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Critique de Lutin82


Joe Abercrombie connaît un succès retentissant dans les littératures de l'imaginaire. Une réputation flatteuse s'associe peu à peu à son nom, à tel point qu'il me semblait anormal de ne pas découvrir une de ses oeuvres.

Depuis quelque temps, les auteurs d'outre-Manche nous proposent des produits culturels séduisants et dotés d'une identité propre, british et impertinente. Les esthètes de la pensée et du mot n'adhéreraient pas forcément à cette opinion. Cependant, je suis emballée par nos amis britanniques depuis la fin du 20° siècle. J'ai été agréablement surprise par des séries telles que Whitechapel, The Fall ou Sherlock qui ne sont pas aussi formatées et industrielles que la plupart de leurs consoeurs outre-Atlantique.

Au rayon librairie, nous connaissons — au moins de réputation — Banks, McDonald ou Abercrombie qui récoltent de nombreux lauriers. J'ai donc comblé ma lacune avec Servir Froid, une histoire de vengeance implacable. Capitaine Général des Mille Épées, Monza est balancée du haut d'une falaise, précédée de son frère. Laissée pour morte, handicapée, esseulée, elle remonte la pente à force de volonté. le pavé de 650 pages nous invite à suivre l'assouvissement de ce désir avec force extravagance.

Ce roman possède d'énormes atouts pour séduire l'amateur de fantasy exigeant, et pourtant, je reste sur un sentiment mitigé.

Servir froid se classe en fantasy, en dark fantasy pour être plus précise. Les aspects magiques sont très discrets et ne se manifestent qu'une fois le récit bien entamé. L'univers de Joe Abercrombie s'ancre dans les domaines de l'imaginaire avec des références à une Italie du XV° siècle, ses familles puissantes à l'image des Borgia, ainsi que les différentes cités états jalouses de leur souveraineté et imbues de leur importance. L'auteur britannique l'assaisonne d'un zeste d'ambiance western (spaghetti), le lecteur découvre alors un mélange exotique grâce à ces influences issues d'un cinéma revigorant et assumé.

La violence froide et clinique qui anime tout le récit ainsi que l'acharnement de Monza évoquent les mises en scènes et scénarii de John Woo ou Johnnie To, ces figures incontournables du cinéma de Hong Kong. Bien que le médium diffère, ces deux types d'oeuvres partagent de nombreux points communs, dont un héros engagé et enragé qui sème le chaos et le sang sur sa route et une équipe hétéroclite de marginaux qui font office d'autant de miroirs ou de prismes.

Mais nous avons également une nuance prononcée de western spaghetti, fleurant le bon, la brute et le truand. Finalement, les films qui combinent assez bien ces deux facteurs ; l'obstination des protagonistes de Sergio Leone et le chemin de désespérance asiatique sont indéniablement ceux de Quentin Tarantino

En effet, lors de la lecture, je ne pouvais me défaire de la musique de Pulp Fiction, tout en ayant la sensation de suivre le chemin de croix de Black Manba (ou la Mariée) de Kill Bill. A l'image de Monza, l'héroïne s'engage dans une vengeance acharnée et sanglante indifférente aux sacrifices. Ce film absorbe et magnifie les influences citées plus haut. Servir Froid s'en rapproche par son côté ultra-violent, ses bains de sang et l'indifférence de la protagoniste quant à son sort.

Pour tout dire, je n'ai pas encore décidé si j'aimais ou pas ce film…

À la différence de Black Manba, Monza n'agit pas seule. Son but nécessite des moyens financiers qu'elle possède et des expertises qu'elle rassemble. Ainsi, un Maître empoisonneur arrogant, un bagnard psychopathe, un soldat en perdition et un mercenaire alcoolique l'accompagnent-ils pour une poignée de dollars de balances. 7 hommes à tuer pour 7 mercenaires qui ont le profil idéal de 12 salopards. Chacun mériterait un paragraphe tant l'auteur s'est fait plaisir en les mettant en scène.

Le récit alterne les points vue des différents personnages, nous plongeant dans leur intimité et leurs pensées. Cordial, notre bagnard est obsédé par les nombres et trouve une logique — une rectitude même — dans leurs actions lorsque celles-ci s'accordent avec ses dés. Il n'a de Cordial que le nom. L'évolution de Shivers, le soldat déchu est très intéressante, lui qui cherche à devenir un homme bon, s'engage dans une aventure qui va mettre ses résolutions à rude épreuve. Morveen, Maître empoisonneur de son état, est un personnage délicieux et à consommer sans modération. Relativement loyal, il ne cesse à la fois de geindre et de se vanter !

Cosca, l'ancien capitaine des Mille Épées est le plus séduisant du lot. Gouailleur, rusé et manipulateur, il cache son jeu jusqu'au dénouement ultime. Bonhomme et fort en gueule, il attire la sympathie et devine les humeurs et les motivations de sa patronne, Monza. Que dire d'elle ? Difficile de s'attacher à cette bourrique fermée et méfiante. Quelques indices, quelques hésitations et surtout les quelques flash-back nous donnent les clés de sa personnalité, mais l'auteur n'ouvrira le coffre que lors des derniers paragraphes.

L'enchaînement des péripéties accélère régulièrement le rythme du récit. le lecteur ne s'ennuie jamais ! L'autre point fort de Joe Abercrombie sont les dialogues savoureux, percutants et bourrés d'humour.

Servir froid est une vengeance savamment orchestrée par Abercrombie, heureusement car Monza court de catastrophes en massacres. Malgré des atouts évidents et séduisants, je ne peux pas décider si j'ai apprécié le livre. Ma référence en matière de roman sur ce thème demeure le comte de Monte-Cristo de Dumas, et il ne semble pas près d'être détrôné.
Lien : https://albdoblog.wordpress...
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