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EAN : 9782081237919
283 pages
Flammarion (23/04/2014)
3.14/5   58 notes
Résumé :
Catherine Millet a entrepris ce récit où elle raconte son enfance, son père et sa mère, pour essayer de comprendre comment on peut grandir sans se fabriquer une morale, et comment peut naître le désir d'écrire.
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Critiques, Analyses et Avis (14) Voir plus Ajouter une critique
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Le titre, "Une enfance de rêve", pourrait être trompeur : pas de cuillère d'argent dans la bouche de la petite Catherine Millet, (prononcer mi-laid, comme lui dit son père). Elle vient d'un milieu tout-petit-bourgeois pauvre, comme tant d'autres, dans la France des prétendues trente glorieuses, pas si glorieuses pour la majorité des gens. Le père est vendeur de voitures. La mère est secrétaire. L'appartement est exigu. le couple ne s'entend pas après le retour de captivité du père. La petite Catherine n'a pas de chance. Le frère meurt dans une accident de voiture. La mère, dont la raison vacille, se défenestre. Le cancer du fumeur emporte le père. Destin douloureux d'une famille, résumé dans un dernier chapitre tranchant comme la guillotine du temps qui passe et emporte tous les proches.
On pourrait craindre l'ennui d'un énième récit d'enfance. Il n'en est rien. Ce qui tire le récit vers la littérature, c'est une sorte de grâce qui transfigure les paysages et les personnages. Le Bois-Colombes des Millet devient le Combray de Marcel Proust ("Ils étaient du coteau, nous étions de la vallée" écrit-elle en écho à son écrivain fétiche). Ce pourrait être aussi - la pluie en moins - la Loire-inférieure des "Champs d'honneur". "Faire de ce milieu de nulle part un lieu mythique" est pour Millet, comme pour Jean Rouault, le coup de baguette magique de la fée littérature. Car il y a un enchantement dans cette reconstruction, à la fois minutieuse et légendaire, des souvenirs d'enfance. La grand mère Jeanne, le docteur van der Stegen sont, sous sa plume, des figures qu'on n'oublie plus.
Un autre trait de cette narration est l'approche dédoublée de l'auteur. Catherine Millet se met en scène à la première personne. Mais le nous vient aussitôt se substituer au je, pour un développement sociologique, éducatif, historique ou analytique sur le comportement des enfants de son âge. Par exemple (p. 254) : "Je mentais... Pourquoi dissimulons-nous...". Cette oscillation du subjectif à l'objectif crée un effet de tremblé dans l'analyse aiguë des frustrations, des émois et des résolutions de cette petite fille singulière qui est en même temps de sa génération et de tous les temps.
Le souci de la petite Catherine est de devenir écrivain. Elle découvre avec fierté qu'elle peut reconnaitre aussitôt Balzac dans un texte anonyme lu à la radio : "je devenais un membre de la confrérie des connaisseurs en littérature"... "En attendant d'avoir une plume, j'avais l'oreille" (p. 243). Elle analyse sa vie dédoublée : "Les imaginatifs de mon espèce marchent à la surface du monde comme sur un anneau de Möbius... ce renversement en continu du réel produit une étrange perception du temps... (p. 253).
Et le miracle se produit, pour cette petite fille qui croit si fort en Dieu : c'est le récit de cet apprentissage si difficile ("c'était un travail de terrassier qui m'attendait" p. 245) qui fait d'elle, d'un trait de plume, l'écrivain qu'elle a toujours rêvé d'être !

Lien : https://diacritiques.blogspo..
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Catherine Millet est malheureusement trop souvent ramenée à son livre " la vie sexuelle de Cahterine M " qui avait fait jazzer au début des années 2000, or c'est une romancère sensible qui parvient souvent à rendre simple des situations et des problématiques n peu complexes.

Dans ce livre qui retrace une enfance à priori banale, dans la France des prétendues trente glorieuses pas aussi révée que le titre le laisserait supposer, on apprend combien l'écriture a été très tôt le fondement primordial de son existence

Reconstruction à la fois minutieuse et légendaire des souvenirs d'enfance, on pense à Annie Eernault ou Jean Rouaut, accessible, et humaniste, et à l'écriture bien moins plate et simple que ce qu'on pourrait penser de prime abord.
Lien : http://www.baz-art.org/archi..
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" Car la vie dédoublée suppose non pas de s'absenter du monde pour rejoindre un monde imaginaire, mais au contraire d'être hyper-présent dans le monde, sensible au plus petit détail qui le constitue, au moindre phénomène qui le traverse."

Pour écrire ses romans autobiographiques et surtout celui-ci, Catherine Millet s'est imprégnée de l'ambiance familiale, des premiers jours d'école, de ses lieux de vie et de vacances, de ses lectures. Mais elle va au-delà de son expérience personnelle pour donner un éclairage psychanalytique très intéressant sur l'enfance et l'adolescence.
Enfant d'un couple désuni : sa mère Simone a rejeté son père Louis dès son retour d'un camp de prisonniers . Soeur aînée de Philippe, un garçon violent et capricieux né d'une relation adultère. Vivant à cinq dans un deux pièces de Bois Colombes. A défaut d'une enfance de rêve, Catherine a dû grandir très vite et vivre dans les "rêvasseries" et les décors de la littérature ou du cinéma.
" Si les enfants des couples ratés grandissent plus vite que les autres, c'est bien sûr parce qu'ils ont accès au versant noir de la réalité conjugale, c'est parce qu'ils sont propulsés de plain-pied dans la vie des adultes, dont ils deviennent en quelque sorte les égaux."
Les mots, la poésie, les livres sont très vite des fenêtres sur d'autres horizons.
" Quand le goût des livres vient tôt, il tient à sa fonction de fenêtre sur d'autres horizons plus ou moins extraordinaires, mais s'y ajoute le statut de l'objet livre, de propriété facile à acquérir; il est le premier bien que l'on peut avoir pour soi, égal aux biens des adultes, et non pas leur imitation, comme le sont les jouets."
De l'enfance où imaginaire et réel cohabitent à l'adolescence où les acteurs ou le succès de la jeune Françoise Sagan la font rêver. Tout s'imbrique entre réalité et littérature de ses visites à la mer ou dans un château à la littérature de Victor Hugo ou De Chateaubriand. Car, depuis son plus jeune âge, même si elle n'ose l'avouer, elle se sent écrivain comme si " supporter ces maux était la promesse d'une vie extraordinaire."
Ce qui m'a le plus touchée dans ce "documentaire", comme l'appelle l'auteure, c'est cette intelligente et perspicace façon de comprendre l'enfance et l'adolescence. L'auteure met en évidence simplement le fossé entre la perception d'un adulte et celle d'un enfant souvent lié à l'apprentissage du langage ou des conventions sociales. de même, les doutes, la solitude, la découverte du corps, la recherche permanente de la reconnaissance des adolescents sont clairement explorés.
" Rien ne manque autant, au seuil de l'adolescence, que l'ami qui soit à la hauteur des ambitions que nous portons en nous sans être capables de les décrire, l'ami qui comprendra sans qu'il y ait à lui donner des explications."
Quelques touches de souvenir, mais surtout la perception d'une enfant et d'une adolescente face aux violences conjugales, au désarroi du père, à la folie obsessionnelle de la mère, à l'accident de son frère.
Comprendre comment elle grandit avec une maturité précoce, un désir d'écrire et un corps qui se révèle entre masturbation et premières règles.

Une enfance de rêve est à la fois un récit personnel sur ce qui orientera la vie et le métier de l'auteure mais aussi et surtout un documentaire d'initiation bien analysé qui servira plus généralement à comprendre les peurs de l'enfance et les doutes de l'adolescence.
Lien : http://surlaroutedejostein.w..
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Catherine Millet est une femme d'exception, qui semble avoir réussi sa vie et qui n'a pas froid aux yeux. J'ai connu sa prose dans ses livres "scandaleux" comme celui où elle évoque sans vergogne ses multiples aventures sexuelles. Il faut qu'elle soit forte (et narcissique) pour écrire un tel livre.
Dans "Une enfance de rêve", ce n'est pas du tout la même ambiance. Certes, l'auteure est toujours aussi franche. Mais on ne trouve rien de croustillant dans cette collection de souvenirs. Il y a une bonne raison à cela: sa famille, petite-bourgeoise, était peu fortunée et surtout déchirée. Son père et sa mère ne s'entendaient absolument plus, leurs disputes violentes étaient fréquentes, sous le regard de la grand-mère. La petite Catherine a vite compris que sa (médiocre) famille sortait de l'ordinaire et qu'il lui fallait assumer cet écart par rapport à la norme. Elle a grandi à côté d'un frère instable. Elle s'est éveillée à la vie, a découvert la lecture, puis l'écriture. Elle a entretenu une relation avec Dieu. Cela ne l'a pas empêchée pas de se livrer à la masturbation… A la fin du livre, qui ressemble à un sinistre épilogue, Catherine Millet indique le devenir des personnages qui ont peuplé sa jeunesse.
Le mérite de ce long témoignage est de décrire tous les aspects de l'enfance, telle que l'auteure l'a vécue puis revisitée dans sa psychanalyse. Elle ne passe rien sous silence, elle n'hésite pas à évoquer des faits et des états d'âme que je trouve très banals. C'est pourquoi je me suis ennuyé en lisant certains passages. J'aurais préféré lire un livre plus bref et - sans être scandaleux - plus percutant peut-être.
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Catherine Millet possède une des plus belles écritures classiques actuelles. Tous ces livres autobiographiques, quels que soient leurs thèmes (sa vie sexuelle, sa jalousie, son enfance) sont appliqués, travaillés, fouillés. Elle est le sujet de ce qu'elle appelle sa vie dédoublée, sa vie racontée à la manière de tous les récits qu'elle a lus enfant. Ici, d'événements assez communs (si l'on excepte les constitutions ambigües de son frère et de sa mère), elle compose des pages introspectives admirables. On apprend aussi combien l'écriture (et son dialogue avec Dieu) a été très tôt le fondement primordial de son existence. Quel auteur aujourd'hui, peut, sans perdre son lecteur, parler tout à la fois de masturbation et de Bibliothèque Verte, de Dieu et de violence conjugale ? Plus que tous les autres attributs de l'oeuvre, c'est la littérature, la qualité littéraire, qui soutient les oeuvres de cette femme.
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critiques presse (4)
LeFigaro
05 août 2014
Le récit d'enfance de Catherine Millet, Une enfance de rêve(Flammarion), a séduit la critique et plaît au public. [...] Ses souvenirs de Bois-Colombes, en banlieue parisienne, forment un texte d'un beau classicisme qui ausculte l'émergence d'une petite fille à la conscience de soi, de la mort, de l'imagination et de Dieu.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
LeFigaro
09 mai 2014
La langue limpide, sinueuse atteint des objets subtils avec une lucidité très proustienne sans pâmoisons d'aubépines ni madeleine dodue mouillée dans du thé.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
Bibliobs
02 mai 2014
Treize ans après avoir raconté sa vie sexuelle dans un livre choc, Catherine Millet signe un beau récit d'apprentissage.
Lire la critique sur le site : Bibliobs
Lexpress
24 avril 2014
Avec Une enfance de rêve, la critique d'art signe un récit autobiographique tout d'intelligence. Où l'on voit la petite Millet forger sa singularité dans l'"enfer familial".
Lire la critique sur le site : Lexpress
Citations et extraits (28) Voir plus Ajouter une citation
Nous avons tort de ne pas faire confiance aux apparences, parce que si chacun de nous voyait vraiment ce qu’il a devant les yeux et s’il acceptait avec innocence d’appréhender la vie dans les formes sous lesquelles elle se manifeste, il aurait la satisfaction de constater que sa propre existence présente la cohérence d’un roman bien construit, ou d’un film dont le montage subtil éclaire le scénario, au lieu qu’elle lui paraisse, comme c’est le cas le plus souvent, un confus conglomérat de faits et d’émotions.
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On peut manquer d’un toit, d’amour, d’espoir, de tout, mais ne pas disposer des mots qui désignent sa souffrance est à mes yeux le malheur extrême. Je n’éprouve jamais autant de commisération que devant un enfant malheureux qui n’a pas encore complètement acquis le langage, ou un esprit simple, prisonnier d’un registre étroit de mots dépourvus de nuance et de second degré, ou encore devant un animal dont l’attente éperdue est tout entière dans le regard.
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Quand le goût des livres vient tôt, il tient à sa fonction de fenêtre sur d’autres horizons plus ou moins extraordinaires, mais s’y ajoute le statut d’objet du livre, de propriété facile à acquérir ; il est le premier bien que l’on peut avoir pour soi, égal aux biens des adultes, et non pas leur imitation, comme le sont les jouets.
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Lorsque les adultes dédaignent ou se moquent du physique ingrat des adolescents et se plaignent de l’humeur grincheuse dont ceux-ci l’assortissent, ils feraient bien de prendre en compte ce que doit être la brutale frustration éprouvée par ceux dont ils admiraient et câlinaient le corps potelé si peu de temps auparavant.
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Certaines paroles traduisent des choses si importantes, si graves, qu’elles ne sont prononcées que par pure forme, à la façon d’un mot de passe entre deux conjurés qui peuvent ne pas se connaître, ignorer peut-être le but ultime de leur action, mais qui ne doutent pas de son importance.
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