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EAN : 9782742737918
444 pages
Actes Sud (31/01/2002)
3.84/5   2263 notes
Résumé :
De toutes les qualités qui ont justifié le succès de la Trilogie new-yorkaise, l'art de la narration est sans doute la plus déterminante. C'est qu'il suffit de s'embarquer dans la première phrase d'un de ces trois romans pour être emporté par les péripéties de l'action et étourdi jusqu'au vertige par les tribulations des personnages. Très vite pourtant le thriller prend une allure de quête métaphysique, et la ville illimitée, insaisissable - New York - devient un gi... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (119) Voir plus Ajouter une critique
3,84

sur 2263 notes
Certes, l'auteur a des talents de conteur, mais Trilogie new-yorkaise est un livre difficile, les déclencheurs sont parfois contraires à la logique et au bon sens. Ils ont cependant un point commun : les protagonistes voient leur identité s'effondrer au fil de leurs aventures.
– Cité de verre – Un soupçon de fantastique
Le téléphone sonne chez Daniel Quinn, son interlocuteur cherche à joindre le détective Paul Auster. Bien évidemment une erreur. Daniel Quinn est écrivain et publie des romans policiers sous un pseudonyme.
– Revenants – La plus étrange
Bleu est détective, Blanc le charge de surveiller Noir pour une période illimitée. Bleu emménage dans un petit appartement qui lui permet d'observer Noir. Auparavant, il a averti sa fiancée qu'il entrait en clandestinité et qu'elle n'aurait plus de ses nouvelles avant un moment.
– La chambre dérobée – La plus accessible
Fanshawe, ami d'enfance du narrateur, a disparu depuis six mois. Sa femme, Sophie, a mis au monde leur fils, Ben, quelques semaines après le départ mystérieux de son mari. Elle se résigne à sa mort et contacte le narrateur pour lui confier les manuscrits de Fanshawe. Elle lui demande de les évaluer et de décider de les publier ou non. Il hésite, mais il est déjà tombé amoureux de Sophie. Les livres sont publiés, le succès est inattendu.
Une lecture qui demande de l'attention.

Lien : https://dequoilire.com/trilo..
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J'ai découvert Paul Auster avec 4 3 2 1 qui m'avait beaucoup intéressée par les thèmes abordés mais surtout par les questions soulevées par l'auteure sur l'identité et sur les différents chemins que peut prendre la vie, « et si » j'avais….. ma vie aurait-elle été autre ?

J'avais donc très envie de mieux connaître l'auteur, son univers et son écriture. J'ai fouillé mes étagères car je savais que j'avais déjà par le passé été attirée par lui, avoir acheté un roman jamais lu par manque de temps à l'époque. Trilogie new-yorkaise….. Trois histoires formant un tout ….. New-York me voilà.

Résumé de Cité de Verre

Le personnage principal, Quinn, écrivain de série policière au passé douloureux, accepte d'être pris par erreur pour un détective du nom de Paul Auster. Sa cliente lui demande d'enquêter sur Peter Stillman, un universitaire religieux extrémiste qui vient de sortir de prison et qui a l'ambition d'assassiner son propre fils qu'il a torturé durant toute son enfance. L'écrivain découvrira bientôt que cet ancien professeur tente d'inventer un nouveau langage pour sauver le monde de l'incompréhension ambiante.

Ma lecture

Dès que j'ai fini cette histoire, très vite je me suis demandée comment j'allais pouvoir en parler car il y a à la fois tant de choses, tant de pistes, tant de thèmes qu'il me parait très difficile de les résumer mais je vais malgré tout tenter de le faire.

L'histoire pour moi est surtout une quête d'identité. Un homme, Daniel Quinn, qui prend un nom d'emprunt, William Wilson, pour écrire ses romans policiers dont le personnage porte le nom de Max Work reçoit un appel téléphonique adressé à Paul Auster, un prétendu détective, avec pour mission de protéger Peter Stillman de son père qui fut un temps Henry Dark….

Mais cela va bien au-delà car s'il est question d'identité, il est question également du travail de l'écrivain, de la recherche du mot juste, exact, précis et comme si cela ne suffisait pas, les mots doivent-ils changer lorsque l'objet qui porte le nom se modifie. Exemple : le parapluie est-il toujours un parapluie quand il perd le tissu sensé nous abriter de la pluie ? Ne devrait-il pas porter un autre nom ?

Et sans jamais nous perdre dans les personnages, ni dans l'enquête qui n'en est pas une finalement, le narrateur, témoin de cette aventure, nous embarque dans un road-movie dans les rues de New-York, car nous connaissons la passion de cette ville pour Paul Auster comme le base-ball dont il ne peut s'empêcher de glisser ici ou là quelques informations sur les matchs de l'équipe des Mets, à la rencontre de tous les protagonistes, même du Paul Auster écrivain, de Siri sa femme jusqu'à son fils Daniel, afin de trouver les réponses.

J'ai été déroutée au début de ma lecture par les premières pages : une entrée en matière un peu déroutante, un langage parfois trouble, halluciné puis peu à peu tout se met en place et l'on s'attache moins à l'histoire, qu'aux questionnements posés. Même Don Quichotte (initiales identiques avec Daniel Quinn) est analysé, disséqué pour argumenter.

Paul Auster pose avec ses mots des réflexions sur nos vies, notre langage, la religion (la tour de Babel), l'identité, l'écrivain. Il fournit une multitude de détails mais sans lourdeur. L'écriture est vive mais jamais bâclée et on sent que chaque mot est réfléchi, pensé, concis tellement le questionnement évoqué est clair et juste en tant que tel mais il se noie parfois avec le récit. L'humain au milieu de cette ville inhumaine qu'est New-York, la solitude de l'écrivain, son identification et son implication dans ses personnages, la folie qui peu en découler quant celles-ci sont poussées à l'extrême.

C'est une lecture inclassable dans le genre : ni thriller, ni policier, ni science-fiction, ni psychologique, mais un peu de tout cela. Cela ne peut laisser indifférent : on aime ou pas, mais on réagit, on se pose des questions, on peut voir les choses sous un autre jour car les mots peuvent cacher parfois tellement de significations.

Passionnant, instructif, interrogatif, enrichissant……

"Auster n'était rien d'autre qu'un nom, pour lui, une enveloppe vide. Etre Auster signifiait être un homme sans intérieur, sans pensées. Et si aucune pensée ne pouvait se présenter à lui, si sa propre vie intérieure lui était devenue inaccessible, il n'y avait donc plus d'endroit où il puisse battre en retraite. En tant qu'Auster, il ne pouvait évoquer aucune souvenir de peur, aucun rêve de joie, car toutes ces choses, en appartenant à Auster, étaient pour lui inconsistantes. Par conséquent il devait uniquement habiter sa propre surface, cherchant hors de lui de quoi se soutenir. (p94)"

Résumé de Revenants

Le roman débute par une filature dans les rues de New York, qui se transforme très vite en quête d'identité. Les personnages n'ont pas de nom : le narrateur les nomme Bleu, Noir et Blanc. le détective privé, Bleu, payé par Blanc, doit suivre Noir, qui ne fait rien de ses journées. La surveillance dure des années. Bleu envoie un rapport hebdomadaire à Blanc. Mais peu à peu, devant l'ennui et la déréliction, Bleu veut se confronter à Noir pour connaître les raisons cette affaire.

Ma lecture

Quelle originalité que de donner à chacun de ses personnages un nom de couleur. Bleu est un détective chargé par Blanc de surveiller Noir…… En faisant abstraction de toute autre identification qu'un nom de couleur, j'ai trouvé ce récit plus complexe que le premier dans le but à atteindre ou tout du moins de ce que j'en ai saisi. Il s'agit à nouveau d'une quête de l'identité, d'un jeu de miroir entre les différents protagonistes, l'un influant sur l'autre, l'autre adoptant la vie de l'un jusqu'à l'obsession et à la seule issue possible que de supprimer ce double mais en y ajoutant une sorte de huis clos entre Noir et Bleu. Et si tout cela n'était en définitive qu'un jeu de l'imaginaire…..d'où le titre Revenants, toutes ses ombres qui réapparaissent comme des héros ou des monstres, des peurs tapies dans l'ombre.

Mise en abyme de l'histoire dans l'histoire, personnages aux visages multiples, questionnement sur le moi, sur le sens, Paul Auster évoque même certains auteurs fondateurs de la littérature américaine comme Nathaniel Hawthorne, H.D. Thoreau, Walt Whitman comme des clés sur l'existence.

Même si Revenants ressemble à un thriller, la quête n'est pas la découverte d'un crime ni d'un coupable, mais la recherche de soi, en impliquant l'écriture, les mots, la littérature mais aussi l'humain, sa profonde solitude et sa difficulté peut-être à trouver sa place.

Une lecture plus complexe de par sa structure et les énigmes finales que seul l'auteur finalement maîtrise et que chaque lecteur imaginera…..

"C'est là aussi quelque chose qui jette le trouble en lui. Si le terme de « penser » peut être trop fort à ce stade, un mot un peu plus modeste, celui de « spéculation », par exemple, ne serait pas loin du compte. « Spéculer », venant du latin speculari, signifie « observer, « épier », et s'apparente au mot speculum qui veut dire « miroir ». Car en épiant Noir de l'autre côté de la rue, c'est comme si Bleu regardait dans un miroir, et au lieu de simplement observer qu'un d'autre, il découvre qu'il observe aussi lui-même. (p201)"

Résumé de la chambre dérobée

Fanshawe disparaît. Il laisse derrière lui sa femme Sophie, son fils Ben, et des manuscrits qu'il a confiés à un ami d'enfance, le narrateur. Celui-ci prend alors possession de la vie de Fanshawe : il publie les manuscrits, qui connaîtront le succès, il épouse Sophie et adopte Ben.

Ma lecture

La chambre dérobée est le troisième opus de cette trilogie et détient certaines clés qui permettent d'éclaircir l'ensemble. le narrateur et Fanshawe, l'écrivain évaporé, se connaissent depuis l'enfance, chacun ayant comme modèle l'autre mais sans jamais se l'avouer. le narrateur va enquêter et en profiter pour explorer les oeuvres de Fanshawe trouvant là matière à revenus mais aussi à célébrité voire à mener une existence dont il rêvait. Peu à peu, allant même jusqu'à épouser Sophie et adopter Ben, il va devenir Fanshawe. Mais celui-ci va refaire surface (mais il ne se montre pas) 6 ans plus tard et transmettre le cahier rouge à spirales dans lequel il a noté ce qu'a été sa vie pendant sa disparition et l'on peut supposer qu'il s'agit du narrateur des deux premières histoires (enfin c'est ce que j'en ai déduit).

C'est sans conteste la partie que j'ai préférée : le narrateur usurpateur officiel d'un écrivain, glissant comme à chaque fois des références littéraires : Neverland le pays d'Alice, pays imaginaire et comment ne pas penser que Paul Auster, tout en mettant en toile de fond New-York, ne créée pas un monde à lui, où écrivain, personnages de roman se confondent, se fondent afin de se raconter sans se dévoiler.

Autant Cité de verre et Revenants sont des enquêtes assez obscures sur l'identité, l'intériorité et la recherche de soi et donc de l'autre, autant La chambre dérobée se rapproche d'un roman identitaire, faisant appel à de nombreuses références littéraires mais aussi à des épisodes de la propre vie de Paul Auster (travail sur un navire, séjour à Paris). Ne peut-on pas imaginer que c'est finalement un questionnement du narrateur sur Paul Auster lui-même, l'homme et l'écrivain, sa propre intériorité, sa solitude mais aussi sa ville, ses passions (base-ball) mais aussi sur la vie, sur les choix et les rencontres.

"Je ne veux pas revenir sans cesse là-dessus. Mais les circonstances dans lesquelles les vies changent de cours sont si diverses qu'il paraît impossible de dire quoi que ce soit sur un homme avant sa mort. Non seulement la mort est la seule véritable pierre de touche du bonheur (…) mais c'est le seul critère qui permette de juger la vie elle-même. (p347)"

Au final …….

C'est un ensemble inclassable et je peux comprendre que Paul Auster soit lui-même inclassable, qu'il plaise ou irrite. C'est un témoin de son temps, de l'humain, de son pays mais surtout de l'Homme américain, new-yorkais et écrivain voire philosophe d'une époque.

C'est une littérature où l'auteur laisse au lecteur le choix de son interprétation tellement il y a de pistes, de clés, de possibilités.

Même si c'est une lecture particulière, je n'ai jamais eu envie de l'arrêter, j'ai voulu ouvrir avec l'auteur toutes les portes qui se présentaient, comprendre et parfois analyser bien au-delà des apparences et savoir jusqu'où il voulait aller.

Ce n'est pas une histoire mais des histoires, ce ne sont pas des vies mais finalement une vie, une vie de quêtes, de recherches, de questionnements et n'ayant jamais les réponses définitives c'est une vie sans fin.

La prochaine lecture de cet auteur (qui est déjà sur mes étagères) sera Moon Palace.
Lien : https://mumudanslebocage.wor..
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Absurde. C'est le premier mot qui me vient quand je pense à ces trois nouvelles. le thème est identique dans les trois, l'introspection, la quête d'identité, la vacuité d'être. Auster a un talent indéniable de conteur et il nous emporte avec une grande facilité dans ces histoires alambiquées et sans fin. Malheureusement pour moi, il m'a laissée sur le bord du chemin. J'ai insisté et lu les trois nouvelles jusqu'au bout me disant que, peut-être, la dernière me donnerait un semblant de réponse sur la démarche de l'auteur. Ce ne fut pas le cas et je pense que Paul Auster est de ces génies qui resteront pour toujours hermétiques à certaines personnes et limpides à d'autres. du coup, j'ai un peu l'impression d'être l'huître qui ne sait pas qu'elle contient une perle et j'ai baillé ferme.
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Avec la Trilogie new-yorkaise, tu es déjà gagnant puisque tu as du « 3 pour 1 » : Cité de verre, Revenants et La chambre dérobée. Si ce dernier tome est plus accessible que les deux précédents, l'ensemble fait grand sens : sous prétexte d'enquête policière qui n'en sera jamais une (et tant mieux), le grand Paul (traduit par Pierre Furlan) t'embarque dans une fulgurante twilight zone où fusent ses réflexions de haute volée sur l'identité.

L'autre, le double, celui qui loin de me ressembler me complète, cet autre sans qui je ne peux me définir, celui sur qui on se focalise des jours, des années, parfois une vie pour mieux se retrouver, au risque d'y échouer. Dans cette dualité où le langage joue un rôle majeur, où l'écriture et le travail de l'auteur comptent les points de ce combat contemplatif, Auster met en scène ses propres schizophrénies, allant jusqu'à se mettre lui-même en scène avec femme et enfant. C'est élevé, brillant, parfois professoral, donc magistral.

Dans un New-York nébuleux et éloigné des habituelles cartes postales, posé ici comme unique prétexte à des déambulations libérant la réflexion, Auster convoque ses revenants - personnages-clones (Quinn, Stillmann, Dark, Fanshawe), auteurs classiques (Cervantes, Thoreau, Montaigne, Hawthorne ou Baudelaire), hommes politiques – pour appuyer graduellement sa thèse sur ces identités qui forgent les écrits, et ces écrits plus forts que l'identité.

Chez Auster, la profondeur et la subtilité sont telles que le livre ne peut supporter une lecture classique. Les pages doivent être réfléchies, les multiples références contextualisées avec recul et chaque tome se doit d'être lu - à défaut d'être relu – en parfait écho avec les deux autres. Une chose que je ne manquerai pas de refaire rapidement.

Mention spéciale à la postface utile et détaillé de Marc Chénetier dans la belle édition Babel d'Actes Sud.
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Résumé de City of Glass

Depuis la mort de sa femme et de son jeune fils, la vie de Daniel Quinn a totalement changé. Il publie toujours des romans, comme avant, mais il s'agit maintenant de polars écrits sous le pseudonyme de William Wilson. A présent, Quinn apprécie les longues promenades solitaires à travers la ville et donne l'impression de vivre détaché de tout.

Un soir, un appel téléphonique surprend Quinn. Quelqu'un demande à parler au détective Paul Auster. Quinn répond qu'il s'agit d'une erreur et raccroche, mais il regrette immédiatement cette impulsion : après tout, les romans de William Wilson mettent en scène un détective privé et Quinn pourrait sans doute s'en tirer aussi bien que son héros.

Quand le téléphone sonne à nouveau, le lendemain soir, Quinn prétend être Paul Auster et convient d'un rendez-vous avec son mystérieux correspondant...


Résumé de Ghosts

Blue, détective privé à New York, s'est vu confier par White une mission assez facile : grâce à un appartement loué pour lui par White, il doit espionner son vis-à-vis, Black.

Au début, tout se passe pour le mieux. Blue transmet régulièrement des rapports à White qui lui fait parvenir, comme convenu, les chèques couvrant ses frais.

Mais un jour, un doute s'insinue dans l'esprit de Blue : et si Black était lui aussi payé par White pour l'espionner lui, Blue ?


Résumé de The Locked Room

Notre narrateur reçoit une lettre de Sophie Fanshawe, la femme de son ami d'enfance. Sophie lui demande de venir la voir afin de parler de Fanshawe. Notre héros s'exécute et, à l'occasion de cette visite, il apprend que Fanshawe a disparu. Mieux encore : Fanshawe avait prévu sa disparition puisqu'il a fait promettre à Sophie de contacter notre narrateur si une telle chose se produisait.

Notre héros quitte l'appartement des Fanshawe avec deux valises. Elles contiennent l'entièreté des écrits de Fanshawe que celui-ci demande à son ami de faire publier s'il juge qu'ils en valent la peine.



Epuisant. C'est le premier mot qui vient à l'esprit une fois terminée cette Trilogie new-yorkaise. Pas dans un sens péjoratif, toutefois : la fatigue vient de la concentration provoquée par chacun des récits.

Les trois textes qui composent le roman sont tous brillants. Développant une réflexion autour des écrivains et, surtout, du langage, les différentes parties du roman nous plongent dans des réflexions de plus en plus intenses. Les personnages, le monde dans lequel ils évoluent, finissent par devenir obsédants.

Commençons par le commencement en essayant de ne pas dévoiler trop d'éléments-clés de l'histoire.

Dans City of Glass, Quinn se retrouve entraîné dans une avanture inouïe. Engagé pour protéger Peter Stillman (le fils) des agissements de Peter Stillman (le père), Quinn va finalement se rendre compte que la situation le dépasse.

Pendant des années, Peter Stillman senior a séquestré son fils dans leur propre maison. L'objectif de cette manoeuvre cruelle ? Faire oublier à Peter junior le langage humain et lui permettre de retrouver le langage originel, celui que les hommes parlaient avant l'épisode de la Tour de Babel.

Peter Stillman senior sort de prison et risque de vouloir s'en prendre à son fils. C'est pourquoi Quinn est contacté par Stillman junior et son épouse, qui souhaitent qu'il surveille le vieil homme. Commence alors pour Quinn un travail long et fastidieux. Chaque jour, pendant plusieurs mois, Quinn va observer les agissements de Stillman senior. Il va même réussir à s'approcher du vieil homme et à évoquer, avec lui, ses anciens travaux de recherche.

Les travaux en question concernent le langage et permettent à Auster de se lancer dans des théories qui, au premier abord, semblent étranges. Mais, au fil des contacts entre Quinn et Stillman senior, on se rend compte que le vieil homme n'a pas tout à fait perdu l'esprit : les raisonnements qu'il tient quant au langage et à la signification de celui-ci semblent tout à fait réalistes et, sous la plume d'Auster, donnent réellement l'impression de posséder un vrai fondement académique.

Dans Ghosts, c'est Blue qui est entraîné dans une mission aussi mystérieuse qu'effrayante. L'intrigue de ce second récit est plus simple que celle du premier, mais elle fait tout de même froid dans le dos. Auster y distille une impression de malaise croissant grâce à la solitude des personnages et aux pensées paranoïaques de Blue qui se sent observé, traqué.

Blue est payé pour surveiller l'appartement situé en face du sien, celui de Black. Et Black est payé pour surveiller Blue de la même façon. Il s'ensuit un véritable chassé-croisé entre ces deux hommes et, petit à petit, Blue sombre dans un état proche de la transe.

Blue donne l'impression de s'enfoncer dans la folie, il fait penser à un rat de laboratoire qui, enfermé dans sa cage, sait très bien que l'expérience pour laquelle on l'utilise va le tuer...

Avec The Locked Room, on atteint le paroxysme du récit. le narrateur y avoue très vite (c'est pourquoi je ne gâche rien en ne le signalant pas comme spoiler) que son amitié et son admiration pour Fanshawe se sont toujours mêlées à un sentiment diffus de jalousie et même, parfois, de haine. Il s'ensuit bon nombre de réflexions toutes plus sombres les unes que les autres sur la relation de ces deux hommes et sur leur entourage.

D'une intensité presque insoutenable, The New York Trilogy met en scène des personnages qui semblent avoir comme caractéristique principale une grande solitude. Tous sont profondément isolés au milieu des couples et des familles (très rarement) évoqués par Auster, et c'est probablement pour cela qu'ils constituent des proies faciles pour les différentes personnes qui les contactent.

Je signalais plus haut que Blue ressemblait à un rat de laboratoire... C'est en fait le cas pour les trois " héros " des trois textes d'Auster : ils semblent être manipulés par des chercheurs cruels qui souhaitent analyser les réactions humaines face aux situations les plus sombres possibles.

De nombreux mystères entourent le mystère principal de chacun des trois récits. Les détectives et enquêteurs d'Auster se posent de nombreuses questions, parfois sans rapport direct avec le cas sur lequel ils travaillent. Et on n'a pas toujours de réponses à ces questions... On échafaude des théories, on se demande si on a trouvé la bonne solution... et arrivé à la dernière page, on se rend compte qu'on n'aura jamais la réponse. On ne se sent pas déçu, mais vidé intellectuellement.

New York, dans ce roman, constitue un personnage à part entière. Mais, comme les détectives d'Auster, la ville semble vide et sombre. Elle devient un endroit menaçant. New York paraît inextricablement liée à la morosité qui caractérise la vie des personnages rencontrés. On a presque l'impression que si tous ceux-là vivaient dans une charmante ville de province des Etats-Unis, rien de tout cela ne leur serait arrivé.

Il est difficile d'oublier cette Trilogie new-yorkaise. Elle s'infiltre dans votre esprit, vous obsède, vous tient en haleine et donne l'impression de s'attacher à toutes vos pensées, même les plus éloignées du sujet du roman. Une belle réussite de la part de Paul Auster.
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critiques presse (1)
LesEchos
06 février 2023
Livre après livre, le thriller fait place à la parabole, les illusions et les coïncidences se multiplient alors que les trois personnages cherchent du sens dans New York, lieu de toutes les errances et de toutes les filatures. Une lecture indispensable pour les amoureux de la Grande Pomme, « labyrinthe de pas infini ».
Lire la critique sur le site : LesEchos
Citations et extraits (127) Voir plus Ajouter une citation
Quinn s’était intéressé à la vaste littérature consacrée à ces affaires. Il y avait eu le marin écossais Alexander Selkirk (considéré par certains comme le modèle de Robinson Crusoé) qui avait vécu seul pendant quatre ans sur une île au large des côtes chiliennes et qui, selon le capitaine du vaisseau qui lui porta secours en 1708, « avait tellement oublié son langage faute de s’en servir que nous pouvions à peine le comprendre. Moins de deux décennies plus tard Peter de Hanovre, un enfant sauvage âgé d’environ quatorze ans, fut découvert, mutique et nu, dans une forêt près de la ville de Hamel, en Allemagne. Il fut amené à la cour d’Angleterre sous la protection particulière de Georges 1er. Swift aussi bien que Defoe, eut l’occasion de le voir, et cette expérience conduisit Defoe à écrire en 1726 l’opuscule intitulé Esquisse de la nature à l’état pur ; ou un corps sans âme, Peter, cependant, n’apprit jamais à parler. Au bot de plusieurs mois il fut envoyé à la campagne où il vécut jusqu’à l’âge de soixante-dix ans sans manifester le moindre intérêt pour la sexualité, l’argent où les autres choses de ce monde. Puis il y avait eu le cas de Victor, l’enfant sauvage de l’Aveyron, capturé en 1800. Grâce aux soins patients et méthodiques du Dr Itard, Victor acquit quelques rudiments de parole mais ne dépassa jamais le niveau d’un petit enfant. Plus célèbre encore que Victor, il y avait eu Gaspard Hauser qui fit son apparition un après midi de 1828 à Nuremberg, habillé d’une façon incongrue et à peine capable d’articuler un son intelligible. Il pouvait écrire son nom, mais à tous autres égards il se conduisait comme un enfant. Adopté par la ville et confié aux soins d’un maître d’école, il passait ses journées assis sur le plancher à jouer avec des petits chevaux, ne mangeant que du pain et de l’eau. Pourtant il se développa. Il devint excellent cavalier, se montra d’une propreté obsessionnelle et se passionna pour deux couleurs, le blanc et le rouge. Enfin au dire de tous, il faisait preuve d’une mémoire extraordinaire, surtout pour les noms et les visages. Il préférait cependant rester à l’intérieur, fuyant la lumière vive. Comme Peter de Hanovre, il ne manifesta jamais le moindre intérêt pour les choses du sexes ou pour l’argent. Au fur et à mesure que lui revenait le souvenir de sa vie antérieure, il se trouva en mesure de se rappeler qu’il avait passé de nombreuses années sur le plancher d’une pièce plongée dans l’obscurité nourri par un homme qui ne lui parlait jamais et ne se laissait jamais voir. Peu après ces révélations, Gaspard mourut, poignardé par un inconnu dans un jardin public.
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S’appuyant beaucoup sur Milton et l’exposé qu’il en fait dans Paradis perdu (censé représenter le point de vue puritain orthodoxe), Stillman prétendait que c’était seulement après la chute que la vie humaine telle que nous la connaissons était apparue. Car, s’il n’y avait pas de mal dans le jardin du paradis, il n’y avait pas non plus de bien. Selon les mots de Milton dans l’Aréopagitique : ‘’Par la peau d’une pomme qu’on a goûtée, le bien et le mal ont jailli dans le monde comme deux jumeaux soudés l’un à l’autre.’’

La glose de Stillman sur cette phrase était extrêmement complète. Restant toujours vigilant quant à la possibilité de jeux de mots, il a montré que le mot ‘’goûtée’’ se rapportait en fait au terme latin sapere qui signifie aussi bien ‘’goûter’’ que ‘’savoir’’ et contient donc une référence subconsciente à l’arbre de la connaissance comme origine de la pomme qui a introduit la connaissance (c’est-à-dire le bien et le mal) dans le monde.

Stillman s’attachait aussi au sens paradoxe du mot ‘’soudés’’. En anglais, Milton écrit cleave. Or, cleave signifie aussi bien ‘’attacher’’ ou ‘’souder’’ que ‘’fendre’’ ou ‘’disjoindre’’, possédant deux significations égales mais opposées. C’est là l’indice d’une relation à la langue que Stillman a mise en évidence dans toute l’œuvre de Milton. C’est ainsi que dans Paradis perdu chaque mot clé a deux significations : une antérieure à la chute et une autre, postérieure. Pour illustrer cette découverte, Stillman a étudié plusieurs de ces termes – sinistre, serpentin, délicieux – et montré comment leur utilisation avant la chute était dépourvue de connotations morales, alors qu’après, leur usage s’est assombri et chargé d’ambigüité, instruit par la connaissance du mal.

La seule tâche d’Adam, dans le jardin, avait été d’inventer le langage, de donner un nom à chaque créature et à chaque chose. Dans cet état d’innocence, sa langue allait droit au cœur du monde. Ses mots n’étaient pas seulement accolés aux choses qu’il voyait mais ils en avaient révélé l’essence, ils les avaient littéralement fait accéder à la vie. Une chose et son nom étaient interchangeables. Après la chute, ce n’était plus le cas. Les noms s’étaient détachés des choses ; les mots avaient dégénéré en une série de signes arbitraires ; le langage avait été coupé de Dieu. L’histoire du paradis terrestre ne relate donc pas seulement la chute de l’homme, mais celle du langage. (pp. 68-69)
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Prenez le mot qui désigne une chose "parapluie" par exemple. Lorsque je dis le mot "parapluie", vous voyez l'objet dans votre esprit. Vous voyez une sorte de manche, muni de rayons de métal rabattables formant une armature pour un tissu imperméable, et qui, lorsqu'il est ouvert, vous protège de la pluie. Ce dernier détail est important. Non seulement un parapluie est une chose, c'est aussi une chose qui remplit une fonction - en d'autres termes, qui exprime la volonté humaine. Si vous voulez bien y songer, tout objet est semblable au parapluie en cela qu'il remplit une fonction. Un crayon sert à écrire, un soulier est fait pour être porté, une voiture pour être conduite. Voici maintenant ma question. Que se passe-t-il lorsqu'une chose ne remplit plus sa fonction ? Est-elle toujours la même chose ou est-elle devenue autre ? Si vous arrachez le tissu du parapluie, reste-t-il parapluie ? Vous déployer les baleines, les mettez au-dessus de votre tête, vous voilà sous la pluie et vous voilà trempé. Est-il possible de continuer à appeler cet objet un parapluie ?
En général on le fait. A l'extrême on dira que le parapluie est cassé. Selon moi c'est une grave erreur, c'est la source de tous nos ennuis. Du fait qu'il ne peut plus remplir sa fonction, le parapluie n'en est plus un.
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Nous existons pour nous-mêmes, peut-être, et il y a des moments où nous parvient une lueur de celui que nous sommes, mais en fin de compte nous ne pouvons pas avoir de certitude, et au fur et à mesure que nos vies se poursuivent nous devenons de plus en plus opaques à nos propres yeux, de plus en plus conscients de notre propre incohérence. Nul ne peut franchir la frontière qui le sépare d'autrui - et cela simplement parce que nul ne peut avoir accès à lui-même.
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Finalement toute vie n'est rien de plus que la somme de faits aléatoires, une chronique d'intersections dues au hasard, de coups de chance, d'événements fortuits qui ne révèlent que leur propre manque d'intentionnalité.
-- LA CHAMBRE DÉROBÉE --
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