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EAN : 9782246812074
176 pages
Grasset (09/03/2016)
3.79/5   7 notes
Résumé :

« Je prends au hasard vingt-six mots plus ou moins présents dans la poésie de Rimbaud de sorte, cependant, que leurs initiales correspondent aux vingt-six lettres de l’alphabet. Je regarde les phrases ou les vers d’où ils viennent et que je considère comme leur glose. J’en fais un texte où je les interprète comme s’ils me concernaient. Le miracle est que l’oracle dit vrai. La série des commentaires s’arrange en une sorte de roman où je retrouve celui de ma v... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Demandez à un écrivain reconnu de rédiger un abécédaire tramé sur les écrits de Rimbaud et vous aurez une pseudo autobiographie, un regard sur son oeuvre et au-delà, sur le monde. Ce sont là autant de courtes rédactions imposées par l'ordre (ou désordre ?) alphabétique, donc arbitraire.
"Il (l'écrivain) recompose pour lui-même le vieil abécédaire, associant les lettres de l'alphabet aux éléments du monde. Il les dispose du même coup en un tableau qui ne révèle rien, il le sait, d'une vérité absente --sinon cette absence même de vérité qui est la seule forme du vrai-- mais où sa vie vient prendre en passant un semblant d'apparence."
La curiosité est un vilain défaut. Forest se souvient de son enfance et des "morales" affichées chaque jour sur le tableau noir. Il retourne la leçon et considère que sans curiosité il n'y aurait ni artistes ni poètes. Plus loin, il ajoute que l'enfance n'existe qu'en fonction du regret qu'elle inspire.
Pour ma part j'ai trouvé la plupart de ces réflexions difficiles à partager, en particulier du fait de l'hermétisme des formules de Rimbaud et malgré l'éclairage que porte sur elles Philippe Forest. J'ai cependant compris qu'en fait d'hermétisme et précisément à cause même de leur nature absconse, les formules du poète ouvrent la porte à toutes sortes d'interprétations.
On trouve dans ce recueil des phrases qui pourraient tout droit être sorties d'un pamphlétaire du XVIIIe siècle. Ainsi, par exemple, à propos des poètes que Philippe Forest oppose aux romanciers : "(...) je vois mal pourquoi j'irais me fâcher avec une corporation composée d'individus convaincus de la supériorité de leur sacerdoce, dont la susceptibilité égale la prétention et qui ont si bien réussi par eux-mêmes à décourager toute forme d'attention pour ce qu'ils font qu'il serait bien mérité mais peu charitable de les accabler davantage."
Plus loin, il s'en prend avec véhémence aux romanciers, notamment contemporains, qui "comble de la bouffonnerie sinistre" évoquent comme s'il étaient le leur le sort des sans-papiers, la souffrance, la pauvreté et l'humiliation alors qu'ils vivent confortablement à l'abri de tout cela et offrent au lecteur "le simulacre sans danger d'une expérience dont ils ne supporteraient pas la restitution vraie". Pour Forest, "un livre ne vaut que s'il est gagé sur l'expérience personnelle de l'auteur".
En cela, ce recueil rejoint tous les romans de Forest : il nous parle intimement de lui, donc de nous. "Je parle de mon enfance afin de dire la sienne (celle de sa fille unique, morte en bas âge). Et je sais bien que, sans doute, lorsque je crois dire la sienne, c'est de la mienne que je parle."
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Je découvre tout juste cette collection des éditions Grasset, Vingt-Six, qui se livre sous forme d'abécédaires littéraires, avec cette Fatalité de Bonheur qui porte décidément très bien son nom. A chaque lettre son concept, sa muse, son glas, dans l'ordre mais avec un soupçon de chaos. Philippe Forest s'appuie sur le poète Arthur Rimbaud pour philosopher sur la vie à partir de ses vers bien connus et parfois incompréhensibles (comme la vie, donc), et on finit par ne plus bien savoir si l'on parle de l'auteur ou du poète, tant il puise à la source pour alimenter son flot d'émotions. Vous aurez également le plaisir de saluer Baudelaire, Bataille, Yeats, Kierkegaard, Nietzsche, et bien d'autres.

L'auteur parle beaucoup de la poésie comme d'une chose absurde, incomplète, énigmatique (trop), et prétentieuse - en même temps qu'il semble la chérir, prendre plaisir à en déchiffrer le sens même là où semblerait-il il n'y en a que pour perturber le lecteur. Si l'on sent qu'il préfère de loin la réalité rugueuse du roman biographique, de par son refus d'embellir facticement ce qu'il vit - à savoir, un deuil perpétuel - et qu'il s'entoure de dureté et d'un peu de cynisme, et si parfois c'est même assez dur à avaler, j'ai pris beaucoup de plaisir finalement à lire cet ouvrage philosophique innovant. Féminité, croyances, impossible, spiritualité, écriture, néant, individualité... Autant de choses qui, une fois embellies, en prennent un sacré coup, au nom de la réflexion, de la lucidité, de la rancune et du chaos qui fait rage en chacun de nous.

(voir la critique intégrale sur le blog)
Lien : http://lecombatoculaire.blog..
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Chaque ouvrage de Philippe Forest est une exploration de la vie de son auteur marquée, s'il est besoin de le rappeler, par la mort de sa petite fille malade. Rien ne sera plus comme avant. de Deuil à Enfant, en passant par Gloire, Néant, Vertige ou Zanzibar, Philippe Forest propose, en vingt-six mots empruntés à l'oeuvre rimbaldienne, une lecture de sa vie. On le devine comme ayant atteint un seuil de souffrance au delà duquel l'on semble comme anesthésié. Non pas tant dans le sens ou il ne souffre plus mais bien au contraire au sens ou cette souffrance fait tellement partie de sa vie qu'elle en devient en quelque sorte un élément consubstantiel à sa chair. Il faut avoir connu les affres de la souffrance humaine comme lui pour porter ainsi un regard aussi aiguisé que celui-ci : « Il n'y a pas à triompher du néant. Il n'y a pas même à se guérir de lui. Il y a juste à en soutenir l'épreuve. » le style de l'auteur est sublime comme à chaque fois. le tragique, l'absurdité et la somme des hasards constituent selon lui l'essence même de notre monde. Aucune religion ne viendra apaiser ou donner du sens à ce qui ne peut en avoir. La mort d'un enfant est l'expérience la plus tragique que l'on puisse endurer. Forest cite Aragon (dont il a écrit une biographie référence) : « Etre un homme, c'est pouvoir infiniment tomber. » Une certitude demeure à mon sens, avec Philippe Forest, on élève la littérature à son pinacle.
Lien : https://thedude524.com/2016/..
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critiques presse (2)
Lexpress
23 mai 2016
Un autoportrait intelligent et émouvant, dans lequel il revient notamment sur le décès de sa fille et sur ses pulsions littéraires.
Lire la critique sur le site : Lexpress
Telerama
16 mars 2016
Partant de fragments rimbaldiens, l'auteur de L'Enfant éternel dresse un brillant autoportrait et s'interroge sur le geste littéraire et le sens de la vie.
Lire la critique sur le site : Telerama
Citations et extraits (11) Voir plus Ajouter une citation
Je me rappelle la fascination banale qu'a causée chez moi la lecture adolescente du célèbre conte de Borges : "La bibliothèque de Babel". L'écrivain imagine une bibliothèque qui contiendrait tous les livres susceptibles d'être engendrés par la combinaison arbitraire des signes de l'alphabet. L'hypothèse est vertigineuse. Elle réduit à rien la croyance que l'on peut porter à la littérature : puisque tout a déjà été écrit, le sensé et l'insensé, le vrai comme le faux, le réel autant que le fictif, le bon comme le mauvais, indistinguables, pareillement produits et au même titre par la mécanique aveugle qui assemble aléatoirement les lettres sans souci de ce que vaut ou signifie le résultat. Cependant, elle la ressuscite aussi : car dans cette bibliothèque immense où prolifèrent le mensonger, l'indifférent, l'inintelligible, il se trouve nécessairement - perdu parmi la somme de ses contrefaçons - un volume qui livre la clé de l'ensemble auquel il appartient. Sans que nul puisse savoir avec certitude sous quelle forme il le fait.

Bibliothèque
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L'idée du livre ne précède pas le livre. Elle se situe quelque part au-devant de lui, sur un horizon si lointain qu'on l'aperçoit à peine. L'idée tire le livre à elle, sans que l'on discerne l'apparence qu'il prendra. Inexistante encore, elle suscite vaguement le livre dont cependant elle naît. L'idée - qui n'est d'abord que l'idée d'une idée, une forme sans contenu - appelle le livre. En même temps, le livre, à mesure qu'il s'écrit, qu'il secrète spontanément un contenu auquel sa forme fait défaut, engendre l'idée qu'exige sa réalisation. Sans que l'on puisse dire si le livre vient de l'idée ou si c'est l'idée qui vient du livre.
Je me représente la chose assez à la manière d'un jeu parent du go des Japonais. La partie commence sans qu'on en connaisse les règles.
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La curiosité est un "vilain défaut". Je n'ai jamais très bien compris pourquoi. Je l'ai toujours tenue, au contraire, pour une vertu majeure. Et je crois bien que c'est elle qui souvent m'a sauvé la vie.

Curiosité
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Une grande nuit s'étend sur le monde. Dans son obscurité propice se fait entendre la parole murmurante du roman qui nous rappelle au rien et nous retient à la vie.
Il n'y a pas à triompher du néant.
Il n'y a pas même à se guérir de lui.
Il y a juste à en soutenir l'épreuve.
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J'étais cet enfant, élevé parmi les livres, et peut-être les préférant à la vie, convaincu qu'ils valaient mieux qu'elle puisqu'ils en livraient le sens. A la condition de savoir vraiment les lire. Comme si chaque livre constituait un rébus, une devinette et qu'il fallait donc, encore et toujours, retrouver la forme de la chose derrière la forme du mot, repérant le lien qui les lit et qui se trahit, pour l'oeil exercé, à la lettre initiale désignant l'être ou l'objet qu'elle imite.
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Videos de Philippe Forest (23) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Philippe Forest
Tout a-t-il déjà été dit en littérature ? L'écrivain est-il condamné à se répéter ? Et comment réinventer la littérature après Balzac, Baudelaire ou encore Proust ? Pour répondre à ces questions, Guillaume Erner reçoit l'essayiste et romancier Philippe Forest.
#litterature #culture #livres ___________ Découvrez tous les invités des Matins de Guillaume Erner ici https://www.youtube.com/playlist?list=PLKpTasoeXDroMCMte_GTmH-UaRvUg6aXj ou sur le site https://www.franceculture.fr/emissions/linvite-des-matins
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