Cela se passe dans les années cinquante, Ellen respectable âme de Motala va accueillir chez elle trois pauvres petites filles indigentes, mais en bonne santé, et leur donner toute la tendresse et l'intérêt qu'elle n'a pu offrir à sa petite Désirée.
Cette dernière est née gravement atteinte d'une encéphalopathie néonatale, épileptique et spasmodique et a été placée dans un hospice d'invalides pour le restant de ces jours.
L'histoire retrace donc la vie de Margareta, Christina et Birgitta, leur parcours d'enfance maltraitée et douloureuse. Le havre de paix qu'elles ont trouvé auprès de leur maman adoptive pour quelques années bien qu'elles aient été marquées à vie par leur petite enfance et ne pourront malheureusement s'en défaire difficilement voire pas du tout.
On vit aussi au jour le jour la triste survie de Désirée qui bien qu'handicapée à un cerveau qui fonctionne parfaitement bien et va nous emmener dans ses délires d' "élue". Elle affirme voyager en esprit pendant son sommeil par l'intermédiaire d'un animal qu'elle aura choisi, dans le cas présent souvent un goëland voire une pie.
(Ceci fait référence à un groupe d'anti-sorciers pendant la Renaissance qui auraient sévis dans la Région du Frioul en Italie du Nord mais également dans la Cuture Balte et Slave " les Benandantis".)
Elle serait donc une Benandantis.
Elle communique avec sa bouche qui tient une pipette reliée à un ordinateur.
Tout ce qui a trait au milieu médical est assez dur et déprimant car pour ma part je n'apprécie pas du tout ce qui touche à ce milieu.
Puis au fil des pages on découvre pas à pas le vécu des protagonistes et cela ne manque pas d'intérêt mais c'est souvent dur et glauque .
Des tranches de vies comme il en existe certainement et malheureusement.
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Longtemps, j'ai tenté de croire que le chaos qui constitue mon corps était le siège du noyau constitutif de mon être. Après tout, j'ai une volonté, une intelligence, un coeur qui bat, des poumons qui respirent et, surtout, un cerveau humain dont les facultés exceptionnelles m'effraient. Peine perdue. Il m'a fallu admettre que j'étais piégée dans la toile d'araignée de conditions arbitraires que le Grand Plaisantin tend sur le monde. Certitude qui s'est renforcée au cours de ce dernier mois. Parfois, j'en arrive à voir en Kerstin Un son émissaire — c'est la petite araignée de Dieu. Un jour, elle se faufilera dans la toile pour dissoudre mon intérieur avec sa salive acide avant de me vider de ma substance.
Oui. Ce serait logique. Mais mon heure n'a pas encore sonné. Il me reste deux tâches à accomplir.
D'abord, il me faut découvrir laquelle de mes soeurs m'a volé la vie qui m'était destinée.
C'est pour ça que Gertrude était morte toute seule dans son appartement. Si Birgitta avait eu le droit d'y rester, si on ne l'avait pas traînée chez Ellen la chieuse et forcée à y rester, ça ne serait jamais arrivé. Parce que seule Birgitta savait s'occuper de Gertrude et la retourner quand elle était malade et voulait vomir, elle seule savait depuis toute petite que Gertrude devait coucher sur le ventre, qu'on ne devait surtout pas la laisser sur le dos quand elle avait deux ou trois verres dans le nez.
Au cours des siècles, la recherche de termes de substitution pour qualifier mon état a été un passe-temps favori.
Comme si un mot plus bénin le rendrait moins cruel.
Ainsi l'infirme est devenu impotent, l'impotent estropié, l'estropié invalide, l'invalide grabataire, le grabataire handicapé, et, dernière trouvaille en date, le handicapé s'est mué en une personne à mobilité réduite.
Pour le restant de sa vie, Christina saurait que le temps est une notion relative, qu'instant et éternité sont la même chose. Une image fugace fusa dans son cerveau: un caillou jeté s'enfonçait dans une eau sombre, de larges cercles se formaient sur la surface. Voilà comment était le temps. Le caillou était le maintenant, les cercles ce qui avait été et ce qui allait arriver.
Chez les vieux, les plus forts procèdent ainsi.
Ils décident de mourir.
Evidemment ils ne choisissent pas les maladies qui s'attaquent à eux.
En revanche, on dirait qu'ils peuvent décider de mourir.
Ils lâchent prise, tout simplement.
Un beau jour, ils ouvrent la main qui a tenu la ligne de vie et se laissent aller.