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Critique de MarianneL


« On avait sûrement calomnié Joseph K..., car, sans avoir rien fait de mal, il fut arrêté un matin. » (Kafka, le procès)


Dans "La Barbarie", le narrateur, héros des "Barbares" (Cycle des Contrées, tome 6), revient dans la ville de Terrèbre après son voyage de plusieurs années en compagnie des cavaliers. Il tente de se réacclimater dans une Terrèbre changée, ville aux apparences de civilisation qui recouvrent un abîme.

Blanche, sa logeuse, va l'accompagner et le soutenir. La relation du narrateur avec cette femme visionnaire, s'exprime en des pages sensuelles enchanteresses. « Elle était enfin sortie du coeur de la nuit, qui jusqu'alors n'avait laissé échapper de son être qu'un souffle ténu, pour couler entre mes draps jusqu'au contact de mon corps auquel le sien s'ajustait avec une bouleversante gratitude. »

Hélas, « je crois qu'on se trompe sur le sens des événements ; nous ne nous éloignons pas de la barbarie, nous y allons. »

Désaffection pour la culture générale, éradication de l'esprit critique, chemins tortueux et incompréhensibles d'une bureaucratie terne et inhumaine, et finalement abdication devant le savoir et négation de l'histoire – celle des jardins statuaires, sont les signaux annonciateurs et grandissants de la barbarie, jusqu'au basculement total dans l'arbitraire et la violence d'état avec le procès du héros, qui nous rappelle évidemment celui de Joseph K.

« Il m'arriva souvent de rentrer chez moi non seulement fourbu d'avoir hanté les antichambres de divers services qui se renvoyaient mon cas, non sans parfois me faire tourner dans un cercle vicieux ; mais encore profondément blessé par la froide rigueur d'interlocuteurs qui, faisant litière de ma bonne foi, de mon intégrité et de mes états de service, m'opposaient abruptement les obstacles techniques propres au fonctionnement de leur office et me considéraient ostensiblement comme le déchet d'une monstrueuse machine. »

La barbarie (et la possibilité de son avènement) est parfaitement incarnée par Charançon, bibliothécaire médiocre promu au rang de professeur et devenant supérieur hiérarchique du héros, quand celui-ci réussit enfin à réintégrer l'université. « C'était une sorte d'érudit vétilleux, solennel et bien-pensant à qui je n'avais jamais entendu énoncer, mais sur un ton parfaitement magistral, que les lieux communs les plus éculés et les plus contestables. »

A la fin, pour clore son destin tragique sans compromettre ses proches, le narrateur a prévu de brûler son livre achevé ... juste avant il nous livre un entre aperçu d'un futur possible sous la forme d'une anecdote énigmatique.
Ce livre est un bonheur dense grâce à l'écriture magnifique et ciselée de Jacques Abeille.
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