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Critique de meeva


meeva
02 novembre 2014
J'ai soudain eu l'impression de reprendre connaissance après un évanouissement, sauf que je ne me sentais pas mal du tout.
Et j'étais là, debout, tout seul au milieu de tous ces gens dans cette grande salle.
J'ai essayé de me rappeler… C'était une journée habituelle.


Ce matin, je me suis levé très tôt, comme d'habitude. Je vais travailler en voiture parce que je ne peux pas endurer les transports en communs. Être serré à tous ces gens, c'est intenable.

A un moment, il y a eu un embouteillage, le mec de la voiture à côté m'a regardé. Je ne supporte pas ça, parce que j'ai l'impression de ne plus savoir conduire. D'ailleurs, en redémarrant mon pied a glissé de l'embrayage et j'ai calé… Je suis sûr qu'il a dû se dire que je ne savais pas conduire.

Au boulot, ce matin, on avait une réunion. Forcément il a fallu que je me retrouve à côté de Bertrand… Il prend toujours la parole… alors tout le monde le regarde. Et du coup, comme j'étais à côté, j'ai bien vu que Marie m'observait. Je ne savais pas quoi faire de mes mains… Elle a dû trouver que j'étais ridicule. Heureusement, la réunion n'a pas duré trop longtemps. J'ai filé vite fait après.

A la pause-café, j'ai pas eu de chance. Normalement, j'attends qu'il soit 11h pour aller à la machine à café, justement parce que c'est l'heure à laquelle les autres retournent bosser. Mais là, à cause de la réunion, ils se sont attardés à parler entre eux. Donc quand je suis arrivé, ils étaient encore tous là. J'ai pris mon café. Forcément, à ce moment-là, ma collègue Laura me regardait. J'ai pensé que le gobelet allait être bloqué dans la machine. Peut-être que j'ai tiré un coup sec dessus… J'en ai renversé la moitié par terre. A deux doigts des godasses de Pierre, qui ont dû être éclaboussées un peu quand même. Je me suis excusé. Il l'a pris à la rigolade, en me disant de pas m'en faire, que ses grolles ne valaient rien de toute façon. Mais c'est sûrement de la condescendance…

Le midi, Laura est venue me demander si je voulais aller manger avec eux. Mais j'ai prétexté que j'avais un travail en retard et que j'avais emmené un sandwich… le pire c'est que je les aime bien. Mais je sais pas quoi leur dire… Et l'autre fois, Bertrand, soudain, s'est exclamé « alors Eric, on t'entend pas beaucoup, qu'est-ce que t'as à raconter ? ». Et comme Bertrand, tout le monde l'écoute quand il parle, alors tout le monde s'est tu… Et donc tout le monde a pu bien se rendre compte que je n'avais rien à dire…

Bref, je me suis dit « aujourd'hui, je reste manger au bureau ». Sauf que je n'avais pas emmené de sandwich. Et si j'étais descendu en acheter un, je risquais d'être vu par les collègues, s'ils avaient décidé de manger à côté. Et Laura aurait pensé que je l'évitais… du coup, j'ai pas mangé ce midi…

Et juste après, en début d'après-midi, c'est là que j'ai vu que Sylvain avait encore fait LA connerie sur le contrat, il fallait tout reprendre. Je suis allé le voir tout de suite, car il part plus tôt le vendredi après-midi. Mais il a dit qu'il aurait pas le temps de voir ça. J'étais décidé à le laisser dans sa merde, sauf s'il me demandait poliment de lui rendre le service de reprendre ça à sa place. Au lieu de ça, il a dit « heureusement, toi, tu as le temps de voir ça cet après-midi ». Et comme je savais pas comment m'y prendre pour lui dire non, alors j'ai rien dit… et j'y ai passé deux heures dans l'après-midi…


Bon, mais après tout ça, je me souviens plus vraiment…
Qu'est-ce que je fous là bordel de dieu !

Et puis c'est vraiment pas mon genre de me retrouver à une soirée où je connais personne. Enfin, personne... je connais au moins la personne qui m'a invité. Et normalement j'aurais trouvé un prétexte pour refuser. Sauf si j'avais pas osé dire non, ça arrive…
Mais je me souviens pas que quelqu'un m'ait invité…

- Salut.
- Salut.
- T'as l'air paumé.
- (Mince… et voilà, j'ai l'air con…). Non, non, mais je viens d'arriver, c'est pour ça.
- Je vois bien que tu viens d'arriver. Prends un verre.
- (Il a l'air sympa, il doit avoir mon âge. Non, il fait plus vieux. Enfin, non, il doit être plus vieux mais il fait plus jeune. Quoique…).
- Tu veux du feu ?
- Hein ?
- Pour ta clope…
- …
- Dans ta main…
- (Je me souviens pas non plus avoir acheté un paquet de clopes. Je perds les pédales. Merde, j'avais galéré à arrêter de fumer… tant pis, j'aurais l'air moins con au moins.) Oui, s'il te plait.
- …
- (Comprends pas. J'ai pas vu son briquet dans sa main. Mais ma clope est allumée. Si je lui demande, il va me prendre pour un dingue. Ça devait être un tout petit briquet forcément)
- Je te laisse cinq minutes, tu m'excuses…
- Oui, oui…

A ce moment, je vois un mec en train de boire directement à la bouteille, du whisky. Elle est déjà à moitié vide… et là, il l'a vidé entièrement… Et il en reprend une ! Fais chier, ma clope est finie… Et merde, je vois vraiment personne que je connais, pourtant il y a bien une cinquantaine de personnes. La salle est grande. Maintenant il en est à la moitié de la nouvelle bouteille de whisky… C'est peut-être pas du whisky… Il y a d'autres bouteilles à côté de lui, je vais prendre un verre, je verrai bien. Et j'aurai l'air moins con…

C'est bien du whisky ! Ben, elle est où la porte dans cette salle, il doit y avoir un trompe-l'oeil, d'ailleurs la déco est un peu space ici… Tiens revoilà le mec. Je peux pas lui demander où est la porte, je suis arrivé par cette porte, il va me prendre pour un cinglé…

- Je vais prendre un verre moi aussi. T'as pas l'air bien dans tes baskets.
- (Et l'autre entame sa troisième bouteille de whisky… J'hallucine, il devrait tomber par terre). Non, mais la journée a été longue (c'est con de dire ça, c'est banal, il s'en fout…) et j'arrive pas à repérer les gens que je connais.
- Peut-être que tu connais personne…
- (Et voilà, j'ai l'air du pauvre naze qui connaît personne). Il faut bien que quelqu'un m'ait invité quand même.
- Pas forcément besoin d'une invitation pour venir dans ce genre d'endroit.
- (Putain, il y en a quatre qui sont à poil là-bas ! Et ça y est, ils se montent dessus… et dessous aussi… merde, ce genre d'endroit… mais qu'est-ce que je fous là… C'est dingue, en plus, on jurerait qu'ils font ça sur le rythme de la musique… il faut que j'arrête de regarder, il va me prendre pour un détraqué). Ben, je me demande si je me suis pas trompé d'endroit, en fait. Tu vas me prendre pour un mec bizarre, mais peut-être que j'étais invité quelque part, et que je suis pas au bon endroit.
- Mais si tu avais été invité quelque part, tu t'en souviendrais… détends-toi…
- (Il fait une chaleur ici… mais si j'enlève mon pull, il va prendre ça pour une avance, si jamais il est de la jaquette… et qu'il est là pour ça… elle est immense cette cheminée… je pensais pas qu'il y avait encore des cheminées pareilles dans Paris… Bon, ce mec je le reverrai jamais, alors je vais lui parler franchement, je m'en fous, après tout…) En fait, je suis pas très à l'aise quand il y a autant de monde et à vrai dire, j'ai aucun souvenir d'être venu là. Alors, tu vois, je sais pas qui m'a invité et… (j'ai pas dû être clair, il a rien dû comprendre. Et l'autre qui continue à descendre son whisky… c'est quoi ce délire…)
- Mais ici tu peux te mettre à l'aise et te détendre, tu vas t'y faire…
- Oh, non, je vais pas m'y faire. Je suis comme ça, par nature, timide, stressé, anxieux, bloqué, paniqué même. Depuis tout petit. On me l'a dit et répété souvent d'ailleurs, que je serai comme ça toute ma vie…
- Ouais, bah justement !
- …
- Bon, regarde-toi dans le miroir. Derrière toi.
- Ahhhh !!! C'est quoi cette farce. Putain, vous trouvez ça drôle vos blagues à la con, avec ce miroir truqué ! C'est un coup à me faire crever d'une crise cardiaque !
- Aucun risque. Et il est pas truqué le miroir. le trou dans la gueule, tu l'as. Ça se voit que dans le miroir par contre… Tu t'es fait sauté le caisson tout à l'heure. On est arrivé un peu tôt en allant te chercher, t'étais pas encore bien crever… et tu disais que t'avais raté l'occasion d'inviter Laura au cinoche, que ta vie était de la merde, et tout, et tout… c'est pas faux, d'ailleurs…
- Mais… mais… mais on est où là ?
- Ecoute, t'as vu l'essentiel, là. Pas de porte…
- Ouais, mais qu'est-ce qu'il se passe après ?
- Rien. Mais tu te sens mieux qu'avant ? T'as l'impression d'avoir laissé tes problèmes d'anxiété en venant ici ?
- Non…
- Voilà, c'est ça. T'es là.



Le livre décrit très bien, avec de nombreux exemples, bien concrets, tous les problèmes de relations aux autres, regroupant de très nombreuses réalités.

Ce qui n'est pas du domaine de la pathologie : le trac (en certaines occasions seulement) et la timidité (tout le temps, mais pas « handicapante »).

Ce qui est du domaine de la pathologie : l'anxieux social (qui ne peut pas faire face à certaines situations seulement) et la personnalité évitante (qui ne peut pas faire face en de nombreuses occasions).

Après des explications des phénomènes physiques, puis psychiques de ces problèmes, les causes sont abordées et enfin les solutions possibles sont évoquées.

Tout m'a paru simple, précis, éclairant.

A chacun de voir ensuite si c'est un problème qui le concerne ou non. Et cela peut-être utile pour mieux comprendre les réactions de son entourage, personnel ou professionnel.



Un petit air :
« […]
Aux timides anonymes y'a l'bristol qu'on s'épingle
Avec un pseudonyme, comme rideau et comme tringle
Que l'on tire sur nos vies pour combattre ce fléau
Qu'a cassé nos envies depuis l'âge du préau

Timides, c'est écrit sur nos mains
Humides, on peut nous croire hautains
Mais y'a dans not' regard qu'est rivé sur nos godasses
La peur de décevoir et pas un manque d'audace

Timides, ça s'lit sur nos bobines
Livides, sauf quand l'hémoglobine
Explose comme un geyser en provenance du coeur
On vit dans un désert et croiser dans l'secteur
D'autres regards tapis cela doit être trop
Et même pour moi qui fait l'clown sur des tréteaux […] »

(extrait de « Aux timides anonymes » de Renan Luce :
http://www.youtube.com/watch?v=AaZvTVQNF2M)
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