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Pierre-Emmanuel Dauzat (Traducteur)
EAN : 9782070348725
1072 pages
Gallimard (31/01/2008)
4.52/5   21 notes
Résumé :
Les Kontslaguer apparurent en Russie dès 1918, comme instrument de répression politique et bientôt comme réservoir de main-d'oeuvre forcée pour l'industrialisation soviétique. De la Révolution à la Glasnost, 18 millions d'individus en furent les victimes ; 4,5 millions n'en revinrent jamais.
Soljenitsyne et Chalamov en ont donné un inoubliable témoignage littéraire ; Anne Applebaum, puisant dans une masse à peine explorée d'archives, de témoignages et d'entre... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
Ce livre est magistral, essentiel, époustouflant, de par sa rigueur, ses sources, sa fluidité d'écriture et son découpage (thème par thème) qui offre une lecture "facile" pour un essai de cette ampleur.

Après l'avoir refermé, vous saurez tout (ou presque) des Goulags. Mais vous aurez surtout touché l'essentiel, l'utilité d'un tel travail de recherche :

"Ce livre n'a pas été écrit "pour qu'on ne voie plus jamais ça", suivant la formule consacrée. Il a été écrit parce que, très certainement, cela se reproduira. Les philosophies totalitaires ont eu, et continueront d'exercer, un attrait profond sur des millions et des millions de gens. La destruction de l'"ennemi objectif", comme dit un jour Hannah Arendt, reste l'objectif fondamental de nombreuses dictatures. Il nous faut savoir pourquoi et chaque histoire, chaque mémoire, chaque document de l'histoire du Goulag est une pièce du puzzle, un élément de l'explication. Sans cela nous nous réveillerons un jour pour nous apercevoir que nous ne savons pas qui nous sommes."

A l'heure où les extrêmes politiques, qui ne cachent plus leurs idéaux totalitaires, décrochent dans tous les pays, des scores électoraux à faire pâlir d'envie plus d'un parti démocrate, où l'on a oublié les raisons de la Guerre Froide et où l'on est en droit de s'interroger sur la prédominance mondiale de certains pays comme la Russie, la Chine, ou d'autres encore, il est utile, voire même vital, de comprendre le Goulag, comme "marqueur" d'un système.

J'ai appris énormément à la lecture de ce livre, car, si on y réfléchit bien, des essais comme celui-ci, il n'y en a pas tant. Beaucoup de sources, documents, témoignages sont encore inaccessibles. Les chercheurs russes autant que les autres, se heurtent à cette volonté d'oubli qu'Anne Applebaum explique très bien : de l'envie légitime de "tourner la page" d'un peuple qui a vécu tant de drames, à la confiscation du débat public par les puissants qui tous de près ou de loin récoltent encore les avantages de ces années de terreur.

"En dehors du bref "procès", peu concluant, du parti communiste, jamais la Russie ne s'est donnée la possibilité de dire publiquement la vérité, jamais il n'y a eu d'audition au parlement ni d'enquêtes officielles, sous quelque forme que ce soit, sur les meurtres et massacres des camps en URSS."

Ce manque a des conséquences sur la formation de la société civile russe et le développement de l'Etat de droit.

"En un sens très profond, l'idéologie du Goulag survit aussi en partie dans les attitudes et la vision du monde de la nouvelle élite russe (...) La vieille division stalinienne entre les catégories d'humanité, entre la toute puissante élite et les "ennemis" qui ne valent rien, perdure dans l'arrogant mépris des nouvelles élites russes pour leurs concitoyens. A moins que cette élite ne comprenne sans tarder la valeur et l'importance de tous les citoyens russes, et n'en respecte les droits civils et humains, la Russie est finalement vouée à devenir le Zaïre du Nord, un pays peuplé de paysans appauvris et de politiciens milliardaires qui gardent leurs actifs dans les caves d'une banque suisse et leur jet privé sur des pistes d'envol, toujours prêt à décoller."
Lien : http://page39.eklablog.com/g..
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Ce formidable ouvrage de Anne Applebaum est à ma connaissance et à ce jour, le recueil le plus complet sur le Goulag. Nôtre Mémoire Universelle est entretenue par une foultitude d'excellents ouvrages, d'oeuvres cinématographiques, et de lieux de commémoration à propos de l'Histoire du Nazisme et de la monstruosité du Génocide de la Shoah. En revanche, il n'est rien de tel (ou presque) concernant la condamnation des Crimes contre l'Humanité et Génocides du Communisme et par conséquent du régime Communiste lui-même ; contrairement à la condamnation du régime Nazi et des Crimes du Nazisme, lors du Tribunal Militaire International de Nuremberg, en 1945.
Malheureusement, l' »hémiplégie Mémorielle » ne cesse de perdurer en ce qui concerne le régime Totalitaire Communiste Mondial, et cela depuis bientôt 100 ans, depuis… 1917 !

Le Goulag est l'appellation générale pour nommer l'ensemble des camps de concentration Soviétiques, ou comme le nomme Alexandre Soljenitsyne dans son célèbre ouvrage : « Oeuvres complètes, tome 4 : l'Archipel du goulag, Tome 1 ». Ce terme a même fini par signifié plus que l'ensemble regroupant les camps (pages 11 et 12) :

« Littéralement, le mot GOULAG est un acronyme, qui signifie « Glavnoe Oupravlenie Laguereï », soit Direction générale des camps. Avec le temps, il en est venu à désigner non seulement l'administration des camps, mais aussi le système soviétique de travail forcé dans toute la diversité de ses formes : camps de travail, camps de châtiment, camps criminels et politiques, camps pour enfants, camps de transit. Et même, plus largement, « Goulag » a fini par désigner le système répressif soviétique lui-même, l'ensemble des procédures que les détenus appelaient jadis le « hachoir à viande » : les arrestations, les interrogatoires, le transport dans des fourgons à bestiaux non chauffés, le travail forcé, la destruction des familles, les années d'exil, les morts prématurées et inutiles. »

Certes des brigades de travail forcé existaient déjà en Sibérie sous le règne Autocratique de la dynastie Tsariste des Romanov bien avant 1917, mais dans des proportions et des conditions de détention sans communes mesures avec celles du Goulag Soviétique. D'ailleurs, tragiquement, de tous temps, et dans de très nombreux pays, les gens ont été envoyés en exil, dans des colonies… (confer le siècle des camps: emprisonnement, détention, extermination, cent ans de mal absolu).
Les premiers camps de concentration modernes furent créés dans la colonie de Cuba en 1895. Pour mettre un terme à des insurrections locales, l'Espagne Impériale déporta des paysans Cubains de leur terre, afin de les « concentrer » dans des camps. de même, en 1900, les Britanniques, dans le cadre de la guerre des Boers en Afrique du Sud, « concentrèrent » également des civils Boers dans des camps, afin de priver les combattants Boers de soutien. Puis, en 1904, les colons Allemands du Sud-Ouest Africain firent accomplir des travaux forcés aux autochtones de la région : la tribu des Herero. Mais c'est sous l'ère Soviétique, durant la mise en place, dès Octobre 1917, du régime Totalitaire Communiste réel, que Lénine et Trotski ont fondé les premiers camps de concentration en tant que SYSTEME D enfermement généralisé et dans des conditions inhumaines, pour les imaginaires « ennemis du Peuple » (page 12) :

« Dès l'été de 1918, Lénine, le chef de la Révolution, avait déjà exigé que tous les « éléments peu sûrs » fussent enfermés dans des camps de concentration à l'extérieur des grandes villes. Tout un chapelet d'aristocrates, de marchands et autres « ennemis » en puissance furent dûment emprisonnés. En 1921, on dénombrait déjà quatre-vingt-quatre camps dans quarante-trois provinces, le plus souvent destinés à « réhabiliter » ces premiers ennemis de peuple.
A compter de 1929, les camps prirent un autre sens. Cette année-là, Staline décida de recourir au travail forcé afin d'accélérer l'industrialisation de l'Union soviétique et d'extraire les ressources naturelles du Grand Nord, à peine habitable. »

De plus, c'est toujours lors de cette première période de formation du régime Totalitaire Communiste, que les gens ont commencé à être enfermé, non pour ce qu'ils faisaient, mais POUR CE QU'ILS ETAIENT, c'est-à-dire des « ennemis Idéologiques » !
Car il ne faut pas perdre de vue que (même si ce fait Historique fondamental continue d'agacer les Néo-Communistes du 21ème siècle), ce sont pourtant bien Lénine et Trotski qui ont inventé les premiers déshumanisants Kontslaguers (traduction en Russe du terme anglais « concentration camp »), futur Goulag sous Staline. N'oublions pas non plus, que c'est ce même Staline (braqueur de banques pour le compte de Lénine et du Parti Bolchevique bien avant 1917), qui a été nommé en avril 1922, par Lénine lui-même, à la plus haute fonction de l'Etat-Parti-Unique Bolchevique (Communiste), à savoir : Secrétaire Général du Parti Communiste d'Union Soviétique. Par conséquent Staline n'a fait que perpétuer puis généraliser, le système Totalitaire Communiste fondé depuis : le 25 Octobre 1917.

Plus tard, à partir de 1933, le régime Nazi a lui aussi créé ses propres camps de concentration.
Le lien qui relie les deux systèmes concentrationnaires : Communiste et Nazi, est que tous les deux considéraient qu'il existait des catégories d' »ennemis », de « sous-hommes » (les « ennemis de classe » pour les Communistes et les « ennemis de race » pour les Nazis), à persécuter et/ou à… exterminer en masse !
Dans le régime Totalitaire Nazi, l' »ennemi » était plus clairement identifié que dans le régime Totalitaire Communiste. Pour les Nazis les « ennemis » étaient principalement : les infirmes, les handicapés, les homosexuels, les Tziganes et surtout…, les Juifs. Une fois l' »ennemi » identifié puis interné dans un camp (notamment d'extermination), celui-ci était quasiment voué à une mort certaine.
Pour les Communistes, la notion d' »ennemi » était beaucoup plus floue et beaucoup plus vaste : l' »ancien peuple », les « ennemis du peuple », les « ennemis de classe », les « contre-révolutionnaires », les prêtres, les « Koulaks » (paysan entrepreneur), les paysans, les « bourgeois », les intellectuels, les instituteurs, les ouvriers grévistes, les Cosaques du Don et du Kouban, etc.. Sous Staline ont été rajoutés d'autres « ennemis » comme : des groupes nationaux et ethniques tels que les Polonais, les Baltes, les Tchétchènes, les Tatars, etc..
Bref, Nazis comme Communistes se fixaient comme mission de traquer leurs « ennemis » respectifs à travers la planète engendrant : Guerres Civiles et mondiale…

Dès le début du Pouvoir Bolchevique, en novembre 1917, des « Tribunaux révolutionnaires » jugèrent arbitrairement des soi-disant « ennemis » pris au hasard, à des peines de prison, aux travaux forcés ou à la peine de mort.
Les prisons furent alors rapidement surchargées d' »ennemis de classe », comme la grande prison de la Boutyrka à Moscou, pouvant recevoir 1 000 détenus et en enfermant rapidement : 2 500.
Tous les lieux pouvant incarcérer des personnes : caves, greniers, anciennes églises, Palais vides, etc., étaient pleins à craquer. C'est alors que Trotski (le Chef de l'Armée Rouge) trouva une solution (page 63) :

« Une solution fut trouvée dès le 4 juin 1918, lorsque Trotski demanda qu'un groupe de prisonniers de guerre tchèques insoumis fût pacifié, désarmé et placé dans un « kontslaguer » : un camp de concentration. Douze jours plus tard, dans un mémorandum adressé au gouvernement soviétique, Trotski parla de nouveau de camps de concentration, de prisons extérieures où la « bourgeoisie des villages et des villes (…) sera mobilisée et organisée en bataillons arrière pour accomplir des tâches subalternes (nettoyage des casernes, des camps, des rues, creuser des tranchées, etc.). Ceux qui refusent seront mis à l'amende et placés en état d'arrestation jusqu'à ce qu'ils versent l'amende ».
En août, Lénine employa à son tour le mot. Dans un télégramme aux commissaires de Penza, où s'était produit un soulèvement antibolchevique, il prôna la « terreur de masse contre les koulaks (paysans riches), les prêtres et les gardes blancs » ainsi que l' »internement dans un camp de concentration hors de la ville » des éléments « peu fiables ». Les installations existaient déjà. Dans le courant de l'été 1918 – à la suite du traité de Brest-Litovsk qui mit fin à la participation de la Russie dans la Première Guerre mondiale -, le régime libéra deux millions de prisonniers de guerre. Les camps vides furent aussitôt remis à la Tcheka. »

La Tcheka, contraction de l'intitulé suivant : « Commission extraordinaire pan-russe pour lutter contre la contre-révolution et le sabotage », fondée par Lénine dès novembre 1917 et dirigée par l'infâme Felix Dzerjinski, était la Police Politique de l'Etat-Parti Bolchevique (Communiste), chargée avec l'Armée Rouge, de faire appliquer la politique de Terreur de masse de Lénine.
D'ailleurs, le 5 septembre 1918, Lénine chargea donc Dzerjinski avec sa Tcheka de mettre en oeuvre le décret sur la Terreur Rouge Bolchevique. Suite à la tentative d'assassinat de Lénine, voici comment la « Krasnaïa Gazeta », l'organe de l'Armée Rouge, décrivait la Terreur Rouge (page 65) :

« Sans merci, sans faire de détails, nous allons tuer nos ennemis par centaines. Par milliers, qu'ils se noient dans leur propre sang. Pour le sang de Lénine, (…) que coule à flots le sang de la bourgeoisie – plus de sang, le plus possible (…) ».
« La Terreur rouge joua un rôle crucial dans la lutte de Lénine pour le pouvoir. Les camps de concentration, ou « camps spéciaux », jouèrent à leur tour un rôle crucial dans la Terreur rouge. On en trouve mention dans le tout premier décret sur la Terreur rouge, qui prévoyait non seulement l'arrestation et l'incarcération des « représentants importants de la bourgeoisie, des propriétaires terriens, des industriels, des marchands, des prêtres contre-révolutionnaires et des officiers antisoviétiques », mais aussi leur « isolement dans des camps de concentration ».
Bien qu'on ne possède pas de chiffres fiables sur le nombre des prisonniers, à la fin de 1919 la Russie comptait vingt et un camps déclarés. A la fin de 1920, il y en avait 107, cinq fois plus. »

Les premiers décrets officiels concernant les « camps spéciaux » furent publiés au printemps 1919. Ces décrets stipulaient que chaque capitale régionale devait se doter d'un camp, capable de recevoir pas moins de 300 prisonniers, « à la lisière de la ville ou dans des bâtiments proches du type monastères, domaines, fermes, etc. ».

Lorsque le Pouvoir Bolchevique manquait de main-d'oeuvre pour certains travaux, des rafles étaient alors organisées, comme en octobre 1918, où le commandant du front nord adressa à la commission militaire de Petrograd, une demande de 800 travailleurs destinés à aménager des routes et creuser des tranchées (page 69) :

« (…) le soviet local cerna purement et simplement une partie de la perspective Nevski, la principale artère commerçante de Petrograd, arrêta tous ceux qui n'avaient pas la carte du Parti ou un certificat prouvant qu'ils travaillaient pour une institution gouvernementale et les conduisit jusqu'à une caserne voisine. Si les femmes furent ensuite libérées, les hommes furent expédiés dans le Nord : « Pas un seul des hommes ainsi étrangement mobilisés ne fut autorisé à régler ses affaires familiales, à dire au revoir à ses parents ni à se procurer des vêtements ou des souliers convenables ». »

A cette époque Trotski parlait de transformer le pays tout entier, en une « armée de travailleurs », sur le modèle de son Armée Rouge !

Certains camps de concentration avaient des réputations effroyables, notamment ceux situés près de la ville d'Arkhangelsk, comme les anciens monastères de Petrominsk et de Kholmogori près de la mer Blanche (confer : « Aux origines du Goulag, Récits des îles Solovki : L'île de l'enfer suivi de Les camps de la mort en URSS »), transformés en camps de concentration par les Bolcheviques (page 76) :

« En avril 1921, un groupe de détenus de Petrominsk refusa de travailler et exigea des rations alimentaires plus copieuses. Exaspérées par cette insubordination, les autorités régionales d'Arkhangelsk ordonnèrent la condamnation à mort des 540 prisonniers. Tous furent dûment exécutés ».

Tous ces camps étant trop disparates, difficilement contrôlables et saturés de prisonniers. L'idée vint alors au Pouvoir Totalitaire Communiste de transformer l'Archipel des îles Solovetski, en un gigantesque camp de concentration.
Cet immense Archipel des Solovetski fut le premier plus grand camp de concentration de l' »Archipel de Goulag ». Cet Archipel est composé d'une foultitude d'îles, et sur l'île principale, il existe toujours aujourd'hui l'ancien monastère (nommé le Kremlin), réhabilité dans sa fonction religieuse d'origine, mais qui avait été transformé en un immense camp de concentration, en 1923.
Les trois camps de Petrominsk, Kholmogori et des Solovetski furent alors baptisés « camps à destination spéciale » ou « camps du Nord à destination spéciale » : « Severnye lagueria osso-bogo naznatchenia », ou en abrégé : SLON.
A partir de juin 1923, le camp de l'Archipel des Solovetski reçut les prisonniers des camps de Petrominsk, Kholmogori, de la prison de la Boutyrka et des autres prisons de Moscou et de Petrograd.
Nombres de prisonniers qui n'avaient pas été exécutés, après avoir été interrogés et torturés dans les caves de la Loubianka (siège social de la Tcheka à Moscou), étaient envoyés au camp des Solovetski.
En 1925, on comptait 6 000 prisonniers au camp de concentration des îles Solovetski.
L'Archipel était composé de neuf camps sur les différentes îles des Solovetski. Comme l'île d'Anzer sur laquelle étaient enfermés : des invalides, des femmes avec leurs bébés, des anciens moines…
Les conditions d'hygiènes étaient désastreuses et l'épuisement, la mauvaise nourriture, les maladies, les épidémies (principalement le typhus), décimaient les prisonniers (page 87) :

« Sur les 6 000 détenus du SLON en 1925, un quart environ moururent dans le courant de l'hiver 1925-1926, des suites d'une épidémie particulièrement virulente. Suivant certains calculs, les chiffres restèrent à ce niveau : entre un quart et la moitié des prisonniers mouraient sans doute chaque année du typhus, de la faim ou d'autres épidémies. Un document rapporte 25 552 cas de typhus dans les camps du SLON (alors bien plus importants) au cours de l'hiver 1929-1930 ».
En plus de toute cette horreur, les prisonniers subissaient les différentes sortes de sadisme : viols, tortures et exécutions sommaires.

Puis, le Goulag n'a cessé de se développer dans les années 1930, pendant la Seconde Guerre Mondiale et jusqu'à la mort de Staline, le 5 mars 1953. La persécution des citoyens en U.R.S.S. était devenue tellement généralisée, que les prisonniers du Goulag décrivaient ce vaste pays de la manière suivante (page 33) :

« Même dans l'argot des camps, le monde extérieur aux barbelés n'était pas désigné comme la liberté, mais comme le « bolchaïa zona », la « grande zone carcérale », plus grande et moins mortelle que la « petite zone » du camp, mais pas plus humaine et certainement pas plus clémente. »

Au début des années 1930, l'Archipel des Solovetski servit également de « laboratoire » (confer l'ouvrage de Francine-Dominique Lichtenhan : « le laboratoire du Goulag : 1918-1939″), afin de déterminer la ration de nourriture permettant d'optimiser la productivité du prisonnier-esclave. Les plus faibles n'étaient quasiment pas nourris, alors ils mouraient de faim ; et les plus robustes étaient nourris juste de quoi les maintenir en vie encore quelques temps…

Sous l'ère Stalinienne, de 1930 à 1933, plus de deux millions de Koulaks furent exilés en Sibérie, au Kazakhstan ainsi que dans d'autres régions inhospitalières en tant qu' »exilés spéciaux ».

En 1932-1933, 6 000 000 de personnes (principalement des paysans) moururent de faim, essentiellement en Ukraine et en Russie Méridionale, suite à la reprise des réquisitions forcées des récoltes agricoles, comme lors de la période du Communisme de Guerre sous Lénine, entre 1918 et 1922.
Les personnes qui, pour ne pas mourir de faim, volaient quelques pommes de terre ou épis de blé étaient condamnées dans le cadre du sinistre Article 58 du code criminel Soviétique, et écopaient de dix ans de Goulag ou étaient exécutées sommairement.

Pour atteindre les faramineux objectifs de son plan quinquennal, Staline avait besoin d'une phénoménale quantité de : charbon, de gaz, de pétrole et de bois. Ces matières premières étaient disponibles dans les régions inhospitalières et glaciales de la Sibérie, du Kazakhstan et dans le Grand Nord. Les géologues découvrirent également des gisements importants au nord-est de la région de la Kolyma.

L'un des plus gros chantiers au début des années 1930, fut celui du canal de la mer Blanche ou « Belomorkanal ». L'objectif était de créer un canal de 225 Kms de long, d'y aménager cinq barrages et dix-neuf écluses. Staline exigea que le canal soit construit en vingt mois. de plus, il tenait à ce qu'il soit réalisé de manière rudimentaire, sans machine, uniquement avec de simples outils fabriqués à la main par les prisonniers du Goulag : des bêches en bois, des scies à main, des pioches, des brouettes… le tout essentiellement dans un sol granitique. de nombreux zeks (prisonniers) furent transférés du SLON (Archipel des Solovetski). Les travaux débutèrent en septembre 1931. Ce camp mobile fut nommé le « Belbaltlag ». Au total 170 000 détenus travaillèrent sur ce titanesque chantier. Au fur et à mesure de l'avancement du chantier, les détenus devaient construire eux-mêmes leurs propres baraquements en bois. le canal fut terminé dans les délais en août 1933, mais au prix de la vie de 25 000 détenus qui périrent de faim, d'épuisement, de froid, de maladie…
La tragique ironie de l'histoire est que le canal qui ne fut creusé que sur une profondeur de 3.6 mètres, permettait à peine de laisser naviguer les bâtiments de la marine. Très peu utilisé depuis, et encore aujourd'hui, il n'est emprunté que par de rares péniches.

P.S. : Vous pouvez consulter ce commentaire, dans son intégralité, sur mon blog :
Lien : https://communismetotalitari..
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Mon intérêt pour ce sujet est ancien, il remonte à un jour d'Août 1967, j'étais jeune et je séjournais chez des amis tchèques dans une petite ville proche de Prague, au retour d'une balade en voiture en approchant de leur domicile mon ami s'est figé et a dit « Arrêtez-vous ! » . Sur la place une voiture de police était stationnée, sa peur était palpable, quelques minutes passèrent, puis nous sommes repartis, ce n'était pas pour lui, ni pour sa famille, que la police était là.
Jamais je n'ai oublié la peur de cet homme, la quasi terreur qu'il avait ressenti, j'avais compris en quelques minutes ce que "régime policier" veut dire. Au mois d'août de l'année suivante les troupes russes entraient en Tchécoslovaquie pour mettre fin au Printemps de Prague.
Ensuite ce furent la lecture des écrits de Soljenitsyne, Eugenia Ginzburg et Varlam Chalamov.
Anne Applebaum elle a écrit une histoire du goulag, l'histoire des camps de concentration soviétiques : leur origine avec la révolution bolchevique, leur essor et leur apogée sous Staline, leur mutation avec ses successeurs, leur arrêt en 1986, sur décision de Gorbatchev, petit-fils d'un paysan emprisonné.

La Russie des Tsars avaient déjà envoyés en Sibérie ou à Sakhaline bons nombre d'être humains, mais le régime soviétique va l'ériger en système.
Goulag est un acronyme de Glavnoe Oupravlenie Laguereï, la direction générale des camps. le premier camp est crée sur les îles Solovki en 1920, aux confins de la Russie au bord de la mer Blanche. On utilise le monastère des moines véritable forteresse.
Les premiers prisonniers sont des officiers de l'armée blanche, des hauts dignitaires de l'église, réfractaires au pouvoir, grands criminels, des marins ayant pris part à des révoltes comme à Cronstadt.
A la création du camp le pouvoir soviétique n'a pas l'intention de détruire l'économie du monastère, il compte même lui donner une impulsion nouvelle. le pouvoir propose d'organiser les solovki en camp de travail , les conditions sont favorables : une vie dure, un régime strict : bonne école pour les détenus.
La vie quotidienne est terrible, le froid, la faim, les châtiments corporels et les actes sadiques des gardiens.
L'administration est loin et curieusement des espaces de liberté sont conservés, les détenus montent des spectacles et même comme le racontent deux charmantes vieilles dames à Hélène Chatelain, sortent pour se rendre aux obsèques de Kropotkine.
En 1921, on dénombrait déjà quatre-vingt-quatre camps.
1929 Staline entreprend la collectivisation et l'industrialisation du pays , le régime recours au travail forcé, l'exemple le plus frappant et l'ouverture du chantier de Belomorkanal. Désormais au froid, à la faim et aux mauvais traitements va s'ajouter l'épuisement par le travail.
Zek, c'est le nom que l'on donne aux détenus à partir de 1937 Les détenus vont travailler dans tous les secteurs : mines de charbon mais aussi mines d'or, construction de lignes ferroviaires, industrie et même aéronautique, exploitation forestière.
La Grande Terreur va augmenter considérablement le nombre de détenus, n'importe quel citoyen se retrouver au goulag : koulaks, vieux bolcheviks, trotskistes, poètes, écrivains, artistes... On ouvre les camps de la Kolyma pour extraire l'or ce qui avait toujours été impossible en raison des difficultés climatiques, des milliers de détenus y trouveront la mort.

La Seconde Guerre mondiale n'a pas freiné l'extension du Goulag et Anne Applebaum parle d'apogée pour les années 40 et 50.
On estime qu'à cette époque les camps produisaient un tiers de l'or du pays, une bonne partie de son charbon et de son bois d'oeuvre.
La mort de Staline en 1953 puis l'arrivée de Khrouchtchev voit diminuer le nombre de détenus, Mais Brejnev les remplit à nouveau, C'est l'époque des dissidents et la publication de « L'Archipel du Goulag », en 1973
Il faudra encore attendre vingt ans et Gorbatchev pour en finir avec le goulag.

L'histoire chronologique pour indispensable qu'elle soit ne rend pas justice à ces hommes et à ces femmes.Anne Appelbaum s'attachent aux témoignages, à la description de la vie quotidienne, les arrestations, les châtiments, les conditions de travail, tous les temps qui rythment la vie au Goulag sont évoqués.
18 millions d'individus en ont été victimes, plus de 4 millions n'en sont pas revenus En 1995 on estimait qu'un adulte soviétique sur 7 était passé dans un camp.
e travail extraordinaire d'historienne d'Anne Appelbaum lui valut le prix Pulitzer, son livre est passionnant, clair, les sources multiples et riches.
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Témoignages très détaillés de la croissance pharaonique de cette administration inhumaine au sein de l'état soviétique, avec des grosses faiblesses évidentes et des imperfections flagrantes dans sa structure et son organisation, avec des ambitions démesurées toujours permanentes de vouloir, par le biais du Goulag, peupler et d'infra-structurer progressivement l'extrême Est de l'URSS, au prix de grandes souffrances infligées et de familles impunément déchirées.
Livre passionnant.
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Dans cet ouvrage très complet, on trouve une chronologie du goulag, des premiers camps des îles Solovetski à la chute de l'URSS : rationalisation du fonctionnement des camps, gigantomanie des années 30 avec le creusement du canal de la mer Blanche, expansion vers l'est, années difficiles de la seconde guerre mondiale, mort de Staline, époque des dissidents.

Une partie est consacrée aux conditions de vie dans les camps - depuis l'arrivée, en passant par le travail, les châtiments et les récompenses, les stratégies de survie, les tentatives d'évasion et la rébellion.

L'ensemble se veut un ouvrage de vulgarisation et la lecture est facilitée par la présence de nombreux témoignages.
Après avoir déjà lu plusieurs autres ouvrages sur le goulag, j'ai encore appris des choses sur le sujet.
Lien : http://monbiblioblog.revolub..
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Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
Si les monstres du nazismes ont été jugés et condamnés pour leurs crimes, il est navrant qu'à contrario ceux de l'ex-Union Soviétiques ne l'ont pas été, et c'est encore plus regrettable de devoir rechercher les sources de leurs génocides dans le peu d'ouvrages qui existent sur le sujet, comme si une forme d'omerta recouvrait encore cette période de l'histoire de l'Union Soviétique. L'ouvrage d'Anne Applebaum représente l'encyclopédie des Goulags et des crimes Bolchéviques qui ont perduré près de Quarante ans, soit une bien plus longue période que le génocide des Nazis, et qu'au surplus on y découvre comment l'ex-Union Soviétique rivalisait voire dépassait l'oeuvre des nazis dans l'avilissement de l'être humain comme une source inépuisable de travail et de productivité gratuite, dans les conditions les plus inhumainement possibles, pour le seul fait d'exister pour quelque chose et non pour une idéologie délirante...
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1937 la ligne de partage des eaux C’est en effet cette année-là que les camps soviétiques se transformèrent temporairement de prisons gérées dans l’indifférence, où l’on mourait par accident, en camps réellement meurtriers où l’on tuait délibérément les détenus au travail, quand on ne les massacrait pas
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Varlam Chalamov écrit "Il suffisait de vingt à trente jours d’affilée de journées de travail de seize heures sans jours de repos, associés à la faim systématique; des vêtements en haillons et des nuits à moins 18° au-dessous de zéro sous une toile de tente trouée pour transformer en crevard un jeune homme sain"
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En Allemagne, on pouvait mourir de cruauté, en Russie de désespoir. A Auschwitz, dans une chambre à gaz ; dans la Kolyma, de froid dans la neige
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Solovetski, le premier camp soviétique conçu et construit pour durer, se développa sur un véritable archipel
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Video de Anne Applebaum (1) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Anne Applebaum
Les Matins - L?Europe est-elle naïve face à Poutine ? .http://www.franceculture.fr/emission-les-matins-l%E2%80%99europe-est-elle-naive-face-a-poutine-2014-10-15 Anne Applebaum, journaliste américaine A été longtemps correspondante de The Economist à Varsovie Editorialiste au Washington Post et à Slate Historienne spécialiste de l?ex-URSS Vient de publier chez Grasset : Rideau de fer, l?Europe de l?est écrasée 1944-1956
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