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EAN : 9782072670022
240 pages
Gallimard (26/05/2016)
3.24/5   17 notes
Résumé :
Vingt-quatre heures dans une zone de guerre quelque part sur la planète. Installé depuis quelques jours à la lisière d'un campement proche d'une clinique improvisée par un médecin ne disposant d'aucun matériel, Dinesh est approché par un homme qui lui propose sa fille en mariage. L'homme vieillissant cherche à assurer l'avenir et la protection de son dernier enfant, car une femme mariée a plus de chances de s'en sortir en cas de rafle des forces gouvernementales ou ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (8) Voir plus Ajouter une critique
Il faut assurément beaucoup de talent pour accompagner pendant 5 pages la defecation d'un jeune homme dans un camp de réfugiés pendant que tombent les bombes. Ou pour assister, durant une trentaine de pages, à sa toilette nocturne au bord d'un puits alors que sa nouvelle épouse dort dans une petite clairière.

Anuk Arudpragasam, un jeune auteur de 25 ans originaire du Sri Lanka, s'acquitte à merveille de cette tâche. Dans un premier roman d'une rare intensité, il raconte 24h de la vie de Dinesh, un jeune réfugié repoussé de camp en camp par la guerre.
Après avoir perdu sa mère, il aide à transporter les mourants à la clinique de fortune et les morts à la fosse commune. Dans un état d'hebetude, il côtoie des enfants amputés, des membres dispersés et des corps déchiquetés.
" Une fois, après un bombardement, Dinesh avait vu un homme au bras amputé errer comme à la recherche de son membre manquant : il ramassait les différents avant-bras qu'il trouvait par terre et essayait chacun d'eux comme s'il s'achetait de nouveaux vêtements, faisant une moue insatisfaite chaque fois que la taille ou la couleur de peau ne correspondait pas."

L'auteur n'épargne pas au lecteur les horreurs de la guerre, mais ce qu'il s'attache à suivre, ce sont toutes les vérités du corps dans ce qu'il a de plus prosaïque mais aussi de plus noble. Ainsi verra-t-on Dinesh reprendre possession de son corps en mangeant, en urinant, en le lavant, en respirant ou en éprouvant du désir. En se reconnectant à chacun de ses organes, il exprime la dévotion pour un corps en péril et tous les efforts à accomplir pour conserver son humanité.
Dans ces moments d'intimité avec son propre corps, il exprime davantage la violence politique et nous fait ressentir l'horreur viscérale de la guerre.

Le mariage arrangé de Dinesh et Ganga devrait manquer de romantisme, surtout qu'il est entaché d'un fatalisme bien peu attirant " Les choses arrivent, voilà tout, il nous faut les accepter. le bonheur et la tristesse sont réservés aux gens qui peuvent contrôler ce qui leur arrive."
Malgré cela, la rencontre des deux jeunes gens transmet tous les possibles et rend magique cette nuit partagée. Car il y a bien plus dans cette mécanique du désir, qu'une simple pulsion biologique.
Toute la poésie de cette nuit est contenue dans de petits moments d'une exquise tendresse : une main effleurée, une respiration plus rapide, la chaleur d'une hanche. Les larmes de Dinesh remontent à la mémoire du corps, lorsque se dénoue la douleur au contact d'une autre peau.

Dans ce roman aussi brillant que simple, Anuk Arudpragasam a écrit un livre fondamental sur l'amour, la guerre, la vie et la mort. Il a choisi de le faire par le prisme du corps et touche ainsi à une part d'humanité souvent négligée. Avec une écriture si dense et si méticuleuse, avec une telle intelligence et une telle empathie que l'on ressort bouleversé d'une telle lecture.
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Il n'est point besoin d'écrire Guerre et paix ou Tandis que j'agonise (par exemple) pour toucher du doigt, le plus profondément qui soit, la précarité et en même temps la complexité de la condition humaine. le jeune auteur sri lankais Anuk Arudpragasam réussit ce prodige dans une histoire simple, sur vingt-quatre heures , dont la densité et l'épaisseur laissent pantois. le récit ne quitte pas d'une semelle Dinesh, 20 ans, qui depuis des mois n'en finit pas de fuir la guerre, passant d'un camp de réfugiés à un autre, côtoyant l'horreur au quotidien, et perdant peu à peu son humanité et tout sentiment. Il suffit de la proposition d'un vieil homme de contracter un mariage avec sa fille, afin de protéger celle-ci, pour que, l'espace d'un temps réduit, Dinesh oublie l'animalité qui prenait possession de lui. Un bref mariage n'est pas un livre qui se dévore avec avidité, il se déguste par petites lampées dans une narration hypnotique et hantée comme un film de Weerasethakul. le meilleur exemple est le chapitre où le héros du roman se lave nuitamment près d'un puits. Sur trente pages, il n'y a rien d'autre que la description de ce bain qui symbolise le retour à la vie et au désir d'un homme accablé par le malheur et l'inéluctabilité de son sort. Peu après, à l'opposé de la tendresse qui se dégageait de ce passage, un nouveau chapitre relate un bombardement d'une violence infinie qui dit toute la sauvagerie d'une guerre aveugle. Tout l'art de Arudpragasam est contenu dans ce mélange de sensations narrées de façon subtile et lumineuse, lente aussi, il faut le dire, raison pour laquelle il convient de faire montre de patience pour déguster le livre à sa juste valeur. Et pourtant, le style de l'auteur n'est pas exempt de répétitions avec un usage systématique d'adverbes. le terme "Evidemment" revient à peu près toutes les cinq pages et cela ne peut être une simple coïncidence. Il est comme intrinsèque à la voix intérieure de Dinesh qui, sans arrêt, remet en question tous ses actes, même les plus banals, à l'aune d'une existence dont le passé a cédé à l'oubli et où l'avenir semble inexistant. le lecteur se trouve immergé dans les pensées du jeune garçon et n'a d'autre choix que de le suivre dans ces heures tragiques puis douces, pour seulement un instant, où le seul acte de survie demande une énergie incommensurable. Inutile de dire que le nom (difficile) de Arudpragasam est à retenir pour tous les amateurs de littérature.
Lien : http://cin-phile-m-----tait-..
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Un livre magnifique ! C'est le premier ouvrage d'un jeune auteur de 25 ans, Sri-lankais vivant aux Etats-Unis où il suit des études de philosophie.
Un tout jeune homme de vingt ans hère depuis quelques mois de camps de réfugiés en camps de réfugiés après avoir été jeté sur les routes avec sa famille, par un conflit armé qui perdure depuis de longues années. Au cours du voyage chaotique de milliers de gens qui sont la cible de bombardements de la part du gouvernement en place, il voit mourir sa mère à côté de lui atteinte par un éclat d'obus. Une scène extraordinaire où le garçon se voit fuir avec la foule sans avoir dit adieu et prit soin une dernière fois de sa mère qui gît au sol. Ce livre est poignant d'humanité, délicat et rude à la fois.
Au milieu de cette horreur absolue, dans le camp où il aide le seul médecin encore présent qui tente de sauver les grands blessés et où il enterre les innombrables cadavres mutilés dans un état de stupéfaction, comme en apnée, naît un amour éternel qui durera une journée. Cette fleur délicate le ramènera à son corps, aux émotions, à la vie. le retour à l'humanité du héros Dinesh, est narré sur 30 pages à travers une douche décrite par le menu. Au cours de laquelle la crasse qui s'écoule de son corps représente les séquelles des traumatismes vécus par le jeune homme dont il n'avait pas pris la mesure.
C'est cette aventure merveilleuse et tellement touchante, cette journée très particulière que l'auteur nous décrit de l'intérieur du cerveau et du coeur du narrateur. C'est aussi en arrière-plan, toute l'horreur des conflits lointains dont on entend vaguement parler et les conséquences dramatiques sur une humanité qui nous est pourtant si proche. Un livre dense, fort et beau.
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Le corbeau est vivant sous les frondes

Anuk Arudpragasam choisit de parler d'une journée de guerre à travers d'amples et lentes descriptions de gestes et d'actions habituellement communes. Les mots sont directs, certaines situations crues, d'autres plus quotidiennes.

Une amputation, « le bruit humide du couteau à travers la chair céda place au frottement des dents contre la bâche, et enfin la découpe s'arrêta ». le frémissement de la terre, une déflagration d'air chaud sur la peau. Trouver l'endroit, un peu en retrait, un peu au calme, pour chier, vider ses intestins, la plage, la mer…

Dinesh, Ganga, « la réalité de la défaite nous apparaît toujours comme une nouveauté presque incroyable », Mr Somasundaram, le temps de la mort bientôt à venir, une proposition de mariage, « Quand à savoir ce que cela impliquait au juste et s'il en était capable… », la conversation possible, parler pour le plaisir de parler, ce qui est oublié, « Les fils diaphanes qui dans la vie ordinaire avaient été si simple à tisser s'étaient dissous, il n'y avait plus rien à dévider, si bien que tout un chacun devait rester assis seul en silence, perdu en lui-même, incapable, de quelque manière que ce soit, de faire du lien »…

Dinesh raconte, un homme parle du passé, du présent du possible, dans la limite de ce qu'il projette sur l'autre, inconnue.

Des mouvements ailleurs si simples. Une préparation d'un repas, tout le poids de chaque geste, manger, retrouver une sensation un peu oubliée, « C'est étrange après si longtemps de sentir ses doigts dans le riz, dont les grains humides et mous entre ses phalanges remontaient jusqu'à sa paume »…

Les évacué-e-s, les camions, les tracteurs, les chars à boeufs remplis à ras bord, les objets du quotidien entassés, « les menus objets dénichés ici et là », une poignée de porte, la fuite, l'exil, les bombardements, la lassitude des déplacements…

Se coucher, entendre la respiration de l'autre, des questions sur soi, ce que peut-être la peau, la sensation du toucher…

Anuk Arudpragasam nous fait ressentir la guerre et les manques, dans toutes leurs dimensions, dans une extrordinaire scène de nettoyage, du corps et des vêtements décrassés, des cheveux et des ongles coupés, « Toute la saleté et la peau morte qui avaient recouvert son corps, tous les gravats et les débris avaient enfin été évacués, le laissant tendre et nu, comme une graine chaude et vivante »… Il nous fait toucher du doigt les conditions extrêmes s'inscrivant dans les corps.

Se rapprocher, sentir et ressentir, le corps sans mémoire/sans-savoir/sans-capacité, échanger un regard, reconnaître les choses dont on a honte, « un endroit ou chose perçu mais indécelable », saisir un pouce… Il se mit à pleurer…

Par la poésie de quelques gestes si simplement effectués ailleurs, de quelques actions dont nous oublions le confort dans lequel nous les pratiquons, la perception d'une autre face de l'horreur. le rythme et les phrasés d'un écrivain, une soirée et une nuit, la tendresse, la mémoire, une femme et un homme, des instants de vie au pays des ravages de la guerre et de la mort.
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Une plongée de 24h dans une zone de guerre quelque part sur le globe. On ne sait ni où, ni pourquoi, ni quand, mais ce n'est pas l'important. On va suivre la vie de Dinesh, un jeune homme qui a réussi à échapper aux enrôlements. Il tente comme il peut d'offrir son aide comme assistant au médecin qui soigne et ampute les blessés, sans aucun matériel ou confort.

Un homme lui propose alors d'épouser sa fille, espérant qu'une fois mariée elle soit moins en danger ou peut-être qu'il espère que le jeune homme sera plus à même de la protéger que lui qui a échoué à sauver sa femme et son fils. Ces 24h regroupent alors la rencontre des deux jeunes gens, leur mariage et leur première nuit ensemble. Au contact de la jeune fille Dinesh retrouve des réflexes plus humains, quant à Ganga quelque chose semble aussi s'éveiller en elle.

Ce roman est assez court, mais plutôt dense, pour deux raisons. Tout d'abord et j'ai l'impression que c'est le cas dans beaucoup de romans de la collection du Monde Entier de Gallimard, le texte est dense, sans beaucoup de paragraphe, des chapitres longs et pas de marque typographique pour annoncer les dialogues, ce que je n'aime pas particulièrement. D'autre part, chaque action est extrêmement détaillée et on commence par l'amputation sans anesthésie d'un enfant, je ne sais combien de pages, lorsqu'il décide d'aller déféquer jusqu'à ce que ça soit fait avec moult détails et je ne parle même pas de quand il veut se laver !

Néanmoins, ça se lit très facilement et très vite, on rentrer dans leur microcosme, centré sur ce couple qui ne se connaît pas, dans cette nuit qui ressemble finalement à toutes les nuits de guerre. Malgré le peu d'approfondissement sur le contexte géographique, politique ou même sur les personnages, on finit par s'attacher aux personnages, redoutant malgré tout une fin qu'on suppose brutale dès les premières pages.

Une bonne découverte (d'un auteur Sri Lankais, en plus !), mais qui s'adresse aux lecteurs qui n'ont pas besoin d'actions en permanence, puisqu'au final il ne se passe quasiment rien dans le roman ! Pour les autres, allez-y !
Lien : https://girlkissedbyfire.wor..
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Citations et extraits (16) Voir plus Ajouter une citation
S'endormir est en un sens ce qui se rapproche le plus du renoncement au monde extérieur quand on est encore en vie, il est donc étrange qu'afin de dormir on ait toujours besoin de se trouver dans un endroit sûr et réconfortant, qu'on ait besoin de quelque chose de fiable dans le monde extérieur auquel on puisse se raccrocher ou qu'on puisse toucher, à l'instar d'un bateau amarré auquel un plongeur est attaché quand il s'enfonce dans la mer, rassuré de savoir qu'il y a quelque chose en surface où il pourra retourner le moment venu.
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l n’arrivait même pas à se rappeler ce que ça faisait de passer du temps avec une autre personne, d’être tout simplement en compagnie de quelqu’un, et peut-être que cela vaudrait la peine de le faire s’il le pouvait. Dans le fond, mourir ne signifie-t-il pas être séparé des autres humains, de l’océan de leurs gestes, de leurs démarches, de leurs bruits et de leurs regards dans lequel on a flotté de si nombreuses années ? Cela ne signifie-t-il pas abandonner la possibilité de créer un lien avec un autre être humain, lien que jusque-là la présence des autres avait toujours permis ? À moins qu’au contraire mourir ne signifie avant tout être séparé de soi, être séparé de l’ensemble des détails personnels et intimes qui en sont venus à constituer notre vie.
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La conversation est pareille au dévidement d’une bobine de fibre invisible qu’on jette tel un flot de son, qui pénètre le corps des autres par les oreilles, passe de ces êtres humains à d’autres, et ainsi de suite. Pensées, sentiments, conjectures, anecdotes, plaisanteries et calomnies ne sont rien d’autre que des fils étroitement tissés qui lient les entrailles des gens longtemps après que la conversation s’est terminée, si bien que les sociétés ne sont rien de plus que des associations d’êtres humains ainsi regroupés par de vastes toiles complexes et imperceptibles, dont la fonction n’est pas de restreindre le mouvement mais de relier chaque individu à tous les autres.
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Toute sa vie il y avait été indifférent, mais il était désormais impossible de le rester, car après avoir tout traversé à ses côtés, traversé sa vie entière, ils s’apprêtaient désormais à partir pour de bon. Ses yeux et ses oreilles, ses phalanges et ses genoux, mais aussi les organes à l’intérieur de lui, qu’il n’avait jamais vus, jamais songé non plus à remercier, mais qui avaient travaillé pour lui sans relâche, désintéressés, sa vie durant.
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Même quand on sait qu’on va perdre, même quand on a arrêté de s’échiner depuis longtemps, la réalité de la défaite nous apparaît toujours comme une nouveauté presque incroyable quand le sifflet final retentit ou que le dernier guichet est remporté : le frémissement tiède de l’échec ne s’abat qu’une fois le match perdu, une fois que tout est terminé, parfois plusieurs heures après seulement...
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Vidéo de Anuk Arudpragasam
Anuk Arudpragasam vous présente son ouvrage "Un passage vers le Nord" aux éditions le Bruit du Monde.
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