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Très détaillée, cette monographie retrace cinq années (1930-1935) de la vie d'une petite ville allemande,Thalburg (nom d'emprunt) ce livre permet de mieux comprendre la montée du nazisme.

Ce livre agrémenté de nombreux témoignages démontre comment doucement mais surement, une ville (un pays) est passé de la démocratie à la dictature.

Une lecture d'un grand intérêt pour la compréhension du nazisme, et par certains côtés et similitudes une compréhension de notre société.

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Dans les années 60, l'historien américain William S.Allen a séjourné plusieurs mois dans la petite ville allemande de Thalburg.

Double enquête sociologique et historique ainsi qu'archives lui ont permis de publier l'étonnant Une petite ville nazie, récit de la montée du parti nazi de 1930 à 1935.

On ne peut prévenir un mal que si l'on en connaît bien les origines. Et la première réussite de cette recherche fut de montrer que d'autres motivations que les motifs socio-économiques furent évidemment présentes.

Dans sa préface,  Alfred Grosser, Professeur de Sciences Politiques nous éclaire ainsi :
" Allen apporte de solides arguments à ceux qui attribuent à l'idéologie  (et à une idéologie enracinée dans une  tradition culturelle allemande) une place privilégiée parmi les facteurs d'explication du nazisme."

Toute la population de Thalmug est, comme le reste de l'Allemagne, revancharde eu égard au traité de Versailles, et a, au plus profond d'elle même, désiré ce changement.

Mais, lorsque les plus vulgaires et les plus violents des nationalistes se furent saisi du pouvoir, la dictature, pour une partie de la population fut alors terrible. le livre le rend parfaitement.

" Les véritables soutiens d'un gouvernement sont les faibles et les ignorants et non pas les sages. " W.Godwin
 
Terreur, autorité didactoriale, propagande incessante, atomatisation de la société sont quelques-uns des points décrits finement qui nous apportent des éléments réellement nouveaux sur le phénomène hitlérien vécu de l'intérieur.

Ce livre dense, très très documenté (seul point faible) est formidablement instructif  : montée du parti d'extrême droite, suspicion, violences. .. toutes les conséquences à court comme à long terme de la dictature hitlérienne sur la petite ville allemande sont édifiantes.

Un récit historique et sociologique fort et rare.
Lien : http://justelire.fr/petit-ma..
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Quand tu étudies le nazisme, tu en reviens toujours à la question fondamentale : comment ça a pu arriver ?
Des tas d’historiens ont très bien expliqué le phénomène au plan global de l’Allemagne, Allen, lui, s’intéresse à l’échelle locale. On ressort de son bouquin avec le sentiment que la microhistoire est plus effrayante que toute la littérature d’épouvante réunie.


Les facteurs de la montée du nazisme sont connus que nombreux. Humiliation du traité de Versailles, élites qui portent à droite, absence de tradition démocratique, crise économique de 1929, crise politique interne de la République de Weimar, dynamisme du parti nazi, et cetera, et cetera. Une touche de ci, une pincée de ça et à l’arrivée, ça donne un faisceau complexe qui a fait que. Un faisceau très flou, qui brasse de grandes généralités.
Les premières images qui viennent du parcours nazi sont du même tonneau, ample et vaste. Le Reichstag en flammes, les gesticulations et vociférations de Hitler, les défilés berlinois de SA, les maousses rassemblements à Nuremberg… La partie visible et spectaculaire d’un iceberg en forme de croix gammée.


Une petite ville nazie, c’est l’histoire d’un patelin lambda en Basse-Saxe, Thalburg dans le bouquin, Northeim dans la réalité. Une ville ordinaire avec des gens ordinaires pendant la période 1930-1935, qui correspond à la conquête et à la confiscation du pouvoir par le NSDAP.
L’idée d’Allen, c’est de confronter les belles et grandes théories au concret de l’échelon local. Loin des shows son et lumière et des figures de premier plan, son étude se penche sur le quotidien des Allemands, sur la base du parti nazi, sur l’ancrage du second dans le premier. Comment ça s’est passé “en vrai”, dans la réalité d’un citoyen du fin fond de l’Allemagne ?
La petite échelle offre à Allen un corpus de sources fini, assez étoffé pour avoir de la matière, assez limité pour ne pas nécessiter six cents ans d’épluchage d’archives. Il se livre à un travail d’historien autant que de sociologue, très documenté, donc parfois aride. Mais les passages qui t’ennuient, tu les sautes et tu reprends plus loin, parce que c’est un ouvrage à lire.
Pourquoi à lire ? Beaucoup d’éléments qui ont conduit à la nazification de Thalburg-Nordheim, dans les mécanismes comme dans le contexte, marchent encore du tonnerre à l’heure actuelle. La crise et le pouvoir d’achat, les programmes électoraux attrape-tout, les discours politiques qui misent moins sur l’argumentation que sur la séduction, la défiance des citoyens envers les partis traditionnels qui moulinent dans la semoule, la rhétorique du contre plutôt que de la concorde pour capter les mécontentements… Et là je ne sais pas trop si je viens de décrire l’Allemagne des années 20-30 ou le fonctionnement de la vie politique en France là maintenant… Bref, tout ça pour dire que nos démocraties actuelles ne sont pas à l’abri d’un aller simple vers la dictature.


Mais revenons à nos Allemands de 1930.
La crise de 1929 met un peu de temps à toucher Thalburg. Ce sursis, c’est du pain béni pour les nazis. Parce que même si les habitants sont épargnés dans un premier temps, ils savent que la situation sent le sapin, ils ont la trouille de voir la récession envahir leur belle petite ville. Et quelqu’un qui a peur, tu peux lui faire gober tout ce que tu veux. Surtout dans le cas du discours nazi qui ne s’adresse pas à la raison mais qui cherche à frapper les esprits.
Ce terreau propice va faciliter la tâche des militants au plan local, qui ne partaient pas gagnants vu le niveau moyen. Les premiers nazis de Thalburg, c’est la cour des miracles, un ramassis pas bien glorieux de bras cassés, de bourrins, d’aigris bas du front. Pourtant ils ont une qualité indéniable : le dynamisme. Ils défilent (en marche, comme dirait l’autre), ils se montrent, on ne voit qu’eux, partout, tout le temps. En plus, ils ont des beaux (?) uniformes, défilent en rang, ça fait sérieux et discipliné, ça en jette. Ça impressionne. Ce tour de prestidigitation donne l’illusion du nombre alors qu’ils ne sont pas tant que ça au début (une quarantaine sur 10000 habitants). Ils sont là, ils occupent le terrain, pendant que d’autres formations politiques brillent par leur absence.
Les premiers séduits, c’est la classe moyenne. On ne jettera pas la pierre au bourgeois pour avoir eu la trouille de tout perdre dans la crise, y avait de quoi faire dans son froc. Bon, par contre, avoir rejoint le NSDAP, ça, ça mérite un caillassage en règle. Toujours est-il que les effectifs se renforcent avec des gens éduqués et un peu plus malins que les premiers éléments, en un mot “respectables”. Ils savent s’adapter à la situation locale. En même temps, la chose n’a rien d’un exploit. Le discours et le programme nazis sont si nébuleux qu’aucun électeur ne pourrait définir avec exactitude ce fourre-tout. On y trouve du qui fait plaisir à tout le monde (sortir de la crise, sans plus de précisions, on ne voit pas trop qui serait contre), du qui flatte à droite (les communistes, c’est des vilains pas beaux), du qui flatte à gauche (la révolution, c’est trop de la balle), à l’extrême-droite (vive l’ordre et la discipline) mais pas à l’extrême-gauche (faut pas déconner non plus). Autant dire que chacun peut s’accrocher à un vague quelque chose, vu qu’il y a tout et n’importe quoi dans la rhétorique nazie. Tu m’étonnes qu’on peut le modeler au gré des besoins !
À Thalburg, “on improvise, on domine, on s’adapte” (citation anachronique du Maître de guerre). La population est à majorité protestante et pratiquante (86%), les nazis lèvent le pied sur les fantaisies païennes et jouent au contraire la carte de la religion. Les juifs sont peu nombreux (120), difficile de leur faire porter le chapeau de tous les maux, donc mollo sur ce versant au moins pour un temps (au final, un seul survivra aux persécutions antisémites).
À l’arrivée, le nazisme séduit un peu plus à chaque élection, par son dynamisme et, comme tous les partis d’extrême-droite, par son discours agglutinant, qui permet de bouffer à tous les râteliers de l’échiquier politique et récupérer les déçus, les mécontents et les anxieux de tous bords. Parce que ce n’est que ça, sur le fond, un discours de la peur et du mécontentement. Le pire, c’est que ça marche… ça marche toujours (la preuve, aujourd’hui encore, une bonne partie de la presse et des formations partisanes font leur beurre avec).


Jusqu’à la douche froide du IIIe Reich une fois Hitler au pouvoir. La rhétorique nazie avait plu, l’État nazi beaucoup moins. Certes Thalburg va retrouver la prospérité économique en 1933-1934, mais à quel prix ?…
Sauf qu’il est trop tard. Les élections de mars 1933 sont les dernières dites “libres”, terme sujet à caution vu comment elles sont pipeautées (les communistes sont mis hors jeu suite au Reichstagsbrandverordnung). Dans la foulée, Hitler se fera voter les pleins pouvoirs et emballé c’est pesé, bienvenue dans un État totalitaire.
Au quotidien, ça passe par une atomisation du tissu associatif, parce qu’il ne faudrait pas que les gens se regroupent dans leur coin. Diviser pour mieux régner, un classique. En lieu et place, les associations et institutions du Reich pour bourrer les crânes et garder tout le monde à l’œil.
L’univers de l’Allemand moyen se divise en deux catégories : les obligations et les interdictions. Au revoir les notions de droits et de permission. Jusque dans les plus petits aspects du quotidien, ce qui est la caractéristique du totalitarisme : une emprise totale.
Écouter radio-Moscou, verboten. À la place, tu es obligé de faire le salut nazi, assister aux manifestations de masse et entretenir les tombes du cimetière municipal. Et ainsi de suite. L’enthousiasme retombant dès 1934, la terreur prend le relais à coups de brimades, arrestations, contraintes diverses et variées. On est donc loin d’une adhésion en profondeur, la nazification reste superficielle, en pilotage automatique. Chacun fait ce qu’on attend de lui pour éviter les ennuis, pas par conviction pour la majorité de la population.
Faute d’élections pour rectifier le tir après avoir déchanté, il faudra se farcir encore dix années de nazisme, qui a “corrompu la vie sociale, introduit un système fondé sur la terreur et l’autoritarisme, embrigadé les Thalburgeois dans une succession de manifestations de propagande abrutissantes et rituelles”.


C’était une ville ordinaire avec des gens ordinaires. Et puis un jour, c’est arrivé.
Lien : https://unkapart.fr/une-peti..
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Quand tu étudies le nazisme, tu en reviens toujours à la question fondamentale : comment ça a pu arriver ?
Des tas d'historiens ont très bien expliqué au phénomène au plan global de l'Allemagne, Allen, lui, s'intéresse à l'échelle locale. On ressort de son bouquin avec le sentiment que la microhistoire est plus effrayante que toute la littérature d'épouvante réunie.


Les facteurs de la montée du nazisme sont connus que nombreux. Humiliation du traité de Versailles, élites qui portent à droite, absence de tradition démocratique, crise économique de 1929, crise politique interne de la République de Weimar, dynamisme du parti nazi, et cetera, et cetera. Une touche de ci, une pincée de ça et à l'arrivée, ça donne un faisceau complexe qui a fait que. Un faisceau très flou, qui brasse de grandes généralités.
Les premières images qui viennent du parcours nazi sont du même tonneau, ample et vaste. le Reichstag en flammes, les gesticulations et vociférations de Hitler, les défilés berlinois de SA, les maousses rassemblements à Nuremberg… La partie visible et spectaculaire d'un iceberg en forme de croix gammée.


Une petite ville nazie, c'est l'histoire d'un patelin lambda en Basse-Saxe, Thalburg dans le bouquin, Northeim dans la réalité. Une ville ordinaire avec des gens ordinaires pendant la période 1930-1935, qui correspond à la conquête et à la confiscation du pouvoir par le NSDAP.
L'idée d'Allen, c'est de confronter les belles et grandes théories au concret de l'échelon local. Loin des shows son et lumière et des figures de premier plan du national-socialisme, son étude se penche sur le quotidien des Allemands, sur la base du parti nazi, sur l'ancrage du second dans le premier. Comment ça s'est passé “en vrai”, dans la réalité d'un citoyen du fin fond de l'Allemagne ?
La petite échelle offre à Allen un corpus de sources fini, assez étoffé pour avoir de la matière, assez limité pour ne pas nécessiter six cents ans d'épluchage d'archives. Il se livre à un travail d'historien autant que de sociologue, très documenté, donc parfois aride. Mais les passages qui t'ennuient, tu les sautes et tu reprends plus loin, parce que c'est un ouvrage à lire.
Pourquoi à lire ? Beaucoup d'éléments qui ont conduit à la nazification de Thalburg-Nordheim, dans les mécanismes comme dans le contexte, marchent encore du tonnerre à l'heure actuelle. La crise et le pouvoir d'achat, les programmes électoraux attrape-tout, les discours politiques qui misent moins sur l'argumentation que sur la séduction, la défiance des citoyens envers les partis traditionnels qui moulinent dans la semoule, la rhétorique du contre plutôt que de la concorde pour capter les mécontentements… Et là je ne sais pas trop si je viens de décrire l'Allemagne des années 20-30 ou le fonctionnement de la vie politique en France là maintenant… Bref, tout ça pour dire que nos démocraties actuelles ne sont pas à l'abri d'un aller simple vers la dictature.


Mais revenons à nos Allemands de 1930.
La crise de 1929 met un peu de temps à toucher Thalburg. Ce sursis, c'est du pain béni pour les nazis. Parce que même si les habitants sont épargnés dans un premier temps, ils savent que la situation sent le sapin, ils ont la trouille de voir la récession envahir leur belle petite ville. Et quelqu'un qui a peur, tu peux lui faire gober tout ce que tu veux. Surtout dans le cas du discours nazi qui ne s'adresse pas à la raison mais qui cherche à frapper les esprits.
Ce terreau propice va faciliter la tâche des militants au plan local, qui ne partaient pas gagnants vu le niveau moyen. Les premiers nazis de Thalburg, c'est la cour des miracles, un ramassis pas bien glorieux de bras cassés, de bourrins, d'aigris bas du front. Pourtant ils ont une qualité indéniable : le dynamisme. Ils défilent (en marche, comme dirait l'autre), ils se montrent, on ne voit qu'eux, partout, tout le temps. En plus, ils ont des beaux (?) uniformes, défilent en rang, ça fait sérieux et discipliné, ça en jette. Ça impressionne. Ce tour de prestidigitation donne l'illusion du nombre alors qu'ils ne sont pas tant que ça au début (une quarantaine sur 10000 habitants). Ils sont là, ils occupent le terrain, pendant que d'autres formations politiques brillent par leur absence.
Les premiers séduits, c'est la classe moyenne. On ne jettera pas la pierre au bourgeois pour avoir eu la trouille de tout perdre dans la crise, y avait de quoi faire dans son froc. Bon, par contre, avoir rejoint le NSDAP, ça, ça mérite un caillassage en règle. Toujours est-il que les effectifs se renforcent avec des gens éduqués et un peu plus malins que les premiers éléments, en un mot “respectables”. Ils savent s'adapter à la situation locale. En même temps, la chose n'a rien d'un exploit. le discours et le programme nazis sont si nébuleux qu'aucun électeur ne pourrait définir avec exactitude ce fourre-tout. On y trouve du qui fait plaisir à tout le monde (sortir de la crise, sans plus de précisions, on ne voit pas trop qui serait contre), du qui flatte à droite (les communistes, c'est des vilains pas beaux), du qui flatte à gauche (la révolution, c'est trop de la balle), à l'extrême-droite (vive l'ordre et la discipline) mais pas à l'extrême-gauche (faut pas pousser non plus). Autant dire que chacun peut s'accrocher à un vague quelque chose, vu qu'il y a tout et n'importe quoi dans la rhétorique nazie. Tu m'étonnes qu'on peut la modeler au gré des besoins !
À Thalburg, “on improvise, on domine, on s'adapte” (citation anachronique du Maître de guerre). La population est à majorité protestante et pratiquante (86%), les nazis lèvent le pied sur les fantaisies païennes et jouent au contraire la carte de la religion. Les juifs sont peu nombreux (120), difficile de leur faire porter le chapeau de tous les maux, donc mollo sur ce versant au moins pour un temps (au final, un seul survivra aux persécutions antisémites). le petit-bourgeois est un brin conservateur, les nazis se posent en rempart contre le socialisme.
À l'arrivée, le nazisme séduit un peu plus à chaque élection, par son dynamisme et, comme tous les partis d'extrême-droite, par son discours agglutinant, qui permet de bouffer à tous les râteliers de l'échiquier politique et récupérer les déçus, les mécontents, les anxieux et les déboussolés de tous bords. Parce que ce n'est que ça, sur le fond, un discours de la peur et du mécontentement. le pire, c'est que ça marche… ça marche toujours (la preuve, aujourd'hui encore, une bonne partie des formations partisanes et de la presse font leur beurre avec).


Jusqu'à la douche froide du IIIe Reich une fois Hitler au pouvoir. La rhétorique nazie avait plu, l'État nazi beaucoup moins. Certes Thalburg va retrouver la prospérité économique en 1933-1934, mais à quel prix ?…
Sauf qu'il est trop tard. Les élections de mars 1933 sont les dernières dites “libres”, terme sujet à caution vu comment elles sont pipeautées (les communistes sont mis hors jeu suite au Reichstagsbrandverordnung). Dans la foulée, Hitler se fera voter les pleins pouvoirs et emballé c'est pesé, bienvenue dans un État totalitaire.
Au quotidien, ça passe par une atomisation du tissu associatif, parce qu'il ne faudrait pas que les gens se regroupent dans leur coin. Diviser pour mieux régner, un classique. En lieu et place, les associations et institutions du Reich pour bourrer les crânes et garder tout le monde à l'oeil.
L'univers de l'Allemand moyen se divise en deux catégories : les obligations et les interdictions. Au revoir les notions de droits et de permission. Jusque dans les plus petits aspects du quotidien, ce qui est la caractéristique du totalitarisme : une emprise totale.
Écouter radio-Moscou, verboten. À la place, tu es obligé de faire le salut nazi, assister aux manifestations de masse et entretenir les tombes du cimetière municipal. Et ainsi de suite. L'enthousiasme retombant dès 1934, la terreur prend le relais à coups de brimades, arrestations, contraintes diverses et variées. On est donc loin d'une adhésion en profondeur, la nazification reste superficielle, en pilotage automatique. Chacun fait ce qu'on attend de lui pour éviter les ennuis, pas par conviction pour la majorité de la population.
Faute d'élections pour rectifier le tir après avoir déchanté, il faudra se farcir encore dix années de nazisme, qui a “corrompu la vie sociale, introduit un système fondé sur la terreur et l'autoritarisme, embrigadé les Thalburgeois dans une succession de manifestations de propagande abrutissantes et rituelles”.


C'était une ville ordinaire avec des gens ordinaires. Et puis un jour, c'est arrivé.
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Plongée détaillée, documentée dans l'arrivée au début des années 30 du nazisme dans une jolie petite ville, sans grande industrie, avec une histoire passée, et une bourgeoisie nationaliste, du nazisme, son installation, son organisation, sa prise de pouvoir – histoire du combat distancié un temps, rapidement acharné mais dans l'idée de la défaite prévisible, des sociaux-démocrates, des ouvriers et chômeurs – histoire de la propagande – de l'acceptation molle des démocrates...
Chiffres, témoignages, dépouillement des journaux.
Une lecture fascinante, malgré des passages arides (liés au sérieux de l'étude)
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William Sheridan Allen (1932-2013) était un historien américain. Une petite ville nazie, paru en 1965, est son premier livre, dans lequel il étudie la façon dont les nazis ont, entre 1930 et 1935, conquis l'opinion de la petite ville de Northeim -appelée Thalburg dans le livre. Il s'est appuyé pour cela sur des archives et sur des entretiens avec des témoins de ces faits encore récents au moment de la parution.

Thalburg est une petite ville d'environ 10000 habitants située au centre de l'Allemagne (Basse-Saxe). Dans la première partie qui va jusqu'à l'arrivée au pouvoir d'Hitler (30 janvier 1933) l'auteur analyse la façon dont une population qui votait nationaliste ou socialiste (SPD) est passée au nazisme. Je découvre que chaque parti à l'époque avait son association de jeunesse, son association d'anciens combattants, sa fanfare... Aux SA des nazis le SPD peut opposer le Reichsbanner. J'ai cherché des photos sur internet et il m'a semblé que cette organisation para militaire utilisait pour sa devise, ses symboles, les mêmes codes que les nazis. Ce sont peut-être plutôt les nazis qui ont copié sur les socialistes mais je trouve que la ressemblance est problématique: cela devait être confus pour un certain nombre de contemporains.

Cette période est celle d'une grande effervescence politique qui va parfois jusqu'à la violence. Les meetings sont suivis de spectacles récréatifs donnés par la chorale du parti, la troupe théâtrale du parti ou l'équipe de gymnastique du parti, quel qu'il soit. On s'invective via la presse et on fait régulièrement le coup de poing avec l'adversaire.

Les socialistes ne voient pas la réalité du danger nazi: ils pensent qu'Hitler tentera d'arriver au pouvoir par un coup d'Etat et se préparent donc à riposter à un coup d'Etat. Sa nomination comme chancelier les laisse démunis. Les nationalistes traditionnels soutiennent le nazisme par haine des socialistes. Ils en seront eux aussi victimes.

Pour cette première partie William S. Allen a étudié l'évolution des résultats des élections à Thalburg qu'il détaille de façon minutieuse. C'est intéressant mais parfois un peu fastidieux à lire.

La seconde partie débute avec l'arrivée au pouvoir d'Hitler.Je l'ai trouvée beaucoup plus accessible et souvent passionnante. L'auteur montre comment, très rapidement, en six mois, la dictature se met en place au niveau local. Les opposants perdent leur emploi, leurs maisons sont perquisitionnées régulièrement et eux-mêmes convoqués au poste tout autant. Les administrations locales et les associations passent sous le contrôle du parti nazi. Toutes ces mesures ont pour résultat de détruire les anciennes relations sociales. Les Thalbourgeois comprennent bien où est leur intérêt: le nombre de membres du groupe local nazi passe de moins de 100 en janvier 1933 à 1200 le premier mai.

J'ai trouvé très éclairant de voir comment la politique nationale des nazis a été déclinée au niveau local. Au total c'est une lecture qui m'a bien intéressée.
Lien : http://monbiblioblog.revolub..
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Un livre d'histoire dans une approche originale, c'est-à-dire plus par l'accumulation d'interviews que par les références d'archives (bien qu'il y en ait, notamment les journaux locaux de l'époque).
Ce basculement dans la dictature est clairement montré :
- le militarisme ambiant (inconnu en France) ;
- la faiblesse idéologique et ambiguë du SPD (les sociaux-démocrates) : le réformisme non assumé dans un discours révolutionnaire ;
- la violence physique ;
- le programme vague et attrape tout des Nazis, mais leur dynamisme militant...
Certains passages font inévitablement penser à notre époque actuelle (2019) ; mais les analogies sont limitées car les thèmes actuels ne sont pas tous identiques : immigration, écologie, rôle des réseaux sociaux...
Une contribution cependant utile dans le décryptage de l'actualité.
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Beau travail d'historien. Très complet et interdisciplinaire.
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