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Michel Butor (Préfacier, etc.)
EAN : 9782070300082
192 pages
Gallimard (29/04/1966)
4.03/5   699 notes
Résumé :
Prenez des lettres, des mots, des phrases. Disposez-les sur une feuille blanche de façon que les phrases, les mots, les lettres composent des figures. Plissez les yeux, et apparaissent une montre, une cravate, un jet d'eau. Associés l'un à l'autre, le dessin et l'écriture créent une forme neuve et intrigante. Et si la guerre de 14-18 accable le monde, dans le même temps, l'esprit nouveau surgit et souffle sur la poésie avec enthousiasme. Le poète-soldat Guillaume Ap... >Voir plus
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Calligrammes ou la guerre d' Apollinaire.
Le poète dessine ses textes, avec ou entre ses vers cadrés.
Comme pour mieux marquer sa sidération devant l'inouïe cruauté d'un conflit qui s'enlise... Cette guerre de certains aspects merveilleux et beaux.
La Guerre, avec sa musique-propre et son humaine inhumanité.
Apollinaire continue d'écrire, de tracer ses poèmes dans la boue des tranchées et avant la fureur de l'assaut.
C'est ce qu'Apollinaire sait faire, lui le poète engagé dans cette folie collective.
D'autres raconteront, témoigneront de façon plus classique.
Calligrammes, de Guillaume Apollinaire, amène un regard autre: Celui d'un poète déjà mûr.
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Apollinaire me semble être un peu le Picasso –dont il était d'ailleurs l'ami- de la poésie du XXème siècle : comme lui virtuose et créateur, précurseur, mais mort trop tôt en 1919, il aura participé à lancer le surréalisme, participant à l'émergence du dadaïsme et du cubisme. Ses calligrammes, dont il est l'inventeur, peuvent ainsi nous faire penser aussi bien aux haïku japonais qu'à l'art naïf du Douanier Rousseau, et illustrent bien sa recherche permanente à la fois d'inventivité et de spontanéité, d'authenticité.

Dans mon parcours personnel, après la lecture des poètes maudits et romantiques, et avant les surréalistes, son oeuvre poétique est l'une des plus abouties, des plus équilibrées. Malgré son côté parfois expérimental, sa poésie ne perd jamais le contact avec l'intuition , la sensation, ce qui la rend très abordable. Passé le premier mouvement déstabilisant face au poème-dessin qu'on ne sait par où aborder, il est aisé de se laisser porter par sa propre inspiration… par un mouvement de libération de la lecture comme de l'écriture, voulu et pensé par Apollinaire.

Ce recueil, qui ne comporte en fait de poèmes-dessins que pour moitié, est aussi composé de poèmes en vers libres, de sonnets déstructurés, comme chez Blaise Cendrars. Beaucoup traitent de son expérience de guerre, alternant avec l'espoir d'un retour à la paix… et ses amours, riches et inspirant nombre de ses poèmes. La colombe et l'obus, l'appel de la femme et celui du voyage, s'opposent et s'entremêlent, en mots comme en images.

L'écriture elle-même oscille entre un lyrisme somme toute classique, qui nous parle du temps, des saisons, des étoiles et de l'oiseau qui chante, nous chante la ville et la campagne, et puis la cassure survient : le mégaphone crie, la mitrailleuse claque, le riz brûle, et « la souris verte file parmi la mousse ».

Volontiers malicieux, Apollinaire dévoile son intention dans le dernier poème du recueil :

« Vous dont la bouche est faite à l'image de celle de Dieu
Bouche qui est l'ordre même
Soyez indulgents quand vous nous comparez
A ceux qui furent la perfection de l'ordre
Nous qui quêtons partout l'aventure
Nous ne sommes pas vos ennemis
Nous voulons vous donner de vastes et d'étranges domaines
Où le mystère en fleurs s'offre à qui veut le cueillir
Il y a là des feux nouveaux des couleurs jamais vues
Mille phantasmes impondérables
Auxquels il faut donner de la réalité
Nous voulons explorer la bonté contrée énorme où tout se tait
Il y a aussi le temps qu'on peut chasser ou faire revenir
Pitié pour nous qui combattons toujours aux frontières
De l'illimité et de l'erreur
Pitié pour nos erreurs pitié pour nos péchés

Belle découverte, mais j'ai quand même préféré Alcools...
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Tous les chemins de la poésie mènent à Guillaume Apollinaire
Avec Alcools, Calligrammes (poèmes de la paix et de la guerre 1913-1916) est son recueil que j'apprécie le plus.

Publié en 1918 aux Éditions du Mercure de France, Apollinaire l'a écrit à son retour de guerre. Blessé, « le poète à la tête étoilée » revint très éprouvé du conflit, mais l'esprit encore plein de projets de création. Calligrammes en est la plus belle des preuves.

Calligrammes* justement, ce mot valise né de la contraction de calligraphie et idéogramme définit l'idée nouvelle d'une poésie graphique, d'une simultanéité dans laquelle se confondent la forme et le thème du poème.
Par ces poèmes épris de forme (La cravate et la montre, Il pleut, La colombe poignardée et le jet d'eau, La mandoline, l'oeillet et le bambou,…), Apollinaire interroge le rapport au texte. Ce que l'oeil perçoit dans le calligramme doit toucher l'esprit. La vision globale de l'écrit, concentré dans le dessin, pour révéler au mieux son idée, son concept.

Les calligrammes composent une partie seulement du livre. Ils sont pour la plupart intercalés entre des poèmes en vers libres ou de forme plus classique avec usage de la rime et le respect de la métrique.

Dans les textes, les références d'Apollinaire au quotidien de sa vie de soldat sont évidemment les plus nombreuses, mais d'autres touchent aux thèmes de l'amour, de la nature et du monde de l'art, parisien en particulier. Si dans ses poèmesApollinaire emprunte le registre de l'élégie où apparaît l'effroi face à l'épreuve de la guerre, on y décèle aussi une certaine nostalgie, un espoir diffus, un élan qui donnent à son écriture une véracité et une générosité vraiment singulières, comme une parole retrouvée, débordante.

« Mais entêtons-nous à parler
Remuons la langue
Lançons des postillons.
On veut de nouveaux sons de nouveaux sons de nouveaux sons
On veut des consonnes sans voyelles
Des consonnes qui pètent sourdement
Imitez le son de la toupie
Laissez pétiller un son nasal et continu
Faites claquer votre langue
Servez-vous du bruit sourd de celui qui mange sans civilité
Le raclement aspiré du crachement ferait aussi une belle
consonne
Les divers pets labiaux rendraient aussi vos discours claironnants
Habituez-vous à roter à volonté
Et quelle lettre grave comme un son de cloche
A travers nos mémoires
Nous n'aimons pas assez la joie
De voir les belles choses neuves
O mon amie hâte-toi
Crains qu'un jour un train te t'émeuve
Plus
Regarde-le plus vite pour toi
Ces chemins de fer qui circulent
Sortiront bientôt de la vie
Ils seront beaux et ridicules
Deux lampes brûlent devant moi
Comme deux femmes qui rient
Je courbe tristement la tête
Devant l'ardente moquerie
Ce rire se répand
Partout
Parlez avec les mains faites claquer vos doigts
Tapez-vous sur la joue comme sur un tambour
O paroles
Elles suivent dans la myrtaie
L'Éros et l'Antéros en larmes
Je suis le ciel de la cité
[…] » **

Calligrammes est un ensemble composite de souvenirs, d'impressions, mais aussi d'expérimentation polysémique. Malgré les références, les emprunts, les sources d'inspiration dont était friand Guillaume Apollinaire, il y a toujours dans sa poésie quelque chose qui nous est familier, de foncièrement proche.

J'aime cette poésie qui va à l'unisson des mots et des images, qui vide son sac de la réalité du dehors pour le remplir d'une intériorité jamais épuisée, d‘une réserve d'humanité jamais éteinte.

« Carte postale -

Je t'écris de dessous la tente
Tandis que meurt ce jour d'été
Où floraison éblouissante
Dans le ciel à peine bleuté
Une canonnade éclatante
Se fane avant d'avoir été »


(*) Si Apollinaire a popularisé le calligramme, il ne fut pas le premier à l'utiliser ; on en retrouve trace au XVIème siècle, chez François Rabelais dans La Dive bouteille.  
(**) extrait de la Victoire in La Tête étoilée. - p. 181
(***) extrait de la Tête étoilée. - p.165

.
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Une belle innovation que ces Calligrammes, publiés en avril 1918! Un mot formé à partir de deux autres: calligraphie et idéogrammes. Mais l'accueil a été mitigé. Sous-titré poèmes de la paix et de la guerre 1913-1916, ce recueil a été trouvé trop léger par certains, surtout pour évoquer les combats. Et ces dessins n'ont pas toujours été bien compris.

Pourtant, la créativité d'Apollinaire s'exprime pleinement ici, et le livre ne présente pas que des calligrammes. Certains poèmes comme " Reconnaissance" ou " le Départ sont émouvants , superbes.

Quant aux calligrammes, certains sont tellement connus qu'on les retrouve régulièrement dans les livres scolaires, " La colombe poignardée et le jet d'eau" ou " Il pleut". D'autres le sont moins mais tout autant imaginatifs, comme " coeur, couronne et miroir".

Novateur, s'intéressant à tout, et surtout aux inventions comme le cinéma ou la radio ( le mot TSF est utilisé dans un des textes), Apollinaire aurait sans doute aimé découvrir leur évolution. Sa blessure de guerre l'affaiblissant, en contractant la grippe espagnole, ne lui en a pas laissé le temps.

" Une belle Minerve est l'enfant de ma tête
Une étoile de sang me couronne à jamais"..., écrivait-il, dans ce recueil...
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Calligrammes est un recueil de poèmes à avoir absolument dans sa bibliothèque. Nombre de poèmes sont inspirés de la vie de cet auteur génial et prolifique. Bien que Guillaume Apollinaire ne les ai pas inventés, les calligrammes existaient déjà au cours de l'Antiquité, mais les siens ont célèbres. L'auteur fait ainsi vivre son texte de manière originale, dynamique, émouvante parfois et souvent décalée, redonnant de la sorte à la poésie des figures nouvelles.

D'ailleurs à leur propos, l'auteur déclarait : "(.) ils sont une idéalisation de la poésie vers-libriste et une précision typographique à l'époque où la typographie termine brillamment sa carrière, à l'aurore des moyens nouveaux de reproduction que sont le cinéma et le phonographe" .
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Citations et extraits (68) Voir plus Ajouter une citation
- Ombre

Vous voilà de nouveau près de moi
Souvenirs de mes compagnons morts à la guerre
L'olive du temps
Souvenirs qui n'en faites plus qu'un
Comme cent fourrures ne font qu'un manteau
Comme ces milliers de blessures ne font qu'un article de journal
Apparence impalpable et sombre qui avez pris
La forme changeante de mon ombre
Un Indien à l'affût pendant l'éternité
Ombre vous rampez près de moi
Mais vous ne m'entendez plus
Vous ne connaîtrez plus les poèmes divins que je chante
Tandis que moi je vous entends je vous vois encore
Destinées
Ombre multiple que le soleil vous garde
Vous qui m'aimez assez pour ne jamais me quitter
Et qui dansez au soleil sans faire de poussière
Ombre encre du soleil
Écriture de ma lumière
Caisson de regrets
Un dieu qui s'humilie


(extrait de " Étendards " - p. 78).

.
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Nuit violente et violette et sombre et pleine d'or par moments
Nuit des hommes seulement
Nuit du 24 septembre
Demain l'assaut
Nuit violente ô nuit dont l'épouvantable cri profond devenait plus intense de minute en minute
Nuit qui criait comme une femme qui accouche
Nuit des hommes seulement

"Désir" Extrait.
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Moi j'ai ce soir une âme qui s'est creusée qui est vide
On dirait qu'on y tombe sans cesse et sans trouver de fond
Et qu'il n'y a rien pour se raccrocher
Ce qui y tombe et qui y vit c'est une sorte d'êtres laids qui me font mal et qui viennent de je ne sais où
Oui je crois qu'ils viennent de la vie d'une sorte de vie qui est dans l'avenir dans l'avenir brut qu'on n'a pu encore cultiver ou élever ou humaniser
Dans ce grand vide de mon âme il manque un soleil il manque ce qui éclaire
C'est aujourd'hui c'est ce soir et non toujours
Heureusement que ce n'est que ce soir
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Pendant le blanc et nocturne novembre
Tandis que chantaient épouvantablement les obus
Et que les fleurs mortes de la terre exhalaient
Leurs mortelles odeurs
Moi je décrivais tous les jours mon amour à Madeleine
La neige met de pâles fleurs sur les arbres
Et toisonne d’hermine les chevaux de frise
Que l’on voit partout
Abandonnés et sinistres
Chevaux muets
Non chevaux barbes mais barbelés
Et je les anime tout soudain
En troupeau de jolis chevaux pies
Qui vont vers toi comme de blanches vagues
Sur la Méditerranée
Et t’apportent mon amour
Roselys ô panthère ô colombes étoile bleue
Ô Madeleine
Je t’aime avec délices
Si je songe à tes yeux je songe aux sources fraîches
Si je pense à ta bouche les roses m’apparaissent
Si je songe à tes seins le Paraclet descend
Ô double colombe de ta poitrine
Et vient délier ma langue de poète
Pour te redire
Je t’aime

Chevaux de frise
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Un oiseau chante


Un oiseau chante ne sais où
C’est je crois ton âme qui veille
Parmi tous les soldats d’un sou
Et l’oiseau charme mon oreille

Écoute il chante tendrement
Je ne sais pas sur quelle branche
Et partout il va me charmant
Nuit et jour semaine et dimanche


Mais que dire de cet oiseau
Que dire des métamorphoses
De l’âme en chant dans l’arbrisseau
Du cœur en ciel du ciel en roses

L’oiseau des soldats c’est l’amour
Et mon amour c’est une fille
La rose est moins parfaite et pour
Moi seul l’oiseau bleu s’égosille

Oiseau bleu comme le cœur bleu
De mon amour au cœur céleste
Ton chant si doux répète-le
À la mitrailleuse funeste

Qui chaque à l’horizon et puis
Sont-ce les astres que l’on sème
Ainsi vont les jours et les nuits
Amour bleu comme est le cœur même
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