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EAN : 9782021079265
112 pages
Seuil (07/03/2013)
3.58/5   25 notes
Résumé :
« Écrire sur mes parents, écrire sur ma sœur Agnès, c’est ma litanie des saints à moi, c’est ressusciter des visages, des paroles, des secrets, c’est ressusciter des vies disparues. Comme j’aurais voulu ressusciter les vies disparues sous le hangar, près de la ferme abandonnée, alors que tombait cette pluie de fin du monde, quand j’ai ramassé les papiers de famille de ces inconnus, toute leur vie dispersée, jetée aux quatre vents, livrée aux passants. »

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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
« Il pleuvait comme si c'était la fin du monde », ce jour d'Août où Alain Rémond, en balade avec sa compagne, trouve refuge dans le hangar d'une ferme abandonnée. A l'intérieur, tout un bric-à-brac de vieux objets hétéroclites, machines, outils de ferme, meubles bancals, ustensiles cassés pourrissant là, à même le sol de terre battue. Tout ce qui avait un jour accompagné une vie de famille était jeté en vrac dans ce hangar perdu dans la campagne.
Mais le plus bouleversant pour les deux promeneurs est la découverte de cartons remplis de vieux papiers de famille, des fiches d'état civil aux extraits de naissance, des actes de vente aux contrats de bail, ou encore des relevés bancaires courant des années vingt jusqu'aux années quarante. Des noms, des chiffres, des dates…toute une vie piétinée par deux marcheurs en quête d'abri et réduite à ces papiers usés dégorgeant des caisses et jonchant le sol.
« Nous étions là comme au milieu de la mort »…
La vue de ces papiers de famille est un bouleversement pour Alain Rémond. Sentiment de pitié, de désespoir, d'abandon face à ces bribes de mots, de phrases, de lettres, de documents qui résument si tristement la vie de ces gens disparus chez qui il est entré comme par effraction ce jour d'orage, mais qui renvoient aussi à la vie de chacun, la sienne, celle de ses proches, la nôtre…Des vestiges du passé qui l'entraînent dans ses propres souvenirs et, dans une sorte d'urgence impérieuse, le pressent à sortir des tiroirs les quelques papiers qui lui restent de sa famille.

Chroniqueur de presse, Alain Rémond est surtout connu pour ses billets à Télérama (où il a longtemps tenu la rubrique TV) Marianne ou La Croix. Pendant plus de vingt ans le journaliste a émaillé leurs colonnes de mots élégants, enlevés et drôles, faisant montre d'un don d'observation et d'analyse toujours plein de finesse et d'à-propos.
Les livres qu'il signe sont davantage empreints de mélancolie. Principalement autobiographiques, ils revisitent le passé comme ce « Tout ce qui reste de nos vies » au titre si magnifiquement évocateur, dans lequel l'auteur ressuscite un peu de sa famille à travers les rares documents qu'il possède.
L'histoire familiale s'esquisse peu à peu au détour d'une carte de sinistré, d'un petit article à moitié déchiré, d'une lettre tachée, d'un certificat de décès…L'enfance bretonne dans une famille de dix enfants ; le suicide d'Agnès, l'une de ses soeurs préférées ; la relation difficile avec un père alcoolique, chef-cantonnier et syndicaliste convaincu ; l'admiration pour une mère pleine de courage et d'abnégation ; les privations et les difficultés financières qui n'entament en rien sa nature enjouée…

C'est toute la vie des gens humbles qui se révèlent dans ce récit intimiste et pudique. Une émotion qui se déverse sans misérabilisme, avec ce sentiment d'apaisement nostalgique que l'on peut ressentir lorsqu'on perpétue le souvenir, lorsqu'on garde trace des êtres disparus, lorsque l'écho du passé est répercuté bien au-delà de la mémoire individuelle et finit par toucher à quelque chose de collectif et d'universel.
C'est ce qui arrive ici avec « Tout ce qui reste de nos vies ». Sa résonnance va plus loin que le seul récit autobiographique et fait retentir chez le lecteur la musique lointaine de sa mémoire personnelle, la pensée de ses propres absents.
Le fondement du travail de l'écrivain est tout entier contenu dans ces pages brèves et touchantes qui réussissent à nous faire entendre la voix de l'âme, du coeur, de l'esprit, à travers celle du souvenir.
Un peu de l'écrivain Charles Juliet affleure dans ce ton amical, dans cette proximité avec le lecteur et dans cette façon chaleureuse et reconnaissante de communier avec lui, comme un acte de foi par les mots et l'écriture.

Au terme de la lecture, on se demande bien sûr ce qui pourra bien rester de nos vies quand on sera partis.
Un ticket de métro, une note de pressing, une carte d'identité, un permis de conduire, un avis d'imposition, un relevé bancaire, une facture d'électricité, un échéancier, un document administratif à en-tête, des lettres d'amour écrites à l'encre violette, une liste de courses à faire, un diplôme scolaire, un avis de passage du facteur, un post-it sur un réfrigérateur, une carte d'anniversaire, un acte de décès…
Bien peu en définitive. Presque rien. Quelques papiers vite jaunis serrés dans une vieille boîte à biscuits…
Mais finalement qu'importe ! Puisque dans le coeur des gens aimés, reste un peu des mots d'amour qu'on leur a un jour adressé. Ceux-là sont des mots sacrés.
Alors,
« Laissez parler
Les p'tits papiers
A l'occasion
Papier chiffon
Puissent-ils un soir
Papier buvard
Vous consoler »
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"Le pire, c'était d'essayer d'imaginer ce qui s'était passé. Parce que tous ces papiers venaient certainement de la maison d'à côté. Qui donc avait vidé cette maison de tous ces papiers pour s'en débarrasser sous le hangar, au milieu des vieilles machines, des vieux outils? Qui avait décidé de les jeter là, de les laisser là? N'y avait-il personne pour les recueillir, les garder, les protéger? Les papiers qui racontent toute une vie , n'a-t-on pas envie de les transmettre, après les avoir pieusement, précieusement conservés? Il y avait là une telle violence, sous ce hangar, près de la ferme abandonnée. Comme un geste de rage, de colère. On ferme. On vide. Et on jette tout. Voilà tout ce qui reste de ces vies balayées: des papiers que profanent des inconnus, des étrangers.
Et c'est une telle pitié."

Lisant ce livre à la suite du très beau commentaire de Malaura, j'ai pensé à une autre lecture récente, d'un auteur japonais, Inoue Hisashi, intitulé en français: Je vous écris. Une sorte de recueil de nouvelles , dont les personnages se rejoignent à la fin, toutes ou presque sous forme épistolaire, toutes faisant intervenir des personnages différents, essentiellement féminins, dont on fait la connaissance grâce à des écrits divers: lettre à une amie, à un amant, à des parents, courrier d'un psychiatre au mari de sa cliente, réponses à une petite annonce, actes administratifs, etc. Et toutes racontent une histoire. Certaines de ces histoires sont déroutantes, beaucoup sont assez drôles et sarcastiques.
Mais Il y en a une qui est une merveille, qui raconte l'histoire de Ryôko. Uniquement à travers des actes administratifs , acte de naissance, de changement d'adresse, de décès, rapport d'autopsie, et quelques lettres de justification d'absence scolaire.
Quelques documents, une vie, et c'est bouleversant.

Là, c'est la même chose. La vie d'une famille découverte par hasard dans des cartons abandonnés, personne pour en récupérer au moins des bribes.. Qui n'a jamais été contraint à vider des maisons qui doivent être vendues à la suite de la disparition d'êtres chers, en se penchant sur chaque document, inspectant chaque photo, retrouvant des souvenirs, relisant des courriers accumulés au cours des années et tous préciseusement gardés,se disant que choisir, que garder moi-même, et après? n'éprouvera sans doute pas l'émotion que j'ai éprouvée en lisant ce texte. C'est un texte très personnel , il parle à travers quelques papiers de son enfance, des problèmes de ses parents qu'il a compris plus tard, du suicide de sa soeur , de la nécessité pour lui de mettre tout cela en mots , de ressusciter par l'écriture ces vies disparues.
" Mais j'écris pour faire mémoire. J'entends les morts me dire: fais ceci en mémoire de moi. ..Je veux unir les vivants et les morts en pensant à ceux que j'aime, à ceux que j'ai aimés, mais aussi à ceux dont je ne sais rien mais dont la vie est sacrée."

Un livre rempli d'émotion et de tendresse.
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Alain Rémond, inlassable, continue à égrener ses souvenirs d'enfance. Sa famille très nombreuse (dix enfants), sa soeur Agnès qui s'est suicidée, ses parents qui se faisaient « la guerre » chaque soir et lui l'enfant qui se réfugiait dans les livres pour ne pas entendre cette guerre. Alain Rémond est frappé et bouleversé de n'avoir pas questionné ses parents, de ne rien savoir sur leur vie avant le mariage et les enfants. Après « chaque jour est un adieu » où il disait déjà tout, il revient sur sa vie passée. Il y a dans ce récit de la nostalgie et de la douleur. Rémond n'arrive pas à quitter Trans, son enfance, cette vie difficile et pleine de tristesse. Il n'arrive pas à se dire : « Ces gens ne sont plus. Passons à autre chose. » C'est pourtant une promesse qu'il nous fait au dernier chapitre. Son premier petit-fils est né, « occupe-toi des vivants ». Je ne me lasse pas de la belle écriture d'Alain Rémond, étant moi-même une grande nostalgique, mais l'auteur clôt là ses souvenirs, et je pense qu'il a raison.
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L'auteur plonge dans ses souvenirs d'enfance, en émerge 3 figures, le père, la mère et leur mésentente et sa soeur Agnès qui s'est suicidée.
quelle traces gardons-nous de nos proches décédés? quelques papiers, des photos, souvenirs dérisoires. L'auteur regrette de ne pas avoir questionné ses parents sur leurs origines, leur vie avant le mariage...
Il s'agit d'une réflexion profonde mais avec suffisamment d'humour pour lui donner une portée universelle. Belle écriture.
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C'est un souvenir obsédant qui est à l'origine de ce récit : l'auteur est arrivé par hasard, en pleine campagne, un jour de pluie, dans une maison abandonnée. Dans la grange se trouvaient des cartons pleins de lettres et de papiers personnels. Où étaient les habitants, pourquoi ont-ils tout laissé, que reste-t-il d'eux, toute leur vie est-elle dans ces papiers ? A partir de ce souvenir Alain Rémond évoque l'importance qu'a eu pour lui l'écriture, le papier, le courrier, mais aussi le fait que notre vie peut être résumée en quelques papiers que nous devons absolument garder, feuilles de paie, papiers de notaire,...


Dans la lignée de "Chaque jour est un adieu", il revient sur sa vie, ses souvenirs, ses parents. le thème est certes classique mais il le fait avec beaucoup de pudeur et chacun de nous peut se retrouver dans ce travail de la mémoire qui sélectionne ce qu'elle veut...
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Citations et extraits (5) Ajouter une citation
A force de vivre ainsi en clandestin, sans aucune preuve officielle de sa propre identité, on finit par ne plus croire en sa propre existence, par douter d'être un être humain, un être vivant. On passe comme une ombre, on n'a le droit à rien, on n'a même pas le droit de dire qui on est, comment on s'appelle, puisque l'autorité, celle qui délivre les tampons officiels, les certificats, les attestations, vous dénie le droit de le dire. On est assigné à la non-résidence en soi-même, à la non-existence. Ou alors il faut avoir une confiance en soi qui défie l'autorité et les tampons officiels, une certitude d'être soi, d'avoir une identité propre, irréductible, indestructible, quand tout, partout, veut vous persuader que vous n'êtes rien, un chien qui court le long des murs pour se faire oublier. J'ai un tel respect pour ces hommes-là, pour ces femmes-là, qui se tiennent debout malgré tout, contre tout. Qui n'ont pas de papiers pour prouver leur identité, mais qui, jour après jour, apprennent à d'autres qui en ont ce que c'est d'être un homme, d'être une femme, envers et contre tout.
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Il y a les lettres. Il y a les photos. Il y a, surtout, ce qui ne se voit pas, ce qui ne se lit pas, ces traces infimes qui vivent dans la mémoire, le souvenir de ce qu’ils ont été. C’est sans doute ce qu’il y a de plus précieux, ce qui reste en nous de ceux que nous avons connus et qui ne sont plus
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Mais écrire à la main, noircir des dizaines, des centaines de feuilles de papier, c'est un bonheur physique, sensuel, dont jamais, je crois, je ne pourrai me passer. Je laisse des traces. Et ces traces sont vivantes. Rien que l'idée d'ouvrir une chemise, de faire claquer les élastiques, de glisser la main au milieu des feuilles, c'est comme sentir palpiter le coeur d'un oiseau. C'est ma vie, tellement précieuse, comme toutes les vies.
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Nous sommes tous cabossés par la vie, nous avons pris des coups, nous avons rêvé, espéré, nous avons aimé, nous avons regretté. Nous sommes faits de tout cela, bon gré, mal gré, entre moments de bonheur et tout ce qu'on aimerait oublier. Mais il y a eu, pour chacun d'entre nous, ce moment-là , unique, où tout n'était que promesse, l'immense promesse d'une vie toute neuve.
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C’est là où tout commence, les premières secondes, les premières minutes, les premiers jours de ce qui s’appelle une vie. Rien n’est écrit. Tout est ouvert, tout est possible. La vie devant soi. Il faudrait se souvenir de ces moments-là, de ce pur miracle, avant que la vie s’écrive et se joue.
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