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EAN : 9781022600805
Editions Métailié (06/03/2014)
3.5/5   127 notes
Résumé :
Un garage au milieu de nulle part, province du Chaco, nord de l’Argentine. La chaleur est étouffante, les carcasses de voiture rôtissent au soleil, les chiens tournent en rond. Le Révérend Pearson et sa fille Leni, seize ans, sont tombés en panne ; ils sont bloqués là, le temps que la voiture soit réparée. El Gringo Brauer s’échine sur le moteur tandis que son jeune protégé Tapioca le ravitaille en bières fraîches et maté, et regarde avec curiosité ces gens si diffé... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (54) Voir plus Ajouter une critique
3,5

sur 127 notes
Électrisant…

Assurément c'est l'ambiance que nous retenons avant toute chose de ce livre, « Après l'orage », premier livre de l'auteure argentine Selva Almada. Une ambiance quasi cinématographique de station-service au milieu de rien en pleine canicule, de vieilles pompes à essence poussiéreuses, de chaises en plastique, de chiens endormis sous la table à même la terre battue, de rideaux en lanières à plastique poisseuses, de carrosseries de voitures, de vieux pneus, de bouts de fer tordus, entassés pêle-mêle rôtissant au soleil. L'ambiance, ainsi que l'écriture sobre mais poétique, constituent les véritables piliers de l'histoire. Ce d'autant plus qu'il s'agit d'un huis-clos magnétique entre quatre protagonistes au sein même de cet endroit, antichambre de l'enfer…

« Quand il parvint à l'endroit voulu, il s'écroula sur le sol, ouvrant les bras et la bouche, ses poumons se remplirent d'air chaud. Dans sa poitrine, son coeur était comme un chat dans un sac. Il regarda les petits morceaux de ciel qui se faufilaient dans la frondaison clairsemée de l'arbre ».

Le Révérend Pearson et sa fille Léni, âgée de seize ans, nomades incessants, sont tombés en panne. Bloqués dans une station-service perdue au milieu d'un paysage désolé et aride, le rustre et taciturne El Gringo Bauer, malade des poumons, répare leur voiture. La panne est plus sévère que prévu, les heures s'écoulent et le jeune assistant qui vit avec El Gringo, surnommé Tapioca, l'aide, le ravitaille en bières fraîches et en maté. Au cours de ces longues heures d'attente, le Révérend et sa fille ont le temps de faire connaissance avec les deux hommes, de les questionner. L'attente est également propice aux souvenirs de refaire surface mettant en valeur la part d'ombre et de lumière de chacun d'eux. Les regrets des deux pères émergent, les espoirs des deux adolescents osent de timides balbutiements. le jeune Tapioca semble totalement pur et innocent. le Révérend, toujours prompte à évangéliser les personnes croisées, à « récurer les esprits sales, les rendre à leur pureté originelle et les remplir de la parole de Dieu », voit dans le jeune homme la mission de sa vie en le ramenant avec lui, de quoi effacer un passé pas si glorieux. Pour chacun, c'est leur vie qui se joue là. le terrible orage qui va éclater, tension extrême des éléments à l'image de la tension qui monte entre les protagonistes, permettra au destin de faire son oeuvre…

La religion est très présente dans ce livre, sans doute un peu trop à mon goût d'ailleurs, le fanatisme du Révérend au sein de ce huis-clos crée une tension très forte, quasi insupportable. Intéressant cependant de sentir l'opposition entre le Révérend Pearson très pratiquant, et la croyance aux forces naturelles d'El Gringo, son simple respect de la nature. C'est par ailleurs, et c'est ce qui m'a particulièrement plu, un roman d'ambiance très visuel et poétique, à l'écriture sobre dans lequel les émotions des personnages sont à vif et la tension monte crescendo jusqu'à l'éclatement et au bouleversement des destins de chacun. Bouleversement dans une nature qui, elle, reste implacable après l'orage.

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Force et sensibilité sont, d'après le bimensuel américain Rolling Stone Magazine, les principales qualités de l'écrivaine argentine, Selva Almada. Avant d'entamer la lecture de son "Après l'orage", un critique littéraire conseille de tenir un verre d'eau froide près de sa portée, car la chaleur va vous assaillir sous différentes formes.

Je trouve un peu dommage que la beauté du titre en version originale "El viento que arrasa" - le vent qui saccage, détruit.. - n'a pas été respecté dans maintes langues : en Anglais c'est devenu "The Wind That Lays Waste" ; en Allemand "Sengender Wind" (de "sengen" ou brûler) et en ma langue tout simplement "Het onweer" ou L' orage.
Si j'étais l'auteure, je protesterais devant si peu d'effort d'imagination !

Selva Almada est née le 5 avril 1973 à Villa Elisa, 350 kilomètres au nord de Buenos Aires, et a fait des études de communication sociale et par la suite de littérature à l'université du Paraná, tout en faisant ses premiers essais en écriture. C'est cependant à Buenos Aires, avec l'appui du grand romancier Alberto Laiseca (1941-2016), qu'elle s'est vraiment lancée dans les lettres et a publié, en 2012, son début, qui fut proclamé "la novela del año" .
La dramaturge Beatriz Catani (qui était en 2018 de passage à Bruxelles ) et le compositeur et pianiste Luis Menacho en ont fait un opéra.

L'année suivante l'artiste nous a surpris avec "Sous la grande roue" et encore un an plus tard "Les jeunes mortes" (2014). En 2015, Selva Almada a publié un recueil de nouvelles, qui n'est malheureusement pas encore disponible en Français, "El desapego es una manera de querernos", que l'on pourrait traduire par 'L'indifférence est une façon de nous aimer". Ce recueil a été salué par la revue littéraire "Arcadia" comme "la grandeur des petites histoires" ('la grandeza de las historias pequeñas").

Depuis l'an 2000, Selva Almada vit dans la capitale argentine, mais fait de fréquentes visites à la Province du Chaco, au nord-est du pays, où plusieurs scènes de son oeuvre sont situées. C'est le cas de "Après l'orage".

Par une journée de chaleur épouvantable, justement au milieu de nulle part dans ce Chaco, la voiture du révérend père Pearson tombe en panne avec sa fille, Elena "Leni", une adolescente, à bord. le mécanicien au nom pittoresque de Gringo Bauer est bien disposé à réparer le véhicule, dès que le moteur a un peu refroidi, et assisté en cela de sa main droite, un jeune au nom encore plus folklorique de Tapioca.

Ce dernier a le même âge environ que Leni, 16 ans. Derrière ce qui était supposé être une station-service, se trouve une mini maisonnette en briques avec une fenêtre et une porte. Et devant, une petite table avec quelques chaises où père et fille peuvent attendre la réparation de l'automobile, en buvant un verre d'eau, le père, et la fille un cola.

Le révérend Pearson sillonne ce coin désolé du monde à la recherche de nouvelles âmes pour sa foi et profite de l'occasion de cette pause forcée pour essayer de convertir Tapioca, qui est naturellement plus intéressé par Leni, que par les Saintes Écritures.

Alors éclate un orage d'une violence à peine imaginable qui va mettre les nerfs à bout et exacerber les relations entre les 4 protagonistes. L'orage devient cependant rapidement le cinquième personnage du récit, spécialement le vent du titre de la version originale.

La précision avec laquelle l'auteure évoque cette situation est telle que l'on a l'impression de lire le scénario d'un film. Mais alors un scénario hautement littéraire, encore stimulé par une rare économie de mots.
Et personnellement, je trouve que cette économie de mots, rend la profondeur de la psychologie des personnages d'autant plus saisissante et c'est exactement là, je pense, que réside tout l'art de Selva Almada.
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Ce court roman contemporain argentin (2012) est un grand roman, beau et fort.
Une panne de voiture immobilise pendant une après-midi le Révérend Pearson, prédicateur itinérant et Leni sa fille adolescente au milieu de nulle part, dans la province brûlante et poussiéreuse du Chaco, au Nord de l'Argentine. Pendant que Gringo Bauer s'affaire sur la voiture, ils se retrouvent dans un petit réduit précaire qui tient lieu de station-service, de garage et de logement en compagnie de Tapioca, le jeune protégé du mécanicien.
Le huis-clos implacable avance au rythme du ciel orageux. le Révérend tente le coeur et l'âme pure du jeune Tapioca. Il le croit destiné au Christ. le Gringo Bauer s'en aperçoit, il ne croit pas à ces choses là et s'inquiète, il veut accélèrer la réparation de la voiture mais le vent s'en mêle, la pluie diluvienne, la pluie qui les piège et les purifie, la pluie qui les amène à partager leur histoire qui tend à se ressembler. Moment d'accalmie, de courte durée, jusqu'à l'affrontement violent inévitable.
Des retours en arrière nous permettent d'appréhender la psychologie complexe et le mystère des quatre protagonistes, qui souffrent des mêmes maux : abandon, solitude, ennui au milieu de ce paysage désolé. le Révérend a trouvé refuge dans la prédication, le Gringo Bauer dans la mécanique mais tout est en suspens car les deux jeunes étouffent et ont besoin de changement. Trois prédications ou sermons en italiques s'intercalent à la narration : celui des mots, celui du corps, celui de l'avenir qui nous rappellent l'épigramme en exergue (voir citation). On imagine la puissante voix exaltée du prédicateur au magnétisme diabolique. Au cours de ses cérémonies, dit-on, il lui arrive parfois d'arracher un lambeau visqueux de tissu noir d'une de ses ouailles avec ses dents, tissu qui a l'odeur du démon. Même la sarcastique Leni qui étouffe dans la voiture au milieu des bibles, est fascinée. le Gringo lui ne l'est pas. Il demeure silencieux mais se bat de toutes ses forces pour ce fils tombé du ciel.
Il est certain que je lirai d'autres romans de Selva Almada.
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Sur une route désertique au nord de l'Argentine, dans un paysage saturé de chaleur, le Révérend Pearson et sa fille Leni tombent en panne et se retrouvent dans un garage paumé où El Gringo leur promet une réparation rapide .
Il est secondé par un jeune homme, Tapioca , 16 ans comme Leni.

Les heures passent, lentes pour les deux naufragés de la route, plus délicates que prévues pour le garagiste et intrigantes pour Tapioca qui n'est jamais sorti de ce trou depuis son enfance et observe ces étrangers , une proie facile pour le Révérend qui voit dans le jeune homme une version pure de ce qu'il aurait pu être si il avait eu la chance de rencontrer un homme comme lui pense t'il ...

L'ambiance devient inexorablement plus tendue, comme cette atmosphère particulière que l'on ressent avant l'orage , un silence trompeur avant l'intempérie qui éclate comme les tensions humaines.

Une fin qui m'a surprise et qui laisse le lecteur sur sa faim.
Drôle de roman pour une drôle d'ambiance ...
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Quelques heures avant l'orage, il y a le Révérend Pearson et sa fille, Leni, 16 ans, qui tombent en panne sur une route isolée de la province du Chaco dans le nord de l'Argentine, autant dire dans un quasi désert. Il y a aussi, non loin de là, une station-service, qui fait office de garage et de casse, vers laquelle la voiture du Révérend est remorquée, puis réparée par El Gringo Brauer et son jeune assistant Tapioca, 16 ans. Il y a, surtout, le paysage vide, la terre desséchée, le temps immobile, le vent, la poussière, quelques arbres rabougris et des carcasses de voitures sous un soleil de plomb et un ciel sans nuages.
Depuis bien des années avant l'orage, le Révérend, pasteur nomade et fanatique, porte la Bonne Nouvelle et sillonne la région dans sa voiture, avec sa fille et des caisses pleines de Bibles, d'hôtels minables en motels pourris. Depuis bien des années, Brauer tient son garage au milieu de nulle part et s'accommode parfaitement de l'absence de religion et de la présence de Tapioca, qu'il a pris sous son aile quand la mère de celui-ci l'a abandonné alors qu'il n'avait que 8 ans.
Ignorant encore qu'un orage va éclater, ces quatre personnages forcés de se côtoyer pendant les heures nécessaires à la réparation de la voiture, s'observent, se jaugent. Si Brauer et Pearson ont en commun d'avoir élevé, seuls, un enfant et d'avoir leur destin derrière eux, ils sont diamétralement opposés, l'un taciturne et athée, ayant le respect de la Nature pour seul credo, l'autre prêcheur théâtral et prosélyte impénitent (si j'ose dire). Quant aux enfants, ils se ressemblent plus qu'il n'y paraît, ayant grandi sans mère, sans véritable présence féminine. Leni est partagée entre son adoration pour son père, et ses doutes quant à la prétendue bonté de Dieu, qui ne lui a jamais offert ni vie de famille, ni foyer sédentaire. Tapioca se pose moins de questions, mais tous deux voient la route (celle sur laquelle elle passe sa vie, celle qu'il voit tous les jours à côté de la station-service) comme une échappatoire vers un avenir différent de leurs présents respectifs.
Peu de mots suffisent à créer une tension, qui devient lentement insupportable, en même temps que l'air se charge d'électricité et que la tempête, réelle et symbolique, approche.
Et puis, après l'orage et ses trombes d'eau, il y a le calme qui revient, la tempête sous les crânes qui s'apaise. Pourtant tout est différent, le cours des vies est bouleversé même si le paysage désertique reste immuable, même si le soleil, indifférent, recommence à brûler de plus belle.
Paradoxal huis clos dans un espace infini, western moderne sans colts à la ceinture mais la Bible à la main, il y a de la graine de film dans ce roman. de façon inattendue, la trame épurée, le style simple, aiguisé, une langue qui sonne très juste, le décor implacable et l'atmosphère oppressante le rendent poétique et entêtant.
« Après l'orage », magnétique...
Lien : http://www.voyagesaufildespa..
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critiques presse (1)
Liberation
17 mars 2014
D’emblée, Après l’orage, ce bref roman divisé en vingt-trois chapitres, a des allures de film. Un endroit perdu sous un soleil de plomb.
Lire la critique sur le site : Liberation
Citations et extraits (25) Voir plus Ajouter une citation
Le mécanicien toussa et cracha quelques glaires.
-Mes poumons sont pourris, dit-il, essuyant sa main sur sa bouche et se penchant en arrière sous le capot ouvert.
Le propriétaire de la voiture s' essuya le front avec un mouchoir et a glissa sa tête à côté de celle du mécanicien. Il ajusta ses lunettes fines et regarda l’amas de tuyaux brûlants. Puis il regarda le mécanicien d'un air interrogateur.
-Il va falloir que les tuyaux refroidissent un peu.
-Vous pouvez la réparer ?
-Je pense, oui.
-Et ça va mettre combien de temps ?
Le mécanicien se redressa-il le dépassait, d'une bonne tête-puis il leva les yeux au ciel. Bientôt il serait midi.
-En fin d'après midi elle sera prête je suppose.
-Il faudra que nous attendions ici.
-C'est comme vous voulez. On n'a pas le confort comme vous voyez...
-Nous préférons attendre ici. Avec l'aide de Dieu, vous allez peut-être finir plus tôt que vous ne le pensez.
(Incipit)
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Quand il l'entendait, cette musique-là, oui, il la trouvait jolie. Quand il l'entendait, son coeur se serrait. Cette musique-là ne donnait pas envie de danser mais de rester immobile, les yeux fixés sur la route.
- Mets ça dans tes oreilles, dit Leni, et elle lui mit un écouteur.
Elle glissa l'autre écouteur dans son oreille à elle.Tapioca la regarda. La jeune fille sourit et appuya sur un bouton. La musique, au début, le fit sursauter : elle n'avait jamais été aussi proche, il avait l'impression qu'elle retentissait à l'intérieur même de sa tête. Elle ferma les yeux et il l'imita. Il s'habitua tout de suite à la mélodie, elle ne semblait plus venir de l'extérieur. C'était comme si la musique jaillissait à l'intérieur même de ses entrailles.
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Le mécanicien toussa et cracha quelques glaires.
– Mes poumons sont pourris, dit-il, tandis qu’il passait le revers de sa main sur ses lèvres et se penchait une nouvelle fois sous le capot ouvert.
(Incipit)
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De temps en temps, ils pénétraient dans la forêt pour observer ce qui s'y passait. La forêt était comme une grande entité où la vie bouillonnait. Un homme pouvait apprendre tout ce qu'il lui fallait rien qu'en observant la nature. Là-bas, dans la forêt, tout était sans cesse en train de s'écrire comme dans un livre à la sagesse inépuisable. Le mystère et sa révélation. Tout y était, si l'on apprenait à écouter et à voir ce que la nature avait à dire et à montrer.
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Le vent apporte la soif qui nous a assaillis durant toutes ces années.
Le vent apporte la faim de tous les hivers.
Le vent apporte la clameur des vallées, des champs, du désert.
Le vent apporte le cri des femmes et des hommes fatigués de n'avoir que les restes de leurs patrons.
Le vent arrive, il a la force des temps nouveaux.
Le vent rugit, il forme des tourbillons dans la terre.
Nous sommes le vent et le feu qui dévastera le monde grâce à l'amour du Christ.
(exergue)
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Vidéo de Selva Almada
Salon du Livre dans le stand des Outre-Mer ? 23/03/2014 .Julien Delmaire revient sur l'actualité littéraire des Outre-Mer. Les invités : Selva Almada & Laura Alcoba. Retrouvez Tropismes tous les dimanches à 11h00 sur @FranceOtv et les chroniques sur Culture Box, 'Nous Laminaires' http://bit.ly/16dDg5M.
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