Sir
Anthony Atkinson ne pouvait imaginer que ce livre serait son dernier. Il avait (à mon avis) encore bien des choses en tête et nous ne mesurerons pleinement le vide qu'il a laissé en janvier dernier en décédant à l'âge de 72 ans que dans plusieurs années.
Ce vide, il est gigantesque. Rarement, un chercheur d'un tel calibre, pressenti pour le
Prix Nobel, n'aura montré une telle opiniâtreté à défendre le pauvre, le démuni, contre vents et marées, dans l'Angleterre de
Thatcher ou de Blair... Il a bâti la théorie de l'
inégalité seul, souvent moqué par ses pairs lorsque, dans les Golden Sixties ou lors de la bulle ICT de 2000, la pauvreté semblait vouée à disparaître... Disparue la pauvreté...??? Bien sûr que non, et
Anthony Atkinson en démonte les rouages sociétaux, politiques...
Pour avoir planché sur ses écrits pendant pas mal d'années, comme étudiant ou chercheur, on y trouve une finesse d'esprit, un jusqu'au-boutisme, un humour "so British" et un sens des réalités imparable.
Peu d'auteurs auraient rêvé de laisser, avec
Inégalités (titre sobre et percutant), un testament si brillant. Appliqué, empirique, engagé, fondé sur des faits, allant à l'essentiel, montrant avec une froide logique les erreurs du passé et du présent, proposant des solutions simples et directes, mettant en garde, faisant oeuvre de politique au sens premier du terme... ce livre est impressionnant.
Hélas, c'est un testament. Il reste ses héritiers, comme Piketty, sur qui nous pouvons compter pour faire vivre la pensée de Sir
Anthony Atkinson.