Taïpi, c'est le premier roman de Melville, et son plus gros succès de son vivant. Basé sur la propre expérience de l'auteur dans les îles polynésiennes, le roman oscille entre récit anthropologique et autobiographique.
Au début de l'histoire, la nourriture commence déjà manquer
à bord du baleinier où le jeune Tommo, narrateur et alter ego de Melville, a embarqué. L'équipage n'a pas vu l'ombre d'une baleine depuis des mois, le capitaine est un tyran… Tommo décide de fuir à la première occasion, accompagné par Toby, un autre marin. le bateau mouille finalement dans la baie de Nuku Hiva, ce qui permet à nos deux larrons de prendre la poudre d'escampette tranquillement. Sauf que leur fuite précipitée les amène chez les
Taïpis, une tribu réputée féroce, sanguinaire, et... cannibale. Bien évidemment.
Mais dans
Taïpi, rien n'est simple, et surtout rien n'est figé. La tribu se montre accueillante et pacifique, et si au début nos deux héros ont peur de finir à la casserole, c'est un sentiment de courte durée. Ils s'habituent doucement à vivre la vie édénique des natifs.
Cependant, plusieurs événements viennent perturber ce tableau trop parfait pour être vrai. Toby disparaît, et le cannibalisme des habitants se trouve avéré. Dans ces moments-là, le regard colonialiste de Tommo, dont il s'efforçait de se défaire, refait surface. Selon son « humeur », il voit les natifs comme des enfants, des guerriers, des cannibales, ou des geôliers.
C'est ce qui fait la force de ce roman, son regard instable qui permet la remise en question des idées reçues qu'on peut avoir, non seulement sur le sujet de cette « étude anthropologique », mais aussi sur l'anthropologue lui-même. Finalement, Melville nous en dit bien plus sur l'occident, et le regard eurocentriste (ce qui comprend aussi l'Amérique, qu'on se le dise) au XIXe siècle que sur la Polynésie.
Un chef-d'oeuvre.