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EAN : 9782715234963
208 pages
Le Mercure de France (10/10/2013)
4.23/5   15 notes
Résumé :
'Au début c'était un cataclysme avec de la brûlure et de l'exaltation. Des mots, toujours les mêmes sans cesse répétés, j'ait fait connaissance avec les mots d'amour d'une langue ancienne.
J'ai tant parlé. J'aurais pas dû.
Oui, je revivais.
J'arrêtais de voir ma mère mourir.
J'arrêtais de ne pas vivre.
Il y avait de la vie en moi.
Toute une vie.
Une pleine vie.'

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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
" ça ne compte pas.
je n’étais pas prêt
ça ne compte pas. je ne vais pas mourir
je n’étais pas prêt
ce n’est pas vrai.
je ne suis pas mort
je n’étais pas prêt
Aidez-moi à me relever,
ce n’est pas juste
vous n’allez pas me laisser là
on recommence
hé ho
je vous parle
est-ce qu’il y a quelqu’un ?
je voudrais qu’on me relève
je n’étais pas prêt
…" Simon Allonneau, La vie est trop vraie, extrait.

Au moment où je termine le livre de Chantal Akerman, ce livre qu'un présent rend soudainement particulier, journal au timbre d'une douloureuse absence, le hasard d'une confidence virtuelle laisse s'imprimer sur mon écran ce poème.
Je donne ma confiance aux mots pour garder confiance en la vie. Et même si les mots ne sont pas toujours justes, il se doivent de n'être jamais faux. Un journal de bord, un livre d'amour, de ce genre d'écriture qui ne peut venir que lorsqu'on est un enfant éperdu de soleil.
Alors oui le poème de Simon Alloneau, arrive comme ça. Il n'est pas déplacé. Il a toute sa place. Quand le pire est arrivé, il nous faut ça à nous les humains : la poésie. Des « trucs » comme ça. Le rire aussi c'est humain. Pour se soulever, se relever, se remettre à marcher. La mort est absurde. Elle ne laisse aucune vérité. Elle n'annonce rien la mort elle enlève elle soustrait elle prend. Il faut savoir faire la différence entre le désordre et l'effondrement. Un désordre ça se constate, un effondrement ça s'évite. Tous ceux qui ont été confrontés à un suicide savent toujours que la culpabilité s'invite. Culpabilité qui déchire celui qui décide de se donner la mort, culpabilité qui tourne et retourne dans sa tête, dans son ventre et à laquelle il s'accroche pour ne pas passer à l'acte. Culpabilité que ressentt la majorité des proches. Dire qu'un suicide est inévitable, c'est prononcer une odieuse condamnation.
Bien sûr il est évitable. Mais à quel prix ? Regardons ses victimes, elles se trouvent parmi nous.
Mais le sujet de ce livre n'est pas la mort. Même si elle est là, planante, rasante. Même si l'absence le manque déposent les larmes de son parfum. C'est la vie, la vraie, celle qui affole, qui fait battre le cœur, qui reçoit des coups, qui pleure, soupire, se tait, renverse, bouscule, demande, doute, angoisse, qui tempête douceur colère cassure, qui bouleverse, qui coup de gueule et coup de poing et qui vous réveille les brûlures de la peau et qui parfois vous ensevelit.
Des vilains jours, des allers, des retours, des fuites, des fugues, des ailleurs qui s'éloignent toujours plus vite. De la joie, de l'angoisse, d'une solitude qui ne vous lâche pas, ou d'un isolement dont on ne veut pas et qu'on réclame tout le temps. Et le pas qui se ralentit, les gestes qui apaisent, et l'espace qui se ressert, un peu plus près, toujours plus loin. Du fauteuil, au lit, contre des murs dans lesquels courent la vie à pas de souris, et puis qui se lézardent parfois au fond de la nuit et qui laissent passer un rayon de soleil comme des petits grains de pluie, qui vous inondent et vous touchent comme l'eau viendrait toucher en plein cœur un volcan qu'on croyait endormi.
De la buée. Voilà, ce qu'elle nous dit de ses films. De la buée. Mais sur la buée, on peut écrire. La buée c'est de l'eau, c'est la vie, ça ne se perd pas, ça revient, ça va, ça court, ça fuite, ça ressurgit, ça revit. La fumée c'est un écran. Ça n'a rien à voir dans la vie. C'est la mort, la fumée ça détruit, ça saccage, ça anéantit, ça cache, ça obscurcit. C'est le jour, c'est la nuit, et puis des fois les images se mélangent par folle magie.
Personne n'est prêt. On n'est pas prêt à voir ses parents nous quitter. On n'est pas prêt à se quitter soi-même. On n'est pas prêt à tout quitter quand il reste tellement à retrouver. On n'est pas prêt à recevoir la détresse de l'autre, le trop plein des autres, on n'est pas toujours prêt. Pas là, pas maintenant. On n'est pas toujours synchro. Et si ça arrive, c'est que le temps fait absurdement son ouvrage. C'est un désordre du temps. Chimique, mécanique. Peu importe. Marcher, danser, rire, se lever, rêver, créer, respirer. Il faudrait toujours avoir assez de force pour tout porter. Soi et les autres. Les ombres c'est comme les souvenirs il faudrait être assez fort pour se porter à leur chevet.
Mais respirer, respirer encore, même peu, il reste tellement à dire pour vivre.
Alors dire surtout que l'écriture de ce livre est remarquable. Que la construction l'est tout autant. Que les plans se lient, que la liaison physique des dialogues crée une unité troublante du langage, que le murmure du vide entre constamment en résonance avec un trop plein assourdissant, qu'il y a une conscience pleine et totale de complexité des rapports humains, qu'il y a courbes et arabesques, jamais de voie sans issue, pas d'évitement, mais des mouvements de retrait qui ne sont que l'intelligence d'une respiration, qu'il y a une douleur « voyante », qu'il y a des phrases terriblement proches de nous tous, ou du moins de beaucoup d'entre nous.
Que ce livre est un livre qui nous transmet en toute amitié sa douleur de l'autre, que l'on renverse en soi, que l'on essaie d'inverser de soi, celle qu'on ressent, celle qu'on reçoit, du mal que l'on se donne pour ne pas l'infliger à l'autre, ce mal pour un bien, ce bien que l'on ne peut plus donner parce qu'on sait le mal qu'on recevra.
« donner c'est se rendre » écrit Chantal Akerman.
Il y a des nuits où parfois la fatigue est si forte qu'elle peut faire perdre la raison au plus grand des combats.
« il n'est pas bon d'être aimé, si jeune, si tôt. […] Avec l'amour maternel, la vie vous fait à l'aube une promesse qu'elle ne tient jamais. » écrivait Romain Gary dans la Promesse de l'aube.
L'aube, … cette confiance des mots, qui revient encore, puisqu’après avoir refermé ce livre je commence la lecture d'un autre livre « la survivance des lucioles » de Georges Didi Huberman, et en préface il est inscrit deux extraits des prodigieux écrits de P.P Pasolini
« La lumière est toujours égale à une autre lumière. Puis elle se modifia : de lumière elle devint aube incertaine, (…) et l'espoir une nouvelle lumière. », La résistance et la lumière.
« Ti supplico, ah, ti supplico : non voler morire », supplique à la mère, extrait.
La vie est si vraie...Trop parfois. C'est quoi la réalité ?
« Pour écrire un seul vers, il faut avoir vu beaucoup de villes, d’hommes et de choses, il faut connaître les animaux, il faut sentir comment volent les oiseaux et savoir quel mouvement font les petites fleurs en s’ouvrant le matin. Il faut pouvoir repenser à des chemins dans des régions inconnues, à des rencontres inattendues, à des départs que l’on voyait longtemps approcher, à des jours d’enfance dont le mystère ne s’est pas encore éclairci, à ses parents qu’il fallait qu’on froissât lorsqu’ils vous apportaient une joie et qu’on ne la comprenait pas (c’était une joie faite pour un autre), à des maladies d’enfance qui commençaient si singulièrement, par tant de profondes et graves transformations, à des jours passés dans des chambres calmes et contenues, à des matins au bord de la mer, à la mer elle-même, à des mers, à des nuits de voyage qui frémissaient très haut et volaient avec toutes les étoiles – et il ne suffit même pas de savoir penser à tout cela. Il faut avoir des souvenirs de beaucoup de nuits d’amour, dont aucune ne ressemblait à l’autre, de cris de femmes hurlant en mal d’enfant, et de légères, de blanches, de dormantes accouchées qui se refermaient. Il faut encore avoir été auprès de mourants, être resté assis auprès de morts, dans la chambre, avec la fenêtre ouverte et les bruits qui venaient par à-coups. Et il ne suffit même pas d’avoir des souvenirs. Il faut savoir les oublier quand ils sont nombreux, et il faut avoir la grande patience d’attendre qu’ils reviennent. Car les souvenirs ne sont pas encore cela. Ce n’est que lorsqu’ils deviennent en nous sang, regard, geste, lorsqu’ils n’ont plus de nom et ne se distinguent plus de nous, ce n’est qu’alors qu’il peut arriver qu’en une heure très rare, du milieu d’eux, se lève le premier mot d’un vers. ». Rainer Maria Rilke – Les Cahiers de Malte Laurids Brigge (1910).
Ce magnifique extrait de Rilke aurait même suffi à ce commentaire.
Il se doit de rester présent.
La vie n'est peut-être pas vraie, pas assez ou trop, pour finir on ne sait pas, on ne sait pas comment la prendre, la garder, ni la rendre, elle se glisse entre nos doigts, on pense peut être trop vite qu'on est maladroit. On est peut être juste tout simplement pas fait pour cette réalité là.
Mais les lucioles sont justes. Et leurs mots tournent et ne s'arrêteront pas.

La filmographie de Chantal Akerman
elle est la réalisatrice  des films suivants :
2015 No Home Movie
2009 La Folie Almayer
2008 Women from Antwerp in November
2007 L'état du monde
2007 Tombée du nuit sur Shanghaï
2005 Là-bas
2004 demain on déménage
2004 Marcher à côté de ses lacets dans un frigidaire vide
2003 Avec Sonia Wider-Atherton
2002 de l'autre côté
2000 La captive
1998 Sud
1995 un divan à New York
1993 D'Est
1993 Portrait d'une jeune fille de la fin des années 60 à Bruxelles
1992 Le Demenagement
1991 Contre l'oubli
1991 Nuit et jour
1991 Pour Febe Elisabeth Velasquez
1990 Les Trois Dernieres Sonates de Schubert
1989 Histoires d'Amerique
1989 Trois strophes sur le nom de P. Sacher
1986 Golden Eighties
1986 La Paresse
1986 Le Marteau
1986 Letters home
1986 Rue Mallet-Stevens
1984 J'ai faim, j'ai froid
1984 Lettre d'une cinéaste
1984 L'Homme a la valise
1984 New York, New York bis
1984 Paris vu par... vingt ans après
1983 Un jour Pina m'a demandé
1982 Toute une nuit
1982 Un Jour Pina a demandé...
1980 Dis-moi
1978 Les Rendez-vous d'Anna
1977 News from Home
1975 Jeanne Dielman 23, quai du Commerce, 1080 Bruxelles
1974 Je, tu, il, elle
1973 Hanging out Yonkers
1973 Hotel Monterey
1973 Le 15/8
1972 La Chambre
1971 L'Enfant aimé ou je joue à être une femme mariée
1968 Saute ma ville

Elle est également monteuse, scénariste, compositrice, productrice, directrice de la photographie, actrice, et écrivain.

Sa bibliographie :
Ma mère rit, 2013, editions Le Mercure de France
Une famille à Bruxelles, 1998, l'Arche
Hall de nuit, 1997, editions l'Arche
Un divan à New York 1997, Editions l'Arche
Les Rendez-vous d'Anna : Scénario 1978




Astrid Shriqui Garain - 10.2015
Commenter  J’apprécie          111
Touchante confession écrite dans un style qui mêle candeur et spontanéité, "Ma mère rit" est le sixième ouvrage de la réalisatrice belge Chantal Akerman (après un scénario, deux pièces de théâtre, un récit et un premier autoportrait). Elle y dévoile avec pudeur et douleur sa relation avec sa mère malade et vieillissante mais aussi la confrontation permanente et épuisante avec sa compagne, et la folie qui la guette et la hante. Un essai émouvant, élégant, ultrasensible.
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critiques presse (1)
Liberation
29 octobre 2013
Ma mère rit est un roman de cette sorte : négligé, dérangé, mais tellement plus désirable que les livres rangés et bon genre.
Lire la critique sur le site : Liberation
Citations et extraits (5) Ajouter une citation
Je ne tiendrai que si j'écris. Et de toute façon ici ou ailleurs quelle différence. Ma vie, je n'ai pas de vie. Je n'ai pas su m'en faire une. Alors ici ou ailleurs. Mais ailleurs c'est toujours mieux. alors je ne fais que partir et repartir depuis toujours. (p.26)
Commenter  J’apprécie          110
M.je la connais depuis longtemps et il m'a fallu longtemps pour comprendre à quel point je l'aimais.
On s'est aimées, on s'est séparées je ne sais plus pourquoi, et on s'aime.
Même nos ombres s'aiment quand on marche.

( p.197)
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Mais c'est difficile à supporter de voir comme ça, noir sur blanc pourquoi je suis restée un vieil enfant.
Et qu'ainsi je n'ai pas pu faire une vie.
Et la seule chose qui sauve c'est l'écriture. Et encore.

( p.39)
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Ma mère distille une angoisse insupportable et on la fuit pour ne pas être contaminé mais on est quand même contaminé et ma mère sent qu'on la fuit et qu'on la traite comme un meuble, enfin pas vraiment et même pas du tout mais parfois elle sent ça alors son angoisse monte et on la fuit encore plus. (p.93)
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"Même nos ombres s'aiment quand on marche" .
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Videos de Chantal Akerman (8) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Chantal Akerman
Directrice de la photoraphie, Caroline Champetier a travaillé avec de grands réalisateurs comme Chantal Ackerman, Jean-Luc Godard ou encore Leos Carax. Elle reçoit cette année le Prix Cinéma Consécration France Culture. Entretien avec Olivia Gesbert.
#cinema #cannes2023 #festivaldecannes
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