Ce récit paru en 2013 aux éditions du Seuil, et consacré à la vie et au meurtre du grand-oncle de l'auteur, Paul Gény, un philosophe jésuite français assassiné par un soldat dans les rues de Rome le 12 octobre 1925, est ma première incursion dans l'univers de
Philippe Artières, historien de l'écrit, des écritures de criminels, de fous ou des écritures ordinaires et spécialiste de
Michel Foucault.
«N'est-ce pas au fond le rôle des écrivains que de bâtir les tombeaux des morts ? Qu'est-ce qu'écrire, disait
Michel de Certeau, si ce n'est une pratique funéraire.»
Philippe Artières se lançât dans cette aventure après avoir retrouvé dans la maison familiale des papiers, quelques lettres et articles de presse relatifs à ce drame. Arrivé à Rome et pensionnaire de la Villa Médicis, il se replonge dans l'histoire de cet événement sur les lieux où il se produisit, et commence par prendre l'habit de son grand-oncle avec l'acquisition d'une soutane, qu'il revêt pour se promener en ville.
Après cette entrée en matière singulière et joueuse d'un homme visiblement habitué à déceler les détails significatifs avec finesse, le récit tend à s'enliser sur les traces de la vie de Paul Gény, avant d'être relancé lorsque la quête de
Philippe Artières le mène sur les traces et les archives d'un autre personnage oublié, Bambino Marchi, l'assassin de Paul Gény, déclaré irresponsable et interné en asile psychiatrique après le drame.
L'arrière-plan du récit est captivant, la montée du fascisme en cette année 1925 marquée par l'arrivée au pouvoir de Mussolini, et surtout les références aux travaux et à la lutte de
Franco Basaglia pour la suppression des hôpitaux psychiatriques en Italie, mais c'est surtout la conclusion du livre, intime et poignante, lorsque cette enquête rejoint le coeur de la vie et des préoccupations de
Philippe Artières, qui peut justifier à elle seule cette lecture.