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EAN : 9782070412747
189 pages
Gallimard (04/04/2000)
3.75/5   226 notes
Résumé :
En poursuivant des recherches sur la vie d'un écrivain, un biographe découvre par hasard des milliers de lettres de dénonciation. Ecrites sous l'Occupation, elles sont en principe inconsultables. L'une d'entre elles concerne l'un de ses propres amis, un commerçant dont la famille a été déportée. Qui a fait cela et pour obéir à quel instinct? Le nom du délateur figure dans les dossiers. Soit non, mais pas ses motivations. Le coupable est quelqu'un de proche, très pro... >Voir plus
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Durant l'occupation, toutes les lettres de dénonciation n'étaient pas anonymes, loin s'en faut, et c'est ainsi qu'un biographe plongé dans les archives découvre l'une d'elles signée par Cécile Armand Cavelli signalant que le fourreur Fechner ne respecte pas le « confinement ».

Cinquante ans plus tard, l'atelier Fechner est toujours installé face au fleuriste Cavelli et ces voisins cohabitent paisiblement.

Le biographe cherche à comprendre ce paradoxe, enquête, retrouve le policier Chiflet qui a traité le courrier de dénonciation et arrêté la famille Fechner.

La vérité apparait alors et ses conséquences seront mortelles !

Ce roman démarre lentement, trop lentement, et l'intrigue ne débute réellement qu'à la page 100, mais la seconde moitié est haletante et surprenante.

Pierre Assouline revient une fois encore sur cette période de l'occupation qu'il étudie depuis toujours, mais cet ouvrage prend une dimension singulière dans le contexte actuel de « sécurité sanitaire » et le portrait de ces fonctionnaires, droit dans leurs bottes, le doigt sur la couture du pantalon, appliquant les directives de l'état, sans aucun scrupule, sans moralité, sans réflexion et sens critique, est terrifiant.

Un livre d'une saisissante actualité donc.
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" Dans l'exercice du Mal, qu'est-ce qui relève de la pulsion de mort, de l'instinct de destruction, de la volonté de pouvoir que tout être à en lui, et qu'est ce qui découle de la formation morale et intellectuelle, du contexte politique, du milieu, de l'idéologie ? "

Voilà, cette interrogation posée par Pierre Assouline dans la cliente nous livre le roman.
Le narrateur, à travers" une enquête ", la dénonciation, la délation de Juifs commis par une femme ordinaire : une fleuriste, cliente de ceux qu'elle dénonce pendant l'occupation .
Il va chercher à comprendre le Pourquoi ?
Lancinant pourquoi, pourquoi l'homme fait le Mal, pourquoi cette femme a dénoncé ?
Il lui apparaît, au long de son enquête une succession d'événements qui vont l'amener à comprendre.
Ce qui est très intéressant dans ce roman écrit avec une plume légère, ironique parfois et pleine de dérision, c'est que le Mal est complexe. Il est engendré parfois par l'obéissance servile et sans complaisance de policiers qui pensent seulement avoir fait leur travail.
Oui, la banalité du Mal existe, comment l'accepter, la comprendre ?
C'est ce que nous permet de faire Pierre Assouline, d'y réfléchir.
Est-ce suffisant ?
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L'HISTOIRE
Le narrateur, biographe, entreprend de rédiger un livre sur la vie d'un écrivain, Désiré Simon. Lors de la lecture de ses Mémoires, il découvre que celui-ci aurait été accusé en 1941 d'avoir des origines juives : "On lui demandait de prouver non ce qu'il était mais ce qu'il n'était pas".
Souhaitant faire toute la lumière sur cette information, il obtient l'autorisation du ministère de la Culture de consulter à titre exceptionnel les archives de l'Occupation et se met alors à éplucher les rapports de police, les dossiers des renseignements généraux, les listes confidentielles, les milliers de lettres de dénonciation, et cela jusqu'à la nausée.
Sa recherche va aboutir à une autre découverte, bien plus terrible et lourde de conséquences pour le narrateur : il met la main sur une lettre dénonçant la famille de son ami François, les Fechner, cousins germains de sa femme. Seul Henri, le père de François, a survécu et a pu récupérer ses biens à la Libération.
Après avoir consulté une quantité astronomique de dossiers, le narrateur parvient à retracer l'histoire de cette famille et à identifier l'auteur de cette dénonciation. Fourreur de père en fils depuis des générations, cette famille juive originaire d'Europe de l'Est habitait à Paris, dans le XVe arrondissement. Victime de l'aryanisation de son magasin rue de la Convention, elle avait ouvert un atelier clandestin rue Lecourbe. Mais, un jour, un certain Chifflet, inspecteur au Service de contrôle des administrateurs provisoires, sonne à leur porte en donnant le nom d'une de leurs clientes.
C'est le début de la fin : l'enquête débouche sur l'arrestation et la déportation des Fechner. Et cette cliente n'était autre que Cécile Armand-Cavelli, la fleuriste qui se trouve aujourd'hui encore juste en face de leur magasin, rue de la Convention !
Si François parvient à tourner la page pour protéger son père et le soustraire de ce passé douloureux, le narrateur n'y parvient pas. Hanté et écoeuré par sa découverte, il veut savoir pourquoi cette femme a dénoncé cette famille, et tous les moyens seront bons pour obtenir une réponse...


LA DÉLATION SOUS L'OCCUPATION
Le système de délation nous est présenté ici par le biais, original, de la recherche d'un biographe dans les archives. C'est en sa compagnie que nous découvrons au fur et à mesure et de manière crescendo ces innombrables lettres de dénonciation et leur contenu. Il est impossible de savoir le nombre de lettres qui ont été écrites, mais tout le monde pouvait en être victime :
"C'était le mari trompé qui trahissait sa femme au coeur innombrable, la maîtresse délaissé son amant trop volage, l'ami floué son associé duplice, le père de la fiancée son futur gendre indésirable. Cela s'est passé entre Français. Des chrétiens ont fait ça à des Juifs. Mais des Juifs se sont également fait ça entre eux."
Au-delà de ces lettres, c'est également l'attitude de l'administration française qui est soulignée dans ce roman via le personnage de Robert Chifflet. En parlant des fonctionnaires, le narrateur explique que "Ces gens-là sont les pires parce qu'ils sont beaucoup plus répandus, plus invisibles, plus nocifs que les vrais monstres. Ils ont leur morale en devanture, le sens du devoir en bandoulière, et le service de l'État en parapluie."
Dans un cas comme dans l'autre – délation et comportement de l'administration française –, ces informations nous sont délivrées de manière subjective par un narrateur qui est totalement imprégné de cette période et visiblement insuffisamment armé psychologiquement pour faire face aux horreurs qu'il découvre :
"Les années quarante m'étaient devenues une seconde patrie. Mon pays d'adoption en quelque sorte. Mais je ne l'habitais pas, c'est lui qui m'habitait. L'Occupation m'avait pénétré. Je n'étais plus un homme, j'étais une guerre civile."
"Plus que jamais la guerre était en moi. Je respirais l'air du temps de l'Occupation. Personne ne pouvait accéder à ce désarroi, rien n'était en mesure de l'atténuer. J'assistais impuissant au lent grignotage de mon esprit par un corps étranger."
Incapable d'avoir le moindre recul et la moindre analyse historique, le narrateur absorbe tous ces documents jusqu'à la nausée, comme il le dit lui-même, et ne parvient pas à avoir une vision globale et objective de la France sous l'Occupation. Et c'est bien là l'une des difficultés du travail de l'historien, surtout quand cela concerne cette période si complexe de l'Occupation. Ainsi, n'oublions pas que beaucoup de fonctionnaires ont poursuivi leur travail de sein de l'administration française sous l'Occupation en tant que résistants, permettant ainsi de sauver de nombreuses vies humaines.
"Plus je m'enfonçais dans le maquis des archives, plus je m'apercevais que les années noires avaient été grises. Elles n'étaient qu'ambiguïté et compromis. Elles avaient la couleur du flou."
Ce roman nous donne ainsi une vision subjective et partielle de l'Occupation, mais ce point de vue se justifie puisqu'il s'agit bien d'un roman et non d'un livre d'histoire et que l'intrigue est menée par un narrateur-héros psychologiquement fragile. le mode de narration amplifiant notre propension à nous identifier à ce narrateur, on pourrait avoir tendance à adopter la vision très noire de ce dernier. Gardons-nous en et n'hésitons pas à visionner des documentaires et à lire des livres d'histoire pour se faire une opinion plus nuancée de cette période.
"Jamais un historien ne pourra donner la vraie mesure du phénomène. Seul un romancier y parviendrait. Ou un psychiatre. Nul besoin de se sentir une vocation de proctologue pour fouiller le cul du monde.
Si cela n'avait été que haineux, ce serait simple. Mais lorsque le mal s'exprimait dans toute sa banalité, lorsqu'il apparaissait profondément ordinaire, la raison déposait les armes. Car, avec l'Occupation, on n'est plus dans la politique. Pendant quatre ans, ce fut à chaque heure l'heure de vérité qui révéla la part d'humain ou d'inhumain en nous."


UN ACHARNEMENT EFFROYABLE
Le narrateur est le personnage principal de ce roman, mais il ne possède ni nom ni histoire. L'on sait juste que c'est un homme et qu'il est biographe. Un personnage suffisamment neutre pour que tout un chacun puisse s'identifier à lui.
Le lecteur est ainsi immédiatement plongé dans cette histoire terrible aux côtés du biographe, partageant ses pensées, ses émotions, ses hésitations, ses hallucinations, ses joies, ses doutes, ses souffrances… Ce point de vue unique nous conduit à ne connaître les pensées des autres personnages que par le prisme du narrateur qui entre rapidement dans une spirale infernale dont on aimerait lui dire qu'elle va le conduire à commettre une erreur, comme tentent de lui faire comprendre successivement plusieurs personnages du roman (François Frehner, Henri Frehner, monsieur Adret, les personnages du bus…), mais non, le narrateur s'est lancé dans une course folle et il ne connaîtra de répit que lorsqu'il connaîtra la vérité. le narrateur a beau expliquer qu'il cherche à comprendre et non à venger la famille de son ami, sa quête de vérité va le conduire à se perdre lui-même et à frôler la folie, perdant le sommeil, ne pensant plus qu'à cette femme, à ce qu'elle a fait. Elle ne répond pas à ses questions ? Tant pis pour elle, de justicier, il devient bourreau, la harcelant de jour comme de nuit (appels et lettres anonymes, filatures...). Et elle, de bourreau, elle devient la victime.Certainement non préparé et traumatisé par la découverte des archives de l'Occupation, le choc subi par le narrateur a été décuplé lorsqu'il a appris que la famille de son ami avait elle-même été victime de cette délation. Perdant tous ses repères, toutes ses valeurs, le narrateur n'a plus qu'un but : comprendre devient son idée fixe, son obsession.
Même si le narrateur devient très vite inquiétant de par son caractère obsessionnel et paranoïaque, le lecteur ne peut s'empêcher de le suivre, totalement aspiré par cette histoire, ne parvenant pas à lâcher ce roman et souhaitant connaître la vérité et avoir la réponse : pourquoi ? le suspense va grandissant, rythmé par une écriture légère et fluide alternant narration et dialogues, et ce n'est qu'à la fin du roman, après une quête effrénée et complètement folle, que nous reprenons notre souffle et découvrons la vérité...


UN DÉNOUEMENT EXTRÊMEMENT FORT
La vérité, la voici enfin, inattendue, puissante, émouvante, dramatique... Elle nous laisse hébétés, remplis d'effroi et d'émotions. Qu'en est-il du narrateur ? Il disparaît soudainement, nous laissant seuls avec nos sentiments contradictoires. On le retrouve dans le dernier chapitre, quelque temps plus tard, mais il reste très pudique sur cette histoire et ses répercussions. Certes, l'on comprend qu'il en a tiré des leçons, mais pas assez à mon goût compte tenu du dénouement. Mais faut-il se flageller éternellement comme fut tentée de le faire Cécile Armand-Cavelli ? Non, et le narrateur l'a bien compris. Conscient de ses erreurs passées, il ne les oublie pas mais s'en sert pour avancer et vivre au présent.


UNE LEÇON DE PRUDENCE ET DE SAGESSE
Ce roman pose beaucoup de questions au lecteur : peut-on vivre avec le poids de la culpabilité ? et, si oui, comment ? peut-on juger des personnes et des actes commis lors d'une époque que l'on n'a pas connue ? avons-nous le droit et les capacités d'apporter un jugement moral sur une époque aussi complexe ? qu'aurions-nous fait à la place des personnages ? la fin justifie-t-elle les moyens ?...
Pierre Assouline décrit brillamment comment l'ignorance et les préjugés peuvent conduire à de terribles erreurs. Il nous met en garde contre les jugements expéditifs : la vérité n'est pas toujours celle qu'on croit... Ne jugeons pas trop vite.

Un roman bouleversant, profondément humain et écrit avec force et sensibilité.
Lien : http://romans-historiques.bl..
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Ah Obsession quand tu nous tiens! le Mal, pourquoi le Mal, la délation?

Vaste question qui nous interpelle tous lecteurs de Babelio passionnés par cette période de l' Occupation.

Pierre Assouline n'échappe pas à cette interrogation. Sa qualité de romancier lui permet d'exorciser ce thème en rédigeant cet excellent livre, moitié autobiographique, moitié fiction, histoire, peut-être, de trouver le repos.

Un biographe, chargé de rédiger un ouvrage sur la vie de Désiré Simon, notamment afin d'éclaircir son rôle pendant l'Occupation, découvre, par hasard, une lettre de dénonciation concernant directement la famille d'un ami et membre de sa belle-famille. Bouleversé, hanté par la question du "Pourquoi", il va tenter de comprendre les motivations de la délatrice. Il va alors être propulsé dans une spirale infernale qui va l'entraîner au delà de la raison. Son obsession l'entraînera à bafouer tous les droits.

C'est une écriture simple mais terriblement passionnée. le lecteur déchiffre bien les ressorts qui ont amené Pierre Assouline à écrire ce roman et qui ne peuvent que susciter plusieurs questions philosophiques. Ce récit est très agréable à lire et ne tombe nullement dans le manichéisme, bien au contraire.
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Le narrateur, biographe, s'intéresse à la vie d'un romancier ayant vécu pendant la seconde guerre mondiale. Pour ses recherches, il consulte minutieusement les archives de l'Occupation, et y apprend, à sa grande surprise, que des membres juifs de sa propre belle-famille ont été dénoncés. Certains des acteurs de ce drame étant toujours en vie, il cherche à en savoir plus auprès d'eux...

Encore un excellent ouvrage qui ouvre les yeux sur une période de notre Histoire souvent abordée ou interprétée de manière manichéenne, ne montrant qu'un côté, celui du bourreau ou de la victime. La réalité est beaucoup plus complexe, les notions de Bien et de Mal sont bouleversées. Au-delà des cas de vengeance purs, d'intérêt vénal, il s'agit bien souvent de sauver sa peau, tout simplement, dans une situation de chaos dont on ignore les lendemains. Autant dire qu'il est impossible de juger ces actes plusieurs décennies plus tard.

Je laisse la place à Pierre Assouline qui l'exprime si bien en quelques phrases, ainsi que dans l'ensemble de cette histoire douloureuse : "Plus je m'enfonçais dans le maquis des archives, plus je m'apercevais que les années noires avaient été grises. Elles n'étaient qu'ambiguïté et compromis. Elles avaient la couleur du flou. L'engagement net et entier, de quelque bord qu'il fût, était l'exception et non la règle. La lecture de centaines de lettres de dénonciation m'avait ahuri. Non par la violence de la haine ordinaire mais justement par sa sérénité, du moins jusqu'au printemps 1942. On s'expliquait, on argumentait. Ils sont trop ceci, ils sont trop cela, on devrait donc les mettre ailleurs, le plus loin possible de chez nous. Ce furent des années de grand débarras. On a beaucoup jeté. Mais je fus encore plus accablé en forant davantage dans ce gisement de rancoeur. C'était le mari trompé qui trahissait sa femme au coeur innombrable, la maîtresse délaissée son amant trop volage, l'ami floué son associé duplice, le père de la fiancée son futur gendre indésirable. Cela s'est passé entre Français. Des chrétiens ont fait ça à des Juifs. Mais des Juifs se sont également fait ça entre eux. A l'instant de sauver leur peau, certains étaient capables de tout." (p. 59-60)

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Citations et extraits (56) Voir plus Ajouter une citation
Un matin, j'ai eu honte d'être biographe. Honte de mon indiscrétion. Honte de me servir du crédit acquis par mes livres pour m'introduire chez des témoins et leur soutirer des souvenirs qu'ils s'étaient bien juré de ne jamais dévoiler. Honte de trahir leurs confidences, fût-ce pour la cause d'une vérité supérieure. Honte de cette technique éprouvée, mélange de patience et de diplomatie, qui me permettait de m'immiscer dans les archives de particuliers et de m'insinuer dans les moindres replis de leur vie privée. Honte de partager des secrets de famille sans demander l'avis des intéressés. Honte de cette discipline de flic et d'indicateur. Honte de vérifier à chaque fois que l'esprit fouille-merde était la vertu cachée des meilleurs biographes. Honte de trouver quelque volupté à plonger les bras dans les poubelles pour en extirper de misérables indices. Honte de lire des ordonnances de médecins qui détaillaient d'intimes maladies, des relevés de banque qui contredisaient des postures de miséreux, des lettres d'amour qui auraient dû être détruites, des brouillons destinés à n'être jamais déchiffrés. Honte que tout cela parût être une méthode qui portât ses fruits. Honte de toujours raconter le passé des gens pour n'avoir pas à révéler le mien. Honte de gagner ma vie avec celle des autres. Honte de moi.
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De cet ahurissant monologue j'émergeai avec une certaine idée, non de l’antisémitisme, mais de l'Administration. Un fonctionnaire, qu'il fût haut ou bas, a-t-il une conscience ? Tout me ramenait à cette question insoluble. En tout cas, s'il avait eu des états d'âme, il le cachait bien.

Ces gens-là sont les pires parce qu'ils sont beaucoup plus répandus, plus invisibles, plus nocifs que les vrais monstres. Ils ont leur morale en devanture, le sens du devoir en bandoulière, et le service de l'État en parapluie. Si ça recommence un jour, il faudra d'abord se méfier d'eux, ceux qui rédigent des rapports et signent des circulaires. En un coup de tampon, ils peuvent envoyer des gens à la mort sans jamais s'interroger sur les effets de leur acte. Dans le crime administratif, la victime est sans visage. Son caractère collectif dilue le crime en faute. Quoi de plus anodin ?
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De mon point de vue, son magasin occupait une position stratégique. Situé au carrefour, à équidistance du fourreur et de la fleuriste, il avait été le témoin de leurs heures et de leurs jours. Un frisson me parcourut quand je pris conscience que mon miroitier était le seul reflet de l’intime tragédie qui liait secrètement les Fechner et les Armand-Cavelli depuis deux générations. Sauf que ce reflet-là avait une propriété qui le rendait unique. Il absorbait autant qu'il renvoyait les images. Toute l'histoire de ce morceau de rue avait défilé devant ses glaces.

Monsieur Adret leur ressemblait. Il savait se taire, et taire ce qu'il savait. Parfois, il réfléchissait. Le plus souvent, c'était un homme sans tain.
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Manifestement, monsieur Adret se tenait au courant en continu. Il écoutait les informations en boucle toute la journée. Nombre de nos concitoyens sont d'ailleurs, comme lui, renseignés à flux tendu sur l’état du monde. Jusqu'à présent, je n'avais mesuré les effets de cet étrange phénomène que sur des cortex de chauffeur de taxi. Or, j'allais vérifier que les dégâts étaient aussi considérables sur tous les cobayes, qu'ils fussent mobiles ou statiques. Son état pouvait inspirer quelque inquiétude à qui ignorait l'origine du désastre.

En fin d'après-midi, il aurait mérité la métaphore météorologique par laquelle le Général résumait Malraux. Brumeux, avec quelques éclaircies.
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Tout ce que mes recherches sur l'Occupation avaient fait jaillir en moi de doutes, d'hésitations, d'incertitudes. Tout un monde flou que j'avais mis vingt ans à ne pas cerner. Tout était condensé en quelques phrases. A la réflexion, elles pouvaient aussi bien se résumer à une seule question : dans l'exercice du Mal, qu'est ce qui relève de la pulsion de mort, de l'instinct de destruction, du désir de domination, de la volonté de pouvoir que tout être à en lui, et qu'est ce qui découle de la formation morale et intellectuelle, du contexte politique, du milieu, de l'idéologie? Je ne sortais pas de ce dilemme. Pourtant, son manichéisme me sautait aux yeux. Ca me paraissait primaire mais ça me dépassait. Tout s'y réduisait, même quand les cartes se brouillaient, lorsque par exemple je prenais conscience que chez certains français, l'antisémitisme était une pathologie.
Jamais je n'aurais imaginé qu'un douloureux débat intérieur sur l'inné et l'acquis aurait précédé l'interview d'une fleuriste.
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