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Critique de Nastasia-B


Voici une petite comédie antique qui justifie quelques explications pour être pleinement savourée et comprise.
Il n'est sans doute pas vain de rappeler que dans l'Athènes d'Aristophane, il n'y a pas ou quasiment pas de juges professionnels. Cette fonction échoit naturellement à des jurés populaires (il suffit pour cela d'être un homme et d'être âgé d'au moins trente ans.)
Jusqu'ici, tout va bien, cela paraît un fonctionnement exemplaire de démocratie. Cependant, si l'on précise qu'ils étaient environ 6 000 jurés pour une population totale à l'époque d'environ 20 000 hommes, cela devient déjà un peu plus problématique, ne serait-ce que pour le bon fonctionnement de la vie économique de chacun.
Voilà pourquoi Périclès eut l'idée de dédommager d'une obole les personnes qui feraient office de jurés lors d'un procès. Mais là encore, l'enfer est pavé de bonnes intentions ! Ce système eut l'inconvénient de faire converger toute la population pauvre à ce poste, sachant que les personnes dont les revenus étaient supérieurs se désintéressèrent totalement de l'exercice de la justice.
Cette perte de diversité sociale dans l'établissement des jugements ne fut pas sans être perçue et utilisée par les démagogues, dont l'un deux, à dessein, tripla la rémunération (trois oboles pour un procès, sans limitation du nombre de procès où l'on peut être jurés).
L'intérêt politique est alors évident et serait probablement l'objet d'une discussion passionnante mais ce n'est pas le propos ici avec Les Guêpes.
Les Guêpes, qui sont-elles ? Ces juges à la petite semaine, bien évidemment. Aristophane utilise cette image car les jurés étaient munis d'un stylet ou simplement de leur ongle pour imprimer dans la cire la longueur de la peine. Ainsi, cet essaim de juges qui courent les procès pour se faire quelque argent avec leurs stylets sont-ils comparés aux hyménoptères bien connus de celles et ceux qui font des confitures l'été.
Ainsi, Aristophane nous présente-t-il l'un de ces jurés, un vieillard répondant au nom de Philocléon (C'est-à-dire, en grec, " qui aime Cléon "), devenu addict à cela, pas même pour l'argent, mais pour la jouissance d'exercer son pouvoir sur autrui.
En outre, son fils, Bdélycléon (c'est-à-dire " qui exècre Cléon, sachant qu'Aristophane lui-même exècre Cléon, le démagogue successeur de Périclès impliqué dans les Guerres du Péloponnèse), cherche à s'opposer par tous les moyens à cet hobby de son père et lui en explique les raisons.
La principale est qu'il est la dupe du démagogue pour qui il rend les jugements car, pendant que la bande des vieillards courent les procès pour une rétribution ridicule, l'autre s'en met plein les poches sans aucun risque d'être ennuyé par la justice.
L'argument fait mouche dans l'esprit du vieux mais la passion de juger est trop grande pour qu'il puisse s'en sevrer. Aussi, Bdélycléon, lui propose-t-il de subvenir à tous ses besoins et de le faire exercer son art du jugement au sein même de la maison.
C'est l'occasion d'une scène de jugement de deux chiens pour un vol de fromage absolument cocasse et très drôle. Mais Aristophane a pris au préalable le soin d'affubler les chiens de noms qui rappellent aux contemporains deux personnalités de l'époque, démagogues tous les deux qui se crêpèrent le chignon, tout simplement parce que l'un n'avait pu profiter des détournements de l'autre.
Ensuite, la pièce part un peu en sucette et je ne sais pas trop où il a voulu en venir. Peut-être au fait qu'on ne change pas facilement les habitudes de quelqu'un ? Peut-être sur le conflit générationnel ?
Toujours est-il que malgré toute la bonne volonté du fils à fournir à son vieux père une existence douce et confortable, le vieux en profite pour se pochetronner et faire toutes les aberrations possibles et imaginables...
Cette seconde partie de la pièce m'a beaucoup moins accrochée que le début et la réflexion sur le lien entre justice et politique.
Aristophane sait encore avoir beaucoup de fraîcheur par moment mais à d'autres, le poids des siècles se fait tout de même un peu sentir. À vous de juger, mesdames et messieurs les jurés, car ceci n'est que mon jugement, qui ne vaut pas beaucoup plus qu'une obole, c'est-à-dire, pas grand-chose.
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