Le nouvel Observateur [HS n° 31, 1/12/1997] La quête des origines

Selon l'analyse classique du bouddhisme, le temps est un concept. Il n'existe pas en soi. Le passage du temps est imperceptible dans l'instant présent ; quant au passé, il est mort, et le futur n'est pas encore arrivé. Le temps appartient à la vérité « relative » du monde phénoménal ; il n'est qu'un concept lié à une succession d'instants perçus par un observateur. Il n'a pas d’existence propre car on ne peut concevoir un temps distinct des instants qui le composent. Il n'est pas non plus identique avec le début, la durée ou la fin d'une « période ». Le temps, comme l'espace, n'existe que relativement à notre expérience et à des systèmes de référence particuliers. Pour résumer, c'est un mode d’appréhension des phénomènes. En l'absence des ces derniers, le temps ne saurait exister autrement que de manière conventionnelle. Il est donc une désignation, un concept sans réalité sur le plan absolu.

2503 – [p. 47]

On attribue souvent la découverte du big bang (explosion primordiale) à un astronome américain. Or ce sont deux pionniers oubliés, le Russe Alexandre Friedmann et le Belge Georges Lemaître, qui ont proposé entre 1922 et 1931, cette vision d'un univers dynamique et à l'origine singulière. Il s'agissait là d'un pas conceptuel gigantesque, puisque depuis la plus haute Antiquité le ciel était considéré comme dépourvu de toute évolution. Les modèles cosmologiques de Friedmann et Lemaître, mal compris et mal interprétés de leur vivant, ont eu du mal de s'imposer. Hubble n'y a pas cru ; Einstein lui-même, le père de la relativité, a été fortement réticent.

2502 – [p. 41] Jean-Pierre Luminet

La littérature chinoise ancienne ne contient pratiquement aucun mythe cosmogonique. Les Chinois considèrent que l'idée de l'origine est une maladie de l'esprit. La légende chinoise déroule une galerie de portraits des souverains fondateurs, qui ressemblent plus à des ingénieurs qu'à des héros. Il faudra attendre l'arrivée des premiers prédicateurs bouddhistes dans l'Empire du Milieu, vers le Ier siècle (de notre ère), pour voir les Chinois considérer la question des origines et élaborer leur propre genèse.

2501 – [p. 15]

Ilya Prigogine - Oui, il y a liberté de la matière. Nous passons d'un univers harmonieux mais répétitif à un univers turbulent, fluctuant. Einstein écrit : « Si on demandait à la Lune pourquoi elle se meut, elle dirait qu'elle se meut parce qu'elle aime bien prendre l'air. Et ça doit nous faire rire. Mais nous devrions aussi rire quand l'homme croit qu'il fait des choses de sa propre initiative. » D'après Einstein, nous serions des automates qui s’ignorent.

2504 – [p. 48]

Entre commémorations, archives et patrimoine se pose ... la gestion difficile de l’histoire contemporaine, d'autant que nous vivons sous la dictature de la commémoration perpétuelle.
Cette tension habite d'ailleurs la commémoration elle-même. Savez-vous, par exemple, comment s'est passée celle d'Hugues Capet en 1987 ? C'était un contre-feu que Jacques Chirac voulait faire à la préparation du bicentenaire de la Révolution. Il avait sollicité d'une commission d’historiens la liste des commémorations annuelles en évoquant celle-ci. Et ces historiens avaient répondu : « Tout ce que vous voulez, mais pas Capet, on ne sait rien. »

2505 - [p. 92] Pierre Nora