Cet essai universitaire est un panorama assez large de tout ce qui sort, culturellement parlant, sur les zombies depuis une cinquantaine d'années. L'auteur part du début du zombie avec les films de Roméro et compare tous les zombies modernes à ceux du cinéaste. Cet écrit permet de se rendre compte de tout ce qui existe sur le sujet, des bandes-dessinées, d'innombrables films ou séries, des livres, des jeux-vidéo,… tous les loisirs culturels (ou presque) ont un jour été envahi par des hordes de mangeurs de chair fraîche. Dans ses comparaisons, il évoque également la Bible, les récits de certains apôtres et l'Apocalypse selon Saint-Jean.
Enfin, la bibliographie permet d'avoir un aperçu des différentes références sur le sujet.
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Ce qui frappe au premier abord dans cette invasion néo-zombie c’est la fidélité au modèle romérien, fixation iconographique qui parachève sa véritable cristallisation mythique dans l’imaginaire collectif […]. Le zombie post-romérien relève avant tout de l’esthétique macabre, n’étant plus un vivant cataleptique mais un cadavre ramené à la vie. Fusion du mutant radioactif des craintes nucléaires et de l’imaginaire ancestral du mort-vivant, le zombie parasite ainsi la symbolique chrétienne de la résurrection des morts.
C’est précisément Romero qui transforme radicalement le zombie, le dissociant de l’imaginaire colonial (tout en réactivant sa symbolique raciale dans le contexte militant des années 1960) et l’inscrivant dans l’Amérique de l’âge atomique, dominée par la hantise de l’apocalypse nucléaire. Il prolongeait en cela l’aggiornamento radical que la science-fiction des années 1950 avait effectué envers les mythes gothiques, s’inspirant notamment de l’œuvre de Richard Matheson (Je suis une légende, 1954) qui faisait des anciens vampires aristocratiques des masses de cadavres urbains infectés et assoiffés de sang. Dans le nouveau cadre apocalyptique, la dépossession zombie changeait de sens : une mystérieuse radiation, issue de la hantise atomique qui marquait aussi The Earth Dies Screaming de Terence Fisher (1964), venait substituer la manipulation vaudou, réanimant les morts en une dépersonnalisation ultime qui faisait écho à la science-fiction paranoïaque de la Guerre froide. De l’esclave primitif on passait ainsi à la masse aliénée de la modernité atomique.
Émergeant timidement dans la littérature sous la plume du poète-galérien Pierre-Corneille de Blessebois dans son étrange roman colonial, libertin et sceptique Le Zombi du Grand Pérou ou la Comtesse de Cocagne (1697), la figure du zombie, initialement issue des brumes du syncrétisme religieux afro-caribéen, intrigue durablement la conscience coloniale occidentale. Héritier des traditions africaines de corps réanimés en guise de serviteurs par les sorciers du Bénin, de Zambie, Tanzanie ou Ghana, le zombie (du kimbundu nzúmbe qui veut dire « esprit ») s’intègre dans le conglomérat hybride de croyances et de rites qui peu à peu configure le Vaudou haïtien. Emblème de la logique de la peur qui régit la société esclavagiste, il devient à la fois instrument de contrôle, métaphore vivante de l’esclavage (il est de fait un esclave élevé au carré) et menace désespérée des dominés à l’égard de leurs maîtres. D’où la profonde bivalence du regard colonial à son sujet, à la fois sceptique de ce qu’il juge comme une superstition primitive et néanmoins anxieux à l’égard de son éventuelle efficacité, ne serait-ce que comme croyance subversive de résistance.
Après le déclin des monster movies hollywoodiens nés à l’ombre du Krach boursier, le zombie survivra péniblement comme les autres « évadés des ténèbres » qui l’avaient accueilli dans leur sinistre panthéon (vampires, lycanthropes, momies et autres Frankensteins). Il hantera avec eux le limbe des productions psychotroniques du Poverty Row avant de trouver refuge dans les bandes dessinées d’horreur telles que l’éphémère Voodoo dont le titre était un clair hommage à l’imaginaire de l’horreur coloniale.