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EAN : 9782914704793
272 pages
Jigal (10/05/2011)
3.84/5   19 notes
Résumé :
Vincent de Moulerin, notable marseillais et conseiller municipal, vient d’être abattu de quatre balles de 11.43 dans un parking souterrain du centre-ville. Emma, jeune lieutenant de police au look étrange se retrouve en charge de l’enquête sur ce meurtre apparemment crapuleux. Mais, suivant son instinct et les conseils de Clovis, elle décide de fouiner dans le passé de la victime… De Moulerin est en effet un ancien colonel des paras qui a fait le coup de feu en Indo... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (9) Voir plus Ajouter une critique
Maurice Gouiran semble être un auteur engagé qui aime remuer là où d'autres souhaiteraient que les choses se tassent et s'oublient à jamais. Cet auteur marseillais, selon ce que j'ai pu découvrir, a traité pas mal de sujets sensibles et durs, tels que l'Italie de Mussolini, le nazisme, les jeunes français dans la SS, l'Espagne franquiste ou encore la mafia marseillaise.

Une enquête policière actuelle qui emmène le lecteur dans les arcanes de la guerre d'Algérie ou encore dans l'Argentine dictatoriale de Videla, c'est ce que nous propose Maurice Gouiran dans cette oeuvre marquante et mémorable. La mémoire justement, c'est bien ce que l'auteur semble vouloir être; évoquer et rappeler des faits qui font taches dans L Histoire, ceci d'une manière objective, impartiale et juste. Chose que nous n'avons pas l'habitude de voir; l'hypocrisie règne en maître parfois lorsqu'il s'agit de rappeler un passé dont certains ne risquent pas d'être fiers de leurs actes et préféreraient être oubliés.

Je connais les grandes lignes de la guerre d'Algérie ou le passé sanglant de l'Argentine, mais pas comme le décrit ici Maurice Gouiran. L'expression "appuyer là où ça fait mal", vous connaissez? Et bien là l'auteur appuie fort, très fort même, et plus ça fait mal, plus il appuie encore! Et oui, pour faire ressurgir les vérités cachées, il faut bien y mettre un peu de pression... L'auteur nous ramène le passé, nous fait revivre un bout de l'Histoire; pas la plus belle - loin de là - tout cela imbriqué dans un polar! Visiblement une marque de fabrique de Maurice Gouiran, comme je vous le disais au début de ma chronique. L'auteur lève le voile sur des pratiques dégueulasses qui ont été dissimulées à l'époque, cautionnées par des gouvernements adeptes de la pratique de l'autruche.

Le colonel Vincent de Moulerin, conseiller municipal de la droite républicaine et ancien militaire émérite et de nombreuse fois décoré, vient d'être abattu dans un parking d'un centre commercial marseillais. Ce vétéran de la guerre d'Indochine et d'Algérie, qui était également patron d'une entreprise de sécurité aux méthodes peu orthodoxes, a succombé après avoir reçu quatre balles en sortant de son véhicule. Emma Govgaline est chargée de cette enquête mais son boss, le commissaire Arnal, conseille à la jeune flic de boucler l'affaire rapidement. Pour lui, pas de doute, il s'agit d'un énième crime crapuleux perpétré par des membres du petit banditisme marseillais. Un vol de voiture qui a mal tourné, cela arrange bien ce commissaire relativement lâche lorsqu'il s'agit de prendre ses responsabilités, surtout avec l'assassinat d'un notable sur les bras! Moins cela fera de bruit, mieux ça ira pour lui...

Mais bon, pour Emma Govgaline, trois balles dans le thorax et une dans la nuque, pour un vol de voiture, cela ne passe pas trop. Cela ressemble clairement à un règlement de compte. Elle en fait part à son supérieur qui lui donne tout de même, à contrecoeur, une semaine pour boucler l'affaire. La jeune flic au look androgyne et gothique, pugnace et accrocheuse, va s'intéresser de très près au passé de la victime; une intuition. Elle va notamment s'intéresser à la carrière militaire de cet homme, peut-être motivée et influencée par le suicide de son père qui était également un ancien combattant. Peut-être...

Lors de son enquête officieuse, elle va apprendre petit à petit, au gré des témoignages piqués à gauche et à droite, que le passé du colonel n'était pas aussi propre qu'il en avait l'air. Emma Govgaline va contacter Clovis Narigou, un ex-amant qui regorge d'informations et de contacts; bref un gars bien renseigné. Il va l'orienter vers Kader, puis Mario Crescensi, journaliste à la retraite qui est susceptible de la faire avancer dans son enquête.

L'ancien journaliste lui parle alors de la guerre d'Algérie - l'envers du décor - , lui apprend ce qu'il se passait réellement. Une guerre... Plutôt des massacres, à l'image de la tuerie des Centres Sociaux Educatifs à Alger le 15 mars 1962, des hommes innocents qui furent fusillés au château Douïeb, par un groupement, le commando Delta; un exemple parmi tant d'autres. Pour Emma, le statut du colonel Vincent de Moulerin prend gentiment la forme de criminel. Est-il impliqué d'une manière ou d'une autre dans ces massacres? Selon les renseignements, il aurait approché de très près l'OAS (organisation de l'armée secrète).

Les témoignages se succèdent et la flic en apprend de plus en plus, même auprès de la veuve qui semble devenir assez bavarde lorsqu'Emma s'attarde sur le passé de son mari. Ce dernier se comportait étrangement les jours avant sa mort. Une période de sa vie reste également relativement trouble et inexpliquée, soit de 1968 à 1980. Où était-il?

Parallèlement, nous suivons Kevin, le petit-fils du colonel Vincent de Moulerin. Cet ado passe ses jours et ses nuits enfermé dans sa chambre, à pianoter sur le clavier de son ordinateur. Sa vie prend un sens uniquement dans le virtuel, "Second Life" devient son monde, le vrai. Il ne voit aucun intérêt à vivre dans le "vrai" monde rempli d'intolérances, corruptions et de toute la bêtise humaine qui va avec.

"Face à ce désaveu, certains auraient choisi la lutte et la dénonciation, lui préféra la fuite. La fuite vers un autre monde... Alors, il s'était réfugié dans sa chambre, devant son ordinateur. Là, il se sentait bien. Il pouvait créer, jouer avec cette machine largement ouverte sur l'univers et dont la puissance l'étonnait chaque jour, surfer sur les réseaux qui l'emmenaient loin, très loin de sa famille petite bourgeoise et mesquine, de ces êtres qui vivaient dans l'aigreur, la nostalgie, la peur de l'autre, la vindicte, très loin de ses parents qui ne savaient parler que de fric."

Son tripe est également de développer des programmes et des techniques de morphing et ainsi les tester sur le net. Lorsqu'il tentera l'expérience avec une photo de son père prise dans un album de famille, cette image le renverra sur un personnage appartenant au passé, un homme qui ne semble pas avoir de rapport avec sa famille. Néanmoins, il tombera finalement de haut et atterrira sur quelque chose de gros et surprenant. Il va aussitôt enquêter sur cette nouvelle découverte qui va l'emmener dans l'Argentine dictatoriale des années 70, avec ses desaparecidos, ces quelques 30'000 personnes innocentes qui furent enlever et qui disparurent à jamais. Quel rapport avec son père ou son grand-père? le jeune Kevin va très vite comprendre ce qu'il se passe, ou plutôt ce qu'il s'est passé. Un grand dilemme familial se présente devant lui et il va forcément devoir agir.

Les troublantes découvertes de Kevin et l'enquête minutieuse d'Emma Govgaline vont prendre une direction identique, l'Argentine dans sa période la plus sombre de l'Histoire.

Par ce polar, Maurice Gouiran nous propulse dans L Histoire, dans l'Argentine du dictateur Vidala, qui a été marquée par la torture, les pressions, les enlèvements, les viols, les vols de bébés ou encore des massacres collectifs commis en toute impunité. Des techniques de massacres et de pressions qui ont fait leurs preuves durant la guerre d'Algérie, des méthodes odieuses exportées ensuite en Argentine par des officiers français et enseignées aux milices du pays qui les ont rapidement assimilées et mise en place. La guerre antisubversive n'avait dès lors plus aucun secret pour eux. L'auteur nous renvoie dans le passé par de nombreux témoignages de personnages mais également en plaçant le narrateur de l'époque au présent ce qui permet de nous enfouir complètement et intensément dans cette ambiance malsaine et sanglante.

"Melian croupit cinq jours dans sa cellule du sous-sol. Martyrisé, le corps en sang, il entendit durant son séjour les hurlements des hommes et des femmes qui perçaient la sonorisation musicale intense destinée à étouffer les plaintes. Outre les gencives et les parties génitales, on appliquait l'électricité sur les seins des femmes qui subissaient également la cuchara (la petite cuiller) consistant à introduire une petite cuiller dans l'utérus afin de rendre les décharges encore plus sensibles. le sumarino (la baignoire), la scie électrique, le chevalet, le chalumeau ou le viol complétaient l'attirail des bourreaux et étaient largement utilisés dans le sous-sol de l'ESMA. On découpait les paupières de certains prisonniers, d'autres étaient tout simplement écorchés vivants."

Maurice Gouiran nous réserve un dénouement assez classique, tout comme l'enquête sur le meurtre qui reste un peu en arrière plan. L'atout majeur de cette oeuvre, c'est la qualité des développements historiques qui sont tout simplement épatants et d'un réalisme époustouflant. Suivre des matchs de la coupe du monde de football de 1978 en Argentine; percevoir cette ambiance euphorique générale qui se dégage des foyers de tout le pays alors que les tortures et les massacres font couler le sang à quelques pas du stade; un contraste qui est décrit par l'auteur d'une manière puissante et dérangeante. Jorge Rafael Videla n'est jamais très loin; la peur, la boucherie humaine et la mort non plus.

L'auteur ne nous épargne absolument rien et dénonce haut et fort ce que d'autres auraient peut-être préféré cacher à tout jamais. Mais voilà, L Histoire n'est pas malléable, ce qu'il s'est passé ne changera pas et les splendides salopards qui ont traversé le temps en toute impunité ne risquent plus d'être inquiétés... Pas tous du moins. le réservoir de la plume de Maurice Gouiran est rempli d'encre rouge, une plume qui fait couler beaucoup de sang d'innocents qui ont vécus une période marquée par la dictature et qui ont subi des actes abominables. La torture, la peur et la douleur s'inculquent; l'Argentine en a fait les frais.

Maurice Gouiran ne brosse pas un portrait très réjouissant de sa région et de son pays. D'une part, la ville de Marseille en prend pour son grade par la voix d'Emma Govgaline qui n'a pas une grande estime pour la cité phocéenne. Et d'autre part, l'auteur ne place pas la France sur un piédestal en dénonçant l'exportation et l'enseignement de la guerre subversive dans un pays déjà bien agité et ébranlé. C'est audacieux mais néanmoins franc et sincère! L'auteur a exécuté son rôle de mémoire jusqu'au bout et c'est tout à son honneur. de parler de toutes ces victimes et surtout en dénonçant leur tortionnaire - fictifs mais aussi bien réels dans cette oeuvre - est une sorte de respect pour ces enfants, ces hommes et ces femmes qui méritent de la dignité. Voilà, ce pan scandaleux de l'Histoire se ferme pour moi; et pour vous? Bonne lecture.
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Le colonel Vincent de Moulerin vient d'être assassiné sur un parking de Marseille. Pour le commissaire Arnal, il est évident qu'il s'agit d'un meurtre forfuit et il demande bien vite au lieutenant Emma Govgaline de boucler l'affaire dans ce sens. C'est que des règlements de compte à répétition dans le milieu mafieux marseillais agitent la ville et qu'il serait de bon ton d'y mettre de l'ordre. Emma se charge donc de l'enquête et, troublée par le propre passé de son père, commence à s'intéresser à celui de l'ancien militaire. Elle soupçonne un profil de facho derrière le conseiller municipal droit et sans taches, et un meurtre de vengeance. Mais la vérité est bien compliquée que ça...
Aidée de Clovis Narigou, un ancien amant, et de ses contacts, Emma va enquêter sur le passé trouble de Vincent de Moulerin. Grâce aux information de Mario crescensi, un ancien journaliste, elle apprend que ce dernier est un ancien para qui a fait la guerre d'Indochine avant de rejoindre l'Algérie et les rangs de l'OAS. Quelques années plus tard, c'est en Argentine que l'on retrouve le colonel. Son itinéraire n'est pas totalement clair et des zones d'ombres subsistent.

Maurice Gouiran est un auteur qui vit près de Marseille et situe ses polars dans la cité phocéenne. Néanmoins, loin d'être un de ces polars régionaux trop caricaturaux, Sur nos cadavres, ils dansent le tango nous emmène dans le sillage de l'Histoire entre Algérie et Argentine.
Le lieutenant Emma est une fille un peu atypique, androgyne et gothique, qui semble torturée par son passé. Son histoire d'amour avec Rosy semble être en fin de parcours tandis que ses aventures avec Clovis ne semblent pas complètement closes. N'étant pas marseillaise d'origine, elle n'hésite pas à critiquer et à fuir ce qui fait l'identité de la ville.

Ses recherches sur de Moulerin nous conduisent en effet, dans un premier temps, en pleine guerre d'Algérie où le colonel aurait pratiqué la torture qui était de norme à l'époque. La guerre fait rage et de nombreux attentats ont lieu. L'auteur, pour illustrer son propos, n'hésitera pas à s'arrêter plus particulièrement sur le massacre, fin 1962, de tous les responsables des Centres Sociaux Educatifs en pleine réunion au chateau Douïeb, fusillés de sang froid par un commando de l'OAS. de moulerin faisait-il partie des tueurs ? La question se pose. Ce dernier aurait par la suite rejoint l'Espagne où il aurait rencontré sa femme, serait devenu père d'Antoine, qui gère désormais une bonne partie de ses affaires, et n'aurait rejoint la France que bien plus tard. Néanmoins, il s'avère que de Moulerin a passé une partie de ces années mystérieuses en Argentine. Comme de nombreux anciens membres de l'OAS, de Moulerin y a été envoyé pour former la milice locale aux techniques d'intimidation et de torture apprise en Algérie... Nous voilà alors entrainés dans les dessous de la dictature de Videla et de sa répression sanglante.

De son côté, Kévin, petit-fils de de Moulerin, fait ses propres recherches. Petit génie de l'informatique qui a décidé de ne plus quitter son écran et sa chambre, est vu comme un raté par son propre père. Adepte de Second Life, il a pourtant développé son propre business virtuel qui lui rapporte de grosses sommes d'argent. C'est le test d'un logiciel de morphing qu'il a créé lui-même qui va tout entraîner. Testant les visages familiaux sur sa création, son logiciel découvre une correspondance avec un argentin disparu, un de ses desaperecidos, victime de la dictature. de fil en aiguille, le jeune garçon va faire de surprenantes découvertes au sujet de son père et son grand-père...

Vous l'aurez compris, l'enquête sur le passé de de moulerin devient bien vite secondaire pour mieux nous plonger dans les méandres de l'histoire totalitaire. La narration alterne entre Emma (et ses contacts) et Kévin, et le lecteur découvre peu à peu les découvertes de chacun.
On reconnaît ici un gros travail de recherche sur l'Algérie française et sur la dictature argentine et c'est certainement le gros atout du roman. Les faits sont précis, fouillés et s'insèrent parfaitement dans la trame du roman. La narration de l'époque se fait parfois même au présent renforçant ainsi le réalisme et l'émotion que de tels faits historiques ne manquent pas de nous plonger. On vivra par exemple la fameuse coupe du monde de Football en argentine de 1978, retranscrite ici avec brio et originalité, oscillant entre liesse générale et atrocité des emprisonnements arbitraires.
Si de Moulerin reste un personnage imaginé, le lecteur aura bien compris que l'existence de ce type de militaire est plus que probable. Gouiran dénonce ici avec brio des périodes noires de l'Histoire, en rappelant à notre bon souvenir des faits inconnus ou oubliés.
Il n'en est pas moins proche des réalités actuelles. Réfugié dans Second Life, Kévin est complètement coupé de sa famille et des réalités quotidiennes. Il prend son repas dans sa chambre et a des relations sexuels par l'intermédiaire de son ordinateur. Ses tentatives de communication avec sa famille sont chaque fois vouées à l'échec, par sa maladresse et le manque d'affection et de reconnaissance de ses parents. Ressemblant aux Ikikomori japonais, il rejette le monde actuel et ses affres pour se réfugier dans un univers virtuel confortable.

Si la partie historique porte le roman, ce dernier n'en est pas moins exempt de défauts.
Le lieutenant Emma manque totalement de densité et de charisme. Au final, on ne sait quasiment rien d'elle, même son aspect physique qui semble en intriguer plus d'un reste assez énigmatique. Peut-être faut-il avoir lu les autres opus de l'auteur pour mieux la cerner ? La manière dont elle abandonne quelque peu la partie sur de Moulerin, après des recherches obsédantes ne semble pas totalement crédible. Cela sert plutôt à donner plus d'espace à la parole de Kévin et surtout à amorcer la fin qui se conclue sur une pirouette scénaristique surprenante mais un poil tirée par les cheveux.
De son côté, Kevin m'a aussi semblé parfois peu réaliste. Je veux bien croire qu'on peut trouver de nombreuses choses sur internet sans sortir de chez soi mais certains éléments découverts m'ont semblé fort improbables comme les détails précis de la vie d'un desaperecidos avec son identité par exemple. Rien n'indique par ailleurs que l'adolescent parle couramment l'espagnol et puisse décrypter et éplucher les millions d'archives sur le sujet.

Malgré ces quelques bémols, je vous encourage malgré tout à découvrir Maurice Gouiran car la manière dont il évoque des faits peu glorieux de notre histoire nationale et mondiale en dénonçant à mots couverts l'immobilisme ou même la dissimulation de certains dirigeants fait froid dans le dos. Si l'intrigue policière en elle-même semble un peu légère, on se passionne pour l'arrière-plan historique qui finit par avoir le rôle principal dans ce roman. Une tendance déjà initiée dans son précédent roman Franco est mort jeudi, qui se situe en pleine guerre d'Espagne. A découvrir, vraiment !
Lien : http://legrenierdechoco.over..
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Il y a quelques mois j'avais eu le plaisir de chroniquer « "Franco est mort jeudi" » de Maurice GOUIRAN. C'était pour moi une totale découverte puisque je ne connaissais pas encore cet auteur publié aux éditions JIGAL, auteur qui n'en était pourtant pas à son premier roman.

Ce livre avait été un véritable coup de coeur, tant l'histoire, mais plus encore les personnages m'avaient particulièrement séduits ! Assurément l'un des meilleurs romans que j'ai lu en 2010.

Mais n'ai-je pas tôt fait d'acheter quelques unes de ses oeuvres précédentes en vue de lectures futures, que déjà paraît son nouveau roman « Sur nos tombes ils dansent le tango » !

C'est donc avec une certaine gourmandise que je me suis lancé dans la lecture de cette nouvelle aventure !

Maurice GOURAIN a cette particularité de tremper sa plume dans l'encre noire de l'Histoire. Mais pas cette Histoire qui bombe les torses, flatte la fibre nationaliste des crétins primitifs et fait dresser haut les étendards ! Non, lui aime à s'intéresser et à nous renvoyer comme un miroir ces pages sombres et peu glorieuses qui jalonnent notre histoire commune, que bon nombre aimerait laisser coincer dans les pages d'un livre posé à l'abandon sur les étagères de la mémoire des Hommes.

Lire un roman de Maurice Gouiran, c'est lire un bon polar, mais c'est aussi prendre une magistrale leçon d'histoire. Car notre homme est un érudit. Nul doute que son travail de documentation doit être impressionnant en la matière. Mais au delà de la richesse des informations qu'il nous donne, c'est surtout la maestria qui est la sienne à nous faire revivre ces évènements terribles, à transporter son lecteur au coeur de la tragédie qui fait la force de sa plume.

Après nous avoir ramené sur les chemins de la Rétirada avec « Franco est mort jeudi », Maurice Gouiran nous emmène cette fois sur une terre Latina où raisonnent encore les complaintes des « folles de mai » et les cris des «desaperecidos »du fond de leurs cachots. Car c'est bien sous la dictature des militaires argentins que s'ancre le nouveau de Maurice Gouiran.

Dans un Marseille secoué encore une fois par des règlements de compte, Emma Govgaline , jeune lieutenant de police, se voit confier l'enquête sur l'assassinat de Vincent de Moulerin, un notable de la ville, homme politique de droite au torse bardé de médailles militaires.

Bien que les premiers éléments recueillis sur place ne laissent planer aucun doute pour sa hiérarchie quant au caractère crapuleux de l'assassinat, Emma elle , n'est pas aussi affirmative. Pourquoi s'il s'agit d'un crime crapuleux, la victime a-t-elle reçu une balle dans la nuque, signature habituelle d'une exécution ?

Poussée par le commissaire Arnal à rendre son rapport au plus vite, Emma parvient à obtenir un délai pour creuser un peu le passé de la victime. Et c'est à un véritable jeu de piste que va se livrer la jeune inspectrice. En remontant le passé militaire de Moulerin, celle-ci va voir son enquête s'envoler pour des horizons lointains. En Indochine où le jeune soldat à fait ses premières armes, en Algérie ensuite où il s'est illustré. Au fil des témoignages une question se pose. Aurait-il participé au massacre des Centres Socio Educatifs en 1962 ? Sa mort serait elle liée à une vengeance ?

Mais ce notable assassiné a bien des secrets enfouis. La piste prend la direction de l'Amérique du sud où l'ancien militaire a oeuvré au nom de la France, comme beaucoup d'autres officiers de l'époque, pour transmettre à ses frères d'armes argentins, tout l'art de la guerre totale expérimentée lors de la bataille d'Alger en 1957. Une marque de fabrique bien française que les gouvernements de l'époque, dans le contexte de la guerre froide, ont su aussi bien exporter que les canons et autre armes de guerre.

Quand son grand-père Vincent de Moulerin est assassiné, cela fait déjà plusieurs semaines que Kevin, s'est enfermé dans sa chambre à diluer sa réalité d'ado dans la virtualité d'un monde maîtrisé. Adepte de second life il s'y est construit une autre vie, sans contrainte, faite de business et de créations artistiques. En même temps, lorsqu'il joue avec un logiciel de morphing à retrouver sur la toile des photos des membres de sa famille, il fait une bien étrange découverte.

A partir de là , les questions se font jour pour Kevin, et celles-ci vont être de plus en plus pressantes et obsédantes à mesure qu'il poursuit ses recherches sur la toile. Sous les doigts agiles d'un gamin de 14 ans, le passé va remonter lentement vers la lumière de la vérité, au risque d'ébranler à jamais les fondements même de cette famille si bien établie.

Dois- je avouer que j'ai une affection toute particulière pour Maurice GOUIRAN. J'aime ces auteurs qui à travers leurs romans nous interpellent et nous poussent à regarder dans des directions dont on aimerait détourner la tête. Il fait partie de ces auteurs qui rendent leur art majeur et donnent leurs lettres de noblesse au roman noir.

Maurice Gouiran est un excellent conteur, mais c'est aussi un écrivain de la mémoire, qui nous rappelle que la vérité est la voix des morts, victimes des dictatures de tout poils, qu'elle est un cri qu'on ne peut bâillonner qu'un temps. Et il y a des morts qui crient plus fort que les vivants, que l'on entend encore bien longtemps après que les généraux se soient tus.
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Gouiran poursuit l'exploration de l'histoire du XX ème siècle et se penche sur les pratiques « anti subversives » mises au point par quelques experts français de la torture en Algérie. Pratiques que l'on retrouve en Argentine du temps des Généraux : enlèvements, séquestrations, tortures imaginatives appliqués au moindre pékin, et s'agissant de l'Argentine le saut final depuis l'avion volant au dessus de la mer en état comateux. Rien de bien reluisant.
Ce polar est une façon de faire le point sur les oppositions, les conflits idéologiques, qui dans tous les camps conduisent à la barbarie appliquée sous couvert de bonnes raisons.
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Scrupuleusement documenté, un polar marseillais haut en couleurs à propos notamment des formateurs français des escadrons de la mort argentins, conduit hélas d'une plume un peu trop basique.

Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2023/04/26/note-de-lecture-sur-nos-cadavres-ils-dansent-le-tango-maurice-gouiran/

Un vieux cacique politique marseillais, issu des rangs de l'armée française en Algérie et – murmure-t-on – de l'extrême droite ayant en son temps plus ou moins flirté avec les « durs » de l'OAS, a été abattu de quatre balles de 11.43 dans un parking du centre ville. « Crime crapuleux », assure la hiérarchie policière, qui s'attend à ce que son enquêtrice en charge, Emma Govgaline, boucle le dossier rapidement et sans remous. Mais celle-ci, terriblement scrupuleuse, a bien l'intention d'aller au bout d'une affaire qui révèle vite, pour peu que l'on secoue un peu les présupposés, un parfum sulfureux lié au passé de l'ex-militaire et à l'Argentine du Proceso de Reorganizacion Nacional de si sinistre mémoire.

Depuis un peu plus d'une vingtaine d'années, Maurice Gouiran, par ailleurs informaticien spécialisé dans la modélisation des feux de forêt, nous offre chaque année un ou deux romans policiers, concoctés depuis son refuge du Rove, au-dessus de Marseille. Beaucoup d'entre eux mettent en scène la policière Emma Govgaline et le journaliste d'investigation Clovis Narigou, souvent confrontés à des intrigues mettant en jeu des recoins mal connus (et souvent fort malodorants) de la grande Histoire. Publié en 2011 chez Jigal Polar, « Sur nos cadavres, ils dansent le tango », son vingtième roman, se penche ainsi sur ce que la journaliste d'investigation Marie-Monique Robin, dans son film documentaire et son récit de 2003 et 2004, appelait « l'école française des Escadrons de la mort », à savoir l'important soutien technique et « pédagogique » apporté officiellement et officieusement par des militaires français rompus aux méthodes contre-subversives en Algérie aux militaires argentins (et de quelques autres pays du « Cône Sud ») avant et pendant leur prise du pouvoir par la force et leur conduite d'une tragique « guerre sale » d'une férocité et d'une cruauté tristement célèbres désormais. le polar de Maurice Gouiran est, de ce point de vue, scrupuleusement documenté, mais ne peut guère se substituer au travail d'enquête d'origine – et son écriture proprement romanesque souffre de défauts réels (scènes d'exposition documentaire confiées intégralement à des comparses conviés à venir faire pour nous de véritables exposés, précisément, personnages caricaturaux sans sens réel de la farce, maniement quelque peu hasardeux – même si occasionnellement fort savoureux – des registres de langage, intrigue dans l'ensemble largement téléphonée) qui en feront sans doute réserver la lecture aux circonstances sympathiques que Jean-Patrick Manchette appelait, sans opprobre réel mais en toute justice littéraire, purement insomniaques et ferroviaires.
Lien : https://charybde2.wordpress...
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Citations et extraits (2) Ajouter une citation
Une légère brise marine balayait le cimetière Saint-Pierre. La voix, grave et bien posée, s’élevait dans le silence minéral qui figeait ce vaste enclos où ne fleurissaient que le marbre et le granit.
– Il n’a jamais failli. Il a toujours su où était son devoir, même lorsque c’était inconfortable, même lorsque c’était périlleux…
L’orateur, en costume bleu marine, avait épinglé une rangée de médailles sur sa poitrine. Il avait coiffé ses cheveux blancs épars et coupés courts du béret rouge des paras. De part et d’autre de la tombe béante prête à avaler le cercueil de chêne qui trônait sur deux tréteaux, quatre anciens combattants, décorations officielles pendantes sur la gauche de leurs vestons, ceints de baudriers, tenaient d’une main ferme la hampe de drapeaux tricolores qui flottaient mollement au gré du vent. Une cravate de deuil, de couleur noire, était nouée à la base des fers de lance en bronze doré.
L’homme au béret rouge poursuivit la lecture du discours qu’il avait imprimé en gros caractères sur des feuillets de format A5 :
– Le colonel de Moulerin n’était pas un de ces Français qui ont aujourd’hui perdu toute conscience nationale et qui subissent avec un insupportable fatalisme une mentalité ethno-masochiste. Il n’a jamais oublié. Il a toujours lutté, d’abord par son engagement militaire en Indochine et en Afrique du Nord, ensuite par ses actions en tant qu’élu, afin que nul ne perde de vue les valeurs morales et spirituelles sur lesquelles notre nation doit reposer.
La famille du disparu se tenait au premier rang, entre les porte-drapeau. L’épouse, Eva, était soutenue par son fils et sa belle-fille. Au deuxième rang, une brochette d’élus de tous poils, députés, conseillers municipaux, généraux et régionaux, tendaient le cou vers les objectifs des photographes rassemblés de l’autre côté de l’allée. Ils espéraient tous retrouver leur trombine rasée de près et cravatée sur les clichés qui illustreraient le lendemain, dans La République, le compte rendu de la cérémonie funèbre.
Le maire, Bellérophon Espingole, était excusé et représenté par son premier adjoint. Le premier magistrat était retenu par une séance au Sénat, et il se murmurait qu’il était assez satisfait d’échapper à cette obligation protocolaire. Bellérophon Espingole n’avait jamais vraiment apprécié Vincent de Moulerin. Il lui reprochait moins son attitude souvent hautaine à son égard que les vieilles histoires, qualifiées par d’autres de rumeurs, qui couraient autour de son passé dans l’extrême droite. Comme tant d’autres boutefeux éclos sur le fumier de la guerre d’Algérie, de Moulerin s’était opportunément rapproché de la droite classique, démocratique, républicaine et fréquentable, celle du bon Espingole à qui il avait été imposé par les cadres parisiens de son parti, sous le prétexte de « ratisser large ». Nécessité électorale fait loi dans tous les partis…
L’homme au béret rouge, après avoir détaillé la carrière militaire du colonel, crut bon de se focaliser sur les circonstances de la mort de Vincent de Moulerin. Cela lui donna l’occasion d’en remettre une couche sur le désordre social ambiant, tarte à la crème des sécuritaires de tous les pays, et sur l’activité que le défunt déployait, en tant qu’élu, pour combattre ce chancre d’une société déliquescente.
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D’abord nous tuerons tous ceux qui font de la subversion, puis nous tuerons leurs collaborateurs, puis leurs sympathisants, puis les tièdes, enfin nous tuerons les indifférents. (Général Iberico Saint-Jean, gouverneur de la province de Buenos Aires, 1976)
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Maurice Gouiran, en plein confinement, vous parle de ses longues journées de travail ! Et comme c'est un homme multi casquettes… attendez-vous aux surprises !
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