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Si vous avez envie de lire une bande dessinée ambitieuse, si vous n'avait pas peur des récits d'anticipation, si vous êtes prêt à plonger dans un univers très prenant… Alors Elmer est fait pour vous. Oui, je suis très enthousiaste ! Mais Elmer est un coup de coeur, un vrai, un de ces livres auquels on repense souvent et longtemps après l'avoir refermé.

Le pitch peut paraître légèrement difficile : des poulets qui gagnent tout d'un coup l'intelligence, la parole, voir l'humanité ? le lecteur peut se demander où Gerry Alanguilan peut bien vouloir l'emmener. Surtout n'ayez pas peur, dans cette bande dessinée, il sera surtout question d'humanité, de psychologie et de construction de l'être.

Nous avons beau suivre la vie de poulets, Elmer présente une véritable chronique familiale, qui traite de mémoire, de transmission, de filiation, des sujets que j'affectionne grandement. Les relations entre les différents membres de la famille sont au coeur du récit. Jake se débat avec ses propres difficultés (chomage, peur, haine de l'autre…), mais doit aussi gérer ses relations conflictuelles avec son frère, devenu une star du grand écran, et apprendre à accepter la relation amoureuse de sa soeur avec un homme (par homme, j'entends un membre de l'espèce humaine).

L'autre grand thème du récit est, bien sur, le racisme. Comment deux espèces si différentes, qui historiquement avaient une relation de dominant/dominé, peuvent apprendre à vivre ensemble, à se respecter, à oublier les injustices passées. Il y a donc de véritables parallèles avec notre Histoire, avec les génocides, les guerres, les exclusions qui ont construit l'histoire de l'Homme. Et c'est avec ces événements difficiles que Jake va devoir se construire et apprendre à composer.

A la lecture d'Elmer, j'ai été très émue, certains passages sont durs, d'autres touchants. Gerry Alanguilan nous emporte avec lui dans cet univers différent du notre par certains points et pourtant très proche… C'est la grande réussite de cette bande dessinée, Gerry Alanguilan signe un récit intelligent, un ovni peut-être, mais un petit bijou surtout. Une chose est sure, on ne ressort pas de cette lecture sans en garder quelque chose ! Et j'ai hâte d'être à noël pour en trouver un exemplaire sous le sapin !
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Je suis très enthousiaste au sortir de cette lecture qui m'a franchement ému. Enfin, j'arrive à lire une oeuvre d'une intensité peu commune et avec une originalité à dépasser les bornes.

En effet, qui pourrait penser un jour que de simples poulets pourraient devenir des citoyens humains avec les mêmes droits que nous ? Attention, je ne fais pas référence aux forces de l'ordre : pas d'amalgame ! Dans la réalité, on se rendra compte que c'est un peu plus compliqué que cela en raison du lourd poids d'un passé meurtrier.

C'est l'idée même qui est intéressant même si elle paraît peu crédible. Pourquoi la race humaine devrait dominer dans le futur la planète et ne pas partager le pouvoir de la civilisation avec une espèce qui se révélerait doter d'une âme et d'une intelligence peu commune ? Les dinosaures ont bien dominé notre monde jusqu'il y a 66 millions d'années. Certes, ils étaient peu intelligents pour la plupart. La planète des singes racontent également l'avènement de la race des singes. Cependant, cette dernière est obligée d'anéantir la race humaine et la réduire en esclavage. Que dire alors d'une invasion extra-terrestre qui nous prendrait pour des termites ?

Là, le concept sera différent puisqu'il s'agit d'une coexistence entre deux espèces différentes. C'est presque une allégorie à construire un monde meilleur en surmontant la haine de l'étranger. Bien des peuples devraient s'inspirer de cette oeuvre étrangement humaniste malgré son inspiration aviaire. Une vraie métaphore sur la différence.

Quand j'ai lu le mot de l'auteur (un philippin), il m'est apparu comme franchement sympathique. On voit qu'il a eu beaucoup de mal à percer sur le marché de la bd. Ceci est sa première oeuvre qui a eu de la chance d'être publiée en France. Je suis généralement touché mais sans plus car je m'intéresse surtout à l'oeuvre. Et celle-ci ne m'a pas déçu bien au contraire. On s'intéressera par conséquent à sa carrière qui ne fait que de débuter à 42 ans mais qui malheureusement s'est terminée tragiquement à 51 ans seulement. le destin peut parfois frapper dramatiquement.

Elmer est une oeuvre forte qui mêle droits civiques, holocauste et droit à la reconnaissance. A découvrir absolument !
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Jake est un jeune coq vivant dans le monde des humains, ainsi que d'autres poules, poulets et coqs. Comme nous, ils sont doués de paroles. Jake est un jeune écrivain qui retourne dans ses terres natales pour rendre visite à son père Elmer, sa mère et au passage sa soeur et son frère qui ce dernier est dans le cinéma.
Il y a beaucoup de colère en Jake, car il ne supporte pas comment les humains ont traité ses semblables tout ce temps durant, et encore actuellement. Ce traumatisme omniprésent que certains ne veulent pas admettre. Il apprendra la vérité grâce aux notes autobiographiques de son père et de son meilleur ami humain : Fermier Ben, ce qu'ils ont subis, leur résistance, et résilience.

Une très bonne idée mise en page pour le plaidoyer du respect de la condition de vie animal de Gerry Alanguilan (et superbement dessinée), qu'il m'est déjà arrivé de penser, et d'en discuter.
> Et si une espèce animale, (surtout d'élevage) du jour au lendemain se mettait à parler... Comment réagirions-nous ?
Beaucoup ne voudraient rien entendre, comme les trois singes qui nient le problème en se bouchant les oreilles, la vue, la bouche, et se diraient que ça n'existe pas et qu'ils continueraient à manger des êtres qui parlent comme nous. D'autres se remettraient en question. Et une minorité qui déjà en avance sur ce plan-là, ont déjà arrêté de consommer des êtres vivants.
Mais au-delà de cela, comme l'ont vécu, le vive, et vivront encore les animaux de bétails : ils sont concentrés dans des mêmes lieux, puis voués à l'extermination, au génocide, après avoir été maltraités, torturés... ça ne vous rappelle rien ces conditions d'existence ?



Petite note trouvé récemment :
L'abattage des animaux pour fournir de la viande représente plus de 2000 animaux par seconde (compteur) soit 65 milliards d'animaux tués chaque année selon la FAO. Les estimations hautes sont de 150 milliards d'animaux en comptant toutes les espèces (poissons, oiseaux, etc)

https://www.planetoscope.com/elevage-viande/1172-nombre-d-animaux-tues-pour-fournir-de-la-viande-dans-le-monde.html
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D'abord auto-édité par son auteur philippin, ce one-shot est maintenant publié en français par les éditions Cà & Là. Encreur sur plusieurs séries très connues, Gerry Alanguilan n'est pas vraiment un inconnu dans le monde du comics, mais ce récit qu'il signe en solo est pour le moins surprenant.

Il n'y a pas longtemps, on retrouvait déjà les poulets au centre d'un postulat de départ intéressant dans « Tony Chu, détective cannibale », où, suite à une pandémie de grippe aviaire ayant décimée 116 millions de personnes à travers le monde, la volaille était devenue le premier produit de contrebande. le point de départ de cette histoire est tout aussi loufoque, mais le récit qui en découle est beaucoup plus profond.

L'idée de base est qu'en 1979, suite à un phénomène inexplicable, les poulets sont subitement devenu conscients et ont non seulement progressivement appris à parler et à écrire, mais ont également fini par revendiquer des droits identiques aux humains. Ce chamboulement ne s'est évidemment pas déroulé dans la douceur et laisse encore des traces bien visibles dans la société d'aujourd'hui. Car le récit débute vingt-cinq ans après cette prise de conscience des gallinacés et invite à suivre le quotidien de Jake Gallo, un jeune coq qui a du mal à trouver sa place dans la société.

« Elmer » propose tout d'abord une émouvante chronique familiale et une quête de soi touchante. Entre son frère devenu star du grand écran, une soeur qui annonce son mariage mixte avec un humain et son incapacité à trouver du travail, la vie de Jake n'est pas de tout repos. Mais c'est surtout la relation père-fils que l'auteur développe avec brio tout au long de ce one-shot. C'est au travers du journal intime du père, Elmer, que le lecteur va non seulement découvrir toute l'histoire de la famille Gallo, mais également celle des gallus gallus et de leurs efforts pour parvenir à cohabiter avec les humains.

Et c'est là que se trouve le principal intérêt de ce chef-d'oeuvre, car le chemin emprunté par ces poulets intelligents pour accéder à des droits fondamentaux, n'est pas sans rappeler quelques tristes passages de l'Histoire du genre humain. de leur élevage en batterie, qui fait inévitablement allusion aux fameux camps nazis, à leur exécution sanglante, qui a tout d'un génocide, la liste des maltraitances dont ils étaient victimes n'est pas mince. Et maintenant qu'ils ont quitté le règne animal, le bilan du genre humain n'est malheureusement pas beaucoup plus positif, car au menu des gallinacés, on retrouve intolérance, racisme et exclusion, mais heureusement également quelques histoires qui font chaud au coeur, comme celle du fermier Ben, véritable héros de la résistance. Malgré une approche particulièrement déstabilisante, l'auteur brosse finalement un monde particulièrement réaliste et familier et aborde de nombreux thèmes universels. Si l'approche anthropomorphique des personnages permet de créer une certaine distance vis-à-vis des faits relatés, la vision du genre humain offerte par l'auteur n'est pas moins triste pour autant. A la fois universelle, intimiste, drôle et émouvante, cette mise à nu du manque d'acceptation de la différence est d'une intelligence rare.

Derrière une couverture sobre et élégante, l'auteur propose un dessin noir et blanc précis et réaliste qui accompagne brillamment ce récit riche en émotions et invitant à la réflexion. Est-ce le postulat de base de cette histoire qui est absurde ou l'intolérance qui anime notre monde ?

Quoi, qu'il en soit, Gerry Alanguilan a probablement raison de supposer que quand les poules auront des dents, l'homme, lui, sera toujours intolérant !
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C'est une bande dessinée ou plutôt un comics très original : on se retrouve dans un monde où les poulets ont acquis, d'un coup, une intelligence comparable à celle des humains et cohabitent maintenant plus ou moins pacifiquement avec les humains : ils reçoivent la même éducation, ont accès aux mêmes métiers et vivent dans les mêmes villes.

L'auteur en profite pour explorer ce qui fait le propre de l'homme et pour poser des questions de tolérance. le propre de l'homme est-ce notre capacité à réfléchir, écrire, ressentir ou notre aptitude à la violence et aux massacres? On peut en filigrane y lire aussi un plaidoyer pour la vie animale.

L'intrigue se situe aux Philippines mais en dehors des coqs de combat, ça se ressent très peu dans cette bande dessinée qui reprend des thèmes universels de famille, de relations aux autres, d'épanouissement et de tolérance. J'ai été impressionnée par la performance de l'auteur qui nous fait complètement oublier que les protagonistes sont des poulets. Il n'y a malgré le scénario atypique aucun humour facile lié à cette situation et il arrive à insuffler une vraie intensité émotionnelle dans son scénario, loin des clichés faciles.

C'est décidément une bd atypique, avec des une réflexion dense nourrie par la fiction. le graphisme est lui aussi atypique, en noir et blanc et on ressent l'influence des comics américains dans l'encrage ou l'expression de certaines émotions.

Une belle découverte.
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En cette fin d'année 2003, Jake Gallo a les nerfs à vif. Il vient encore de rater un entretien d'embauche, son père a fait une attaque, son frère, star du cinéma, ne prend plus le temps de lui parler et sa soeur May va épouser un humain, ce qui, pour lui, est totalement impensable. Et oui, un humain ! Il faut dire que chez les Gallo, on est poulet de père en fils. Depuis l'événement qui s'est déroulé le 3 février 1979, toutes les poules et tous les coqs de la planète sont doués de raison et capables de parler. Après bien des combats, les gallinacés sont aujourd'hui considérés comme appartenant au genre humain. Dans les faits, les différences de traitement continuent d'exister mais l'intégration des poulets dans la société est devenue la norme.

Jake va opérer un retour aux sources en se rendant dans la maison familiale pour assister aux derniers instants de son père. Après l'enterrement, sa mère lui donne le journal intime du défunt et Jake y découvre un témoignage bouleversant sur les premiers mois qui ont suivi la transformation des poulets...

Elmer est un OVNI complet. Déjà, il me semble que c'est la seule et unique bande dessinée Philippine jamais publiée en France. Et que dire de l'intrigue imaginée par l'auteur ? Dans une interview de janvier 2011, il explique d'où lui est venue l'idée : « Un jour, assis devant ma maison, je me suis demandé : Et si les poulets parlaient ? Que feraient-ils ? Que diraient-ils ? Seraient-ils en colère ? ». Les choses auraient pu en rester là où tourner à la série Z de science fiction (L'attaque des poulets mutants !) mais Gerry Alanguillan a réussi le tour de force de créer une oeuvre tout en finesse. En faisant de la famille de Jake l'épine dorsale de son intrigue, il recentré le récit sur des thèmes intimistes tels que la perte d'un proche et les liens familiaux. Entremêlant sans cesse la petite et la grande histoire, il déroule une partition sans faute où les événements s'enchaînent naturellement malgré les nombreux flashbacks.

Jake Gallo est un personnage touchant sous ses airs d'écorché vif. Un individu en colère, en conflit perpétuel, persuadé que tous les humains sont des racistes anti-poulet. En plongeant dans les souvenirs de son père, il découvre que les choses ont progressé en à peine quelques années et que les combats menés pour l'égalité entre humains et poulets ont été aussi douloureux que salutaires.

Concernant les relations père/fils, l'auteur avoue qu'il s'est inspiré de son histoire personnelle : « Pendant des années, j'ai vécu dans la crainte de perdre mes parents, d'un âge avancé. Dans ce bouquin, on trouve beaucoup de mes souvenirs. [...] Mon père et moi n'étions pas si proches. Après sa mort, je me revois fouiller dans des vieilles boîtes pour trouver son journal... ». Un point de départ totalement irrationnel, un développement centré sur la cellule familiale et la mise en perspective de son propre vécu : avec ces ingrédients pas forcément évidents à accommoder Gerry Alanguilan a concocté une recette délicieuse.

Si je devais concéder un très léger défaut, je dirais que le dessin n'est pas le point fort du recueil. Un noir et blanc par moment assez maladroit mais qui reste suffisamment efficace pour ne pas desservir le propos. L'influence des auteurs de comics indépendants saute aux yeux. Personnellement, le trait d'Alanguilan m'a rappelé celui de Terry Moore, l'auteur de la série Strangers in Paradise.

Une superbe découverte (une de plus !) des éditions ça et là. Publié il y a tout juste un an, Elmer a déjà reçu la reconnaissance du public et de la critique, remportant notamment le prix Asie-ACBD 2011. A découvrir d'urgence pour les amateurs de BD atypique et de grande qualité.


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Les hommes se réveillent un beau matin et s'aperçoivent que les poulets se sont mis à parler, et semblent doués d'une intelligence jusque-là insoupçonnée...

Avec un tel scénario, on est forcément un peu désarçonné ! Mais malgré le héro emplumé, Gerry Alanguilan parvient à dresser un portrait tout en finesse d'une société humaine violente qui craint et refuse de reconnaître l'altérité, face à des poulets qui leur sont semblables, et qui comptent dans leurs rangs des coqs de combat belliqueux prêts à en découdre.

Récit de l'oppression des minorités, mais aussi des traumatismes subis, de la difficulté à choisir entre mémoire et avenir et du lourd héritage familial que portent sur leurs épaules certains membres d'une fratrie : que les protagonistes soient des poulets n'en rend pas moins cette bande dessinée profondément prenante et subtile, et bien attristante.

A noter également que ce n'est pas tous les jours que l'on tombe sur une bande dessinée d'un auteur philippin !
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Imaginez un monde où les poulets et les hommes vivraient en harmonie, où ils seraient tous logés à la même enseigne... Nous sommes en 2003. Jake Gallo est ce qu'on pourrait appeler un loser : la vingtaine (c'est pas si jeune, pour un poulet !), pas de travail, pas de copine, une tendance à piquer des colères noires... Pour échapper à la remise en question, il invoque le racisme ambiant de la société dans laquelle il vit : si son avenir est aussi incertain, c'est à cause de ces hommes qui méprisent les poulets et qui préfèrent garder les bons jobs pour leurs congénères ! Un jour, un drame secoue sa vie morose : son père, Elmer, fait une attaque. le retour au bercail est inévitable pour Jake ; dans la maison familiale où ils ont grandi, il retrouve sa mère, Helen, une poule psychologiquement fragile, son frère Freddie, devenue star de ciné, et sa soeur May, qui vient de se fiancer avec un humain... au grand désarroi de Jake. Cette réunion de famille imprévue va se prolonger plusieurs jours après la mort du père. Jake a hérité du journal d'Elmer et entreprend de le lire. La tâche s'annonce fastidieuse : les premières pages sont très difficiles à lire, et pour cause : son père apprenait tout juste à parler et à écrire lorsqu'il a commencé à consigner régulièrement ses souvenirs. Une discussion avec Ben, le fermier qui a sauvé ses parents à une époque où leur vie était menacée, va le convaincre de s'accrocher dans sa lecture et de reconstituer l'histoire familiale.
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Jake Gallo est un écrivain en panne d'inspiration, au chômage de surcroit. Il mène une vie on ne peut plus banale jusqu'à ce qu'il apprenne qu'Elmer, son père, a fait une crise cardiaque. Il se rend chez ses parents, son père est très affaibli… il décède quinze jours plus tard, en octobre 2003. Jake décide alors de rester auprès de sa mère pour la soutenir dans cette épreuve. C'est aussi pour lui l'occasion de retisser des liens avec son frère et d'apprendre les fiançailles de sa soeur avec un humain. Jake est indigné ! Sa soeur va se marier avec un humain ! Oui, Jake est un coq. Chaque jour, il se sent victime de l'hypocrisie des hommes, du racisme ou de la discrimination à l'embauche. Il se sent méprisé et ses difficultés à retrouver un emploi que font qu'entretenir sa haine à l'égard des humains.

Quelques jours après l'enterrement d'Elmer, sa mère le prend en aparté pour lui remettre le journal intime du défunt. Ce sont-là les dernières volontés du paternel : que son « enfant préféré » soit le premier dépositaire de son témoignage et de la mémoire de leur famille. Jake remonte ainsi en 1979 et revit les événements tels qu'ils ont été vécus par ses parents. A commencer par cette nuit où, durant quelques secondes, un grand halo de lumière a éclairé la nuit. le lendemain, les gallinacées étaient dotées d'une âme, d'une conscience et du langage. Jake va donc découvrir les conséquences de cette révolution et l'histoire de tout un peuple.

" Merci d'avoir pris cette bande dessinée. Que vous l'ayez achetée ou empruntée à quelqu'un, merci de me donner l'opportunité de partager mes histoires. (…) pour une raison quelconque, mon voisin de classe voulait lire cette histoire, et il pleura après l'avoir lue. Ça a été une surprise pour moi d'obtenir ce genre de réaction. Je trouvais ça bien. Non, je trouvais ça génial de voir qu'une de mes histoires semblait suffisamment réelle pour susciter une émotion. Et puis une autre surprise : mon camarade m'a donné 10 pesos pour écrire le prochain chapitre. Ouah ! "

Voici les premiers mots de la préface de Gerry Alanguilan. L'auteur revient sur une passion qu'il nourrit depuis qu'il est enfant : dessiner. Il explique son rapport au monde imaginaire, le besoin de le mettre en image, l'importance qu'il consacre à ce partage. le ton est chaleureux, l'auteur est humble, il ne m'en fallait pas plus pour accepter son invitation à le lire et m'enfoncer confiante dans cette lecture. Cet artiste s'est fait connaitre aux États-Unis via son travail de colorisation sur des albums de chez DC et Marvel. En parallèle, il réalisait déjà ses propres albums aux Philippines (depuis 1992) où il a très largement contribué à l'essor de la bande dessinée dans son pays. Son premier ouvrage (Wasted) est auto-édité puis, en 2004, Gerry Alanguilan crée sa propre Maison d'Edition (Komikero Publishing) qui lui permet notamment de publier Elmer (2006).

Bien que cet album parte d'un postulat de départ totalement fou, la découverte de ce monde se fait naturellement. Les premières planches montrent le quotidien d'un personnage (que l'on ne voit pas de suite) : entre réveil matinal, préparation pour un entretien d'embauche et petite scéance de surf sur Internet. Il fantasme au passage sur les photos d'une star de cinéma, une belle humaine… Son comportement m'a semblé si familier que je pensais que le narrateur était un homme. du coup, l'acceptation de cet anti-héros et des quelques éléments sur sa personnalité est déjà amorcée lorsqu'on découvre que c'est un coq.

Le scénario est fluide, le ton est juste et le personnage principal est honnête envers lui-même. Je lui ais emboité le pas grâce à ses bulles de pensées. Rapidement, j'étais dans sa tête à partager avec lui les joies, les peines, les sentiments de haine ou d'amour. Avec Jake, j'ai haïs les hommes pour leurs folies meurtrières et lorsque Gerry Alanguilan revient sur la peur panique suscitée (chez l'homme) par la grippe aviaire… rien n'y a fait ! Je me suis identifiée à Jake et à sa famille. La manière dont leurs émotions et leurs inquiétudes sont retranscrites m'a émue, j'ai eu de l'empathie pour cette espèce. Gerry Alanguilan a placé son album sur une fine frontière entre « fable » et réalité, il maîtrise parfaitement son univers. L'auteur ne nous fait rien découvrir car ce monde est le nôtre au quotidien : entre haines raciales, génocides, discriminations… ce sont autant d'aspects qui nous sont familiers. le scénario est d'une richesse et d'une technicité certaines ; il dispose du recul nécessaire (la voix de son père vient du passé) tout en laissant une grande place à l'affect. Les nombreuses allées-venues passé/présent donnent un rythme agréable à la narration. Enfin, l'auteur se repose sur la cohabitation forcée entre hommes et volailles (où les Gallinacées représentent tous les peuples opprimés, symbolisent toutes les différences qu'elles soient raciales, ethniques, religieuses, intellectuelles…) pour introduire une réflexion sur les notions de tolérance, d'égalité, d'entraide… Il a créé un album troublant et émouvant. Beaucoup d'humour et de dérision permettent à l'auteur de faire passer un message fort : Alanguilan ne heurte pas le lecteur, il l'émeut.

L'utilisation du noir et blanc sert réellement le récit, laissant à chacun la possibilité d'y injecter ses propres couleurs. le graphisme est plus convenu, il m'a dérangé sur certains passages, parfois cru et maladroit, souvent figé. La qualité de la narration contrebalance largement cette gêne d'autant que les dessins d'Alanguilan sont détaillés, expressifs et véhiculent quantité d'émotions. J'ai encore en mémoire ces pupilles dilatées des coqs décapités semblables à des gouffres d'angoisse dans lesquels j'ai eu peur de plonger.

Nouveau coup de coeur de lecture pour ce mois de mai. Ce petit album a tout d'une grande oeuvre. Il traite intelligemment de sujets douloureux et mêle avec ingéniosité humour et émotions. Une lecture que je vous recommande.
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Cette satire sociale n'est pas sans rappeler le fameux Maus de Spiegelman, à la différence près que Gerry Alanguilan fait cohabiter humains et poulets.

En 1979, les poulets sont devenus conscients et dès lors ils se battent (au sens propre et au figuré) pour exister et revendiquent les mêmes droits que les hommes.

Jake Gallo, fils d'Elmer retrace au travers du journal intime de son père légué à sa mort l'histoire de sa famille et plus géneralement l'Histoire de notre société.

Un dessin en noir et blanc très expressif qui confère au texte toute sa dimension tragique.
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