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EAN : 9782702116258
294 pages
Calmann-Lévy (01/04/1994)
3.92/5   37 notes
Résumé :
En 1070, Odilon de Bernay, moine à l'abbaye de Jumièges, considéré comme un saint, entreprend de raconter l'aventure qu'il vécut quarante ans plus tôt. Patiemment, malgré son âge et ses infirmités, il veut témoigner de la faute mortelle qu'il commit jadis, quand il guerroyait contre les Frisons sur la côte normande, auprès de son seigneur Liébaut de Malbray. Portant les armes et l'écu de son maître, l'adolescent partageait avec lui la sauvagerie des combats, la rigu... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (6) Voir plus Ajouter une critique
« L'égal de Dieu », prix Femina 1987, est un roman médiéval écrit par Alain Absire.

Le décor : nous sommes en 1027 après J.C. Robert II, dit Robert le Pieux, vient de monter sur le trône, succédant ainsi à Hugues Capet, roi des Francs. La société du Xième siècle est féodale. Ainsi, le seigneur concède une terre à son vassal en échange de son allégeance et de sa fidélité, et le vassal rend hommage à son seigneur, dont il devient l'homme, agenouillé devant lui, plaçant ses mains jointes dans les siennes. La société est figée, chacun étant dès la naissance « cloué » à une place donnée comme éternelle : il y a ceux qui prient, ceux qui travaillent et ceux qui combattent. le roi possède son propre domaine qui n'excède pas de beaucoup l'actuelle Ile-de-France : c'est par les mariages, les successions et les conquêtes militaires qu'il peut chercher à l'étendre. Il n'y a pas d'armée de métier : quand on veut des troupes, on convoque le ban et l'arrière-ban, c. à d. les vassaux qui en formant l'armée féodale ne font que leur devoir. Dans cette armée, il y a des cavaliers et des fantassins. le prestige de la cavalerie est d'ordre technologique : l'étrier assure une bonne assise, la selle fixée au harnachement conforte cette assise, le combat à cheval se fait avec une lance courte, une épée et un bouclier suspendu au col afin que les bras soient libres de leurs mouvements ; le cavalier porte un haubert, cotte de maille souple d'une dizaine de kg, un heaume conique prolongé d'un nasal et un écu couvert de blasons en signe de reconnaissance. L'écuyer entretient les armes et les chevaux de son cavalier ; mi-serviteur, mi-garçon d'écurie, il reste dans l'antichambre de la chevalerie. le chevalier, conformément au mythe féodal, se doit d'être preux, héroïque jusqu'à la démesure, infatigable, défenseur de sa dame, courtois et de bonnes manières, défenseur de son roi et de la foi, au service de la fidélité vassalique. Et Il sait se contrôler et méprise la jalousie.

L'histoire : nous sommes en l'abbaye de Jumièges, située entre le Havre et Rouen, dans un méandre convexe de la Seine, en pleine Normandie, riche province qui tire son nom des envahisseurs Vikings (« nort manni », les hommes du Nord) qui l'occupent. Odilon de Bernay, moine à Jumièges depuis 40 ans, termine la rédaction d'un manuscrit, et ce manuscrit c'est le récit de ce que fut son adolescence de page aux côtés du chevalier Liébaut de Malbray. Enfant, Odilon a fait des études puis il a appris le métier des armes pour servir comme page, apprendre l'art de la fauconnerie, monter à cheval, affronter l'ennemi à côté de son seigneur et devenir glorieux car il faut prouver sa vaillance, navrer et occire l'ennemi. Adolescent, il est confié à Liébaut : celui-ci lui assure sa protection en échange des services que doit tout écuyer envers son cavalier. Odilon admire la force physique et le caractère de son maître, lequel (page 38) est généreux, épris de justice, défenseur des pauvres, aimable, pondéré et sage : il vénère un maitre dont il souhaite être digne. Liébaut se prend d'amitié et d'affection pour Odilon. Celui-ci éprouve une véritable passion pour Liébaut (page 45), ses épaules, son buste large, sa machoire carrée, la maitrise de ses mouvements. Odilon dit (page 108) que jamais encore il n'avait connu d'homme aussi beau. Partageant avec Liébaut la violence des combats contre les Frisons, ébloui par l'exemple que lui donne en permanence son ainé, Odilon se blottit la nuit contre son maitre, enroulé avec lui dans un drap de laine grossière afin d'éviter la morsure du froid. Parfois, Liébaut lui caresse affectueusement les cheveux (page 135) ; alors, Odilon se prend à l'aimer et certaines nuit il lui enlace les épaules et embrasse son dos puissant (page 165). Mais un beau jour, Mathilde fait irruption dans leur vie. Paysanne maîtrisant les herbes et les onguents, Mathilde soigne de ses mains les plaies ouvertes de Liébaut, plaies dues à des coups de lance et d'épieu reçus en plein combat ; Liébaut n'est pas insensible au charme de Mathilde : (page 143) il essuye d'abord ses larmes du bout des doigts puis dans les jours qui suivent il lui demande de rester à ses côtés pour veiller les blessés et l'amour nait progressivement entre eux deux. Liébaut se promènera à cheval avec Mathilde (page 201 – elle aura les bras serrés autour de sa taille) puis (page 203) il passera toute une nuit, seul avec elle. Mathilde était promise à Ivar : cet amour contrarie le mariage et rend Odilon fou de jalousie. Ne se contrôlant plus, Odilon conçoit alors un plan diabolique au terme duquel Liébaut disparait : je n'en dirai pas plus. Dans le plus grand dénouement, quasiment aveugle, Odilon confesse, 40 ans après, ce que fut sa très grande faute.

L'intérêt du livre : dans cet univers masculin de la guerre féodale, Dieu est partout, l'exploit est une impérieuse nécessité mais la jalousie n'est pas loin. le récit est terriblement impressionnant : les héros sont à vos côtés, leur énergie est palpable ; un souffle vous parcourt, vous sentez au fil des pages les odeurs de la terre froide et humide, des maisons de bois qui se calcinent, du sang fade et tiède qui s'écoule des plaies des combattants, du gibier qu'on cuit au feu de bois et vous entendez les cris des soldats qui montent à l'assaut des palissades. Les personnages sont typés et attachants : aux côtés de Liébaut, d'Odilon, de Mathilde et d'Ivar, vous trouvez (page 208) les figures belles ou mauvaises de Vilgard de Chambois baron de Normandie, Bernon Hildetand géant Viking borgne, Granger saint moine par la grâce du Tout-Puissant, Jéboin neveu au sang vif, Thorer dur chef de village, Ubbo barbare ennemi de Dieu, Arlette fille de tenancier aux épaules blanches et bien d'autres. Grâce à la toute puissance de l'écriture, Odilon redonne vie aux souvenirs les plus lointains de son existence. Par ses mots, (page 209) il éclaire le sens de sa vie et de ses actes. Par sa confession, (page 215) délaissé et repoussé par Dieu, Odilon tente d'expier sa faute : il ressuscite son maitre, opposant ainsi à sa propre angoisse existentielle - laquelle se double du déshonneur de ne pas avoir mérité le fait d'être devenu chevalier et de la honte d'avoir usé de tricherie répétée envers ses proches - l'image sécurisante et apaisante du héros, symbole de dépassement de soi et d'espérance en un monde meilleur.

Au final, un livre passionnant qu'on lira d'une seul traite (294 pages) et qui devrait contenter les plus difficiles.
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Au crépuscule de sa vie, Odilon de Bernay entreprend de confesser le crime qui l'a poussé à se retirer du monde pour se faire moine dans une abbaye. Les quarante années qui ont passé n'ont en rien entamé la violence de ses sentiments. C'est avec un désir d'humiliation, infligée comme pénitence, et tout de même un brin d'orgueil, qu'il raconte son histoire.

Rompu au métier des armes, Odilon, alors jeune page au service de Robert le Diable, ne rêve que de glorieuses batailles dans lesquelles il pourrait s'illustrer. Lorsque l'occasion se présente enfin, la déception d'Odilon est immense : il ne combattra pas avec Robert lui-même, mais avec un simple lieutenant, Liébaut de Malbray.

Au fil des jours, Odilon apprend à apprécier son nouveau seigneur, la sagesse de ses décisions, sa puissante musculature, son courage au combat. L'intimité du lien entre le seigneur et son page transforme ce respect en un véritable amour. Hélas pour lui, Liébaut s'éprend d'une jeune femme, et cette félicité se trouve vite rongée par le poison de la jalousie.

Absire maîtrise parfaitement son art, le lecteur est plongé dès les premières pages dans cette ambiance moyenâgeuse, avec ses strictes hiérarchies sociales, ses combats à l'épée, et la peur des invasions de groupes armés. Tout au long du récit, la certitude d'un malheur imminent nous poursuit. Un peu cruel pour le lecteur, mais diablement efficace pour l'ambiance du roman. Aux amateurs de voyage dans le temps, ce livre vous attend.
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Le narrateur de ce roman est Odilon de Bernay C'est un vieil homme qui se souvient. Moine à l'abbaye de Jumièges, dans un dénuement qui lui confère la réputation d'un saint, il raconte son adolescence de page auprès du Chevalier Normand Liébaut de Malbray quand ils partageaient la violence des combats et, quand, dans cet univers masculin de la guerre, à l'heure de la nuit, s'enroulaient dans le même drap de laine. Odilon admire, vénère et éprouve une passion exclusive pour son maître. Ainsi, lorsque celui-ci s'éprend d'une jeune fille du peuple, il ressent une jalousie telle qu'il souhaite la mort de cette femme. Malheureusement, il ne parvient qu'à provoquer, accidentellement, la mort de son seigneur.
Dans le silence du monastère, Odilon écrit pour avouer ce crime ignoré de tous mais la toute- puissance de l'écriture (et de l'écrivain qui a la possibilité d'inventer la vie) - lui permet, à l'égal de Dieu, de ressusciter son chevalier mort.
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J'ai été transportée par ce roman superbe, parcourue par un vrai souffle. Lyrique, emportée, la narration, par la voix de son personnage Odilon, nous fait entrer de manière intime dans le Moyen-Âge de l'an mil, au milieu de ses chevaliers, de ses barbares et de ses humbles. le coeur d'Odilon se dévoile et, souvent, quoique dix siècles nous séparent de lui, j'ai retrouvé certains sentiments intenses, certaines joies, certaines amertumes trop humaines pour n'être pas universelles et intemporelles. L'ombre d'un Dieu omniprésent dans la pensée de l'époque plane sur ce roman, mais c'est aussi et surtout un très beau portrait d'homme, complexe et fouillé, et une histoire d'amour dépouillée de tous ses artifices. À lire, vraiment.
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Voilà un livre qui m'a éblouie !Pourquoi me suis je sentie comme ayant été dans un monde parallèle, ce jeune chevalier ?
Cet écrit fait parti de mes gros coups de coeur et reste un souvenir brûlant qui m'interpelle quand au pourquoi "celui là plus qu'un autre !"
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Citations et extraits (4) Ajouter une citation
page 64
[...] Ainsi que je le devais, ignorant le poids des vêtements de guerre froids qui, collés, pesaient sur mes épaules et ma poitrine, avant de m'occuper de moi-même, vide de toute pensée, j'aidais Liébaut à ôter son haubert et son gambais alourdis par la pluie. Seul avec lui pour la première fois, je le découvris dans sa nudité et comme si mon esprit engourdi reprenait vie, je me mis aussitôt à admirer la robustesse de sa poitrine, la largeur de ses épaules, la force de ses bras. "Essuie-moi Odilon, me demanda-t-il, car j'ai froid." Ignorant sa plainte qui dans le trouble de ma raison aurait dû me déplaire, je pris immédiatement le drap le plus épais et commençait à frotter son dos vaste, son ventre dur, ses jambes longues. Comment écrire aujourd'hui ce que j'éprouvai à ce moment ? Ce fut, alors que je me tenais si près de lui, comme si une force brûlante (sa force) pénétrait en moi. Malgré le froid qui me paralysait et me faisait trembler, une chaleur inconnue m'enveloppa, une chaleur si vive, si puissante, qu'elle m'embrasa telle une branche sèche atteinte par la flamme. [...] J'étais devenu moi aussi brusquement, sans avoir accompli aucun exploit, l'un des plus vertueux seigneurs de Normandie. [...]
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[...] Pas plus que Liébaut, je ne dormis durant cette nuit. Jointe à ma propre inquiétude, l'agitation qui, ayant pris mon maître le menait sans cesse à se tourner et se retourner sous notre drap, m'empêcha de trouver le moindre repos. Secoué par chacun de ses mouvements brusques, incapable de chasser de ma mémoire son regard posé sur Mathilde après l'annonce de son proche mariage, la crainte d'un malheur inévitable m'envahit. Tourmenté de la sorte, je me pris à souhaiter que les Frisons, en cet instant, lancent enfin leur attaque, ainsi, me dis-je en moi-même, il ne serait plus temps de s'occuper de la jeune fille, seuls dès lors compteraient nos vies et ce siège qu'il nous faudrait soutenir. [...]. Confondant hardiment ma destinée et celle de mon seigneur, je me vis en mon esprit endurer le trépas avec Liébaut de Malbray, et m'effondrer en notre place à ses côtés, mêlant, par nos blessures ouvertes, mon sang bouillonnant au sien. [...]
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Existe-t-il un bonheur dans l'acte de redonner en l'écriture vie aux souvenirs les plus cruels ? Le simple alignement des mots, l'assemblage des phrases qui ne prennent sens que mises bout à bout et rattachées les unes aux autres sont-ils source de satisfaction et de joie ?J'ignorais qu'un semblable plaisir existât.
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Par ces temps du millénaire de nombreux prodiges apparurent en mémoire du Christ. Comme si les troubles dans le ciel ne devaient plus témoigner de la gloire de Dieu mais avertir les hommes qu'un malheur allait s'abattre sur eux, d'inhabituels désordres perturbèrent l'ordre du monde.

Ainsi, durant la mille vingt-septième année après la naissance de Notre Seigneur, au troisième jour des calendes de juillet, comme pour annoncer l'aventure terrible que j'entreprends ici de conter, il me fut donné de voir le plus étonnant des phénomènes.

En cette époque si lointaine, je n'étais encore qu'adolescent. À peine sorti de l'enfance, mon temps d'étude terminé, je venais d'arriver à Falaise afin d'y apprendre le métier des armes. Tout me semblait beau et magnifique à la cour de Robert le Diable et j'attendais avec impatience d'affronter un ennemi aux côtés de mon duc. Futur vassal de Normandie, je ne vivais que dans l'espoir d'être armé chevalier et de revenir glorieux à la tour de mon père seigneur de Bernay.
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Alain Absire, Président de la SOFIA (Société française des intérêts des auteurs de l'écrit).
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