En dépit d'un baptême tardif, il n'en est pas moins devenu l'un des Pères fondateurs de la pensée chrétienne au point même que l'Eglise fera de lui un Saint.
Augustin, évêque d'Hippone, écrit son testament politico religieux dans un contexte dont les enjeux pour l'Eglise sont de tailles. En effet, l'Empire Romain, fraichement converti au christianisme est envahi et son déclin est en marche, dès lors l'inquiétude des chrétiens se traduit par la crainte d'être victime collatérale de cette dégénérescence.
Aussi, ce qui deviendra plus tard l'augustinisme politique voit le jour dans une pensée politique et éthique qui répond aux théories politiques des Anciens, et apporte deux nouveaux acteurs, l'homme au singulier, pris dans son individualité ainsi que son créateur, Dieu.
Dans le corpus porté à l'étude, Augustin propose une conception nouvelle de la cité, au travers d'une critique acerbe des Anciens, il dessine les fondements et la finalité de la cité idéale qui sont respectivement le citoyen chrétien et la foi en Dieu.
le principal souci d'Augustin, en ces temps de guerre, c'est la pacification des hommes. A l'instar des Anciens, il voit en la Cité le meilleur moyen d'atteindre la paix, la concorde des intérêts entre les hommes, seulement pour lui, la « vie heureuse » d'
Aristote n'est pas la finalité de la cité, pas plus d'ailleurs que la République de Rome dont il réfute les fondements.
Augustin place sous la subordination de Dieu le qualificatif même de peuple, pour qu'il y ait un peuple, il faut une justice basée sur un droit fidèle à Dieu.
Fidèle à la doctrine chrétienne de Jésus qui déclarait ainsi « mon royaume n'est pas de ce monde », il distingue la cité terrestre de la cité céleste. Mais il ne s'agit pas de la cité idéale, puisqu'il serait orgueilleux de prétendre pouvoir l'atteindre sur cette terre. Il s'agit moins d'un modèle normatif que d'une instance divine qui ne sera accessible qu'après une vie entière dans la cité terrestre et dans l'obéissance aux lois politico religieuses.
L'auteur effectue un constat de l'échec de Rome, la République est responsable de son échec car ces lois sont le fruit de conventions entre les hommes, ainsi l'ordre est réglé en fonction de considérations subjectives, parfois iniques.
Les conceptions philosophiques des Anciens, dont Rome a partiellement héritée sont aussi l'objet d'une critique virulente. Ils ont cru pouvoir trouver le bonheur et la paix dans la maitrise du corps et de l'esprit, mais pour Augustin cela est blasphématoire, et surtout vain. Il en veut pour preuve tous les maux qui frappent les hommes mais encore que certains stoïciens, accablés par trop de souffrance, préfèrent mettre un terme à leur existence, ce qui démontre que la vie terrestre ne permet pas d'atteindre le bonheur. Autrement dit, il n'y a pas de salut sur cette terre.
Après ce constat amer, Augustin livre son acception du peuple, en fonction de l'amour qu'a ce dernier. Hors l'amour d'un peuple est pour l'auteur synonyme de foi.
Pour Augustin les hommes n'ont qu'un seul moyen de trouver la concorde raisonnable sur cette terre, c'est de vivre avec la foi, c'est-à-dire de vivre en se préparant au passage dans la Cité de Dieu où la paix et la quiétude ne sont plus temporaires, fugitives ou contingentes, mais absolues et éternelles.
Par cette promesse, le prédicateur veut mettre les hommes en ordre de marche pour espérer atteindre cette cité. Parce que les hommes sont les maillons de la Cité, et qu'à travers eux Dieu qui commande au corps et à l'âme et par la même à la raison, commande à la cité.
Aussi s'emploie-t-il à donner, non sans prosélytisme, des prescriptions aux individus.
La monarchie de droit divin et la figure du prince chrétien n'apparaissent pas encore, Augustin ne semble pas se prononcer en faveur d'un régime ou d'un autre, aucunes réserves constitutionnelles ou culturelles, ne conditionne la naissance d'une telle cité, ni même la barrière de la langue, des moeurs… seul compte l'adoption, par les hommes, d'un régime politique fondé sur le respect de Dieu et de lui seul, c'est-à-dire ne plus adorer les idoles.
Mais aussi pour les hommes, d'accepter leur condition bonne ou mauvaise, car Dieu est garant de l'ordre de toute chose et distribue à chacun ce qu'il mérite. Pour ceux qui ne respecteront pas ces prescriptions, les pécheurs, ils subiront le poids des remords.
Quant à la Cité qui se détournera des préceptes chrétiens, elle pourrait bien connaitre un sort similaire à celui de l'Empire, tel que l'a vu brûler Augustin.
(#2014)