"Eclipse de lune -
je regrette
ce
haïku qui m'échappe"
(Kimura Toshio)
C'est comme si je voyais la scène...
La nuit est tiède, les cerisiers sont en fleur, et les poètes sont tous pleins d'inspiration devant ce phénomène lunaire. Et, son tour venu, Toshio Kimura cale... En se rattrapant aussitôt avec ces quelques mots qui disent tout. Devant un spectacle tel que l'éclipse, parfois les mots manquent, il faut le dire. Et les connaisseurs à l'âme poétique applaudissent...
Depuis la fin de l'été, ce recueil est sur mon chevet. Je lis, je relis, je commence à reconnaître la "patte" de tel ou tel poète.
Bashô le philosophe, Buson le peintre, Issa le malicieux... tous capables de créer toutes sortes de choses avec leurs trois lignes courtes. Des tableaux colorés, des situations, des sensations, parfois des odeurs...
"Du fleuriste
le bruit des ciseaux -
je fais la grasse matinée"
(Ozaki Hôsai)
... sentez-vous aussi les pivoines et le vent chaud qui entre par la fenêtre ouverte ? Il est dix heures, peut-être dimanche; en tout cas, la rue est bien calme.
"Sous le divin nez
du divin Bouddha
pend une morve de glace"
...
Kobayashi Issa, sans hésiter ! Chaud et froid à la fois, irrévérencieux dans sa contemplation révérencieuse.
Le recueil est précédé d'une introduction assez solide quant à la forme et la philosophie des
haïkus. Un poème qui doit durer le temps d'un souffle, composé d'une partie immuable, ou éternelle (situation, saison) et d'une partie variable, créative et surprenante. La question de métrique et du nombre des syllabes est, à mon avis, moins importante pour un lecteur occidental - il est difficile de recréer la métrique originale par une traduction.
Mais quand vous êtes devant un
haïku tel que
"Dans ce jardin
un siècle
de feuilles mortes !" de
Bashô, vous ne pensez pas forcément à compter les syllabes, n'est-ce pas ?
Le tout est classé par saison - je déconseille cependant de le lire en ordre - huit poèmes à la suite commençant par "cerisiers en fleur..." peuvent facilement rompre l'émerveillement. C'est un livre à feuilleter; revoir les poèmes... vous vous souvenez encore des images qu'un
haïku précis vous a créé avant. Et peut-être aurez vous les mêmes, ou d'autres - selon votre humeur. C'est la magie de la "partie éphémère" qui n'attend que vous.
Tant de choses à dire -
cette critique
m'échappe aussi !