Ce roman russe, écrit par un anglais, commence le 1er septembre 2004, jour de la prise d'otages à l'école de Beslan, en Ossétie du Nord, par des terroristes tchetchenes. Un vieillard de 86 ans, misanthrope et aigri, remonte le fleuve sibérien pour revenir au goulag où il fut déporté de 1946 à 1957. Il occupe le temps de la croisière en écrivant le récit de sa vie à sa belle-fille qui, parce qu'elle est noire, « sait ce que ça signifie d'être esclave ».
En 1946, un jeune homme de 25 ans qui a combattu les fascistes, violé beaucoup de femmes, bref un vrai héros de guerre, se retrouve déporté au goulag.
C'est l'époque de la Terreur, lorsqu'un certain Joseph, jamais complètement nommé par le narrateur , décida d'accuser une part non négligeable de la population de trahison envers le régime communiste. Rapidement, Lev, son jeune frère le rejoint dans le même camp.
On peut s'étonner qu'un écrivain britannique choisisse le thème du goulag mais pour lui « le problème chez l'homme, c'est la violence ». En décrivant cet espace concentrationnaire, il a montré l'ampleur de cette violence , « cette ferme des animaux », où les hommes s'avilissent les uns les autres jusqu'à aboutir à une totale aliénation.
Martin Amis veut montrer toute l'horreur de cet endroit dont on ne peut sortir indemne qu'on soit pacifiste comme Lev ou aguerri dans la violence comme le narrateur.
" Ils ont fait plus que nous priver de notre jeunesse. Ils ont également fait disparaître les hommes que nous allions être."
L'arbitraire du système et la mise en place d'une hiérarchie entre les porcs, les urkas , les serpents, les sauterelles et les bouffeurs de merde participent à une vision très sombre de l'humanité. Ici, aucune place pour la solidarité si ce n'est celle entre les deux frères.
Les liens du sang ne sont pas les seuls liens entre les deux hommes. Tous deux sont amoureux de Zoya, une jeune femme juive pleine de vie et de sensualité. Mais Zoya a choisi d'épouser Lev et lorsque, après la mort de Staline, les conditions de détention s'améliorent, le couple peut se retrouver pour une nuit d'amour dans
la Maison des Rencontres.
Cette nuit sera déterminante pour les deux frères. Lev sera rongé par la dépression et racontera à son frère " être passé de l'autre côté de sa vie", alors que celui-ci sera rongé par la jalousie.
Martin Amis rend un hommage vibrant à la littérature russe en se référant à
Dostoïevski ou Tolstoi, mais il m'a parfois semblé qu'à chercher la folie et la démesure propres à cette littérature, il s'est parfois perdu dans les méandres de son récit.
Il n'en reste pas moins que cette conclusion sonne juste : si le goulag c'est l'enfer, "ce qui est drôle, c'est que c'est exactement comme partout ailleurs".