Vous ne savez pas, dit-elle, c’est aujourd’hui ma fête ; en l’honneur de quoi on m’a confié la mission particulière d’apporter au genre humain une paire de galoches qui ont une propriété merveilleuse. Celui qui les met se trouve à l’instant même transporté au milieu de la période de l’histoire pour laquelle il a une préférence ; tout ce qui l’entoure, tout ce qu’il voit, est de son époque de prédilection : comme cela, celui-là au moins peut dire que tous ses souhaits sont accomplis et qu’il a été complètement heureux une fois dans sa vie. Si celui qui met mes galoches n’a pas d’idées particulières sur les périodes de l’histoire, alors par l’effet de l’enchantement il passe dans la peau de la personne qu’il suppose la plus favorisée de la Fortune.
LES GALOCHES DU BONHEUR - I
« Peut-être, se disait-elle, m’enverra-t-on à la fonderie comme une vieille ferraille. Dans ce cas, si je passe par le feu, on me coulera dans une forme nouvelle, je deviendrai peut-être quelque chose de très distingué. Mais garderai-je le souvenir d’avoir été lanterne et d’avoir éclairé tant de scènes intéressantes ? »
LA VIEILLE LANTERNE
Il y a là à côté, se disait-elle, un coq superbe ; celui-là a le droit de porter haut la tête ; c’est un autre personnage que ce coq du toit là-haut, qui ne craque même pas en tournant comme d’autres de son espèce quand ils sont rouillés. C’est un blanc-bec ; à plus forte raison ne sait-il pas coqueriquer. Il n’a ni poule ni poussins ; il ne pense qu’à lui-même, et tout ce qu’il sait faire c’est de suer du vert de gris.
LES DEUX COQS
« Voyons, se dit-il de plus en plus alarmé, et en se tâtant, qu’est-ce que j’ai en fin de compte. Je n’ai pourtant bu que deux verres de punch ; le fait est que je ne le supporte pas bien ; aussi quelle idée de ne pas nous donner du thé, qui ne vous trouble pas l’esprit. Il faudra que j’en fasse l’observation à Mme la chambellane. Que faire ? Je vais retourner chez elle, et avouer ce qui m’arrive et que je me trouve indisposé. Ce sera quelque peu ridicule ; mais je ne puis cependant pas errer toute la nuit dans les rues. Pourvu qu’on soit encore levé ! »
LES GALOCHES DU BONHEUR - II
Elle se souleva et dit : « Si nous jouions à l’homme ! qu’en pensez-vous ? »
L’idée parut ingénieuse : se moquer de ceux qui vous font marcher, vous brutalisent ! C’était un trait de génie. Tous entrèrent en mouvement ; contre la muraille il y avait une petite image ; elle sursauta de joie et se retourna ; ce petit monde vit qu’elle avait un envers et se mit à rire.
LA TIRELIRE
Lauréate du prix Hans-Christian-Andersen, Marie-Aude Murail est notamment l'autrice du succès Oh, boy ! (école des loisirs), mais aussi de la série Sauveur & Fils.
Des confidences sensibles de créatrices et créateurs jeunesse sur leurs souvenirs de lecture et leurs sources d'inspiration.
La pause Kibookin est une production du Salon du livre et de la presse jeunesse avec le soutien de la Sofia et du Centre Français d'exploitation du droit de Copie.