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EAN : 9782742741120
211 pages
Actes Sud (03/01/2003)
3.74/5   103 notes
Résumé :
Pour son quatorzième anniversaire Wahab reçoit en cadeau la clef de l'appartement de sa famille. Le soir, au retour de l'école, sa surprise est grande quand il entre et ne reconnaît plus le visage de sa mère. Le jour où il devient un homme est aussi celui où le réel se disloque sous ses yeux. Alors que commence pour Wahab une terrible initiation aux mensonges du monde, il s'enfuit de la maison et fait une fugue qui le transporte au-delà de lui-même, là où l'onirisme... >Voir plus
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Wahab est un petit garçon secret, replié sur son âme, parlant peu, il préfère se taire et écouter.
Wahab ne devrait que sourire de l'insouciance de l'enfance, et pourtant, un matin, son regard rencontre l'obscurité de la guerre civile en étant témoin de sa barbarie.
Très vite, parce qu'il faut protéger les enfants, c'est le départ, la fuite, la famille s'exile et découvre une terre étrangère. Tout y est si différent : les saisons, les paysages, le lieu de vie, l'école...

Souvent, au retour de la classe, Wahab attend sur le palier qu'on lui ouvre. Quand on y pensera, quand on se rappellera qu'il doit être là à attendre, parce que la vie est devenue si agitée, si bruyante pour les autres membres, que personne n'entend jamais Wahab quand il sonne, personne ne se soucie vraiment de Wahab ou de alors de façon si fugitive.
Paradoxalement, ces moments sur le palier sont les seuls moments de vraie rencontre :avec la musique, avec sa voisine et son piano, Judith et sa douceur, Judith qui écoute. Uniques moments de grâce pour Wahab.

Pour son quatorzième, Wahab reçoit la clef de l'appartement : plus besoin de sonner, d'attendre, plus de notes de piano dérobées à la grisaille des jours, il a grandi... Seulement quand le premier soir, il entre, tout a changé, il ne reconnaît ni les lieux, ni sa mère, ni sa soeur. Son frère souvent absent et son père si terriblement égoïste n'entendent pas ses questions, n'entrevoient pas son désarroi.
Peut-être que cette fois encore la fuite serait la seule réponse : il rêve pendant la classe, il ment pour se protéger, il demande juste qu'on lui parle, qu'on l'entende. Il se cogne dans sa vie et dans ceux qui la peuplent, demeure perplexe et interdit devant la cruauté cachée des actes et des mots, alors pourquoi rester, plier, apprendre.
Fuir pour effacer la folie, fuir pour occulter les images de l'angoisse. Fuir loin de la ville, pour retrouver les sensations de la vie paisible et douce du pays quitté et perdu.


Roman dans lequel les mots de la violence voisinent avec des phrases suspendues dans un imaginaire-refuge, Visage retrouvé est le récit d'un combat contre la peur, celle qu'on tait, celle qu'on enfouit, souvent inconsciemment, pour s'y soustraire, la peur qui se multiplie désormais dans chaque cellule du corps, dans chaque instant de vie et qui tétanise. La peur et son ombre, la colère. Pour essayer de vivre, il faut écrire une autre existence, il faut rêver d'un ailleurs. En se retranchant du monde, on s'éloigne de sa violence. En se retranchant des autres, la colère devient inutile mais on perd la lumière qu'ils partagent, on perd la vie. Comment faire alors pour se reconstruire ? Si Judith faisait scintiller les instants avec ses notes de musique, Wahab utilise un autre art qui lui permettra de poser, justement, un visage sur cet affolement qui lui tient lieu d'existence, sur cette colère qui lui tient lieu de paroles.
Mais il faut encore une souffrance, encore un déchirement. Il faut encore une fois laisser la colère le submerger, encore une fois envisager la fuite comme seule acceptation.
Les démons ne cèdent que si on les affronte, que si on regarde leurs "visages", sans se détourner, sans s'en cacher. Ainsi, en les nommant, en les toisant, ils se replient à la marge de la vision, ils s'estompent de l'existence et tout peut être, à nouveau.


Wajdi Mouawad fait littéralement hurler les mots pour dire l'effroi vécu de la guerre, le poids et la souffrance de l'exil et sait personnifier les démons qu'il faudra terrasser pour enfin tenter de vivre tout simplement. Mais il rappelle aussi que nos vies sont tissées de violence…


"Je n'ai jamais vu le jour se lever ; la lumière doit être plus propre au matin. Les décisions doivent être plus faciles à prendre quand, marchant seul sur une route de campagne, le premier rayon de soleil vous accueille au détour d'un chemin ; la surprise doit aider le marcheur à poursuivre. Il oublie son envie de dormir et cette lumière nouvelle le conduira jusqu'à midi où, tout tremblant, il ira s'écrouler au pied d'un arbre ; au réveil, il se sentira à part, en marge, mélancolique, mais heureux de marcher en pleine nuit comme savent marcher les nomades des déserts."
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Quand je réfléchis aux auteurs contemporains qui me touchent le plus (Wajdi Mouawad et Beata Umubyeyi Mairesse), je remarque un point commun, ils ont tous les deux vécus un des drames de l'Humanité de ce XXème siècle où j'ai grandi, respectivement la guerre au Liban et le génocide rwandais. Si j'essaye de l'analyser, je dirais qu'ayant vécu une enfance privilégiée, protégé de la violence des hommes, j'ai besoin de toucher du doigt les enfances qui y ont été le plus exposé, celles pour qui la confrontation à la violence a été immédiate et brutale.

Ce livre est le premier roman de Mouawad, écrit entre ses pièces Littoral et Incendies, et donc rempli des mêmes thématiques que sa tétralogie du Sang des promesses : rapport au pays d'origine, interrogations sur les liens familiaux, sur la mort et sur ce qu'elle nous oblige à devenir.

La construction est centrée sur l'adolescence du personnage principal, écrite à la troisième personne et encadrée par l'enfance et le jeune adulte, à la première personne. Si on compare avec son second roman Anima écrit 5 ans plus tard, on sent un auteur encore en recherche, qui éprouve le besoin de guider le lecteur (ou de se cadrer lui-même) en énonçant littéralement les guides pour la lecture. le changement d'angle (première à troisième personne) est ainsi littéralement annoncé dans le texte, comme une invite pour que le lecteur le remarque, si jamais il ne l'avait pas fait. C'est presque maladroit mais touchant. de même, le narrateur fait parfois le bilan de son récit en énonçant une sorte de résumé pour qu'on soit bien sûr de ne pas avoir manqué les étapes importantes. Les ficelles de la narration sont à nu et le marionnettiste ne cherche pas à nous illusionner.

Ce premier roman est aussi beaucoup plus autobiographique que le second... comme beaucoup de premiers romans. Les exils, les événements familiaux que vit le narrateur sont ceux de l'auteur. Malgré ce canevas très personnel, Mouawad parvient comme toujours à nous parler directement et personnellement. Cette métaphore des visages qu'on ne reconnait plus, qui ne l'a pas vécu intimement ne serait-ce que quelques secondes, face à la glace, ce sentiment d'étrangeté de se retrouver devant un inconnu qui est pourtant soi. Mouawad s'en saisit et l'étire pour en faire l'élément très original de sa narration, dont le sens réel ne nous est révélé que dans le dénouement, avec des ficelles pour le coup bien moins évidentes.

Mouawad se met totalement à nu dans ce roman et explore sa folie et ses angoisses. Il nous invite ainsi à venir partager les nôtres, puisque nous sommes frères humains, bien imparfaits mais plus humains encore d'être conscients de cette imperfection. Comme souvent avec les auteurs qui nous touchent vraiment, le voyage n'est pas vraiment tranquille mais nous trouve plus conscients de nous-mêmes une fois arrivé à destination.
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Ce premier roman n'est pas officiellement une autobiographie mais le jeune Wahab ressemble bien à son créateur ! Tous deux sont nés au Liban et tous deux ont vécu l'exil pour échapper à la guerre. Tous deux conservent des images traumatiques et tous deux se tournent vers l'art pour y chercher expression et compréhension de leur histoire. J'ai retrouvé les thèmes chers à l'auteur: l'exil,la quête d'identité,la guerre,la violence,les rencontres qui peuvent sauver du néant par un sourire,un regard...S'ajoute peut être plus fortement ici un autre type d'exil,celui du passage de l'enfance à l'âge adulte. La construction de ce roman me fait penser à un tableau de Picasso. Tout paraît incohérent,sans dessus dessous,et pourtant quelle richesse ! Tout y est mais il faut reconstituer le puzzle... J'ai aimé la poésie et l'univers onirique dans lequel Wahab évolue en se débattant avec ses 14 ans qui métamorphosent sa famille. Cet univers devient violent, le vocabulaire brutal et même vulgaire lorsque la colère fait surface avant de pouvoir retrouver le visage de sa mère.
Mon intérêt et même mon attachement pour W.Mouawad se confirme par cette lecture. Son écriture singulière et pleine de nuances,de variations et de subtilité donne naissance à des textes vraiment profonds et captivants.
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Première lecture d'un roman du libano-québecois Wajdi Mouawad. Après le choc Incendies au cinéma , ma curiosité était fortement titillée. Une langue très belle, ciselée, douce et violente à la fois. Une maîtrise de la simplicité et de la complexité sous la plume.
Visage retrouvé, c'est l'histoire de Wahab, petit libanais. Qui raconte sa vie d'enfant heureux sous le soleil du Liban. Puis son autre vie, en exil au Canada. La guerre est passée par là.
Un roman qu'on dévore, tiraillé par le destin de ce garçon, dont l'identité est malmenée. Dont la vie toute entière est malmenée… Wajdi Mouhawad a le don de nous scotcher à son histoire et celle de ses personnages. le choc est rude mais on persiste, on veut savoir la fin. Même si on pressent qu'elle sera inévitablement difficile…
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Aujourd'hui, je viens vous parler du livre « Visage retrouvé » de Wajdi Mouawad 📚

(Aux éditions Babel au prix de 7€70 ) 📚

Wajdi Mouawad, né le 16 octobre 1968 à Deir-el-Qamar au Liban, est un homme de théâtre, metteur en scène, dramaturge, comédien, directeur artistique, plasticien et cinéaste libano-québécois. Il dirige le Théâtre national de la Colline depuis 2016.

Dans "Visage retrouvé" de Wajdi Mouawad, j'ai été animée par l'excitation de découvrir le premier roman de l'auteur après avoir été captivée par des oeuvres telles que "Incendies", mon livre préféré, et "Anima", que j'ai également adoré. C'est avec des attentes élevées que j'ai plongé dans cette histoire, espérant retrouver la même puissance émotionnelle et la profondeur de caractère qui m'avaient tant marquée dans ses livres précédents.

L'intrigue commence par nous présenter Wahab, un jeune homme dont le destin se trouve marqué par la guerre qui sévit dans son pays. Au fil des pages, nous sommes témoins de son parcours depuis son enfance jusqu'à l'aube de l'âge adulte, en passant par une fugue à l'âge de 14 ans. Malheureusement, malgré la promesse d'une histoire captivante, j'ai trouvé que le récit peinait à maintenir mon intérêt.

Une des principales raisons de ma déception réside dans le rythme de la narration. le roman semblait s'étirer en longueur, avec des passages qui traînaient et peu de moments de véritable tension. de plus, le manque de dialogues significatifs a contribué à rendre la lecture monotone.

En outre, la présence de métaphores complexes et parfois hermétiques a rendu la compréhension du texte difficile. Alors que j'apprécie généralement les nuances et les subtilités dans l'écriture, dans ce cas, j'ai trouvée que les métaphores étaient parfois trop obscures, me laissant confus et déconnectée de l'histoire.

Après avoir terminé le livre, j'ai réalisée que peut-être je n'étais pas le public cible visé par l'auteur. Il est possible que "Visage retrouvé" soit plus adapté à ceux qui recherchent une exploration profonde de la psychologie des personnages, plutôt qu'à ceux qui préfèrent une intrigue plus dynamique et des dialogues riches. Bien que je respecte l'ambition de l'auteur d'aborder des thèmes complexes, ce roman n'a malheureusement pas réussi à me captiver de la même manière que ses oeuvres précédentes.
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Citations et extraits (8) Voir plus Ajouter une citation
Le temps, à coups d'obus, a fini par passer, sortir de son embouteillage de douleur, il s'est anesthésié, il a congelé ses souvenirs. Le temps est une poule à qui l'on a tranché la tête. C'est mieux comme ça. Il passe, mais je ne me souviens plus de rien. Je ne fais plus attention à rien. Je suis un enfant irresponsable. Demain, on prend l'avion. Un pays lointain et pluvieux m'attend. Je voudrais tellement ne plus dire "je", ne plus m'occuper de rien. Je voudrais tellement que quelqu'un dise "il" pour moi. Qu'on me débarrasse.
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Jamais une nuit n'avait passé si vite ; jamais il ne s'était à ce point oublié, à ce point abandonné à la douceur de la nuit, à ses voyages chloroformisants, abandonné à ce lieu où ni la peur ni le temps n'avaient accès. Cela n'était ni l'oubli, ni l'évanouissement, ni même le sommeil profond, cela était le bonheur.
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Le clignement de mes yeux fait fondre le givre de mes cils et c'est l'hiver au complet qui pleure sur mon visage.
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J'ai sept ans (...) Ma mère m'énerve. Sa présence me rappelle que je suis toujours à la maison et non pas dans l'hyperespace. C'est pas grave. Mes yeux la transforment aussitôt, elle et sa planche à repasser, en un gnome spatial horrible à écailles de morue et à yeux de mouche. Et je fonce, et je pédale, libre comme l'air. Calme-toi et roule moins vite, me hurle le gnome à la planche à repasser, et moi, courageux comme pas un, je lui répond que le venin informe qui lui sort de la bouche ne saura pas m'arrêter dans ma mission.
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Côte à côte, ils avaient l'attitude mélancolique des statues. Ils devenaient complices des oiseaux.
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Videos de Wajdi Mouawad (45) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Wajdi Mouawad
Wadji Mouawad est dramaturge, romancier, metteur en scène, Grand prix du théâtre de l'Académie française et il dirige actuellement le Théâtre national de la Colline depuis 2016. Cet homme d'origine libanaise est venu donner son point de vue sur la question "Que faire de notre héritage culturel?". "On a semé en moi la graine de la détestation, qui consistait au fond à détester tout ce qui n'était pas de mon camp et mon clan", a expliqué Wadji Mouawad, qui a grandi au Liban pendant la guerre civile, dans une "culture de la détestation". Aujourd'hui, il a choisi de réfléchir à la manière dont son héritage personnel l'encombre dans la situation que nous vivons actuellement, et notamment le conflit israélo-palestinien, et plus particulièrement depuis les attentats du 7 octobre 2023. Selon lui, il n'est pas possible d'être neutre du fait de notre héritage. Après ce constat, il en vient à se poser la question suivante : "Est-ce que notre héritage ne devient pas un obstacle à notre capacité à l'empathie?".
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