Le processus conduisant à l’invention technique par transfert, fusion ou glissement de deux éléments disjoints qui vient d’être présenté résulterait en effet d’une aptitude cognitive bien connue des cognitivistes : le processus analogique. De quoi s’agit-il ?
L’analogie, qui va au-delà de la simple comparaison, consiste à associer des éléments qui ne se donnent pas d’emblée pour comparables, et donc à rapprocher des éléments provenant de domaines qu’on tenait jusque-là pour éloignés. Elle fonctionne dans la résolution de problèmes, la généralisation d’hypothèses scientifiques ou l’acquisition de connaissances déclaratives, ainsi que dans beaucoup d’autres sous-domaines de la cognition. Elle constitue donc « un des déterminants fondamentaux du fonctionnement cognitif » et elle « repose toujours sur l’application à des situations nouvelles de solutions fondées sur des représentations anciennes antérieures. »
Du paléolithique inférieur au Néolithique, les inventions techniques semblent résulter d’un même processus que l’on peut appeler « transfert de technique » : ce sont à chaque fois la rencontre de deux idées techniques qui existaient déjà de façon indépendante. Ces rencontres ne sont pas nées de rien, mais de l’association par l’esprit de ce que l’expérience dissociait jusque-là.
Ainsi, au XVIIIe siècle, les artisans du métal et de la mécanique ont abondamment recouru aux pratiques d’imitation et de substitution de matières, de formes, de modèles, d’outils. L’adaptation, qu’il s’agisse de perfectionnements ou de transpositions, régit l’invention artisanale. Au-delà de l’invention, l’intelligence de la composition et les aptitudes comparatives, substitutives, font partie de l’ordinaire du travail. Liliane Hilaire-Pérez étudie précisément les modalités de ces transferts technologiques au Siècle des Lumières. Elle a repéré deux types de transversalités : les substitutions de matières et les analogies d’opération ; ce qui rappelle étonnamment les modalités de transfert observées en préhistoire.