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EAN : 9782070144235
173 pages
Gallimard (06/03/2014)
5/5   2 notes
Résumé :
"Grâce à lui, elle était heureuse. Il aurait aimé qu'elle le lui dise. C'était sans doute impossible. Il tentait donc de bannir de son cœur toute revendication égoïste d'attention ou de reconnaissance. Quand il y parvenait, son bonheur grandissait."
Ils vivent seuls et enfermés. Elle dans ce quartier dont les murs viennent au secours de sa mémoire défaillante. Lui, dans le secret d'un appartement envahi de romans. Ils n'attendent rien, ils redoutent comme un ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Vous connaissez sûrement Paul Andreu, l'architecte de l'aéroport Charles de Gaulle ou de l'Opéra de Pékin pour ne citer que deux de ses plus célèbres réalisations, peut-être connaissez-vous moins l'écrivain, le romancier. C'est ce dernier que nous évoquerons aujourd'hui, à propos de son dernier livre Enfin, paru chez Gallimard en début d'année.

Elle vit seule, souffre d'un mal incurable et voit sa mémoire s'échapper.
Lui vit seul avec ses livres, et ne se voit pas d'avenir.
Ils se croisent dans leur quartier, ne se sont jamais parlés jusqu'au jour où il la trouve bouleversée devant un immeuble devant lequel des ouvriers dressent un échafaudage. Visiblement ébranlée, il l'aide à regagner son domicile.

Quelques semaines plus tard, elle l'aperçoit et l'interpelle pour le remercier. Elle finit par lui avouer qu'avec sa mémoire défaillante elle confie à des façades ses souvenirs.

Suite à ces confidences inattendues, un lien se tisse peu à peu entre les deux personnages,

"(...) avec les mois, chacun avait appris, ou plutôt réappris, à ne plus avoir peur : elle des silences qu'elle redoutait comme l'oubli, comme le vide, synonyme pour elle du néant et de l'effroi de la disparition ; lui de ces périodes de paroles compulsives qui ramenaient au jour ce qu'il aurait souhaité enseveli à jamais."

L'attention portée à l'autre se fait plus grande, leur solitude est progressivement habitée.

"J'avais envie de la revoir, c'était une chose bien nouvelle pour moi et tout à fait imprévisible (...)".

De rencontres au café des Amants, en promenades dans leur quartier, à mi-mots les secrets se disent, et les sentiments naissent. Ils n'ont ni âge ni nom, pas même un prénom, ils sont des étrangers qui s'apprivoisent dans les absences de la mémoire et les silences des non-dits.

"Ni l'un ni l'autre, pendant des semaines, ne cherchèrent à démêler leurs sentiments. Ils se retrouvaient avec bonheur, bavardaient des heures durant, se séparaient en riant, certains de se retrouver le lendemain et de reprendre ensemble ce cycle élémentaire."

L'auteur évoque avec beaucoup de pudeur la naissance des sentiments, ce besoin de proximité des corps dans une forme de tendresse absolue, un amour d'une grande pureté.

"Grâce à lui, elle était heureuse.
Il aurait aimé qu'elle le lui dise. C'était sans doute impossible.
[...]
Grâce à elle, il était heureux. le lui disait-il, lui à qui les mots obéissaient mieux ? Non, il ne savait pas leur donner cette liberté, mais il la regardait avec tendresse et gratitude, et à son tour, il la liait au monde et à lui par des fils colorés. Plus le temps passait, plus le nombre de ces liens augmentait. Ils tissaient maintenant, déjà, un cocon protecteur autour d'eux."
La maladie la ronge, elle souffre énormément, il veille donc sur elle avec délicatesse et discrétion, jusqu'à décider de la conduire pour un dernier voyage en Suisse, au pays de son enfance, en quête d'un lieu qui l'habite, souvenir heureux ou malheureux, impossible de le savoir vraiment. Il souhaite seulement qu'elle soit sereine. Il est non seulement sa mémoire mais aussi sa force pour l'aider à lutter contre les douleurs violentes qui la terrassent de plus en plus souvent.

Et cet amour est total, dans un don de soi absolu évoqué par l'auteur avec une infinie pudeur et une très grande délicatesse. L'absence de réelle description des personnages, l'absence de noms et jusqu'au vouvoiement dont ils ne se départissent jamais font de ce roman une très belle histoire portée par un style d'une grande fluidité rendant les silences palpables sans être pesants et les non-dits limpides, jusqu'à la dernière phrase, au dernier mot "enfin".

Enfin est de ces livres que l'on ferme à regrets, je ne peux que vous inciter à plonger dans l'univers de Paul Andreu. Je garderai pour ma part le souvenir d'un double plaisir, celui des voix de Christiane Cohendy et Dominique Pinon dans leur très belle traversée de ces pages, et celle de ma voix intérieure à ma propre lecture.
Lien : http://parisiannemusarde.ove..
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Elle, seule, ses souvenirs enfermés entre les murs de son quartier. Elle les
accroche au murs des immeubles qu'elle longe chaque jour. Seul moyen mnémotechnique qu'elle ait trouvé. Peu à peu, sans qu'elle comprenne bien pourquoi, son passé s'échappe de son esprit. le présent ne s'y accroche pas non plus.

Lui, seul, l'ancien taulard, libéré des quatre murs de sa cellule pour s'enfermer dans les pages des livres. Ainsi, prisonnier à nouveau pour ne pas être confronté à ce réel mouvant et incertain qui n'a pas les contours prévisibles de la fiction.

"Puis-je vous aider, madame" lui demande t'il alors qu'elle a un malaise dans la rue.
C'est l'instant du "kairos".
"je me suis dis qu'il n'était pas si mal, ce type" pensa-t'elle quand assise au Café des Amants elle le vit passer dans la rue.
"Elle avait de l'allure" pensa-t'il alors qu'il la vit au loin rentrer chez elle.

Après les multiples "oh, excusez-moi !" "Je ne veux pas vous déranger !" "Je peux rentrer toute seule maintenant !" "Je vous demande pardon !" "Oh, mais je vous en prie !" "Pardon de vous recevoir si mal !" "Je ne vous importunerai pas plus longtemps" qui jalonnent leurs premières rencontres, comme deux bulles qui ont peur d'éclater en se touchant, ils arrivent enfin à s'ouvrir l'un à l'autre. Prudemment pour lui, qui tient serrée ses sentiments au plus profond de lui. Sans retenue pour elle, ses maris, ses amants, mais les souvenirs sortent mal, un peu à l'envers, mélangés, non chronologiques.
Ils avancent doucement. Il s'occupera d'elle. Il l'a soigne. Il l'écoute. Il recompose la trame de ses histoires avec les bribes décousus qu'elle lui lance.

Il sort peu à peu de ses livres. Elle décroche ses souvenirs des murs des immeubles.

Ils se rencontrent souvent, se promènent, s'assoient au café "des Amants", parlent et parlent encore ! Longtemps ! Aussi souvent que possible !

Un jour, leur corps qui s'étendent l'un à côté de l'autre, puis l'un contre l'autre. Peaux nues des corps nus. Un seul souvenir est resté intact en elle: celui du corps et du désir de ce corps. le sien est ridé, mais tendre et tendu de désir. "la femme qui est dans mon lit, n'a plus vingt ans depuis longtemps..." Les paroles de Serge Reggiani résonnent dans ma tête. Son corps vieilli, lassé et usé mais qui sait du désir, qui veut se rappeler son corps jeune, plein et tendu, qui ne connaissait que le désordre amoureux.
Lui, c'est un corps qui enlace, qui la calme. Il veut qu'elle dorme, qu'elle oublie ce dos qui la fait horriblement souffrir.

"La vérité n'est pas dans la partition, mais dans son interprétation, avait dit son oncle à elle, violoniste".

Puis ce voyage en Suisse, vers la ferme où elle a passé un temps de sa vie. le pont au dessus de la rivière, tout en bas. Ils montent sur le parapet.
Le vide les entraîne.
"Ce fut lui qui donna l'élan. le bruit de l'air se mêla à celui de l'eau qui se rapprochait enfin"

Heinrich von Kleist, grand auteur allemand, emmena sa fiancée au bord du Wansee, lac des environs de Berlin. Il tira une balle en plein coeur de sa compagne, puis retournant l'arme dans sa bouche, tira.

Ils ont mieux su mourir que vivre.

Lien : http://wartenkaplan04.blogsp..
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Citations et extraits (3) Ajouter une citation
Je découvrir, moi qui pensais en avoir fait l'expérience complète au cours de toutes mes années d'isolement, que le silence créait les liens et les multipliait entre ceux qui le respectaient d'une volonté commune, qu'il les enveloppait ensemble, à la fin, d'un feutre que ne traversaient ni la peur ni l'angoisse, qui les réunissait et les protégeait sans entraver leur liberté.
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La vie qu'il voulait désormais était liée aux mots et aux phrases imprimés ; sans eux il ne lui resterait, au mieux, qu'une existence desséchée et solitaire qu'il aurait préféré quitter aussitôt.
Où qu'il soit, il était ailleurs, mais personne ne le voyait.
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Les médicaments avaient arrêté sa chute dans la nuit, les livres eux lui avaient permis de remonter à la surface déserte, réduite, solitaire qui, pour longtemps, serait la sienne, et d'y survivre tant bien que mal.
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Vidéo de Paul Andreu
Paul Andreu - Archi-mémoires entre l'art et la science, la création .Paul Andreu vous présente son ouvrage "Archi-mémoires entre l'art et la science, la création" aux éditions Odile Jacob. http://www.mollat.com/livres/andreu-paul-archi-memoires-9782738129512.html Notes de Musique : "Shackles" by Mentz (http://mentz.nl)
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