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Critique de UnKaPart


On prend les mêmes et on recommence. L'oeil de la lune tient moins de la suite que de rappel, du volume un bis.


A la fin du Livre sans nom, sans avoir encore lu les suivants ni même jeté un oeil aux critiques, je sentais le coup arriver. Au-delà des fantaisies auctorialo-éditoriales plus rapaces qu'un Serdaigle, le roman portait en lui les germes de sa chute. le Bourbon Kid ne pouvait rester percutant que sur un ou deux volumes maxi à cause même de ses fondations.


Très axé cinéma dans son écriture très visuelle ainsi que dans ses références. Et quelles références ! Tarantino, Batman, Freddy, Terminator, Tarantino, Seven, Star Wars, Kill Bill (Tarantino encore…), Buffy, X-Files, Ring, Death Note, Tarantino… Liste non exhaustive, le roman condense la totalité de la pop culture ciné, BD, comics, TV, manga, roman, musique, jeu vidéo, autre (précisez). Il mélange tous les genres, western, fantastique, polar, super-héros, aventure, action, arts martiaux, horreur…
Une somme culturelle, une anthologie de la littérature et du cinéma de genre. Un hyper-pulp.
Raison pour laquelle il devait se casser la figure au bout de x volumes. Tout comme on peut tromper une personne une fois, il est possible de bâtir un roman clin d'oeil truffés de références comme autant d'hommages. Ce qu'a fait Tarantino à l'écran avec Kill Bill, excellent film et virage vers le pire (Inglourious Basterds).
Mais tu ne peux pas te lancer dans un cycle entier de pot-pourri sauf à le devenir. le syndrome du catalogue ne marche qu'un temps, ceux qui ont survécu au chant II de L'Iliade et son énumération mortelle de nefs en savent quelque chose. Ça fonctionne bien dans le livre sans nom, beaucoup moins après, soit à cause des redites (12000 allusions à Tarantino par volume, faut se calmer), soit parce qu'une fois que tu as épuisé les grands noms tu dois te rabattre sur des oeuvres de seconde zone emblématiques de rien. le procédé amuse au début, il lasse à long terme. On ne peut pas se contenter de flatter le lecteur dans sa culture générale, encore moins lui ressortir en continu ce qu'il connaît déjà : à un moment, il lui faut du neuf.
On ne l'aura jamais. L'oeil de la lune reprend la même recette (La Momie, Halloween, Underworld…) et l'odeur du sapin commence à se faire sentir. le cimetière du Diable achève de planter les clous du cercueil, ce qui a au moins le mérite d'être raccord avec le titre.


L'intérêt du Livre sans nom, plus qu'une soi-disant originalité dont il est dépourvu, réside dans l'intelligence de son recyclage. Comme Kill Bill, on y revient toujours. le gus sans blase parvient à mélanger sa liste interminable d'ingrédients pour accoucher d'un texte qui tient la route et joue sur les codes des genres auxquels il se rattache.
Malin et bien vu, il déconstruit beaucoup et sort des sentiers battus, ce qui n'était pas évident vu la quantité d'oeuvres sur lesquelles il s'appuie et qu'en ont balisé un paquet, de sentiers. Il y a donc de l'humour à la pelle. Pourquoi “donc” ? Parce que 101 fois sur 100, pour déconstruire, le bulldozer emprunte le chemin de la parodie.
Je te renvoie à John Cawelti qui a bossé sur le western et le polar entre autres, et s'est penché sur la culture populaire bien avant la naissance de l'expression pop culture. Dans son article Chinatown and Generic Transformation in Recent American Films, il considère qu'un genre qui commence à tourner en rond passe par quatre phases pour se renouveler. La première est “humorous burlesque”, comme il dit dans sa langue à lui. Autodérision face à la caricature qu'est devenu le genre, comédie, humour, le genre se moque de lui-même avec la complicité du spectateur/lecteur qui connaît lui aussi les codes et commence à ce stade à saturer (spéciale dédicace à ceux qui en ont marre des invasions de zombies et de super-héros depuis une vingtaine d'années). le livre sans nom fait ça très bien, à la fois par son mélange de genres – le meta-genre bouscule par définition les codes propres à chacun – et par son côté foutraque assumé/maîtrisé en mode osef des règles.
A travers son listing énormissime de références, le livre sans nom passe en même temps par la deuxième étape, la nostalgie (“evocation of nostalgia”). Oeuvres cultes, majeures, fondatrices, marquantes pour des générations entières, à l'origine de mille et une vocations de réalisateurs, auteurs, illustrateurs, musiciens, etc. En un mot les références aux bases, aux sources, à un (supposé) âge d'or.
Sauf que voilà, les suites n'iront pas au bout du processus (déconstruction de la mythologie puis reconstruction). Quand je parlais plus haut de déconstruction, le terme était abusif. le livre sans nom chamboule, nuance. Les suites auraient pu… mais non. L'oeil de la lune ne continuera pas sur la lancée, il se contentera de tailler la route en ligne droite sur les pas de son prédécesseur, ce qui en fait un bon bouquin aussi, pas encore lassant mais qui donne une bonne conscience des limites que la série atteint (très vite). Même joueur joue encore dans le cimetière du Diable où l'essoufflement est perceptible. Pas de renouvellement en vue, le sel des deux premiers commence à piquer la langue pire qu'un piment de Cayenne et ce troisième tome s'embourbe dans le répétitif. Logique mercantile oblige, le livre de la mort achève de se mordre la queue, identique dans ses procédés (donc merci la répétitivité) mais en moins bien, beaucoup moins bien.


On l'aura compris, j'attendais un peu plus que du palimpseste décliné en cent quarante-quatre mille épisodes.
Si on s'en tient à la lecture pure, comme plaisir jubilatoire, le livre sans nom et L'oeil de la lune tiennent leurs promesses. de bons bouquins en soi, qui assurent le divertissement. Comme ces films d'action des années 80, l'heure de gloire des Schwarzy et Stallone, qui ne volaient pas haut mais ne prétendaient pas le faire, et remplissaient le contrat baston slash vannes slash (double) détente.
Les reproches viennent après, quand tu y réfléchis à tête reposée. Vouloir intégrer l'ensemble de la pop culture, c'était peut-être “un peu” ambitieux. Là-dessus, défaut structurel d'une oeuvre “à références”.
A trop s'appuyer sur les autres, le texte finit par manquer de fond et surtout de personnalité propre. Au mieux, une personnalité protéiforme et bancale, où les points d'ancrage culturels finissent par devenir des boulets qui empêchent de voler de ses ailes à elle.
Le neuf avec du vieux a ses limites et c'est LE gros reproche que je ferai à la série. Chaque volume recycle beaucoup et la série recycle chaque volume. le manque de renouvellement torpille le Bourbon Kid au point que j'ai hésité à continuer après le cimetière du Diable, craignant de relire encore la même chose. J'ai tenté le quatre… Ben un conseil, contente-toi des trois premiers, ou le 1 et le 2.
Lien : https://unkapart.fr/le-cycle..
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