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EAN : 9782070468003
176 pages
Gallimard (11/05/2016)
3.64/5   483 notes
Résumé :
A l’école, Ferdinand attaque Bruno à coups de bâton. Les parents se rencontrent pour régler le litige dans l’appartement du blessé. Au tout début, urbains, bienveillants, conciliants, ils tentent de tenir un discours commun de tolérance et d’excuse qui s’envenime peu à peu. Entre Alain Reille, avocat sans scrupule qui répond sans cesse à son portable tout en défendant une vision du monde à la John Wayne, Véronique Houillé à la morale citoyenne qui écrit un livre sur... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (64) Voir plus Ajouter une critique
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sur 483 notes
Je ne sais lequel, de ces quatre parents, est le plus détestable... Ferdinand, 11 ans, a donné un coup de bâton à son copain Bruno, lui brisant deux incisives. Civilisés, les parents de Bruno, Véronique et Michel, invitent Annette et Alain à rédiger un constat à l'amiable. Ceux-ci reconnaissent sans difficultés la culpabilité de Ferdinand, et acceptent qu'il vienne s'excuser auprès du pauvre Bruno.
Si Alain, pendant la discussion, ne cessait pas de décrocher son téléphone pour des affaires de médicaments pas fiables - il est avocat pour une entreprise pharmaceutique - sans doute n'aurait-il pas fini par agacer tout le monde et la discussion en serait restée là. Mais Véronique, en bonne samaritaine, cumule les commentaires acides sur le respect et la bonne éducation, et Annette commence à voir rouge...
Après tout, c'est Bruno qui a commencé en traitant Ferdinand de "balance", la violence verbale ne compte-t-elle pas? Et que penser de Michel, qui a jeté le hamster de sa fille dans la rue, la veille? N'est-ce pas cruel?
Les attaques fusent, et nos chers quatre civilisés, peu à peu, se révèlent dans leurs bassesses.

J'avais adoré l'adaptation de Polanski, Carnage, et surtout le jeu de Kate Winslet et Jodie Foster. Quant à la picèe de théâtre, que j'ai seulement lue, je regrette juste qu'elle tourne ainsi à la farce à la fin et que les personnages , finalement, soient si stéréotypés. Mais il s'agit quand même d'une bonne lecture acide-amère sur notre société.
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A ce jour, les pièces les plus récentes que j'avais lu dataient des années 40-50 (Sartre, Anouilh, Camus, Beckett). Autant dire que je ne connais rien au théâtre contemporain. Une lecture commune m'a donnée l'occasion de m'y intéresser avec « le dieu du carnage » de Yasmina Reza. Cet essai n'a pas été concluant, je n'ai pas du tout aimé cette lecture.

Le point de départ de la pièce est plutôt intéressant et aurait pu donner lieu à des développements intéressants. Pour cela, il aurait fallu que l'auteure ait un propos. Or, il m'a semblé qu'il était plutôt confus, ou bien tout cela est très mal amené.
J'ai trouvé les personnages très mal caractérisés. Au point que j'avais du mal à me souvenir qui était qui. Pourtant il n'y a que 4 personnages. Bien sûr, le fait qu'ils se ressemblent beaucoup est voulu, l'auteure voulant mettre en avant le fait que les 4 personnages ont finalement un peu les mêmes travers. Mais cela n'empêche pas de faire preuve de subtilité, ce qui n'est pas le cas ici. Et je trouve que Reza aurait dû mettre l'accent sur le fait que ce qui différencie les 2 couples c'est leur classe sociale. Cela aurait donné une dimension intéressante à leurs échanges conflictuels. Ici, ça ne saute pas suffisamment aux yeux.
Enfin, j'ai été frappée par la pauvreté des dialogues. C'est vrai qu'ils sonnent très vrais mais, à la lecture de cette pièce, j'ai compris que ce n'était pas ce que je recherche en lisant du théâtre. Quand je lis une pièce, j'aime des dialogues très écrits, ciselés et travaillés, je ne cherche pas le réalisme.

Je n'ai paspassé un bon moment de lecture avec « le dieu du carnage » mais au moins cette pièce aura eu le mérite de me faire comprendre que le théâtre contemporain n'est pas pour moi.
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« Véronique, moi je crois au dieu du carnage. C'est le seul qui gouverne, sans partage, depuis la nuit des temps »... « la morale nous prescrit de dominer nos pulsions mais parfois il est bon de ne pas les dominer. On n'a pas envie de baiser en chantant l'agnus Dei. »
Cette réplique clé d'Alain, un des quatre protagonistes de ce "huis clos" donne le ton, la couleur, le propos de la pièce de Yasmina Reza : deux visions du monde qui s'opposent.
Celle d'Alain qui croit à la loi du plus fort, d'un monde où l'homme est un loup pour l'homme, dans lequel la raison du plus fort est toujours la meilleure, qu'adopter cette philosophie en cherchant à être dans le camp des vainqueurs permet d'autant mieux de profiter d'un monde dont on a accepté par avance la règle ou l'absence de règles.
Celle de Véronique, militante convaincue, droit-de-l'hommiste impliquée, persuadée, elle, que l'homme est perfectible et que pour ce faire, l'humanisme, la solidarité, la culture, le progrès sont la clef de voûte d'un monde meilleur.
Cette rencontre de quatre personnages, deux couples : les hôtes : Véronique et Michel Houillé... les "invités" : Annette et Alain Reille, quadragénaires de la petite ou moyenne bourgeoisie parisienne, est donc placée sous le double signe de la fable - le loup et l'agneau - ou de l'affirmation sartrienne " L'enfer c'est les autres " et de la vision sarcastique d'un Jean Yanne s'évertuant à nous montrer malicieusement que - Tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil -...
Les Houillé reçoivent donc dans leur appartement les Reille suite à une altercation qui a vu Ferdinand Reille, onze ans, assener un coup de bâton sur le visage de Bruno Houillé, onze ans également, après que le second ait gratifié le premier du qualificatif de "balance".
Résultat : Bruno a deux incisives abîmées et un léger hématome à la lèvre.
Les parents se rencontrent donc pour une explication que chacun veut courtoise et pour s'entendre sur les termes et la conclusion amiable d'un constat où l'accord commun semble acquis.
Chacun des protagonistes cherche à se montrer sous son meilleur jour. Chaque couple veut donner l'illusion de l'union, de l'entente harmonieuse. Chacun des membres de chacun des couples faisant en sorte, dans un premier temps, d'afficher une solidarité et une complémentarité réciproques et à toute épreuve mais... de façade.
Car le vernis ne va pas tenir longtemps confronté aux tiraillements que la "réalité" inflige aux masques dont se sont parés les personnages ; les vrais visages vont finir par les remplacer.
L'amabilité circonstancielle va alors céder la place à l'agressivité, à la violence... au dieu du carnage.
Le Ça va au fil de la rencontre reléguer aux oubliettes de la civilité un Surmoi penaud et dicter sa loi à un Moi contraint à la soumission,

Partie d'une querelle d'enfants, certes violente, une explication domestique va dégénérer en pugilat général, en foire d'empoigne où des comptes vont commencer à se régler entre les couples et à l'intérieur des couples,
Cette déliquescence d'homo educatus educans réduit crescendo à l'état de "vilain sauvage" va permettre à Yasmina Reza, dans un décor minimaliste, dans une pièce en un acte, lequel n'est pas divisé en scènes, de nous offrir une pièce drôle, caustique, violente, polémique... base d'une réflexion intemporelle sur la nature de l'homme.
Celui-ci est-il un bon sauvage que 6000 ans de civilisation ont conduit à un état d'individu sage et raisonnable ou demeure-t-il un animal culturel toujours habité par ses instincts primaires ?
La pièce écrite en 2006 est sthénique, les personnages ont du corps.
Les trouvailles de l'auteure... Alain Reille, avocat défendant un labo qui couvre les effets secondaires d'un de ses produits hypertenseurs et, concours de circonstances aidant, ledit produit fait partie du traitement de la mère de Michel Houillé, "actualise" la cocasserie du "malentendu"... malentendu rendu plus efficace encore par le biais des incessants coups de téléphone donnés et reçus par les deux maris marris... quiproquos amplifiés par "la double énonciation" qui établit la connivence avec le public et donne l'impression dans le même temps d'un nombre plus grand de protagonistes dans la pièce et par conséquent sur scène ...
Superbe trouvaille que les "pérégrinations" d'un certain hamster que la musophobie de Michel a contrait à un exil forcé, à une errance désespérée en milieu urbain... exil auquel fait écho le désespoir de sa fille séparée de son cher animal de compagnie...
Tous les thèmes et leurs controverses abordés, toutes les situations concourent à donner à cette lecture corps et vie, à susciter l'intérêt, à offrir au lecteur un bon moment... moment loin d'être perdu, car la pièce offre matière à jubiler et à cogiter.
Exception faite de la réputation sulfureuse qu'il a acquise, ce n'est pas un hasard si Roman Polanski ( très grand metteur en scène ) a fait de cette pièce un film que j'ai pris plaisir à voir à sa sortie en salles.
Film dont Yasmina Reza a écrit le scénario et pour lequel elle a été "Césarisée".
Ce n'est pas un hasard non plus si - le dieu du carnage - continue d'être joué dans le monde entier.
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J'avais fait une promesse solennelle à 5Arabella, Bruidelo et Gaphanie sur le fil du challenge Théâtre cette année : celle que je lirais une pièce de plus de Yasmina Reza, à savoir Le dieu du carnage, afin de vérifier si La traversée de l'hiver et Art n'étaient que des ratés (ce dont je doutais fortement, vu que j'avais déjà en sus lu un texte non théâtral de Reza que j'avais trouvé nul). Je tiens à laisser une chance aux auteurs, et, ma foi, l'expérience m'a donné plutôt raison avec China Miéville.

Franchement, j'ai cru à de rares moments que, peut-être, éventuellement, je tenais un meilleur texte que les précédents. Mais nan. On peut avoir l'impression que quelque chose va se passer dans cette pièce pendant un temps, que la crise va véritablement éclater et révéler des tensions cachées. Mais nan. On n'est pas dans Qui a peur de Virginia Woolf, par exemple (pardon à Albee de lui comparer Reza). Certes, chacun peut reconnaître ici et là des petites piques qui lui rappelleront vaguement, très vaguement, ses problèmes de couple, de famille ou de je ne sais quoi. Personnellement, je ne n'abandonne pas d'animaux dans la rue, bien au contraire, je ne passe pas ma vie accrochée à mon portable, mais il est vrai que je n'apprécierais pas spécialement qu'on vomisse sur mes livres d'art. Bref, rien de bien passionnant. Ah oui, mince, j'ai oublié de situer le contexte ! Il s'agit de deux couples qui se rencontrent parce que le fils de l'un d'eux a frappé l'autre et lui a cassé deux incisives ; les parents essaient donc de désamorcer une situation potentiellement conflictuelle. Et évidemment, on se doute que ça ne va pas bien se passer.

Donc c'est creux, c'est grotesque, c'est bourré de clichés, et, surtout, surtout, ça ne dit rien sur rien. L'explosion hystérique des quatre personnages constitue le nadir de ce grand vide. Alors oui, il y a vaguement quelques instants où Reza met les pieds dans le plat, lorsque deux des personnages, indépendamment l'un de l'autre, révèlent qu'élever des enfants, ça les soûle. Mais soyons clairs, ça ne va pas plus loin que ça. Pire, j'ai eu constamment pendant la lecture de la pièce, et j'ai par ailleurs constamment l'impression depuis que je la lis, que Reza navigue dans une ambiguïté pénible. Je suis tout le temps à me demander si sa seule motivation, ça n'est pas en fait de se foutre de la gueule de tout un chacun. J'en veux pour exemple l'histoire du hamster abandonné dans la rue par un des personnages. Est-ce que c'est censé être drôle (je pense que la pièce entière se veut drôle, mais que l'humour de Reza ne me touche pas trop) ? Plus la pièce avance, plus ça prend l'allure d'une espèce de blague. Nan, parce que la maltraitance animale, pour ma part, je trouve pas ça comique du tout. le coup des deux incisives cassées, sur lesquelles s'étend la mère du garçon concerné : même chose. Et même chose, je ne vois pas ce que ça a de drôle. Je crois de plus en plus que Reza se place en tant qu'auteur bien au-dessus de son lecteur ou spectateur, et s'amuse de ces questions tellement idiotes de hamsters abandonnés à leur sort dans la rue et de dents cassées. Elle se payait déjà la tête des gens qui jouent au scrabble dans La traversée de l'hiver (j'aime pas le scrabble, mais il ne me viendrait pas à l'idée de me foutre des gens qui y jouent), de ceux qui ne supportaient pas qu'on leur fume dans le nez dans Art, donc, logiquement, je vois mal pourquoi elle ne continuerait pas à faire dans Le dieu du carnage ce pour quoi on se prosterne devant elle depuis des années et des années.

À part ça, Reza n'aime pas qu'on la prenne pour une petite fille riche, parce que, selon ses propres mots, ce n'est pas ce qu'elle est (la pauvre !) Ben si elle tient tant que ça à donner une autre image d'elle, faudrait peut-être voir à arrêter de se prendre pour une déesse de l'écriture et à arrêter de se foutre de la gueule des autres. Notamment en cessant toute activité littéraire publique.



Challenge Théâtre 2018-2019
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Deux couples se rencontrent pour évoquer, sereinement, en principe, une rixe banale entre leurs grands enfants respectifs. Et ça dérape… Un de ces incidents anodins qui dégénèrent en affrontements dramatiques, et qui révèlent chez certains le démon qui sommeillait en eux.

D'un côté les parents de l'agresseur, Annette et Alain Reille. Lui est avocat surbooké pour qui cet incident est une perte de temps ; elle est une mère de famille totalement débordée, dépassée par son grand ado de fils. Ils viennent donc s'excuser et solder le conflit avec Véronique et Michel Houllié, parents du gamin amoché.
Lui est vendeur en gros articles ménagers, un bon nounours pataud qui ne semble pas trop se prendre la tête dans la vie. Tout à l'opposé, Véronique est une femme « concernée ». Concernée par les droits de l'homme, concernée par la faim dans le monde, concernée par les conflits meurtriers. Elle est aussi férue d'art moderne, collectionnant religieusement les catalogues d'exposition. Autant dire qu'elle forme avec Michel un couple atypique.

Au début de la visite chacun y va de ses protestations polies pour minimiser l'incident, les Houllié assurant qu'ils ne demandent pas de réparation financière, les Reille promettant de faire la leçon à leur bagarreur de fils. Et puis on en arrive aux modalités des excuses. le jeune agresseur doit-il venir officiellement demander pardon ? Doit-on lui appliquer une punition ? Laquelle ? Et là, alors que la discussion s'engage, ça commence à partir en vrille. Alain ne peut renoncer longtemps à être un avocat débordé et décide de répondre aux appels pressants qui font vibrer son portable, vociférant ses conseils à ses clients, d'horribles représentants de firmes pharmaceutiques poursuivies pour un médicament défectueux. Et Véronique, la reine du politiquement correct et des bons conseils en matière d'éducation, commence à tout dramatiser… Si bien, que petit à petit, la tension monte autour de la table basse, du clafoutis et des tulipes, jusqu'à un point critique où tout ce petit monde « péte les plombs »…
Un huis-clos psychodramatique qui évoque « délicieusement » les paradoxes de la condition humaine….et qui questionne le "vivre ensemble".

Dans l'adaptation cinématographique « Carnage » - interprétée par Jodie Foster, Kate Winslet, C. Waltz et J.C. Reilly – Roman Polanski règle la mise en scène. Un film jubilatoire, serré comme un expresso italien.


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Citations et extraits (30) Voir plus Ajouter une citation
ANNETTE Je vis ça du matin au soir, du matin au soir il est accroché à ce portable! Nous avons une vie hachée par le portable!

ALAIN Heu...Une seconde... (Couvrant le téléphone.)... Annette, c'est très important!...

ANNETTE C'est toujours très important. Ce qui se passe à distance est toujours plus important.

(...)

(Annette se dirige vers Alain, lui arrache le téléphone et... après avoir brièvement cherché où le mettre... le plonge dans le vase de tulipes.)

ALAIN Annette, qu'est-ce...!!!

ANNETTE Et voilà.

VÉRONIQUE Ha, ha! Bravo!

MICHEL, (horrifié) Oh là là!

ALAIN Mais tu es complètement démente! Merde!!!

(Il se rue vers le vase mais Michel qui l'a précédé sort l'appareil trempé.)

MICHEL Le séchoir! Où est le séchoir?! ( Il le trouve et le met aussitôt en marche direction le portable.)

ALAIN Il faut t'interner ma pauvre! C'est ahurissant!... J'ai tout là-dedans!... Il est neuf, j'ai mis des heures à le configurer!

MICHEL, (à Annette; par-dessus le bruit infernal du séchoir) Vraiment je ne vous comprends pas. C'est un geste irresponsable.

ALAIN J'ai tout, j'ai ma vie entière!...

ANNETTE Sa vie entière!...
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Alain : « Vous êtes de la même espèce que Jane Fonda. Vous faites partie de la même catégorie de femmes, les femmes investies, solutionnantes, ce n’est pas ce qu’on aime chez les femmes, ce qu’on aime chez les femmes c’est la sensualité, la folie, les hormones, les gardiennes du monde nous rebutent, même lui ce pauvre Michel, votre mari, est rebuté…
Michel : « Ne parlez pas en mon nom ! »
Véronique : « On se fout complètement ce de que vous aimez chez les femmes ! D’où sort cette tirade ! Vous êtes un homme dont on se fout royalement de l’avis !
Anne : « Elle hurle. Quartier-maître sur un thonier au dix-neuvième siècle ! »
Véronique : «Et elle, elle ne hurle pas ?! Quand elle dit que son petit connard a bien fait de cogner le nôtre ? »
Annette : « Il a bien fait, oui ! Au moins on n’a pas un petit pédé qui s’écrase ! »

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VÉRONIQUE. Annette, gardons notre calme. Michel et moi nous efforçons d’être conciliants, et modérés...
ANNETTE. Pas si modérés.
VÉRONIQUE. Ah bon ? Pourquoi ?
ANNETTE. Modérés en surface.
ALAIN. Toutou, il faut vraiment que j’y aille.
ANNETTE. Sois lâche, cas-y.
ALAIN. Annette, en ce moment je risque mon plus gros client, alors ces pinailleries de parents responsables...
VÉRONIQUE. Mon fils a perdu deux dents. Deux incisives.
ALAIN. Oui, oui, on va finir par le savoir.
VÉRONIQUE. Dont une définitivement.
ALAIN. Il en aura d’autres, on va lui en mettre d’autres ! Des mieux ! On lui a pas crevé le tympan !
ANNETTE. Nous avons tort de ne pas considérer l’origine du problème.
VÉRONIQUE. Il n’y a pas d’origine. Il y a un enfant de onze ans qui frappe. Avec un bâton.
ALAIN. Armé d’un bâton.
MICHEL. Nous avons retiré ce mot.
ALAIN. Vous l’avez retiré parce que nous avons émis une objection.
MICHEL. Nous l’avons retiré sans discuter.
ALAIN. Un mot qui exclut délibérément l’erreur, la maladresse, qui exclut l’enfance.
VÉRONIQUE. Je ne suis pas sûre de pouvoir supporter ce ton.
ALAIN. Nous avons du mal à nous accorder vous et moi, depuis le début.
VÉRONIQUE. Monsieur, il n’y a rien de plus odieux que de s’entendre reprocher ce qu’on a soi-même considéré comme une erreur. Le mot « armé » ne convenait pas, nous l’avons changé. Cependant, si on s’en tient à la stricte définition du mot, son usage n’est pas abusif.
ANNETTE. Ferdinand s’est fait insulter et il a réagi. Si on m’attaque, je me défends surtout si je suis seule face à une bande.
MICHEL. Ça vous a requinquée de dégobiller.
ANNETTE. Vous mesurez la grossièreté de cette phrase.
MICHEL. Nous sommes des gens de bonne volonté. Tous les quatre, j’en suis sûr. Pourquoi se laisser déborder par des irritations, des crispations inutiles ?
VÉRONIQUE. Oh Michel, ça suffit ! Cessons de vouloir temporiser. Puisque nous sommes modérés en surface, ne le soyons plus !
MICHEL. Non, non, je refuse de me laisser entraîner sur cette pente.
ALAIN. Quelle pente ?
MICHEL. La pente lamentable où ces deux petits cons nous ont mis ! Voila !
(pp. 43-45)
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Véronique : « Tu dis que Bruno se fasse casser deux dents est lié à notre vie conjugale ?! »
Michel : «Evidemment ».
Annette : « Nous ne vous suivons pas ».
Michel : « Renversez la proposition. Et admirez la situation où nous sommes. Les enfants absorbent notre vie, et la désagrègent. Les enfants nous entraînent au désastre, c’est une loi. Quand tu vois les couples qui s’embarquent en riant dans le matrimonial, tu te dis ils ne savent pas, ils ne savent rien les pauvres, ils sont contents. On ne vous dit rien au départ. J’ai un copain de l’armée qui va avoir un enfant avec une nouvelle fille. Je lui ai dit, un enfant à nos âges, quelle folie ! Les dix, quinze ans qui nous rentent de bons avant le cancer ou le stroke, tu vas te faire chier avec un môme ?
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Les hommes sont tellement accrochés à leurs accessoires... Ça les diminue... Ça leur enlève toute autorité... Un homme doit être libre de ses mains... Je trouve. Même une mallette, ça me gêne. Un jour un homme m'a plu et puis je l'ai vu avec un sac rectangulaire en bandoulière, un sac en bandoulière d'homme, mais enfin c'était fini. Le sac en bandoulière c'est ce qu'il y a de pire. Mais le portable à portée de main est aussi ce qu'il y a de pire. Un homme doit donner l'impression d'être seul... Je trouve. Je veux dire de pouvoir être seul... Un homme qui ne donne pas l'impression d'être un solitaire n'a pas de consistance.
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