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Critique de Melisende


Malgré la mention de ses études avec David Cecil (biographe reconnu de Jane Austen), Elizabeth Aston n'est pas vraiment appréciée par les Janéites. Les quelques extraits lus de ses Filles de Mr Darcy me faisaient un peu pencher dans ce sens mais, curieuse, j'avais quand même très envie de me faire ma propre opinion sur le sujet. Je pense que j'ai bien fait de commencer la découverte de l'auteure par ce tome là de la série des Darcy (le cinquième, mais ils peuvent tous se lire indépendamment) car la romancière ne s'attaque qu'à peu de personnages originels d'Orgueil et préjugés, et des secondaires, qui plus est. L'outrage est donc moindre. Et si l'on occulte la référence au chef d'oeuvre de Jane Austen (il faut arrêter de mettre "Darcy" partout, je sais que c'est le bon filon pour vendre mais à un moment, il faut arrêter de prendre les lecteurs pour des idiots, ça en devient ridicule !), cette romance historique est divertissante et pas si mauvaise.

L'héroïne suivie ici est la fille cadette des Collins, Eliza. A l'image de sa marraine - Elizabeth (Bennet) Darcy -, la jeune femme de 20 ans n'est pas belle à proprement parler mais possède un charme certain et une excellente répartie. Et comme l'héroïne d'Orgueil et préjugés avant elle, elle est repoussée de façon fort peu élégante au bal, traitée de provinciale par Mr Bruton, le Mr Darcy d'Elizabeth Aston, vous l'aurez deviné. L'auteure reprend donc régulièrement les personnalités et les ficèles mises en place par Jane Austen. C'est plutôt grossier et semble lasser pas mal de lecteurs (car toute la série d'Elizabeth Aston est sur le même modèle) mais comme c'est ma première plongée dans les Darcy, je préfère plutôt considérer ça comme un clin d'oeil qui ne fonctionne pas trop mal. Eliza est une assez pâle copie de sa marraine (tout comme Bruton l'est de Darcy) mais elle reste agréable à suivre et assez attachante. Elle ne se laisse pas marcher sur les pieds et imposer sa conduite par son entourage mais sait faire preuve de retenue. Ce n'est pas une rebelle vulgaire, elle sait détourner les codes de la société avec un minimum de subtilités (son activité clandestine le prouve). Bruton est quant à lui moins attachant et charismatique que l'original mais comme lui, il finit par révéler sa nature de vrai gentleman derrière l'ours mal luné. L'historie entre ces deux-là n'est pas très surprenante (surtout si l'on connaît Orgueil et préjugés) mais se laisse lire. C'est moins passionné et passionnant qu'avec Jane Austen mais c'est tout à fait acceptable et n'a rien à envier à d'autres romances historiques bien moins intelligentes.

Encore une fois, à l'instar du modèle d'origine, Elizabeth Aston entoure son couple de héros de nombreux personnages secondaires assez hauts en couleurs. J'ai trouvé que c'était plutôt réussi dans l'ensemble. Seule Charlotte, la soeur aînée d'Eliza, m'a déçue. Si Elizabeth Aston souhaitait faire un parallèle avec la douce Jane d'Orgueil et préjugés, c'est vraiment raté à mon goût ! Charlotte est un mélange de Jane et d'Elinor (Raison et sentiments) mais les défauts de chacune sont accentués puissance dix, ce qui rend finalement le personnage particulièrement détestable. C'est la seule figure créée par Elizabeth Aston vraiment ratée à mon avis.
L'auteure reprend quelques personnages de Jane Austen mais on les voit peu. Et heureusement, j'ai envie de dire car ils ne sont pas franchement très réussis. Si Mr Collins est égal à lui-même : obséquieux, couard et pas très fin ; sa femme Charlotte (anciennement Charlotte Lucas) n'est, à mon avis, pas du tout fidèle à celle que l'on connait. Je l'ai trouvée particulièrement virulente envers la famille Bennet et les Darcy alors qu'elle était (et l'est peut-être encore) la meilleure amie d'Elizabeth. Une incompréhension s'était installée brièvement entre elles au moment de son mariage avec Mr Collins mais la tension n'avait pas duré, bien vite balayée par leur longue affection. J'imagine qu'une vingtaine d'années auprès d'un Collins doit changer les choses mais quand même...

S'il y a quelques couacs au niveau des figures, j'ai en revanche trouvé que le propos concernant la place de la femme dans cette société anglaise du premier quart du XIXe siècle était plutôt intelligent et bien traité. Evidemment, lorsque l'on connaît l'oeuvre de Jane Austen (Orgueil et préjugés bien sûr, mais ses autres écrits également), on sait déjà tout ce qu'il y a à savoir (enfin les bases) sur la condition féminine. A savoir que, dans cette société patriarcale, la jeune fille passe de la protection du père à celle du mari et que, sa seule façon de s'élever dans la vie (financièrement notamment), c'est de faire un bon mariage. Les vieilles filles étaient un poids quasiment insurmontable et les unions, particulièrement déterminantes pour une famille et suivies par l'ensemble de la bonne société, faisaient l'objet de nombreux paris. Une jeune femme n'avait donc que peu son mot à dire dans cette aventure, pensant davantage raisonnablement à l'avenir de sa famille plutôt qu'à un bonheur conjugal passionné et passionnant.
Charlotte et Eliza se trouvent de ce fait complètement à l'opposé (comme Charlotte Lucas et Elizabeth Bennet l'étaient auparavant) puisque la première n'hésite pas à refouler ses sentiments et écoute la raison tandis que la seconde ne se prive pas de refuser plusieurs demandes en mariage malvenues pour choisir l'homme qu'elle veut, malgré la pression de son entourage et de la société.
Certaines scènes sont assez évocatrices de cette pression et de cette injustice (on peut presque en arriver à ce terme), je pense notamment à une scène de demande en mariage (en référence à la demande de Mr Collins dans Orgueil et préjugés) qui insiste vraiment sur les dialogues et notamment les réparties de l'homme. Parfaitement convaincu qu'on ne pourra pas le refuser (parce qu'il apporte tout ce que peut "décemment" souhaiter Eliza), il se comporte comme un maître avec son nouveau jouet. Particulièrement répugnant et révoltant... et pourtant, très certainement très représentatif de la réalité de l'époque.

Enfin, en voyant toutes les impressions négatives sur l'oeuvre de Elizabeth Aston, j'avais quelques appréhensions au sujet de sa plume. Il s'agit évidemment d'une traduction ici mais, je suis agréablement surprise par ce que j'ai parcouru. L'ensemble est fluide et assez addictif. Certains passages sont certes un peu longuets et répétitifs, mais rien de bien grave. Je n'ai, en outre, pas eu à noter de problème d'anachronisme lexical ou de grosses bourdes scénaristiques. Il y a très certainement des choses à redire pour les puristes et les spécialistes de l'époque mais sincèrement, j'ai lu bien pire !

Ce que l'on peut globalement reprocher à Elizabeth Aston c'est sa trop grande ressemblance avec l'oeuvre d'origine. le copier/coller quasi systématique des personnages et des situations peut agacer ceux et celles qui ont lu tous les tomes de la saga (apparemment, tous reprennent les même ficèles), pour ma part, commençant tout juste mon incursion dans les Darcy avec ce cinquième opus, je préfère y voir un hommage peut-être un peu maladroit et répétitif mais pas si mauvais. Et si l'on fait abstraction de l'oeuvre d'Austen, on peut même y voir une romance historique divertissante, pas mal écrite et assez addictive !
Lien : http://bazardelalitterature...
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