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EAN : 9791028104238
Bragelonne (19/04/2017)
3.86/5   65 notes
Résumé :
Même si tous les soldats de l’Union sont des salopards, un seul d’entre eux se croit capable de sauver l’armée de l’attaque gurkienne : le colonel Sand dan Glokta.

Curnden Craw et son équipe doivent récupérer un objet mystérieux au-delà de la Crinna. Le problème : visiblement, personne ne sait de quoi il s’agit.

Shevedieh, meilleure voleuse autodidacte de Styrie, va de désastre en catastrophe aux côtés de Javre, Lionne d’Hoskopp, qui es... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (16) Voir plus Ajouter une critique
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"Double Tranchant" est un recueil de 13 nouvelles situées dans l'univers du Cercle du Monde. Entre western et cape et épée nous redécouvrons ainsi Glotka, Nicomo Cosca, Vissenbruck, Khadia, Cordial, Shylo Vitari, Monza Murcatto, Bremer dan Gorst, Curnden Craw, Whirrun de Bligh dit Whirrun le Cinglé, Temple, Farouche Sud, Bethod, Logen Neuf-Doigts dit le Neuf-Sanglant... Et nous découvrons aussi en fil conducteur une Sword & Sorcery féminine et féministe avec Shev, Javre, Carcolf, Léanda et les guerrières assassines du Temple de l'Ordre Doré… Ces nouvelles précèdent, succèdent ou complètent la trilogie de "La Première Loi", "Servir Froid", "Les Héros" ou "Pays Rouge", comme la nouvelle intitulée L'Enfer qui nous plonge dans la tragédie de Dagoska qui ne nous avait pas été racontée jusque là… Joe Abercrombie est égal à lui-même avec style très visuel plein de scènes d'actions et de dialogues truculents entre Michel Audiard et Quentin Tarantino : c'est une véritable mine à citations ! (grand merci à la traductrice Juliette Parichet ^^) Mais il est aussi égal à lui-même avec un traitement des personnage à la Sergio Leone, et des réflexions humanistes à la David Gemmell dont il est quelque part le digne successeur (beaucoup plus que d'être un GRR Martin anglais se vautrant avec délices dans le grimdark pour le grimdark). Mais ce qui frappe c'est qu'à chaque nouvelle on change de lieu, d'époque, de personnages, mais que tout est absolument raccord !

Et personnellement j'ai été surpris des similitudes entre Joe Abercrombie le nouveau maître anglais de l'heroic fantasy, et Richard Ford qualifié de sombre tâcheron par les prescripteurs d'opinion franco-français (je ne résiste pas : coucou Elbakin.net ! ^^)… Encore une fois on mesure la différence entre le Royaume-Uni où la BBC n'hésite pas à passer en prime time des émissions consacrées à la Fantasy, et la France où la Fantasy c'est un truc bidon et chelou pour adolescents adorateurs de Satan… FDM quoi !


"Un beau salopard" : Kadir, printemps 566
A travers les yeux du quartier maître Salem Rews nous revivons les dernières belles heures de Glotka, à l'époque où les femmes l'adulaient et où les hommes l'enviaient (et vice versa ^^), avant que les Gurkhiens ne le torturent durant des années pour le transformer en épave mutilée et handicapée (vu le beau salopard que c'est, j'ai presque envie de dire que c'est bien fait pour sa gueule !). le bonhomme a tout pour lui, mais au lieu de mettre son talent au service de tous non seulement il n'en fait qu'à sa tête mais en plus il exploite le reste du monde à son seul profit, prenant plaisir à écraser tout ceux qu'il juge inférieurs à lui c'est-à-dire tout le monde… Bref le connard carriériste et narcissique qu'on a tout malheureusement croisé au moins une fois dans sa vie (que tous ces crevards aillent au diable, et le plus vite sera le mieux !)
Dans la grande tradition du naturalisme à la Emile Zola l'auteur vivisèque les forces vives de la crevardise avant que la justice immanente ne fasse son oeuvre : bouffi d'orgueil, imbu de lui-même, persuadé que le monde n'existe que pour son bon plaisir, il commet l'acte d'hybris qui scelle son destin…


"Un peu de gentillesse" : Port Ouest, automne 573
Shev a été la meilleure voleuse de Styrie, mais passée 20 ans elle a décidé de prendre sa retraite en ouvrant un fumoir à Port Ouest en compagnie de Severard l'un des pauvres bougres qu'elle a la mauvais habitude de secourir… le jour où une fois de plus elle se fait doublée par Carcolf la vamp lesbienne (héritière d'une certains Milady de Winter ^^), les choses se gâtent quand Crandall le fils pourri du parrain de la cité Horald le Doigt vient lui réclamer des comptes… Sauf qu'elle se fait sauver la mise par Javre, la Lionne de Hoskopp, la dernière pauvre bougresse qu'elle a la mauvaise habitude de secourir… Ainsi commence des heures de grandes aventures, mais ceci est une autre histoire ! ^^
Impossible de ne pas voir en Javre la guerrière croqueuse d'hommes venue du nord et Shev la voleuse corruptrice de nymphes venue du Sud une parodie des légendes Fafhrd et le Souricier Gris de Friz Leiber, véritables légendes de la Fantasy qui ont marqué à jamais le genre de leurs empreintes !!! (Et notez bien la présence de Severard, appelé à un grand avenir dans les rangs de l'Inquisition de l'Union ! ^^)


"Une mission foireuse" : Est de la Crinna, automne 574
Toute la bande de Craw est enfoiré récupérer un artefact magique sur le territoire ennemi…Il s'agit d'une nouvelle à chute mais on devine la chute dès l'annonce du pitch, donc l'essentiel est de revoir en action la bande de joyeux drilles qui sera au centre la batille d'Osrund entre le Nord et l'Union que dont un prêtre-guerrier grave et sérieux : Whirrun de Bligh avant qu'il ne devienne le jovial, bon vivant et insouciant Whirrun le Cinglé ! (parodie du Druss de David Gemmell ^^)


"Quitter la ville" : le Pays Proche, été 575
Javre et Shev ont crapahuté un peu partout dans le Cercle du Monde, et Shev est persuadée que ses problèmes la poursuivront au bout du monde quand elle découvre que les problèmes de Javre sont prêts à aller beaucoup plus loin de que les siens… Et les lecteurs découvrent un "Kill Bill" inversé dont Javre présumée parjure et traîtresse est la clé !


"L'enfer" : Dagoska, printemps 576
Dans cette nouvelle nous assistons à la chute cruelle de la cité lâchement abandonnée par l'Union après avoir agité le chiffon rouge devant l'Empire gurkhul : une pensée émue pour les patriotes hongrois lâchement abandonnés par les Etats-Unis après avoir agité le chiffon rouge devant l'Empire soviétique (ils n'ont été ni les premiers ni les derniers, mais ce qui s'est passé à Budapest en 1956 a été tragique). Nous errons avec Temple à travers les décombres d'une ville en train de mourir, dont les rues sont désormais hantées par des créatures anthropophages en quête de chair fraîche…
Les rats comme Glotka, Nicomo Cosca et les homines crevarices habituels que sont les nababs et banquiers ont déjà quitté le navire, et le commandant Vissenbruck et le haddith Khadia font cause commune pour sauver ce qui peut encore l'être : Le Blanc et le Noir savent qu'ils ne passeront pas la journée que c'est au paradis des justes qu'ils se retrouveront… Et tandis que le premier organise le dernier carré, Khadia fait face seul aux Dévoreurs de Khalul ! Au fond de la Boîte de Pandore des forces obscures de la crevardise il reste l'Espoir, et c'est bien un Nouvel Espoir que le mahatma Khadia a offert au monde en plantant la graine du bien en chacun… Ne reste qu'aux gens de bien d'en prendre soin pour la faire germer : quand viendra le temps du Grand Soir qui débarrassera le Cercle du Monde des banquiers de Bayaz et des religieux de Khalul, c'est sûr que Temple en sera !!!


"Jamais deux…" : Quelque par dans le Nord, été 576
Au milieu de nulle part, au milieu d'un pont délabré Javre la Lionne d'Hoskopp et sa partenaire / seconde / acolyte Shev rencontrent Whirrun de Bligh dit Whirrun le Cinglé et la Mère des Epées… Les premières ont à leurs trousses Golyin, Ahum et Sarabine Shin les exécutrices du Temple de l'Ordre doré, et le deuxième a à ses trousses les sicaires de Bethod menés par Torrent. Et après moult bastons tout se finit avec Shev plus désespérée que jamais, obligée d'assister à la joute horizontale de Javre et Whirrun, la version masculin de Javre… mdr


"Au mauvais endroit, au mauvais moment" : Port Ouest, été 580
Canto Silvine, banquier de Valint et Balk est en plein entretien avec un envoyé de la maison mère quand il s'écroule mortellement empoisonné… Onna est une péripatéticienne de la Maison des Plaisirs de Cardotti, et elle réconforte un solide guerrier à la voix de fillette quand éclate un terrible incendie… Bon à tout bon à rien, Predo décide définitivement de changer de vie en s'engageant dans l'armée du grand-duc Orso, mais sa nouvelle famille est anéantie et il est à deux doigt de mettre fin aux jours du Serpent de Talins quand il en est empêché par un grand nordique borgne…
On voit de l'extérieur la quête de vengeance de Monza Murcatto contée dans "Servir Froid", le remake de "Kill Bill" à la sauce fantasy spaghetti, et les nombreuses victimes collatérales qu'elle a laissées dans son sillage…


"Sacrée hors-la-loi" : le Pays Proche, été 584
Farouche Sud est une hors-la-loi dont la tête a été mise à prix à 4000 marks, et elle est en cavale avec les 2000 marks qu'elle a ravi aux trois branques avec lesquelles elle a braqué une banque… C'est à pied qu'elle trouve refuge dans une petite ville fantôme : commence alors un très chouette survival à la sauce western spaghetti qui initialement a été publié par GRR Martin et Garder Dozois dans "Dangerous Women"… Perso j'ai trouvé que cela ressemblait beaucoup à "La Froide Lumière" de Karl Edward Wagner, une des meilleures références qui soit dans l'univers des nouvelles fantasy !


"Hier, près d'un village nommé Barden…" : à proximité de Barden, automne 584
Cette nouvelle originellement publiée dans "Les Héros", nous montre la veille de la Bataille d'Osrund donc pas mal de ses protagonistes y participent. On suit le paysan nordique Tinder autant victime des troupes de son roi Dow le Sombre que des troupes d'invasion de l'Union. Bremer dan Gorst n'est pas loin de jouer le rôle de la Brute, et lors d'une escarmouche nous assistons à la mort tragique du Bon et à la survie tragique du Truand… Et par un acte de miséricorde qui résout tous les problèmes de notre Tinder, Gorst nous montre une fois de plus qu'il est un personnage ambigu aux multiples facettes… Quand viendra le temps du Grand Soir qui débarrassera le Cercle du Monde des banquiers de Bayaz et des religieux de Khalul, il est fort probable que lui aussi en sera !!!


"… sans trois" : Talins, automne 587
Retour en Styrie où après trois guerres avec l'Union nous assistons au sacre du très jeune roi Jappo don Rogon, voulu par sa mère la Grande Duchesse de la Vilenie Monza Murcatto, et organisé de mains de maître par Shylo Vitari son Ministre des Murmures… En obtenant la grâce ducale / royale, Shev pense en avoir fini avec les ennuis, mais Horald le Doigt se rappelle à son souvenir en enlevant Carcolf l'amour de sa vie... N'ayant jamais été une combattante, elle n'a pas d'autre choix que de demander l'aide de Javre la Lionne d'Hoskopp à la fois sa meilleure amie et sa pire ennemie avant de partir dans une opération de sauvetage dans la plus grande tradition du cape et épée ! Mais les apparences sont trompeuses et Javre et Shev sont être confrontés à des choix cornéliens…


"Liberté !" Avernock, été 590
Cette nouvelle originellement publiée dans Pays Rouge nous montre l'écrivain Spillion Brisépée essayant désespérément de redorer le blason de son employeur Nicomo Cosca, embourbé dans de sordides opérations de nettoyage politique au service de l'Union… le panégyrique est tellement grotesque qu'on en arrive à l'inverse du résultat escompté, c'est-à-dire là où voulait nous emmener l'auteur ^^


"Les temps sont durs pour tout le monde" : Sipani, printemps 592
La Guerre Froide continue entre l'Union et l'Empire, avec elle la lutte éternelle entre le Grand Capital de cet enfoiré du Bayaz et la Bête Immonde de ce taré de Khalul… En Styrie, les agents des uns et des autres s'opposent les uns aux autres pour récupérer un magnifique McGuffin : le paquet mystère passe ainsi successivement des mains de son passeur initial à Carcolf, Kurtis dan Broya, Cordial, le Carrier, Abymes et Hautfond, Kiam, Jervi, Sifkiss, la Vieille Green, Fallow, Javre, Maître Pombrine et Shev… Car il y a une troisième force qui est à l'oeuvre : Joe Abercrombie ne réchappera pas au remake d'"Il était une fois la Révolution" !
Pas sûr que les destins de Javre et Shev soient raccord avec ceux de la nouvelle … sans trois, mais à part ça c'est fendard !


"J'ai créé un monstre" : Carleon, été 570
Pour la dernière nouvelle, on repart dans le Nord avant les événements racontés par la trilogie de "La Première Loi" ! On y retrouve Bethod, ainsi que les petits Scale et Calder, coincé entre ses nombreux ennemis et son propre champions Logen Neuf-Doigts, dit le Neuf-Sanglant, qui lui créé sans cesse de nombreux ennemis mais qui se trouve être le seul capable de les protéger desdits ennemis…
D'un côté on a un roi plein de doutes et qui oeuvre de tout son coeur pour la paix car il a de grands espoirs pour sa famille, son peuple et son pays, loin de l'émule de Vladimir Poutine qu'on voit par la suite, et d'un autre côté un fou de guerre rendu complètement frappadingue par l'ivresse de ses nombreuses victoires remportées dans la plus grande violence… On connaît à l'avance la chute tragique et la tournure que prirent les choses par la suite, mais la nouvelle est d'autant plus cool et d'autant réussie que l'auteur ici carrément met en scène les versions vikings d'Agamemnon et d'Achille ! ^^
Lien : http://david-gemmell.frbb.ne..
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On ne présente plus aujourd'hui Joe Abercrombie, grand auteur à qui on doit plusieurs romans de dark fantasy plus savoureux les uns que les autres. On reste dans la même veine avec « Double tranchant », sauf que nous avons ici affaire à un recueil de treize nouvelles qui nous entraînent à tour de rôle dans différentes parties de l'univers de l'auteur. La Styrie, le Pays proche, les terres du Nord, Kadir... : Abercrombie nous fait voir du pays et la nécessité de se reporter à la carte insérée en début d'ouvrage se fait vite ressentir. Ces vagabondages d'un endroit à un autre pourraient nous inciter à penser que le recueil constitue un bon moyen pour se familiariser avec l'univers de l'auteur, et d'une certaine manière c'est vrai puisqu'on retrouve ici tout ce qui fait la patte d'Abercombie : un humour noir dosé à la perfection, des dialogues percutants, une bonne dose de violence et surtout des personnages au comportement à mille lieues de l'héroïsme. Bref, si vous aimez le ton de « Double tranchant », il y a de grandes chances pour que vous soyez tentés d'enchaîner avec l'un des autres romans de l'auteur. Je conseillerais toutefois aux lecteurs de lire les trois one-shot sortis récemment AVANT ce recueil pour la simple et bonne raison que celui-ci grouille de références et clins d'oeil à ces ouvrages et que, faute de les connaître, vous risquez de passer à côté de certaines subtilités dont il serait pourtant dommage de se priver.

La plupart des nouvelles mettant en scène la Styrie se déroulent ainsi avec les événements de « Servir froid » en toile de fond. C'est notamment le cas dans « Au mauvais endroit au mauvais moment », l'un des textes les plus marquant de ce recueil dans lequel on suit les malheurs d'une succession de personnages qui, comme le titre de la nouvelle l'indique, ont eu la malchance de se retrouver où il ne fallait pas quand il ne le fallait pas. Parmi ces pauvres bougres on trouve, entre autre, une fraîche recrue enrôlée dans l'armée du duc d'Orso et envoyé combattre une certaine Monzcarro Murcatto... On retrouve d'ailleurs l'héroïne de « Servir froid » dans « … sans trois », sept ans après la défaite du duc à l'occasion du couronnement de son fils. Les principaux protagonistes de la grande bataille opposant les troupes de l'Union aux Nordiques mise en scène dans « Les Héros » font eux aussi plusieurs apparitions plus ou moins remarquées. Dans « Une mission foireuse », le lecteur renoue avec Craw et sa troupe de mercenaires hauts-en-couleur (Merveilleuse, Joyeux Jon, Whirrun de Bligh...) pour une mission des plus périlleuses : voler un objet sans savoir ce dont il s'agit, le tout au nez et à la barbe d'une ville manifestement sur les dents. Il arrive souvent que l'on compare Abercrombie à Tarantino, et, ma foi, dans le cas de cette nouvelle la ressemblance saute effectivement aux yeux. Au programme : une bonne dose de castagne agrémentée d'une pincée de dérision.

Parmi les guerriers du Nord, il en est un autre dont tout le monde connaît et redoute le nom : Logen Neuf-Doigts, plus communément appelé le Neuf-Sanglant. C'est ce personnage omniprésent dans l'oeuvre d'Abercrombie que l'on retrouve dans « J'ai créé un monstre », nouvelle mettant en scène un chef nordique (Bethod, le père de Scale et Calder) confronté à la folie meurtrière de son ami qui, à l'approche de la paix, se révèle plus embarrassant qu'autre chose. du coté des hommes de l'Union c'est le colonel Gorst qui fait surtout une apparition remarquée dans « Hier, près d'un village nommé Barden ». L'occasion pour l'auteur d'insister encore et toujours sur la face sombre et peu glorieuse de la guerre, théâtre de la lâcheté et de la malchance davantage que celui de l'héroïsme : « Il regarda des deux côtés pour s'assurer de ne pas être vu puis sortit de sous la charrette. Il faillit trébucher sur le cadavre d'un soldat de l'Union, et repéra une épée ensanglantée à côté de sa main. Il sourit. Heureux hasard. S'emparant de la lame, il affecta une expression belliqueuse et marcha fièrement à travers le champ massacré. Une fois qu'il fut certain que de nombreux hommes l'observaient, il agita l'épée volée vers les bois. -Revenez, revenez bande de salauds ! Je vais vous montrer comment on se bat ! » Avouez qu'on est loin des chansons de geste et des batailles épiques auxquelles on assiste d'ordinaire !

Abercrombie revient aussi à plusieurs reprises sur les protagonistes de « Pays rouge », à commencer par Temple et Farouche qui sont respectivement mis en scène dans « L'enfer » et « Sacrée hors-la-loi » (nouvelle précédemment parue en français sous un autre titre dans l'anthologie « Dangerous Woman »). L'occasion d'en apprendre un peu plus sur le passé de ces deux paumés si attachants, la première en tant que bandit confrontée à la colère de ses anciens collaborateurs, le second à sa propre lâcheté au moment de l'attaque de la ville de Dagoska par les troupes gurkiennes. On retrouve d'ailleurs les belliqueux gurkiens dans l'une des nouvelles les plus réussies du recueil consacrée à un certain Glokta, épéiste exceptionnel, amant remarquable mais salopard de première (« Un beau salopard »). Parmi les autres apparitions notables, il faut aussi et surtout citer celle de Spillion Brisépée, narrateur du texte intitulé « Liberté ! » dans lequel l'écrivain rend hommage à « ce grand coeur, cet ami cher, cette magnifique présence, ce fier homme d'état (…) le célèbre soldat de fortune Nicomo Cosca ». le ton de la nouvelle n'a évidemment rien à voir avec celui des autres textes et, comme souvent dans ce recueil, tout le charme du récit réside dans ce que le lecteur connaît d'ores et déjà du passé ou de l'avenir des personnages. Faire passer Nicomo Cosca pour un gentilhomme bienfaiteur, il fallait quand même oser !

Bien que les protagonistes des précédents romans de l'auteur occupent généralement le devant de la scène, quelques récits introduisent également de nouveaux personnages. Dans cinq des treize nouvelles, le lecteur est ainsi invité à suivre les aventures d'un duo féminin improbable constitué d'une voleuse de talent et d'une guerrière redoutable aux appétits difficiles à satisfaire (et pas seulement en terme culinaire...). Leur histoire commence en Styrie lorsque la jeune Shev butte un matin sur l'épave inconsciente et fortement alcoolisée de la célèbre Lionne d'Hoskopp (« Un peu de gentillesse »). Aucune des deux femmes n'étant particulièrement douées pour se tenir à l'écart des ennuis, leurs pérégrinations vont les entraîner d'un bout à l'autre de la carte, du Pays Proche (« Quitter la ville ») aux froids territoires du nord (« Jamais deux... ») en passant par l'île des Carpes (« ...sans trois ») ou encore la détestable ville de Sipani. C'est d'ailleurs dans cette cité mal famée que se déroule l'action de la nouvelle la plus burlesque du recueil (« Les temps sont durs pour tout le monde ») dans laquelle un mystérieux paquet passe de main en main, au fur et à mesure que le voleur devient le volé. L'auteur réutilise ici l'un de ses procédés narratifs le plus intéressant (qu'on retrouvait déjà avec une maîtrise remarquable sur le champ de bataille des « Héros »), changeant de point de vue et donc de narrateur au fur et à mesure des rencontres effectuées par celui-ci. Une trouvaille brillante dont la saveur est ici renforcée par l'identité des voleurs croisés (le placide Cordial, le duo comique Abysses et Hautfond...).

Joe Abercrombie réunit ici tous les personnages emblématiques de ses précédents ouvrages (et ils sont nombreux !) et s'amuse à les mettre à nouveau en scène dans des postures rarement flatteuses. Ce refus d'enjoliver la nature humaine et la guerre pour en donner une vision certes moins glorieuse mais surtout plus réaliste constitue sans aucun doute le principal charme des romans de l'auteur qui fait encore une fois preuve d'un sens du rythme et de l'ironie auxquels il est difficile de résister. A lire, donc, en complément des trois one-shot parus à la suite de la trilogie de « La première loi ».
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Un recueil de nouvelles que l'on m'avait chaudement recommandé. Etant, justement, un recueil de nouvelles, il m'a fallu du temps avant de l'attaquer, étant souvent déçue ou frustrée par ce format, ma préférence allant largement au roman.

Quelle ne fut pas ma surprise de voir que je n'éprouvais ni déception, ni frustration. En 13 nouvelles, Abercrombie nous offre une prolongation de son univers. On y retrouve d'anciens personnages et l'on voit ainsi tout le talent de conteur d'Abercrombie. de personnage détesté, on finit par les adorer et l'inverse également, je pense notamment à mes chouchous Glokta et Logen. Les personnages sont bien entendu des anti-héros comme je les aime quand je lis un Abercrombie. le recueil de nouvelles est également agrémenté d'un fil rouge : 5 nouvelles mettent en scène un duo de femmes ( elles ont la part belle dans ce recueil d'ailleurs), Javre et Shev. "Jamais deux..." est la nouvelle qui m'a le plus fait rire. Je suis juste un peu déçue de la dernière nouvelle les concernant. Aussi originale soit-elle j'aurai préféré que la dernière soit tout autre ou alors "... sans trois", offrant une sorte de conclusion plus tangible. Dans ce recueil, on trouve également des nouvelles au format assez original, comme l'écriture d'une aventure de Cosca ou les victimes collatérales de Murcatto. Enfin, la dernière nouvelle est juste glaçante. Je me demande encore si je l'adore ou si je la déteste.

Je conseille la lecture de ce recueil à tous ceux ayant lu La Première Loi, Les Héros, Servir Froid et Pays Rouge. le lire avant ces six romans enlève beaucoup de son intérêt. Je conseille également de lire ces 6 romans et ce recueil dans la foulée parce que honnêtement, j'ai eu du mal, personnellement, à remettre tous les personnages automatiquement.

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Merci à Babelio et aux éditions Bragelonne pour m'avoir attribué un exemplaire du roman Double Tranchant de Joe Abercrombie, dans le cadre de l'édition Masse Critique. Voici une occasion de replonger dans l'univers si particulier et à nul autre pareil de l'auteur. Il s'agit ici de dark fantasy réaliste, une catégorie spécifique très différente de ce qui fait en la matière. le public visé est le monde des adultes ou a minima des ados les moins jeunes.

La couverture est déjà une invitation à la lecture et à l'évasion. La couleur bleue, le style graphique, tout cela confère déjà une identité à l'ouvrage. Comment résister ? La parenté avec les précédents ouvrages est évidente. Comme de commune, Bragelonne fait du bon travail : le papier est de qualité et l'édition soignée. le prix éditeur n'est pas exagéré (une vingtaine d'euros). Les plus blasés se désoleront toutefois du format souple.

L'ouvrage est conséquent puisqu'il compte près de trois cent soixante pages regroupant treize chapitres. Chacun d'entre eux renvoie à une histoire. Certaines se suivent (bien qu'elles soient systématiquement entrecoupées d'autres récits) et d'autres non. Chaque chapitre est habillement mis en page. En tout, les intrigues se déroulent sur un quart de siècle. Hélas, les repères chronologiques sont réduits à leur plus simple expression. Des rappels auraient été les bienvenus, tout comme un commentaire positionnant chaque histoire par rapport à la trame générale.

Et oui, vous l'aurez compris, mieux vaut être familiarisé avec l'univers de l'auteur puisque l'on va rencontrer (de manière directe ou via des allusions) bon nombre de personnages déjà croisés. Ceux-ci n'interviennent pas en temps que personnages. Les nombreux clins d'oeil devront donc être compris pour être appréciés. Des révélations sont également faites, ce qui écarte le lecteur novice.

Les intrigues sont assez inégales. Liberté ! est le récit le plus spécial, en offrant un éloge de Nicomo Cosca qui se lira à plusieurs niveaux et le moins immersif. de même Sacrée hors-la-loi nous permet de suivre les tribulations de Farouche qui lutte pour sa propre survie et nous laisse sur notre faim. Ce constat s'applique également à J'ai créé un monstre (drôle de façon d'achever ce recueil !). le potentiel du général Glokta et même celui du conflit avec les Gurkiens n'est que trop partiellement exploité. Les dévoreurs semblaient si prometteurs ! Une mission foireuse place des jalons pour la fin de deux intrigues, nous offrant une introduction sur un mystérieux objet… qui le restera !

Au mauvais endroit au mauvais moment nous offre une belle surprise, par une scène dans un lupanar qui devrait rester dans les mémoires ! Il en va de même pour Hier, près d'un village nommé Barden, la meilleure histoire que l'on nous propose ici. La multiplicité des points de vue, les surprises et surtout la vision de Tinden : quelle réussite !

Shevedieh et Javre sont ici les personnages fleuves. Leurs aventures se déroulent sur plusieurs histoires qui doivent beaucoup à leurs héroïnes. La dernière d'entre-elles est amusante à souhait nous offrant des points de vues aussi nombreux que les retournements de situations imprévus.

Indéniablement, Joe Abercrombie a déjà écrit des ouvrages bien meilleurs que Double Tranchant. Celui-ci n'est reste pas moins agréable. Il est directement adressé à ses adeptes. Cela dit, les remerciements placés en fin d'ouvrage laissent la place au doute. Ce roman serait-cil un piège commercial ? Oui assurément… Et pourtant, me voilà tenté de me replonger dans l'univers de l'auteur…
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Double Tranchant est un recueil de nouvelles permettant de découvrir (ou redécouvrir) l'univers de Joe Abercrombie, auteur qui a su rapidement s'imposer comme un maitre de la dark fantasy mettant en scène d'excellents anti-héros. On pourrait voir en Double Tranchant un bon moyen de découvrir l'auteur, et il est vrai qu'il y est fidèle à lui-même : on y retrouve des personnages aussi détestables qu'amusants, une plume acérée et des répliques badass, un humour décapant, de la violence, des trahisons, bref, un vrai plaisir. Pour ma part, et même si j'ai passé un très agréable moment, j'ai tout de même regretté de ne pas avoir lu certains autres livres de l'auteur avant. le fait est que j'avais un temps imparti pour découvrir Double Tranchant, alors que j'aurais volontiers mis le recueil en pause le temps de dévorer les quelques romans qui traînent dans ma bibliothèque. J'ai beaucoup plus apprécié les nouvelles me permettant de découvrir d'autres facettes d'une histoire déjà lue, celles qui contenaient d'amusants clins d'oeil aux romans et plus encore d'autres présentant de tout nouveaux personnages.

Ainsi, pour découvrir l'auteur, je pense que les nouvelles mettant en scène Shev sont parfaites, même si elle est bien plus sympathique et respectable que les héros habituels d'Abercrombie. On la découvre avec « Un peu de gentillesse », alors que du haut de ses 21 ans, elle est voleuse retraitée et tient un fumoir à Port Ouest. Un matin, elle rencontre Javre, la Lionne d'Hoskopp, en trébuchant sur son corps inconscient, et son bon coeur la pousse à la secourir. Mais la matinée est riche en surprise et malgré sa retraite anticipée, le passé de Shev se rappelle à elle en la personne très déplaisante de Carcolf qui l'oblige à effectuer un dernier larcin (enfin, dernier…). Cette nouvelle est juste hyper bien rythmée, les personnages sont immédiatement attachants et les rebondissements passionnants. C'est donc avec grand plaisir que nous retrouvons ce duo quelques pages plus loin dans « Quitter la ville », « Jamais deux… », « … sans trois. » et « Les temps sont durs pour tout le monde ». J'ai clairement adoré suivre ce duo et son évolution et j'admire vraiment la facilité qu'a Abercrombie à rendre ses personnages aussi attachants en quelques phrases seulement. L'amitié qui se tisse entre elles, qui évolue subtilement nouvelles après nouvelles, pour finir des années après leur rencontre sur une conclusion efficace qui ne manque pas de charme. Ah ! J'en redemande !

Je n'ai pas trop envie de m'attarder sur les autres nouvelles, sachant qu'elles seront forcément agréables à lire pour un lecteur appréciant déjà Joe Abercrombie qui sera ravi de se replonger dans les aventures de ses précédents romans. Ce fut mon cas pour quelques-unes d'entre elles et je regrette un peu d'être passé à côté des autres (même si elles restent très agréables à lire). Ce sont vraiment les nouvelles mettant en scène Shev et Javre qui portent ce recueil : elles sont aussi drôles qu'intelligemment écrites, elles mettent en scène une héroïne homosexuelle (ce qui n'est finalement pas si courant en fantasy !) badass et gentille, elles permettront de découvrir la plume percutante et le bagou de l'auteur (du moins sa traduction) et le style d'emmerdes qu'il aime bien imposer à ses personnages. Bref, à lire pour ceux qui aiment Abercrombie, à lire en partie pour ceux qui veulent le découvrir (et qui seront conquis, promis !)

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critiques presse (1)
Elbakin.net
07 juin 2017
Un bon moment de lecture si vous connaissez déjà Abercrombie. Vous replongerez avec plaisir dans ses univers. Il ne s’agit pas de le contester, mais simplement de prendre quelques précautions.
Lire la critique sur le site : Elbakin.net
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« On n’a jamais trop de couteaux », lui avait-on appris, et c’était un excellent conseil, à condition de prendre garde aux endroits où on les attachait, pour éviter d’en recevoir un dans les noix en cas de chute.
("Une mission foireuse")
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Deux longueurs de corde effilochée tendues entre de vieux poteaux gravés de runes et couverts de fientes soutenaient une allée précaire de planches pourries. Ce pont plongeait aussi bas que l’humeur de Shev en disparaissant dans le vertigineux gouffre en contrebas. Les planches grinçaient dans le vent, qui les secouait de manière alarmante.
— Maudit Nord, s’exclama Shev en allant vérifier la solidité des cordes. Même leurs ponts, c’est de la merde.
— Leurs hommes sont bons, déclara Javre en avançant sans aucune peur. Loin d’être subtils, mais enthousiastes.
— Génial, commenta Shev en la suivant, échangeant un regard soupçonneux avec un corbeau perché sur l’un des poteaux. Les hommes. La seule chose qui m’intéresse pas du tout.
— Tu devrais essayer.
— Je l’ai fait. Une fois. C’était nul. Comme d’avoir une conversation avec quelqu’un qui parle pas la même langue que toi, et qui comprend encore moins le sujet.
— Certains sont plus doués que d’autres dans la langue horizontale, c’est sûr.
— Non. Vraiment, non. Les poils, la maladresse, les gros doigts patauds et… les boules. Enfin, quoi, des boules. Mais pourquoi ? C’est le pire morceau d’anatomie. C’est si… C’est un défaut de fabrication, voilà tout.
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- Les batailles, c’est pas si terrible.
- Tant qu’on est du côté des vainqueurs
("Au mauvais endroit, au mauvais moment")
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Quel fardeau d’avoir une conscience quand on est une voleuse.
("Quitter la ville")
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Le maître d’armes doit toujours trouver de nouveaux élèves à mener à la victoire, c’est là sa tragédie.
("Un beau salopard")
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Une longue discussion autour de "Premier sang", le premier tome de La Première Loi de Joe Abercrombie, par la Garde de Nuit.
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