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EAN : 9782330016326
192 pages
Actes Sud (06/03/2013)
  Existe en édition audio
3.77/5   258 notes
Résumé :
Trente ans après L'Invention de la solitude, Paul Auster pose sur son existence le regard du sexagénaire qu'il est devenu. Bien loin, cependant, du journal intime ou du classique récit autobiographique, cette Chronique d'hiver aborde la méditation sur la fuite du temps sous l'angle du compagnonnage que tout individu entretient avec son propre corps.

C'est en effet de respiration, de sensation, de jouissance ou de souffrance, d'épiphanies charnelles ou... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (54) Voir plus Ajouter une critique
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Depuis mes 20 ans (cela date donc d'un bon nombre d'années), Paul Auster fait partie de mes auteurs contemporains incontournables.
Je me rappelle que, dès qu'un roman sortait en librairie, je me précipitais pour l'acheter et je m'y plongeais chaque fois avec plus ou moins de bonheur. Il suffisait souvent de quelques lignes, d'une simple phrase, de l'ambiance qu'il créait sous mes yeux pour que je ne lâche plus le roman. Il y a un je-ne-sais-quoi que j'aime dans ses histoires, une forme d'élégance dans les mots qu'il emploie, un respect pour la littérature, des impressions qu'il suggère parfois sans vraiment les dire, une atmosphère, quelque chose presque ineffable qui me séduit toujours.
Paul Auster a cette capacité de me faire oublier tout ce qui m'entoure, de me faire me sentir bien durant ces quelques jours de lecture parce que je sais que je vais le retrouver le soir avant de m'endormir, le temps d'un voyage en métro, de quelques minutes à la terrasse d'un café. Son écriture me transporte à chaque fois. On s'immerge dans une bulle. Il y a comme une douce chaleur en soi qu'on aimerait longtemps garder et ressentir. Les journées sont décidément plus belles avec un bon roman près de soi.
Cet écrivain parle pourtant de sujets graves, tristes, comme la perte, la dépression, la solitude mais il y a toujours une poésie, de la beauté dans ses mots, une forme d'espoir. Ses personnages sont profonds, avec leurs qualités et défauts, leur réalisme, leurs fragilités, mais aussi leurs aspirations, leurs rêves. Ses personnages ont toujours suffisamment de matière pour qu'on s'y intéresse, voire s'y attache.
Et pourtant, je ne sais pourquoi, ai-je lu une critique négative qui m'a fait penser que je pourrais être déçue de cette autobiographie, ai-je eu peur que ce qu'il me montre de lui fissure la magie de ces romans, toujours est-il que j'ai mis des années avant de me décider à lire « Chroniques d'hiver ». Je m'étonne encore d'avoir tant rechigné, moi, qui suis presque une groupie de ce cher Paul.
Il aura fallu qu'en déambulant dans ma médiathèque, désoeuvrée de ne trouver le roman que je voulais absolument lire, me sentant presque mal, en état de manque, je passe devant le rayon où se trouvaient les oeuvres de cet écrivain et que je prenne « Chroniques d'hiver », plutôt par dépit, histoire de patienter le temps que je trouve lecture plus enthousiasmante.
Et là, en ouvrant la première page, en commençant à lire les premières lignes, quel fut mon plaisir de réaliser que le miracle opérait encore, même pour son autobiographie ! J'aurais pu lui embrasser les mains s'il avait trainé dans le coin (bon, je ne vois pas trop ce qu'il aurait eu à traîner dans ce coin de banlieue parisienne mais sait-on jamais avec les petits miracles de la vie). Son écriture me happait à nouveau.
Paul Auster a écrit une autobiographie qui tranche avec le genre. Il ne s'est pas simplement contenté de narrer sa vie, d'étaler tous les romans qui ont fait de lui cet auteur connu, respecté et estimé par les média, apprécié par une large majorité de lecteurs.
En employant le « Tu » pour parler de lui, il crée un personnage et ça change la donne. Ça en fait toute une histoire. Déjà, peut-être, parce qu'on a l'impression alors que c'est à nous, lecteur lambda, qu'il parle, qu'on est nous-même dans le récit, qu'on participe à la naissance d'un écrivain. Ce n'est pas tout à fait une autobiographie qu'on tient dans les mains mais presque un conte qu'Auster nous offre.
On suit un enfant avec ses découvertes, ses plaisirs, l'adolescent avec ses premiers émois, son désir d'écriture, ses voyages, sa vie en France, sur Paris dans de petits appartements, presque miteux, faites de périodes difficiles, période où il n'a pas encore écrit les romans qui vont le faire connaître, vivant de traductions et de pièces de théâtre. On sourit face à certaines anecdotes, certaines situations cocasses (avec des français par exemple). Il y a aussi son amour des femmes, ses dragues, ses déconvenues, les femmes qui ont compté dans sa vie dont, bien entendu, sa dernière femme -la romancière Siri Hustvedt- avec qui il entretient une relation amoureuse intense. Et puis New-York et le quartier de Brooklyn bien sûr.
Paul, comme ça m'a fait du bien de te retrouver. (Permets-moi de te tutoyer puisque tu te tutoies). Tu m'as permis de découvrir un peu plus de toi, de comprendre un peu plus pourquoi j'étais si attachée à toi. Peut-être parce que, dans cette autobiographie, il y a cette part de l'humain que tu décris dans tes romans. Il y a aussi ta sensibilité, ton amour de l'art, de la littérature, ton humour et un brin d'autodérision qu'on sent dans tes romans et qu'on retrouve aussi dans ta vie. J'ai refermé cette autobiographie avec le sourire aux lèvres et j'ai hâte de découvrir ton nouveau roman et de m'y plonger encore corps et âme.
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Étonnant et séduisant ouvrage que cette intime Chronique d'hiver, livré du haut de ses soixante-quatre ans !

Je suis certaine de n'avoir jamais rien lu de semblable, et sa grande originalité de narration contribue bien sûr au charme indéniable de l'oeuvre, composée selon les propres mots de l'auteur comme " Un catalogue de données sensorielles ", une méditation sur sa vie à partir de l'évolution de son corps depuis qu'il est capable de s'en souvenir, soit environ sa cinquième année.

Plaisirs et douleurs physiques, sensations et émotions : pourquoi pas.
Cependant, malgré tout l'attrait de l'originalité, les premières pages m'ont décontenancée, je l'avoue. L'inventaire de ses cicatrices par exemple me semble un peu rébarbatif et longuet ; mais, car il y a bien sûr un mais ( sinon comment justifier mes quatre étoiles ), on s'habitue très vite à cette chronique, son ton très direct, et d'autant plus facilement qu'Auster, par le truchement du tutoiement, s'adressant d'abord à lui-même, interpelle franchement aussi le lecteur.
Le procédé est très ingénieux et ça marche. le lecteur est pris par la main et retrouve nécessairement au détour d'un paragraphe un élément de puzzle qui s'insère aisément dans sa propre expérience corporelle, réveille des souvenirs. Quand tel est le cas, le " tu " est redoutablement efficace : Auster relate alors aussi des bribes de ta vie à toi, lecteur !

La structure du récit n'est pas non plus anodine : 250 pages présentées d'une seule traite, sans chapitre, juste rythmées par des paragraphes de longueurs très variables, allant d'une simple ligne percutante à plusieurs pages élaborées pour incarner progressivement son corps, un tout qui a vécu physiquement et psychiquement et qui me semble être au sommet de son talent pour nous communiquer son humanité.
Un conseil si vous pouvez pour réussir cette rencontre avec Auster : immergez-vous dans le bouquin et ne le lâchez plus avant de l'avoir terminé, laissez-vous porter par sa musique personnelle.
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« Will you still need me, will you still feed me
When I'm sixty four »
( d'un autre Paul bien aimé).

S'il y a tant de romancières et de romanciers que j'admire, Paul Auster, avec très peu d'autres : Kundera, Roth, et peut-être Carver et Tolstoï, fait partie d'une autre catégorie, celle des amis, des frères que je retrouve à chaque lecture. Ce qui me touche, plus que leur capacité extraordinaire à raconter des histoires, c'est autre chose: leur humanité, leur regard lucide parfois ironique mais presque toujours bienveillant sur les hauts et les bas, sur les contradictions et les failles de toute vie.

Si je n'ai pas encore tout lu de lui, et pas encore tenté l'ascension de ce sommet que doit être 4321, chaque lecture et parfois relecture de ses livres me confirme dans cette opinion.
Et c'est le cas avec cette magnifique Chronique d'hiver qui m'avait été conseillée par mon « amie » babeliote Lambert Valérie.

Paul Auster y revient sur sa vie alors qu'il vient d'avoir 64 ans et qu'il entre, comme il dit, dans l'hiver de sa vie.
Mais, comme on est chez Auster, ce ne sera pas une autobiographie conventionnelle, mais une sorte de long monologue intérieur, faussement décousu, où ce cher Paul se parle et évoque tour à tour l'histoire de son corps, des accidents de son corps, de son terrible accident de voiture, l'histoire des appartements et maisons qu'il a occupées. Une longue partie est consacrée aussi à ses années de jeunesse à Paris, à sa rencontre récente avec Jean-Louis Trintignant. Il parlera aussi de ses premiers émois amoureux, de la relation compliquée avec sa première femme, et plus généralement avec les femmes, jusqu'à la chance qui lui est tombée du ciel avec la rencontre de celle qui est toujours sa femme, Siri Hustvedt. Et puis de sa famille, de la terrible famille de son père, de la chaleureuse famille de sa femme.

En miroir avec son premier texte, Un homme invisible, qui, dans son récit L'invention de la solitude, évoquait son père, ici, de nombreuses pages pleines de tendresse parlent de sa mère, si attentive à lui et si positive quand il était enfant, si dynamique et si gaie, mais dont le dynamisme et la vie sociale péricliteront peu à peu. Les pages consacrées à sa mort brutale sont bouleversantes.

Ici, Auster l'écrivain parle très peu de littérature, il se décrit sans artifice ni complaisance, livrant notamment son goût pour le tabac et l'alcool, c'est tout sauf narcissique, il n'y a pas non plus de nostalgie sur la fuite du temps, mais un constat réaliste du corps qui vieillit, et de toutes celles et ceux qui ne sont plus. Et puis tant d'empathie pour les gens.

Et enfin, c'est raconté par ce merveilleux conteur qu'est Paul Auster, cette écriture si fluide et imagée, un régal.

En conclusion, un très, très beau récit, très touchant.
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"Tu es entré dans l'hiver de ta vie" constate Paul Auster, écrivain à présent sexagénaire, en se tutoyant dans Chronique d'hiver, un récit autobiographique où il s'interroge, se souvient, se remet en question et établit un bilan de sa vie à travers corps.On pense bien sûr à Journal d'un corps de Daniel Pennac, mais le corps est ici moins morcelé.
Traité dans sa globalité, il sert juste de support à la pensée, à l'émotion et à la réflexion après être passé par moult sensations.C'est son corps désirant (flirts, première fois, amours...), son corps accidenté (meurtri, recousu...), son corps fatigué (par des ennuis de santé ou infections..),son corps pris de panique (lorsque l'angoisse de mort est trop forte..), son corps vidé (à la mort de proches en particulier de sa mère..), son corps agressé (étant lui-même bagarreur dans sa jeunesse..), son corps aimant (étant toujours amoureux de sa femme..), son corps circoncis (signant sa judéité..) que nous dévoile l'écrivain Paul Auster de New-York à Paris.
Chronique d'hiver expulse bien des angoisses, mais (dommage! à mon avis) ne nous apprend pas grand chose sur sa relation à l'écriture.
L'écrivain n'est qu'un homme après tout et c'est sans doute ça le but de sa méditation.
Mais un homme qui a su éviter les dérives de sa propre violence en se créant un trompe l'oeil, tel un peintre pour effacer, minimiser ou enjoliver certains détails sordides.
Et là on comprend le double langage caché dans l'écriture, le processus de créativité et ... l'extra- ordinaire.
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J'aime lire Paul Auster, quand il parle de ses blessures physiques, des coups qu'il a reçus...
J'aime lire Paul Auster, quand il parle de l'histoire de sa famille, de sa mère, de son père, de sa femme...
J'aime lire Paul Auster quand il parle de son enfance, de la vie, de la mort...
"Chronique d'hiver" est un livre que j'ai commencé et arrêté il y a quelques années. Je crois que ce n'était pas le bon moment. Il y a quelques semaines, je l'ai ressorti de ma bibliothèque et je ne le regrette pas. C'est un texte plein de sensibilité, on rit, on est touché en plein coeur. Je le recommande. Quant à moi, je découvre Paul Auster.
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critiques presse (9)
LaPresse
18 juin 2013
Son dernier livre est une forme d'autobiographie dont il dit être en fait l'histoire de son corps, en passant entre autres par la nomenclature des endroits où ce corps s'est posé. Les adresses fixes où l'auteur a vécu sont décrites avec précision, et chaque adresse devient un petit chapitre de sa vie.
Lire la critique sur le site : LaPresse
Lhumanite
22 avril 2013
Le romancier de New York dresse l’inventaire concret de ses cicatrices, « des souvenirs et des perceptions 
qu’il continue à porter dans son corps », à la lumière de la disparition de son père.
Lire la critique sur le site : Lhumanite
LaPresse
11 avril 2013
Avec son talent pour la description, qui donne à son écriture une qualité cinématographique, Paul Auster se met à nu, révélant ses faiblesses, ses failles, ses crises de panique, ses penchants pour la cigarette et l'alcool.
Lire la critique sur le site : LaPresse
LaLibreBelgique
26 mars 2013
Délaissant le roman, l’écrivain américain jette un regard bienveillant sur sa vie par le biais du corps. Souvenirs et impressions au menu de cette “Chronique d’hiver” qui en révèle peu son métier et son art.
Lire la critique sur le site : LaLibreBelgique
Telerama
13 mars 2013
Se choisissant pour objet d'étude, s'observant vivre, aimer, souffrir, jouir et s'abîmer, de l'enfance jusqu'à l'aube de la vieillesse, le processus que décrit Paul Auster est, profondément, le délitement progressif d'une illusion. [...] Un récit elliptique et fragmenté.
Lire la critique sur le site : Telerama
Liberation
11 mars 2013
Rien de plus fraternel que Chronique d’hiver, les nouvelles variations autobiographiques de Paul Auster, né en 1947. C’est le journal d’un corps tout couturé, un peu fourbu d’avoir longuement vécu, souffert, aimé, voyagé.
Lire la critique sur le site : Liberation
LeSoir
08 mars 2013
Mettant son propre personnage à distance par l’usage du tutoiement, il livre un ouvrage terriblement humain.
Lire la critique sur le site : LeSoir
LeFigaro
28 février 2013
Le livre surprend. Le style Auster a évolué. Les phrases ont pris de l'ampleur. Et puis il y a cette crudité de l'aveu, absente de ses précédents ouvrages autobiographiques [...] Ce livre est donc, avant tout, celui du corps, de l'enfance à aujourd'hui. Des sensations, des émotions perdues et retrouvées.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
LaPresse
24 janvier 2013
«Tu entres dans l'hiver de ta vie», écrit Paul Auster, bientôt 66 ans, dans son dernier livre où il explore son corps, inventorie ses cicatrices, tous les lieux où il a vécu, ses joutes sexuelles, médite sur la vie qui «passe si vite», la vieillesse et la mort
Lire la critique sur le site : LaPresse
Citations et extraits (66) Voir plus Ajouter une citation
L'inventaire de tes cicatrices, surtout celles de ton visage que tu peux voir chaque matin quand tu te regardes dans le miroir de la salle de bains pour te raser ou te peigner. Tu y penses rarement, mais chaque fois que tu le fais, tu comprends qu'il s'agit de marques de vie, que cet assortiment de lignes brisées, gravées sur ton visage, sont les lettres d'un alphabet secret qui raconte l'histoire de la personne que tu es, car chaque cicatrice est la trace d'une blessure guérie, et chaque blessure a été provoquée par une collision inattendue avec le monde -(p.13)
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You think it will never happen to you, that it cannot happen to you, that you are the only person in the world to whom none of these things will ever happen, and then, one by one, they all begin to happen to you, in the same way they happen to everyone else.

Your bare feet on the cold floor as you climb out of bed and walk to the window. You are six years old. Outside, snow is falling, and the branches of the trees in the backyard are turning white.

Speak now before it is too late, and then hope to go on speaking until there is nothing more to be said. Time is running out, after all. Perhaps it is just as well to put aside your stories for now and try to examine what it has felt like to live inside this body from the first day you can remember being alive until this one. A catalogue of sensory data. What one might call a phenomenology of breathing.
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A la lumière de tes échecs passés, de tes erreurs de jugement, de ton incapacité à te comprendre et à comprendre les autres, de tes décisions impulsives et incohérentes, de tes gaffes dans les affaires de cœur, il semble curieux que tu aies abouti à un mariage qui dure depuis aussi longtemps. Tu as tenté de démêler les raisons d'un revirement de fortune à ce point inattendu, sans jamais réussir à trouver de réponse. Un soir, tu as rencontré une inconnue et tu es tombé amoureux d'elle - et elle de toi. Tu ne le méritais pas, mais rien non plus ne s'opposait à ce que tu le mérites. C'est tout simplement arrivé, et rien ne peut rendre compte de ce qui t'est arrivé, sinon la chance.
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[P. Auster décrit une dispute entre lui et sa voisine d'immeuble à Paris. Il parvient à désamorcer la dispute en utilisant un argument inattendu et hors propos, que je ne donnerai pas ici. Voici sa conclusion.]
The ploy worked just as you had hoped it would. Something about the way you said what you had said got through to her, and the battle was suddenly over. From that day forward, Madame Rubinstein ceased to be an antagonist. Whenever you saw her in the street or in the entranceway of the building, she would smile and address you with the formal propriety such encounters called for: "Bonjour Monsieur", to which you would respond, politely smiling back at her, "Bonjour Madame". Such was life in France. People pushed by force of habit, pushed for the pure pleasure of pushing, and they would go on pushing until you showed them you were willing to push back, at which point you would earn their respect.
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Tu ne connais rien à la danse, mais chaque fois que tu as vu un spectacle de danse bien fait, tu y as toujours réagi avec une envolée de bonheur intérieur(...)
Tu ne connaissais pas encore le travail de Nina W. Debout(...) La première chose qui t'as frappé, c'était qu'il n'y avait pas d'accompagnement musical.
Tu n'avais jamais envisagé une telle éventualité- celle de danser en musique mais en silence-, car la musique t'avait toujours paru essentielle à la danse, inséparable d'elle, non seulement parce qu'elle donne le rythme et la vitesse d'exécution, mais parce qu'elle fournit un ton émotionnel au spectateur en conférant une cohérence narrative à ce qui, sinon, serait entièrement abstrait, or, ici, c'était le corps des danseurs qui avaient la responsabilité d'établir le rythme et le ton de la pièce,et à partir de ce moment où tu as commencé à t'y faire, tu as trouvé l'absence de musique tout à fait stimulant car les danseurs entendaient la musique dans leur tête-ils entendaient ainsi l'inaudible-, (...) et il ne t'as pas fallu longtemps avant d'entendre à ton tour ces rythmes dans ta tête.(...) le seul fait de voir leur corps en mouvement semblait te transporter jusqu'en un lieu inexploré à l'intérieur de toi, et petit à petit tu as senti quelque chose se soulever en toi, tu as senti la joie monter dans tout ton corps jusqu'à la tête, une joie physique devenant aussi celle de l'esprit, une joie ascendante qui se propageait, qui se répandait dans toutes les parties de ton être.(...)
les danseurs puis la chorégraphe, des corps en mouvement puis des mots, la beauté puis du bruit dénué de sens, la joie puis l'ennui, et un moment est venu où quelque chose a commencé à s'ouvrir en toi, tu t'es trouvé en train de tomber dans la fissure ouverte entre le monde et le mot, dans le gouffre qui sépare la vie humaine de la capacité à comprendre ou à exprimer la vérité de la vie humaine, et pour des raisons que tu ne parviens toujours pas à démêler, cette chute soudaine dans un air vide, sans limites, t'a rempli d'une sensation de liberté et de bonheur...

Tu t'es mis à écrire, tu as travaillé un texte indéfinissable, ni poème ni récit en prose dans lequel tu tentais de décrire ce que tu avais vu et senti en regardant ces danseurs danser (...) c'était la première oeuvre de ta deuxième incarnation en tant qu'écrivain, le pont vers tout ce que tu as écrit pendant les années qui ont suivi(...) Espaces blancs
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Notre mot sur, écrit par Paul Auster, traduit par Anne-Laure Tissut et publié aux éditions Actes Sud : https://www.librairie-ledivan.com/livre/9782330188757
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