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Critique de CoquelicoteAzimutee


Malgré mon grand enthousiasme pour Jane Austen, je n'ai pas beaucoup relu ses textes. Dans ses six romans majeurs, seul Persuasion avait fait l'objet d'une relecture (VF) il y a deux ans, afin de voir si mon avis sur ce roman demeurait le même. J'ai relu en VO Lady Susan l'an dernier. Avec les austeneries, j'ai aussi relu plusieurs fois le texte inachevé de Sanditon. Il était temps que je me mette à la relecture en anglais des autres romans de l'auteure, tous adorés à la première lecture (Mansfield Park m'avait laissée plus mitigée, il sera intéressant de remettre mon nez dedans !). J'ai choisi Raison et Sentiments, ou plutôt Sense and Sensibility, parce que j'avais commencé à le relire pour une correspondance avec Miss Elody. Pendant les vacances, je l'ai vraiment relu, pour mon plus grand plaisir !

Mr Dashwood vient de mourir. Ses biens reviennent entièrement à son fils, John, issu d'une première union, laissant sa belle-mère et ses demi-soeurs dans une situation financière précaire. Elles sont obligées de quitter Norland Park. Un cousin éloigné de Mrs Dashwood, Sir John Middleton, lui propose un petit cottage dans le Devonshire. Sans dot, Elinor et Marianne ont bien peu de chances de trouver à se marier. Pourtant, l'amour va vite s'inviter dans leurs vies.

C'est vraiment l'une de mes histoires préférées, et ce pour de nombreuses raisons (oui, cet article est de ceux où j'essaie vivement de vous convaincre de lire et d'aimer ce livre !). Commençons par les personnages. Paradoxalement, on suit davantage Elinor, l'aînée puisque nous avons accès à ses pensées plus qu'à celles de Marianne, la cadette, mais l'arc narratif consacré à Marianne est plus développé que celui consacré à Elinor. Personnellement je le comprends, parce qu'il y a beaucoup plus de péripéties pour Marianne que pour Elinor ! J'y reviendrai après.

Elinor donc, l'aînée, pas encore vieille fille mais à écouter son frère et l'épouse de celui-ci elle n'en est plus très loin. Calme, réfléchie, sensée et respectueuse des convenances, elle a tout de la jeune fille parfaite du XIXème. Elle sait masquer ses émotions, se comporter en société, et passe une bonne partie de son temps à s'occuper de la maison grâce à ses compétences toutes pragmatiques, en jugulant l'enthousiasme souvent peu réaliste de sa mère et de sa soeur. le calvaire qu'elle endure une bonne partie du roman nous la rend sympathique – comment ne pas avoir pitié d'elle, qui ne mérite absolument pas ce qui lui arrive ? –, en plus de son caractère dévoué et de sa gentillesse, néanmoins je dois dire qu'elle est un peu ennuyeuse... Mis à part les moments où elle entre en joute orale avec une certaine Miss. J'étais bien contente de la voir s'indigner (intérieurement bien sûr) et se défendre face à une vraie chipie. C'est un personnage que j'apprécie et que je respecte, mais que je ne peux pas adorer.

Sa soeur Marianne, dont la personnalité est presque à l'opposé, me plaît infiniment plus malgré ses défauts. C'est encore une adolescente, elle a des rêves plein la tête, nourris par des lectures romantiques et des morceaux mélancoliques, en plus d'une sensibilité à fleur de peau, exacerbée dès le début du roman par le décès de son père. Son caractère est riche mais la conduit à faire des erreurs de conduite et de jugement. Son comportement est délicieusement décalé dans la société policée où elle doit évoluer. J'aime son côté presque provocateur et indifférent aux racontars. Elle a une grande confiance en elle et je ne peux m'empêcher de l'admirer, même si elle est un peu trop capricieuse au début du roman ! C'est aussi le personnage qui évolue le plus. N'étant pas parfaite, elle peut s'améliorer et le fait, à l'inverse d'Elinor qui ne bouge pas d'un iota. Je m'identifie énormément à Marianne, car comme elle j'ai commis des erreurs qui auraient pu me coûter cher, et comme elle j'ai réussi à m'en remettre et à finir avec la bonne personne. Suivre deux soeurs aussi différentes permet donc de trouver son compte, quel que soit notre type de personnage préféré.

Leur mère, Mrs Dashwood, est rigolote et/ou exaspérante selon les moments. Ce que j'apprécie le plus chez elle, c'est son amour infini pour ses trois filles, et sa capacité à rester jeune dans sa tête. Ce n'est pas forcément une mère idéale, car elle est trop laxiste, surtout avec Marianne, mais quelle mère est parfaite ? Je m'interroge sur les raisons qui ont poussé Jane Austen a créé la benjamine, Margaret. Elle est totalement insignifiante dans le roman. Les films lui font davantage justice. J'ai l'impression qu'elle sert surtout à rapprocher Edward et Elinor au début du roman.

Les personnages masculins sont aussi très variés et là encore Jane Austen nous laisse le choix. Edward peut être le pendant masculin d'Elinor, à la différence notable qu'il n'a pas sa force de caractère, en tout cas pas dans la façon dont il nous est présenté. Il s'améliore sur la fin, mais je dois dire que sa conception du devoir, partagée par Elinor, va trop loin à mon sens. Je m'efforce de me remettre dans le contexte de l'époque où ce roman a été écrit, où la religion était très prégnante, néanmoins je n'adhère pas à leur conception trop radicale. Je vais arrêter là sur ce sujet sinon je vais partir dans des considérations de philosophe du dimanche sur le bonheur et tutti quanti ! le Colonel Brandon est indubitablement l'un de mes héros austeniens préférés. Il est extrêmement romantique, a ses blessures cachées, il est un ami attentif et prévenant, un homme sur lequel on peut compter... Son interprétation par Alan Rickman me bouleverse systématiquement ! Quant à Willoughby, je n'envie pas sa situation mais je suis loin de le plaindre et de lui pardonner comme le fond trop volontiers les autres protagonistes ! Ouais, je ne suis pas une gentille.

Les personnages secondaires sont extraordinaires, parmi les plus vivants que j'ai lus, qu'ils soient détestables, énervants ou même attachants. Sir John Middleton et sa belle-mère Mrs Jennings sont à la fois énervants et adorables. Au final, ce sont des gens biens, de ceux qu'on apprécie de voir lors des réunions de famille. L'épouse de Sir John est en revanche d'un autre genre. Je ne me souvenais plus d'elle je dois dire, et elle est vraiment déplaisante. Elle va très bien avec Fanny, la Mrs John Dashwood (la belle-soeur d'Elinor et Marianne), même si cette dernière est bien plus mauvaise ! Son mari est un lâche doublé d'un imbécile, sans le moindre tact. le frère de Fanny Dashwood est tout aussi décérébré, et leur mère est une vraie harpie. Avec eux, il y a des baffes qui se perdent ! Mais celle qu'on exècre par-dessus tout, c'est Miss Lucy Steele. Sa soeur est une idiote qui se contente de se croire attirante et de rapporter des commérages, mais au moins elle contribue à débloquer la situation d'Elinor, alors que Lucy est une vipère, sournoise et fourbe, méchante comme une teigne et pleine de duplicité. Sa conduite envers les autres personnages est abominable. Bref, je la déteste. Elle ne paraît pas si mauvaise dans les adaptations, je trouve que la dimension qu'elle a dans le livre est beaucoup plus intéressante.

Je passe à l'histoire. Après cette relecture, je ne vois vraiment pas comment on peut dire qu'il ne se passe rien dans les romans de Jane Austen. Il y a des tonnes de péripéties ! Petites ou grandes, d'importance moindre ou capitale, elles sont en tout cas constantes et variées. On a des secrets, des révélations, des retournements de situation, et on lit avidement pour savoir comment les choses vont tourner pour nos personnages chéris. C'est généralement très détaillé, pour mon plus grand plaisir. Mon seul vrai regret est que la fin ne développe pas davantage sur Marianne. J'apprécie beaucoup le fait que Jane Austen laisse passer du temps avant de la marier (temps pas vraiment respecté dans les adaptations), mais j'aurais voulu en savoir plus sur la façon dont elle arrive à l'autel ! le récit est en tout cas très bien construit. On suit les soeurs Dashwood pendant plusieurs mois, et ce qui leur arrive est tout à fait plausible, même si j'imagine que ce genre de happy end arrivait peu souvent. de ce fait, le récit est réaliste avec juste ce qu'il faut de plus pour y croire, et pour donner une irrépressible impression d'espoir et d'optimisme au lecteur. C'est bien pour ça que je lis Jane Austen en tout cas, pour me sentir heureuse à la fin de la lecture.

Et bien sûr, toutes ces qualités sont portées par l'écriture de Jane Austen, avec des monologues irrésistiblement drôles, des dialogues vivants, des personnages croqués à la perfection, un style soutenu mais absolument pas snob... le vocabulaire n'est pas trop dur, surtout si vous connaissez déjà un peu l'époque, mais la tournure des phrases peut dérouter au début. Une fois le pli pris, c'est que du bonheur. Mes prochaines relectures seront en VO sans faute !

Je suis ravie de cette relecture, et je compte bien continuer avec Emma dans l'année. Je n'ai pas voulu quitter Marianne et Brandon tout de suite, il y a donc un autre article à venir sur le sequel de Jane Odiwe Willoughby's Return. Et mon avis sur le film d'Ang Lee devrait aussi arriver prochainement. Si ça vous intéresse, vous pouvez aussi lire mon article sur la version de la BBC de 2008 sur mon blog !
Lien : http://sans-grand-interet.co..
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