.

Voyons voir : un monde d'anticipation mais pas si éloigné, un individu avec un certain âge qui s'est retiré de son milieu professionnel d'origine, mais c'est le même début que Transmetropolitan de Warren Ellis & Darick Robertson. Par contre, très vite, il apparaît que Gavin Cruikshank n'a pas le même caractère que Spider Jerusalem. Il peut être sarcastique de temps à autre, mais pas cynique comme l'est Jerusalem. Brian Wood présente un personnage qui fait son âge du fait de ses rides, et dont il est certain que la condition physique n'est pas des meilleures, au vu de ce qu'il picole et de ce qu'il fume. Il se rend rapidement compte que son absence a profité pas mal de monde à commencer par sa femme qui s'est appropriée ses biens, et son collègue qui a pris sa place en tant qu'animateur de l'émission Starve. Un peu revenu de sa soif de célébrité et de réussite sociale, il se soumet à l'humiliation de redescendre à l'état de candidat dans sa propre émission. Il n'en est pas aigri pour autant.

L'une des forces de l'écriture de Brian Wood dans cette série est de savoir incorporer un humour diffus. Cette sensation commence par l'assurance de Gavin Cruikshank, personnage parfois facétieux, mais aussi plein de ressources. Il a créé cette émission Starve et il en maitrise les codes et les ressorts. Il n'hésite pas à faire tourner en bourrique le jeune Sheldon rapidement submergé par la forte personnalité de Cruikshank. Il refuse la place de victime, en détournant les codes de l'émission à son avantage. le lecteur se retrouve vite sous le charme de cette personnalité intelligente, capable de faire preuve de beaucoup d'à-propos et d'astuce, avec un esprit combatif intact, mettant à profit son expérience, très compétent à titre professionnel, et éprouvant encore des émotions, capable aussi de se remettre en question.

Brian Wood mitonne un récit avec de nombreuses saveurs. Il y a pour commencer une forme de comédie dramatique, dans laquelle le lecteur s'attache au personnage principal, ainsi qu'à sa fille et à une poignée de personnages secondaires, car les actions de Gavin Cruikshank ont des conséquences pour lui-même, mais aussi pour les personnes de son entourage. Il y a une forme de thriller dans lequel le lecteur espère que le personnage principal saura déjouer les pièges, triompher des épreuves et en sortir vainqueur. Il y a bien sûr une forme de satire sur la société du spectacle, sur la mise en scène démesurée mise en oeuvre pour faire de la cuisine un spectacle visuel, pour transformer un individu en train de mijoter un bon petit plat en un guerrier devant vaincre au péril de sa vie. il y a donc une critique de la société qui transforme des professionnels d'un métier en de mauvais acteurs uniquement destinés à divertir des spectateurs, mais encore plus à générer des bénéfices pour une grande entreprise sans âme.

Brian Wood enrichit encore son récit avec d'autres saveurs, en particulier avec les défis culinaires. Chacune des épreuves va être l'occasion d'évoquer un aspect de la nourriture. En devant rendre mangeable du chien, Gavin Cruikshank doit briser un tabou culturel sur ce qui constitue une viande acceptable comme nourriture, en fonction de l'histoire culturelle de l'hôte. Par la suite, il évoque les conséquences de la pêche intensive, avec le risque très réel de la disparition de certaines espèces. Il s'agit donc de responsabiliser le consommateur sur la chaîne de production qui lui permet d'avoir des mets rares dans son assiette, à quel prix. le défi d'après met en scène la réalité de la mort animale pour avoir de la viande dans son assiette. le dernier devient une guerre de ressources, Gavin Cruikshank et ses 2 aides devant se battre physiquement pour disposer d'un lieu servant de cuisine.

Ce premier tome de Starve est d'une rare intensité, aussi drôle que sombre, aussi vif que posé : une histoire à prendre au premier degré comme un divertissement sophistiqué, avec des images spectaculaires et intenses, des personnages charismatiques et déterminés, mais aussi une réflexion sur plusieurs aspects de la société à commencer par la nourriture et la gestion des ressources, avec des images semblant être taillées dans la masse pour révéler la nature profonde de chaque chose. Exceptionnel !
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Citations et extraits (1) Ajouter une citation
Je veux que les chaînes de fast food perdent des parts de marché. Je veux que les gamins du coin sachent quel goût à la vraie cuisine, qu'ils sachent à quoi ça ressemble. La révolution, tout de suite. Pour les vrais gens, pas pour les enfoirés qui viennent poser leurs culs dans un studio de télé.
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Video de Brian Wood (1) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Brian Wood
Nortlanders de Brian wood ed: Urban
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