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EAN : 9782847345834
715 pages
Tallandier (23/04/2009)
  Existe en édition audio
4.32/5   212 notes
Résumé :
Nous sommes tous des vers ", avait modestement confié le jeune Winston à une amie, " mais je crois que moi, je suis un ver luisant ! " Le mot n'est pas trop fort : Alexandre Dumas aurait pu inventer un personnage de ce genre, mais dans le cas de Winston Spencer-Churchill, la stricte réalité dépasse de très loin la fiction.
Jusqu'à vingt-six ans, les aventures du jeune officier et reporter Winston évoquent immanquablement celles de Tintin ; mais ensuite, le pe... >Voir plus
Que lire après Winston Churchill : Le pouvoir de l'imaginationVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (32) Voir plus Ajouter une critique
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Winston Churchill est l'objet d'une admiration : pour avoir opposé à Hitler, juste après la déroute militaire française de mai-juin 1940, le faible rempart des îles britanniques et de la Royal Air Force, dont les unités insuffisantes en nombre, ont tout de même su merveilleusement combattre l'impressonnante armada aérienne allemande envoyée par vagues au-dessus de l'Angleterre, est regardé comme l'homme qui a su, avec son pays, avec le concours de l'armée de l'air, celui de la puissante flotte de guerre anglaise, la Navy, et les points d'appui conservés à l'extérieur grâce à l'immense Empire bâti en cinq siècles à travers le monde, dresser un barrage contre la barbarie et la tyrannie nazies. Pour cette raison, il bénéficie d'une image flatteuse, car s'il fallait ne retenir qu'un souvenir de son action, ce serait celui-ci, encore et toujours.
Et pourtant, sir Winston Leonard Spencer Churchill (1874-1965), n'a pas fait que belles et grandes choses tout au long de sa très longue carrière politique. La biographie de ce Lion britannique par Kersaudy ne dissimule pas les aspects un peu moins glorieux de cette action. Si les engagements militaires du jeune Churchill, au Soudan avec Kitchener, en Afrique du Sud contre les Boers, lui ont donné une réputation d'héroïsme, ses entreprises comme premier lord de l'Amirauté en 1915, et notamment l'expédition montée avec les Français pour s'emparer du détroit des Dardanelles et atteindre Gallipoli, furent des échecs retentissants. On le regarda après cela comme l'homme des paris risqués. Son passage au Colonial Office en 1921-1922 et la conference qu'il organisa au Caire contribuèrent certes à éteindre l'incendie qui faillit se répandre au Moyen-Orient au lendemain de la Première Guerre mondiale en raison de la mise en place du régime mandataire en faveur de la Grande-Bretagne et de la France, mais elles ne débouchèrent que sur des solutions provisoires, aussi bien en Irak qu'en Palestine ou en Égypte, où les populations étaient impatientes de se défaire de la présence des Britanniques, ce à quoi elles parvinrent après la Seconde Guerre mondiale.

Vint donc la période où Churchill gagna la considération des hommes qui voulaient rester libres en résistant à Hitler. Lorsqu'en 1938, Neville Chamberlain s'entendit avec Mussolini, Hitler et Daladier pour "préserver la paix" en laissant le Führer régler à sa convenance le sort de la Tchécoslovaquie, Churchill eut ce mot célèbre : "Nous aurons le déshonneur et la guerre", et il avait raison. Après l'invasion de la Pologne par les Allemands (et les Russes) en septembre 1939, cette guerre fut inévitable. L'entrée des troupes du IIIe Reich en Belgique et en France en mai 1940 donnèrent à Churchill l'idée de proposer au président du conseil français Paul Reynaud que la France et la Grande-Bretagne ne forment qu'un seul ensemble durant le temps du conflit, mais Reynaud n'avait pas la trempe voulue pour cela, et l'effondrement de l'armée française le laissa désarmé. Seul le sous-secrétaire d'État à la guerre, Charles de Gaulle, gagna Londres pour incarner la France Libre tandis que Pétain prenait le pouvoir en France et s'entendait avec le chancelier Hitler. Mais Churchill avait déjà d'autres chats à fouetter, et ses relations avec De Gaulle se ressentirent de la nécessité où il se vit de s'appuyer sur l'aide américaine pour continuer un combat qu'il ne pouvait pas mener seul contre Hitler. La loi prêt-bail consentie par les Américains et notamment grâce au soutien déterminant du président des États-Unis, Franklin Delano Roosevelt, lui permit de tenir et de donner l'illusion pendant un moment d'être un petit David qui affrontait avec courage le géant Goliath. L'agression japonaise contre Pearl Harbour et l'entente germano-italo-japonaise permirent à Roosevelt d'entrer ouvertement en guerre aux côtés des Britanniques, et dès lors c'est la "doxa" rooseveltienne que Churchill adopta. Pour Roosevelt, la France avait été vaincue en 1940, et ses représentants ne pouvaient être que ceux de la France vaincue, et c'est pourquoi il préféra successivement Pétain, Darlan et Giraud comme interlocuteurs plutôt que De Gaulle, et Churchill ne fut pas loin de l'imiter, et l'on sait qu'il fit comprendre à De Gaulle qu'entre la France (ou l'Europe) et les États-Unis, il choisirait toujours les U.S.A.
Face aux Polonais réfugiés en Angleterre, et à leur figure principale, le général Sikorsky, Churchill, qui s'était d'abord montré très accueillant tant que l'U.R.S.S. et l'Allemagne nazie faisaient alliance sur le dos des Polonais, adopta avec ces derniers la même attitude de défiance et d'hypocrisie lorsque vint le temps de s'entendre avec Staline, et vient ici l'obligation de se poser des questions : Churchill fut-il pour quelque chose dans le crash en mer de l'avion qui transportait Sikorsky, accident dans lequel ce dernier laissa la vie ? Ce n'est pas certain, mais les circonstances sont troublantes. S'il aida comme il put en 1944 les insurgés de Varsovie contre les Allemands tandis que les armées soviétiques gardaient l'arme au pied de l'autre côté de la Vistule, il semble quand même avoir accepté avec Roosevelt un vilain marchandage avec Staline par lequel l'Occident abandonnait la Pologne, la Roumanie et la Hongrie aux volontés du maître du Kremlin en échange du maintien de l'Autriche et de la Grèce dans la zone d'influence de l'Europe alliée aux États-Unis, et ce malgré la présence à Athènes de puissants groupes d'obédience communiste. Il faudra peut-être revisiter la légende qui veut que Churchill se soit fait le défenseur et le champion de l'Europe de l'Ouest contre l'U.R.S.S. en vue du retour de pays comme la Pologne ou la Hongrie et la Roumanie dans le camp des "nations libres". Facile de dire qu'un "rideau de fer" avait été tiré entre Europe de l'Ouest et Europe de l'Est quand on avait été soi-même, plus ou moins, l'organisateur ou le complice avec Staline de cet état de fait. Kersaudy n'est pas assez incisif sur ce point, et je pense que Churchill a eu bien du culot de profiter du climat de guerre froide entre pays membres de l'Otan et pays signataires du pacte de Varsovie pour laisser entendre qu'il faudrait à terme remettre en question les accords de Yalta et de Potsdam, comme si c'était la mort dans l'âme qu'il avait agi comme il l'avait fait auparavant. Qu'il eût agi en 1943, 1944 et 1945 contre ses convictions personnelles, c'etait tout à fait possible. Mais enfin, il le fit tout de même puisque l'Europe se trouva bien, de fait, coupée en deux.

On est aujourd'hui aussi très perplexes sur la nécessite de faire usage de bombes incendiaires de grande puissance sur Dresde pour briser le moral des Allemands en février 1945 (250 000 morts). Fallait-il employer ces moyens, par vengeance, pour arriver à une fin de toute façon inéluctable : la défaite de l'Allemagne nazie ? Peut-être, mais...

On le voit, il y a beaucoup à dire au sujet des choix et des prises de décision de Churchill, et cependant, on ne peut s'empêcher d'admirer cet homme qui sut dire NON de toutes ses forces à Hitler. C'est pourquoi on doit lire ce livre de Kersaudy.
François Sarindar, auteur de : Lawrence d'Arabie. Thomas Edward, cet inconnu (2010)
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Sur la quatrième de couverture de « Winston Churchill – le pouvoir de l'imagination », l'éditeur comparait Churchill à l'un des picaresques personnages de fiction que l'on pouvait trouver dans les romans de cape et d'épée du XIXe siècle, un D Artagnan britannique, toujours le nez au vent, toujours l'épée au poing, gasconnant, pétulant, vociférant à la face du monde moderne… Quelques centaines de pages avalées plus loin, il faut bien reconnaître que la comparaison est totalement justifiée ! En vérité quel destin plus stupéfiant, plus abracadabrantesque que celui de l'honorable Winston Churchill, journaliste, écrivain, politicien, historien, orateur, chef de guerre, grand buveur et fumeur devant l'Eternel ?

La force de l'ouvrage François Kersaudy est, à mon sens, d'avoir su adapter son style à l'esprit et au caractère du grand homme. Malgré ses 700 pages et quelques, sa biographie se dévore comme un roman : les multiples rebondissements de sa vie nous y sont racontés avec humour, dynamisme et un vrai sens de la narration qui fait plaisir à voir chez un historien. Et quelle vie, mes aïeux, quelle vie ! Ce n'est une carrière qu'il a eu, notre bon vieux bulldog anglais, mais un tour de montagnes russes, une suite affolante de chutes vertigineuses suivies aussitôt de remontées tout aussi spectaculaires. Quelle que soit la situation – politique, sociale, économique ou personnelle – l'inépuisable lutteur ne lâche jamais prise, il ne recule jamais, ne renonce jamais, poussé en avant par une ambition inflexible mais surtout par un désir ardent de servir et de protéger son pays. En vérité, comment ne pas béer d'admiration devant tant de force de volonté, tant d'intelligence, tant d'extrême bravoure et de ténacité ?

Le portrait dressé par Kersaudy ne tombe pas pour autant dans le dithyrambisme, car il montre bien que le grand homme a les défauts de ses qualités et que ceux-ci n'en sont pas moins colossaux. Chez Churchill, la ténacité peut facilement se muer en obstination pure et simple. Il est également emporté, dangereusement enthousiaste dès qu'il est confronté à un problème guerrier, toujours persuadé de tout savoir faire mieux que tout le monde, complétement obtus dès qu'on lui demande de se soucier un peu d'économie… Son principal défaut étant de se croire plus brillant qu'il ne l'est réellement et ceci dans TOUS les domaines possibles et imaginables. Kersaudy illustre fort justement ce trait de caractère en le décrivant le comme « un chef d'orchestre virtuose, mais perpétuellement tenté de descendre de son pupitre pour jouer la partition de violoniste ou celle du trompettiste, tout en prétendant continuer à diriger l'orchestre ».

Mais, bon, détails que tout cela, non ? Il faut parfois revenir à l'essentiel et l'essentiel c'est que, sans la volonté tempétueuse et le génie brouillon de Churchill, l'Angleterre aurait surement flanché devant Hitler et, sans l'Angleterre, eh bien, il ne ferait surement pas bon vivre en Europe aujourd'hui, les z'amis ! Tout cela pour dire que même cinquante ans après sa mort, le vieux bulldog mérite toujours que l'on lui porte un toast.

Santé, Winnie !
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Cette excellente biographie de Winston Spencer Churchill constitue une véritable référence.
De sa naissance en 1874 à sa disparition en 1965 en passant par la guerre de Boers, la Grande Guerre et la seconde guerre mondiale, on parcourt cette vie comme une épopée ou un roman d'aventures.
Servi par un remarquable travail de recherche documentaire, cet ouvrage permet au lecteur de plonger dans la vie de ce grand homme au point d'être happé et d'avoir du mal à en sortir lorsque l'on referme le livre.
On y apprend bien des choses au-delà de l'image du Premier Ministre qui conduisit la guerre. Ainsi, cet infatigable travailleur était un médiocre stratège réagissant davantage comme le lieutenant de cavalerie qu'il fut que comme le Premier Ministre de Grande Bretagne.
On apprend aussi qu'il voulait lancer des offensives tous azimuts et qu'il était contre l'idée d'un débarquement en Normandie.
Mais au-delà du second conflit mondial, certains épisodes comme les Dardanelles éclairent la perception qu'on pourrait en avoir.
Un ouvrage précieux et incontournable.
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J'aime l'histoire, la petite et la grande, j'aime les biographies, et j'admire certains personnages, Winston Churchill en fait partie, j'ai entamé ce pavé avec l'idée de le lire à mon rythme, en fait je l'ai lu au rythme de Churchill c'est à dire au pas de charge.
Voilà un livre à la mesure du personnage, long comme le fut sa vie, plein d'humour, et Churchill n'en manquait pas, passionnant toujours car Winnie (surnom affectueux donné par les anglais) aimait la vie et elle le lui rendait bien.

Une mère qui collectionne les amants, un père qui méprise son fils et qui passe à deux doigts du "10 Downing street" mais meurt très tôt de syphilis, des études difficiles " sa scolarité sera un long combat " un père qui voit son fils comme un " crétin " et des professeurs comme un " cancre brillant " : Voilà le portrait de Winston Churchill jeune.
Lecteur vorace il lit jusqu'à plus soif, doté d'une mémoire prodigieuse (il peut réciter sans erreur 1300 vers de Macaulay) et d'une imagination fertile, cette mémoire et les lectures engrangées lui seront précieuses lorsqu'il sera l'heure d'écrire des discours pour convaincre ses pairs ou ses électeurs.
Il fait le choix d'une carrière militaire et entre à Sandhurst, il y sera un cavalier émérite et un escrimeur redouté. Il sera sur toutes les scènes de guerre de l'époque : Cuba, l'Inde, le Soudan, l'Afrique du Sud.
La solde est maigre pour un jeune officier lorsqu'un journal lui propose d'écrire des articles il le fera avec talent et parfois au grand dam de sa hiérarchie. Il acquiert une certaine notoriété et carrément la gloire lors de son évasion rocambolesque en pleine guerre des Boers. Sa plume lui permettra de vivre au dessus de ses moyens pendant toute sa vie, de perdre son argent sur tapis verts d'Europe, et de s'approvisionner en alcool et en cigares.
winston-1896.jpgJeune homme pressé, car il craint de mourir jeune, il est atteint comme son père du démon de la politique, élu député à 26 ans il entre au gouvernement à 32. Il sera redouté par ses adversaires, il n'hésite pas à changer de parti quand cela lui apparait nécessaire " Certains changent d'idées pour l'amour de leur parti, moi je change de parti pour l'amour de mes idées "
Il sera 11 fois ministre, du commerce aux colonies, en passant par les finances et la marine où il est éblouissant.
Lors de la 1ère guerre mondiale il est Premier Lord de l'Amirauté, lorsqu'il est remercié il s'engage et fait preuve dans les tranchées d'un courage physique extraordinaire.

Dans l'entre-deux guerre sa carrière connaîtra des hauts et des bas, très tôt méfiant envers le nazisme et Hitler il sera des années durant le seul à tirer la sonnette d'alarme sans être jamais écouté.
La montée de la puissance militaire de l'Allemagne lui semble très dangereuse mais ses efforts pour réarmer l'Angleterre seront vains et sa lucidité ne sera reconnue que trop tardivement.
La déclaration de guerre impose de le rappeler au gouvernement car comme le dit avec humour François Kersaudy " Lorsqu'on saute à pieds joints dans l'inconnu, mieux vaut le faire avec un homme qui connaît le maniement du parachute."

Apparaît alors le grand Churchill, l'homme de guerre pugnace, à l'énergie sans faille, à la puissance de travail proprement incroyable. Il a 65 ans et il va commander des hommes qui sont les fils de ses compagnons d'armes de la guerre de 14.
« Winston is back » tel est le signal envoyé par l'Amirauté à tous les navires et à toutes les bases navales britanniques au soir du 3 septembre 1939
C'est un pacifiste qui aime la guerre et la fait pour la gagner et jamais ne s'avoue battu. Cet homme qui n'est pas un grand orateur mais qui sait écrire des discours inoubliables, n'est jamais aussi bon et talentueux que le dos au mur.
Dans les heures les plus sombres de la guerre, ses discours seront des phares et un soutien très fort à la population britannique qui vit sous les bombes.
Il a une confiance inébranlable
Rien ne l'abat, il échappe à 5 accidents d'avion, au torpillage de son bateau, au bombardement de Londres.
Il avait inventé les tanks, la « folie de Winston » pour ses collègues du gouvernement, il y aura le radar, les ports artificiels, les péniches de débarquement. Il a une idée à la minute

Il fait preuve d'intuitions fulgurantes, dès le début de la guerre il est certain qu'elle ne sera gagnée que si les américains y participent et il n'aura de cesse de convaincre Roosevelt d'aider l'Europe et de s'engager à ses côtés.
Parfois sa confiance sera dupée et il lui faudra un certain temps pour prendre la mesure de la duplicité de Staline. C'est un francophile et il pressent très vite la stature de De Gaulle " L'Homme du destin "
Après la victoire, après quatre années de guerre Winston Churchill regrette les frontières nouvelles, le morcellement de l'Allemagne, l'extension de l'influence soviétique

Il a gagné la guerre mais perdu les élections, le vieux lion est à terre mais c'est mal le connaître si l'on imagine qu'il est anéanti,
Mais alors qu'on le croit fini il sera encore une fois premier ministre !!
"Je veux mourir en Angleterre" son voeu sera exaucé le 24 janvier 1965 soixante dix ans après (jour pour jour) son père.
A ses obsèques célébrées dans la cathédrale Saint Paul sont présents " Six souverains, quinze chefs d'Etat, trente Premiers Ministres venus des quatre coins du monde "

ue dire devant un tel destin, la biographie de F Kersaudy est magistrale, en dehors de quelques pages un peu trop longues à mon goût de stratégie militaire, c'est un régal. le style de F Kersaudy sert parfaitement son sujet et l'on a une seule envie en fermant ce livre, lire les Mémoires de Winston Churchill car ce diable d'homme, non content d'être la personnalité la plus marquante de son siècle était un excellent écrivain et a obtenu un Prix Nobel de Littérature !

Lien : http://asautsetagambades.hau..
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La différence entre De Gaulle et Churchill c'est que De Gaulle avait une « certaine idée de la France » et il pensait être celui qui permettrait à cette idée de devenir réalité, alors que Churchill avait une certaine idée de lui-même, et pensait que l'Empire britannique devait être au service de cette réalisation.

En dépit de ce que dit Kersaudy (étrangement d'ailleurs car il revient pourtant régulièrement sur cette thèse qu'il commence par chasser), il est fort probable que le défaut d'amour parental soit en grande partie à l'origine de cette monstruosité ! Non seulement parce que Churchill fut un enflé (de soi) mais aussi parce qu'il fut le défenseur d'un système politique national et international particulièrement ignoble. Et son rôle pendant la seconde guerre pondiale n'y change rien : il fut motivé par ce projet de pérennisation d'un Empire criminel.

Churchill, fut, j'estime, l'un des pire personnages du 20e siècle, qui, par exemple, faisait tirer sur les grévistes sans l'ombre d'une hésitation, autant pour que l'économie reprenne que pour dissuader toute velléité de justice sociale chez les travailleurs ; qui se réjouissait même, vraiment, des dégâts des armes automatiques de l'armée anglaise sur ceux que Kersaudy appelle sans même sembler y voir une offense à tout esprit de justice, des « rebelles » dans les colonies de l'Empire – mais rebelles à quel ordre si ce n'est celui des colons britanniques venus mettre à sac la terre, la culture et les habitants-mêmes de ces contrées pour leur seul profit économique ?

Kersaudy semble ne voir dans ces abominations (plus ou moins mentionnées, en tout cas jamais reconnuse en tant que tel) rien que de très louable : les étapes du parcours exceptionnel (entendre par là, admirable), d'un homme qui s'efforça de faire vivre sa conviction : celle de la supériorité ce certaines races sur d'autres, de certaines classes sur d'autres, de lui sur tous.

Kersaudy n'écrit pas une biographie mais une hagiographie, très proches par instants de la mythographie. Bien tournée certes, renseignée à l'occasion (mais adorant l'anecdote bien plus que l'analyse matérialiste des rapports de force et ne s'encombrant pas de certaines vérifications dès lors qu'il s'agit d'incriminer l'Union soviétique – cf. les contre vérité sur les négociations d'avant-guerre, le pacte germano soviétique ou encore le massacre de Katyn ; voire pour cela les travaux Geoffrey Roberts ou Grover Furr) ), le texte est terriblement orienté, gravement partisan. Les encensements constants de l'homme sans peur du danger physique (pour lui mais aussi, du coup, pour tous les autres qu'il expose tout autant), du travailleurs infatigable (qui avait une armée de petite mains, menée à la baguette et aux caprices), de l'orateur hors pair (au service de quel projet ?) tissent la toile d'un portrait en forme d'éloge béat devant un décor rien moins que subjectivement esquissé : l'image d'un surhomme, « au-dessus des hommes et plus au-dessus des hommes que ceux-ci ne le sont du singe » mais qui, contrairement au modèle nietzschéen, n'a pas seulement le souci de transcender sa propre existence, mais bien (et pour ce faire) l'ambition de gouverner les autres, de les diriger, de les dominer.

En donnant toute légitimité à cette ambition personnelle, celle de se faire un nom, celle de défendre l'idée d'empire, en se faisant la plume laudatrice d'un homme constamment face aux autres (et même au-dessus, en bon partisan de l'aristocratie que Churchill ne cessera jamais d'être comme en témoigne son attention particulière à écrire l'histoire de ses nobles origines), contre les autres donc plutôt que parmi eux, en jugeant des plus louables l'histoire de cet individu et du modèle de civilisation et de société qu'il défendit, Kersaudy écrit un roman que je serais presque tenté de dire « national-individualiste » : celui d'un ennemi juré du communisme (et non pas du régime soviétique dont Churchill peut même envisager de tirer profit) bien plus que du national-socialisme (que l'on songe au plan unthinkable… quand même). Celui d'une idée de l'homme et des rapports humains qui a écrit, pourtant, les pages les plus sombres de notre passé et qui noircit celles de notre avenir.
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Citations et extraits (21) Voir plus Ajouter une citation
Ses échecs passés sont monumentaux, mais l'énergie de son esprit et l'impulsion de sa personnalité rendent de tels échecs plus brillants que les succès du commun des mortels. […] Il n'obéit à personne, ne craint personne, ne respecte personne. Il est si absorbé dans ses pensées et ses vastes desseins qu'il ne fait pas aux autres l'honneur de s'apercevoir de leur présence. […] C'est lord Oxford, je crois, qui a dit de lui : "Il a du génie sans jugement." Il ne voit qu'un aspect de la situation à la fois, et l'ardeur de sa vision exerce sur son prochain une fascination irrationnelle et périlleuse.

À moins que M. Churchill ne soit réduit au silence, il l'emporte toujours en livrant une "guerre d'usure" dialectique ; il lasse ses adversaires par ses incessantes offensives verbales, par l'intensité de ses convictions, par la versatilité de ses arguments. C'est qu'il connait ses dossiers comme il connaît ses discours - par coeur et à la lettre ; il ne laisse rien au hasard, il travaille ses documents avec l'ardeur d'un terrassier, il apporte à ses péroraisons un labeur incessant, il s'entraîne sur tout le monde. Sa vie n'est qu'un long discours ; il ne parle pas, il déclame. […] Il ne veut pas connaître votre point de vue, qui risquerait de déranger la magnifique limpidité de sa pensée par quelque rappel fastidieux d'une objection incommode. Que lui importent les vues des autres, puisque lui seul est dans le vrai ?

Le journaliste A.G. Gardiner à propos de Winston Churchill
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Il serait erroné de considérer Churchill comme belliciste. Il aime certes la tactique, la stratégie, le danger et la gloire... Mais la guerre elle-même n'est douce qu'à ceux qui ne la connaissent pas ; et Churchill, lui, l'a vue de trop près pendant quatre campagnes pour en souhaiter une autre : il estime donc qu'il faut éviter tout conflit, mais pas au prix du déshonneur ou de la capitulation. Or, en s'armant le plus possible, on se rend moins vulnérable, et on a une chance de dissuader l'agresseur : "Si vis pacem, para bellum" (si tu veux la paix, prépare la guerre). C'est exactement ce que pense Churchill (qui grognera plus d'une fois que les Romains lui ont volé ses meilleures formules...).
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Il se rendait fréquemment dans le no man's land, et l'accompagner était une aventure horripilante. De sa grosse voix sonore - beaucoup trop sonore, nous semblait-il - il nous criait : "Allez par ici, je vais par là… Venez, j'ai trouvé un trou dans les barbelés allemands. Venez ici immédiatement !" On aurait dit un éléphanteau en excursion de nuit dans le no man's land. Il ne se plaquait jamais au sol quand un obus éclatait ; il ne se baissait jamais lorsqu'une balle passait avec fracas. Il disait souvent, après m'avoir regardé me jeter à plat ventre : "C'est foutrement inutile. Il y a longtemps que la balle t'a dépassé !"

Le sous-lieutenant Edmund Hakewill Smith à propos de Winston Churchill
(Front français en 1916)
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"Quand on rencontre Winston pour la première fois, on voit d'emblée tous ses défauts - et on passe le reste de son existence à admirer ses qualités."
Hommage de Miss Pamela Plowden à Winston Churchill
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Le verdict des urnes a été pour Churchill un choc terrible. Cinq ans plus tôt, il avait certes confié à Anthony Eden : « Je ne ferai pas l’erreur de continuer après la guerre, comme Lloyd George ». Mais le pouvoir est une drogue puissante, Winston ne vit que pour la politique ou pour la guerre, et il a ressenti la défaite électorale comme un cinglant désaveu de son action et de sa personne.
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Videos de François Kersaudy (3) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de François Kersaudy
Extrait de "Winston Churchill" de François Kersaudy lu par Vincent Schmitt. Editions Audiolib. Parution le 13 février 2019.
Pour en savoir plus : https://www.audiolib.fr/livre-audio/winston-churchill-le-pouvoir-de-limagination-9782367628233
>Histoire, géographie, sciences auxiliaires de l'histoire>Biographie générale et généalogie>Politiciens, économistes, juristes, enseignants (844)
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