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EAN : 9782070448166
688 pages
Gallimard (07/06/2012)
3.5/5   7 notes
Résumé :
«Un acte honteux» : tels sont les mots employés par Mustafa Kemal lui-même, père de la Turquie moderne, pour qualifier le génocide des Arméniens à partir de 1915 (un million de victimes). Pourtant, aujourd'hui encore, les historiens turcs ne peuvent travailler sereinement sur cette question, la contestation de la ligne officielle héritée de la fondation de la République étant passible de poursuites.
L'exception est très certainement Taner Akçam, historien tur... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Un acte honteux est un livre d'histoire érudit qui s'attache à bien montrer la responsabilité du gouvernement ottoman dans le génocide arménien. La démarche est intéressante sur le fond : l'auteur bât en brèche de façon convaincante la "version officielle" de l'histoire turque qui justifie et minimise ce qu'elle considère être des massacres plutôt qu'un génocide. le gros point fort de l'ouvrage, outre son sujet et sa démarche, est la présence de nombreuses citations de sources, bien qu'elles soient inégalement pertinentes. Celles qui m'ont le plus marquées sont issues des débat à l'assemblée nationale ottomane en 1918 et 1919 entre des députés arméniens et nationalistes turques. Imaginez si à la fin de la 2nde guerre mondiale on avait assisté à des débat au Reichtag entre des juifs et des nazis...

En revanche l'ouvrage n'est pas très plaisant à lire à cause de sa taille (plus de 500 pages) : on ne peut pas dire qu'il soit très synthétique. de plus, le style de l'auteur est très académique ; ainsi on éprouve peu d'émotions alors que le sujet s'y prête. Bref, pour que le livre soit accessible, il aurait fallut qu'il soit plus court et rédigé différemment. Au lieu du grand public, il est plutôt à mettre entre les mains d'historiens intrigués par le sujet et ayant l'habitude de cette forme de rédaction.

Et c'est dommage, parce que sur le fond, le sujet traité gagnerait à être plus connu. Un acte honteux m'a fait comprendre la peur panique qui saisissait les dirigeants ottomans suite aux défaites successives en Europe : les musulmans des pays nouvellement indépendants étaient expulsés violemment, avaient subit des attentats. Ils ont été installé en Anatolie, dans zones peuplées (entre autre) d'Arméniens qui, par leur religion, étaient suspect de vouloir eux aussi leur indépendance, et donc d'empêcher la création d'un Etat turque. Il faut dire qu'en 1878 la Russie, après une victoire militaire et l'occupation de l'Anatolie, souhaitait annexer cette zone. Ironiquement ce sont les Britanniques qui s'y sont opposé (et l'ont regretté ensuite car cela aurait empêché le génocide...).

Autre élément saisissant : la possibilité qu'on aurait eu de juger les auteurs de ce crime. En effet, les élites ottomanes étaient prêtes à cela (bien qu'elles aient brûler un nombre gigantesque d'archives...) à condition de garder un territoire national turque. Mais les alliés souhaitaient à la fois ces procès et un démembrement de l'empire au profit de la Grèce, de l'Arménie et d'un Etat kurde. Résultat les nationalistes turques ont mené avec succès une guerre d'indépendance et n'estimaient pas (ou peu) avoir à rendre de compte. Cela explique pourquoi de nombreux ministres de la jeune Turquie avaient participé au génocide.

Bref, ce livre ne manque pas d'intérêt, mais il faut s'accrocher.
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Livre très à charge qui prouve à bien des égards l'existence du génocide arménien, existence dont j'ai toujours été convaincu. Livre donc utile mais très mal construit: beaucoup beaucoup beaucoup trop de répétitions qui rendent la lecture vraiment pénible.
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Un grand livre dans une traduction française que j'ai trouvée assez pénible.
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Citations et extraits (13) Voir plus Ajouter une citation
Quant à l'attitude de la population musulmane, l'image que nous en avons est ambiguë. Des témoignages montrent que dans certaines régions, les musulmans prirent part au génocide alors que dans d'autres, ils s'y opposèrent énergiquement. Une grande partie de la population musulmane masculine servait dans l'armée et les hommes furent certainement nombreux à éprouver le sentiment de vide que décrivait l'officier Çerkez Hasan : « Quand je suis rentré de la guerre, j'ai découvert que l'atelier d'Avadis Aga le forgeron, la maison de Nikogos le cuisinier et celle de bien d'autres voisins avaient été pillés. Ils avaient été envoyés en Arabie et ailleurs. »
Dans certaines régions, les musulmans protégèrent les Arméniens, les cachèrent et cherchèrent à empêcher les déportations. Dans d'autres, ils entreprirent de piller les maisons des Arméniens avant même le départ de leurs occupants, n'hésitant pas à attaquer les convois et à massacrer les déportés. Scheubner-Richter, qui suivait de près les événements, suggère que si la stratégie d'extermination convenait aux unionistes, jamais le peuple turc n'approuverait que la question arménienne fut résolue de la sorte. Le consul en poste à Trébizonde, Heinrich Bergfeld, affirmait lui aussi que cette campagne ne jouissait pas du soutien de la population. « Il faut rendre justice au peuple turc. La majorité des Turcs estime qu'il n'est pas juste de déporter les femmes et les enfants. » Dans son rapport du 5 août, Scheubner-Richter se faisait l'écho de ce point de vue. « Une grande partie du peuple turc, écrit-il, ceux qui sont doués de bon sens et de raison … ne soutiennent pas cette politique de destruction. » Il rapporte que de nombreuses personnalités locales condamnaient les crimes et prenaient leurs distances, les dénonçant comme l'émanation de la politique unioniste. « Malgré les commandements du Coran, disait un homme, on tue des milliers de femmes et d'enfants innocents. Ce ne sont pas des gens en état de fureur qui agissent ainsi, mais le gouvernement, le comité. »
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Il n'est pas facile de concilier l'inviolabilité de la souveraineté nationale et la nécessité internationale de châtier les auteurs de crimes contre l'humanité. On n'a toujours pas défini le point d'équilibre entre ces deux principes. Et cette impasse a joué un rôle capital dans l'abandon des poursuites contre les individus coupables du génocide arménien. Le jeune gouvernement turc d'Anatolie ne cessa de mettre des bâtons dans les roues des puissances de l'Entente désireuses de sanctionner les suspects en se retranchant derrière le principe de souveraineté nationale. Une nation ne peut être châtiée par une violation de sa souveraineté, affirmait-on. Toute tentative en ce sens était considérée comme une agression.
La volonté des Alliés de morceler l'Anatolie et celle de punir les coupables au nom de l'humanité étaient si étroitement imbriquées qu'aux yeux du Mouvement national turc, châtier les coupables revenait à porter un coup à l'indépendance nationale. Aucun des acteurs de l'époque ne réussit à établir une juste distinction entre les deux. D'où la faveur de l'hypothèse affirmant que « les accusations de massacres arméniens n'étaient que camouflage, des crimes et des criminels inventés de toutes pièces par les Britanniques pour réaliser leurs aspirations colonialistes et asservir la nation turque ».
Les violations de la souveraineté nationale répondent obligatoirement à l'un de ces deux objectifs : des desseins universalistes comme la défense des droits de l'homme, ou des intérêts impérialistes. S'agissant de la Turquie d'après-guerre, il est difficile d'affirmer que la volonté britannique de violer la souveraineté ottomane relevait exclusivement de principes universalistes et non d’intérêts coloniaux. Lorsque les deux coïncidaient, les grandes puissances n'avaient aucun mal à les appliquer. Mais dès qu'il y avait conflit d’intérêts, les principes universalistes étaient promptement abandonnés. D'où le relâchement des efforts internationaux dans ce contexte.
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A la suite d'une politique de déni, qui ne date pas d'aujourd'hui, le terme même de « génocide » a été contesté – sacré pour les Arméniens, tabou pour les Turcs. Les deux camps attachent une importance extrême à la question de la pertinence de ce mot. Je l'ai employé conformément à la définition que les Nations Unies en ont donné en 1948. Dans cette acceptation, le génocide recouvre des actes commis dans l'intention de détruire tout ou partie d'un groupe ethnique, national, racial ou religieux, en temps de paix ou de guerre. La définition précise différentes méthodes employées à cette fin, qui comprennent le meurtre de membres du groupe concerné, des atteintes graves à leur intégrité physique ou mentale, la soumission intentionnelle du groupe à des conditions d'existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle, les mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe et le transfert forcé d'enfants d'une communauté à une autre. En partant de cette définition et à la lumière de tous les témoignages dont nous disposons, force nous est de qualifier de génocides les actes commis contre les Arméniens.
Mais après tout, sans doute s'agit-il moins d'une question de vocabulaire que d'une position morale : la reconnaissance et la condamnation du crime. Quelle que soit la définition que nous en donnons, quel que soit le terme que nous employons, il faut bien admettre que cette histoire est celle de la destruction délibérée d'un peuple. Çerkez Hasan était en 1915 un officier ottoman chargé « d'établir » les Arméniens dans une région qui recouvre les actuels déserts syriens et irakiens. Quand il comprit que le véritable objectif des déportations n'était pas le déplacement mais l'élimination, il démissionna. « On peut toujours discuter de la synonymie entre tuerie et déportation, déclara-t-il. Employez ces mots comme vous l'entendez ; cela ne change rien à la réalité de ce qui s'est passé … Il n'existe qu'une façon atroce de comprendre ce qui est arrivé, et dont le monde entier a conscience. » L’échec de l'approche officielle de l’État turc s'inscrit dans son entêtement à présenter ce crime incommensurable comme une nécessité d’État justifiable, évitant ainsi au pays de prendre moralement position à ce sujet.
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Le modèle économique national de Gökalp subit également l'influence du nationalisme allemand comparant l’État à un organisme vivant qui, par définition, devait constituer un système global. La nation devait être considérée comme un « tout social », ce qui passait obligatoirement par « l'unité culturelle », « l'unité économique » et « l'unité politique ». L'établissement de l'unité économique allait de pair avec celui de la conscience nationale. La théorie d'une économie nationale mettait l'accent sur la formations de « corporations turco-musulmanes » et soulignait la nécessité de se concentrer sur la dimension ethnique. Une économie nationale pouvait se réaliser à travers l'uniformité ethnique : « L’État moderne est né de la division du travail qui s'est mise en place dans une unique communauté ethnique. »
Il est essentiel, pour comprendre le génocide arménien, de garder ce cadre théorique présent à l'esprit, car c'est lui qui a fourni les motifs idéologiques du massacre et, partant, leur légitimité. Gökalp conférait à « la nation » une puissante composante mystique. Dans son œuvre, "il reportait sur la nation les qualités divines qu'il avait trouvées dans la société, remplaçant la foi en Dieu par la foi en la nation : le nationalisme devient ainsi une religion."
Tout ce qui est national est déifié, élargissant l'idée de Durkheim voulant que « la société puisse faire ce qu'elle veut. » Si une nation se sent en danger, elle n'est donc pas moralement responsable de sa réaction face à ce danger.
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Le général Vehip Pacha, commandant de la 3e armée à partir de février 1916, évoqua Abdülhalik dans sa déposition, affirmant qu'il avait notamment brûlé vifs es milliers de gens dans la province de Mouch - une allégation confirmée, entre autres, par des sources allemandes.
Abdülhalik faisait également partie de ceux que les Britanniques envoyèrent à Malte, et ils l'inclurent dans le petit groupe des principaux responsables des massacres. Finalement libéré avec le reste des exilés [lors d'un échange avec des prisonniers britanniques], le 31 octobre 1921, il devint ministre des Finances, de l'Education, puis de la Défense. Par la suite il fut président de l'Assemblée et finit même par accéder à la présidence de la République turque - pour un seul jour il est vrai - à la suite du décès de Mustapha Kemal.
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Taner Akçam - The Young Turks' Crime against Humanity
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