AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Liliane Hasson (Traducteur)
EAN : 9782856165645
Presses de la Renaissance (29/06/2007)
3.84/5   22 notes
Résumé :
Trois voyages à travers l'écriture hallucinatoire de Reinaldo Arenas vers la face obscure d'une Havane magique, défigurée par l'enfer castriste et la désillusion de tous ceux qui ont cru à la révolution.
Que lire après Voyage à La HavaneVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Première nouvelle : « Tant pis pour Eva »

Cette nouvelle relate les aventures tragi-comiques d'un couple qui se vautre royalement dans la mégalomanie en arborant, aux quatre coins de Cuba, des vêtements plus exubérants et chatoyants les uns que les autres. En parallèle des aventures vestimentaires rocambolesques de Ricardo et Éva à La Havane, puis dans les différentes provinces du pays, l'on suit aussi la descente aux enfers d'une île où, petit à petit, les vivres viennent à manquer. C'est ainsi que tickets de rationnement et marché noir deviennent le quotidien des Cubains. Une nouvelle qui semble fantaisiste – on parle bien de « l'écriture hallucinatoire de Reinaldo Arenas » et les personnages portent des vêtements en laine (Cuba est quand même un pays tropical où cette matière n'est pas appropriée pour un tel climat !) – mais qui révèle subtilement la réalité du pays… Car ces deux personnages ne supportent plus le conformisme et les normes imposés par la dictature castriste. Ils n'acceptent plus non plus de n'être que des individus banals censés se fondre dans la masse d'un pays où la « différence » n'est pas acceptée. D'où les situations de plus en plus ubuesques dans lesquelles se trouvent nos personnages, poursuivis par les autorités… le fil à tricoter dans cette nouvelle me donne l'impression d'une métaphore. Au début du récit (qui correspond à la fin des années 50 donc au début du castrisme), le fil est abondant, tout comme les vivres à Cuba. Mais au fur et à mesure, nos deux amoureux du tricot en manquent de plus en plus. Ils finissent par devoir le trouver au marché noir, puis le remplacer par des cordes à linge volées. Et c'est toute l'histoire de Cuba : au fil des années, embargo oblige, les vivres manquent, petit à petit. Les Cubains doivent user de débrouillardise et s'alimenter, se ravitailler au marché noir puisqu'ils sont strictement rationnés…

Deuxième nouvelle : « Mona »

Une nouvelle complètement délirante qui m'a « grave » enthousiasmée : j'adore, j'adore, j'adore ! Comment Reinaldo Arenas a eu la géniale idée d'inventer ce fait-divers et tous les personnages qui en découlent, tout en pratiquant une auto-dérision à mourir de rire ? C'est vrai qu'il était frivole cet auteur – il le dit lui-même – mais il était surtout très très talentueux ! Car il fallait l'imaginer cette histoire de femme-Joconde. Arenas fait donc plonger son lecteur dans le célèbre tableau de Léonard de Vinci où Mona Lisa, qui se fait appeler « Elisa », n'est autre que le grand peintre lui-même… ou plutôt ce à quoi il aurait aimé ressembler : une belle « femme aux cheveux raides d'un roux foncé, aux traits parfaits, cette femme dont une main était délicatement posée sur le poignet de l'autre, souriant d'un air presque moqueur sur fond de paysage brumeux où l'on pouvait distinguer un chemin débouchant sur un lac »… Cette nouvelle intitulée « Mona » a un petit côté « Portrait de Dorian Gray », le côté machiavélique d'Elisa-Léonard de Vinci en plus.

Troisième nouvelle « Voyage à La Havane »

La dernière nouvelle de ce recueil est aussi celle où l'on retrouve quelques-uns des thèmes favoris de Reinaldo Arenas : la quête de l'identité, l'homosexualité, la solitude, l'exil et l'inhumanité, à travers la négation de l'individu et de ses besoins, du régime castriste. Cette nouvelle est donc la plus réaliste et la moins « fantaisiste » du recueil. D'ailleurs, elle porte son nom : « Voyage à La Havane ». On y rencontre Ismaël, un exilé qui a quitté Cuba il y a plus de quinze ans et qui rentre au pays, pas tant pour retrouver sa famille, Elvia sa femme et Ismaëlito son fils, que pour se (re)trouver lui-même. le regard que porte Arenas, lui-même en exil lors de l'écriture de cette nouvelle, sur Cuba, La Havane, les Cubains et le régime castriste est particulièrement noir et presque sans espoir. Heureusement qu'il place l'amour au coeur de tout, y compris du malheur, de la solitude et du désespoir. C'est d'ailleurs par manque d'amour, en tout cas c'est ce qu'il écrivait lui-même dans sa « lettre d'adieu », par « dépression sentimentale » que Reinaldo Arenas a mis fin à ses jours en décembre 1990… Une nouvelle forte, qui met en lumière l'âme poétique d'un auteur profondément sensible.
Commenter  J’apprécie          183
Trois nouvelles ... trois univers différents ... trois endroits ... Cuba qu'il a fallu fuir, New York qu'il a fallu fuir, l'île de la jeunesse au large de Cuba, celle où il a fallu revenir.

Tant pis pour Eva
Quand un auteur prend la plume d'une narratrice qui nous offre un voyage à travers tout Cuba, à la recherche de celui ou de celle qui ne se laisse pas impressionner par le couple qu'elle forme avec son amoureux, un couple déjanté, allumé, tout à leur obsession d'éblouir le monde ... en même temps nous suivons la décrépitude d'un couple, la raréfaction de tout ce qui est nécessaire à la vie puis à la survie ... Ricardo a trouvé son échappatoire ... tant pis pour Evattt !

Mona
Un récit énigmatique au bord de la folie ... un personnage persécuté par une icône figurant sur un tableau et pas n'importe lequel s'il vous plaît ... persécuté par Mona devenue personnage de roman qui rempli pendant la journée son rôle de personnage mythique d'une oeuvre mythique dans un musée mythique et pendant la nuit et les jours de fermeture devient une folle à la sexualité débridée toujours inassouvie.
La traduction est agrémentée de notes distrayantes se contredisant les une et les autres pour notre plus grand plaisir ... qui a raison ?
Et qui est Mona un personnage mythique dans lequel chacun doit reconnaître la femme ou l'homme qu'il est ou qu' aurait voulu être ?

Voyage à La Havane
S'il ne fallait découvrir l'oeuvre de Reinaldo Arenas qu'au travers d'un seul de ses textes, je crois que ce voyage à La Havane est le monument, le texte qui révèle tout son talent.
Un homme qui vit à La Havane, qui fait ce qui doit être fait du mieux qu'il peut, qui se marie pour ressembler aux autres, qui fait un enfant à la femme qui l'aime, qui se laisse un jour comme un autre aller vers ce qui se révèle être un penchant naturel et qui se retrouve berné, condamné par la morale révolutionnaire, qui n'a plus d'autre possibilité que de connaître l'exil dans l'autre monde et qui s'acclimate doucement tout doucement à cette solitude glacée des exilés qui n'ont pas eu le choix et qui se renferment sur eux mêmes, sur leur petite existence solitaire en regrettant le pays de leur jeunesse... qui un jour cède à sa nostalgie pour retourner voir ceux qu'il a abandonné, sa femme et son fils ... son pays, ses odeurs, ses paysages ... alors c'est le retour à La Havane mais celle d'aujourd'hui, celle d'hier a disparu, emmenée par le vent de l'histoire.
Comme tout cela est bien décrit, analysé, on est oppressé par les souvenirs, la nostalgie de la jeunesse, la nostalgie de ce qu on a été, de ce qu'on voulait être ...
Sublime
Commenter  J’apprécie          71
Trois nouvelles, plutôt drôles à leur chute mais pourtant trop longues au ressenti. L'auteur mêle les phobies et us des cubains en général et ses propres vicissitudes avec le régime castriste dans les trois épisodes.
Commenter  J’apprécie          120
Trois nouvelles en rapport avec La Havane. Pour ma part la deuxième est un peu hors sujet et n a pas vraiment sa place dans ce recueil. Par contre j ai vraiment beaucoup aimé la troisième et le retour de ce cubain exilé aux États Unis dans le pays de son enfance et de sa jeunesse.
Commenter  J’apprécie          10

Citations et extraits (10) Voir plus Ajouter une citation
Nouvelle "Tant pis pour Eva" :
Mais quant au reste, ça allait de mal en pis. Rationnement total, faim absolue, isolement complet. Quand il y avait une panne d'électricité (le gouvernement la coupait, il continue d'ailleurs, avec ses plans d'économie exténuants), il me fallait tricoter à la lueur d'une bougie ; bougie achetée au marché noir et que tu tenais patiemment en l'air. Bientôt on ne trouva plus de fil bulgare ni même chinois. Alors nous avons fait main basse sur les cordes à linge de notre cour et sur celles des voisins, sur les ficelles pour paquets que tu marchandais dans les drogueries. Mais nous avons tenu bon. Quand les aiguilles disparurent, nous sommes sortis une nuit, plusieurs nuits, tous deux strictement vêtus de noir, avec nos jeans tricotés au point de finition, pour voler des rayons de bicyclette. Nous avons traversé en silence les rues sombres de la 5e Avenue et au péril de notre vie (ces gens-là sont capables de faire fusiller un malheureux voleur de jantes), on a piqué une énorme collection de rayons de vélo que tu as transformés, avec une patience infinie, en aiguilles à tricoter françaises…
Commenter  J’apprécie          40
Nouvelle "Voyage à La Havane"
Dans cet état de désespoir où le désespoir lui-même sombre, où on l'oublie, sous la pression de toutes les tâches quotidiennes (enfant, travail, files d'attente, tour de garde), la solitude, le désir, la pulsion d'être caressé par quelqu'un de semblable à lui furent peu à peu presque oubliés à leur tour, ou bien ils ont expiré lentement devant le nouveau téléviseur que notre entreprise nous autorise à acheter, devant l'appartement que l'on nous a finalement autorisés à occuper, au bord de la mer, là où s'était déroulée toute ma jeunesse, devant l'anniversaire d'Ismaëlito ou la possibilité lointaine d'obtenir l'autorisation d'acheter une automobile plus tard...
Commenter  J’apprécie          30
(Dans voyage à la havane)
Le ciel est toujours le même, l'eau est toujours la même, le soleil est le même, mais où suis-je, moi, où est cette époque d'illusions, lointaines et entamées, mais illusions encore, où est réellement ma jeunesse, qu'ai je fait de ma jeunesse, quels amis ai-je eus, de quels plaisirs ai-je joui, quelles douces folies inoubliables ai-je commises, où sont les fantasmes qui me poursuivent toujours car ils n'ont jamais pu se réaliser, qu'ai je fait, qu'ai je fait de ma vie. Car ma vraie tragédie, ce n'est pas d'avoir atteint cinquante ans (une vraie tragédie par ailleurs), mais de ne les avoir jamais vécus.
Commenter  J’apprécie          30
(Dans voyage à La Havane)
J'y vais, j'y vais, j'y vais, disait l'avion. J'y vais avec des gens qui ont de la chance, vraiment de la chance, bien qu'ils n'emportent que les vêtements qu'ils ont sur le dos, bien que toute leur vie reste derrière eux, mais ils se sont envolés avec moi, ils partent, ils partent, ils n'ont pas succombé, ils n'ont pas succombé, ils n'ont pas succombé car ils recommencent tout.
Commenter  J’apprécie          40
Nouvelle "Voyage à La Havane"
Ismaël, peut-être en guise de consolation, pensait qu'il en était de même pour tout le monde : se dominer, se refréner, ne jamais aller jusqu'à violer le règlement, une complicité jamais manifeste ; ne pas se précipiter, ne pas exister, en sachant toujours que sinon, nous n'aurions pas d'échappatoire ; un jeu, un jeu, un jeu atroce mais indispensable, car s'il est une chose que la vie ne pardonne pas, c'est bien que nous la vivions.
Commenter  J’apprécie          30

Videos de Reinaldo Arenas (3) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Reinaldo Arenas
My Lover the Sea, by Reinaldo Arenas, Filmed by Gerard McGarity
>Littérature (Belles-lettres)>Littérature espagnole et portugaise>Romans, contes, nouvelles (822)
autres livres classés : cubaVoir plus
Les plus populaires : Littérature étrangère Voir plus


Lecteurs (59) Voir plus



Quiz Voir plus

Les classiques de la littérature sud-américaine

Quel est l'écrivain colombien associé au "réalisme magique"

Gabriel Garcia Marquez
Luis Sepulveda
Alvaro Mutis
Santiago Gamboa

10 questions
371 lecteurs ont répondu
Thèmes : littérature sud-américaine , latino-américain , amérique du sudCréer un quiz sur ce livre

{* *} .._..